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Rouge et Blanc, ou le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

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Les Pléiades, ou "Qui ne dit mot consent"

24 Mars 2024 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Pierre-Olivier Combelles, #Philosophie, #Religion, #Pléiades, #Lettres, #Politique

Les Pléiades, ou "Qui ne dit mot consent"

Broche précieuse dans le ciel nocturne, les Pléiades sont une constellation visible dans l'hémisphère boréal comme dans l'hémisphère austral. Situées à l'extrémité de la ligne imaginaire qui les relie à Aldébaran (Hyades), Orion et Sirius (alignement PAMS des marins), elles sont composées d'un amas lumineux d'où se détachent sept étoiles brillantes visibles à l’œil nu. Dans l'hémisphère boréal, elles sont situées en haut de cet alignement et dans l'hémisphère austral, en bas. Elles ont joué un rôle considérable dans les cultures et civilisations des peuples de la terre, depuis les âges les plus reculés, leur réapparition annonçant le début de l'année.

Les Pléiades sont aussi le titre d'un roman d'Arthur de Gobineau, diplomate orientaliste du XIXe siècle, dont les héros sont un cercle de jeunes hommes scintillants.

Les Pléiades qui m'ont accompagné tout au long de ma vie sont pour moi l'image et le symbole des vérités communes à tous les temps, qu'il ne faut pas taire et qu'il faut répéter si on les connaît, car "qui ne dit mot consent", comme ces sentences et ces pensées collationnées au fil de mes lectures depuis de longues années et que je mets à la disposition des lecteurs.

Pierre-Olivier Combelles

Sur les Pléiades, sur ce même blog:

https://pocombelles.over-blog.com/2017/12/la-fin-de-l-annee-et-le-retour-des-pleiades.html

https://pocombelles.over-blog.com/article-matariki-le-nouvel-an-maori-104902643.html

Les Pléiades, ou "Qui ne dit mot consent"

. Il faut donc suivre ce qui est commun, universel. Or, bien que le logos soit commun à tous, la plupart vivent comme si la pensée leur était possession particulière.

 . Une seule sagesse: savoir que la pensée gouverne tout à travers tout.

. Où l'homme a son séjour ne sont pas enfermées les maximes de la sagesse, mais là où est le dieu.

 . Les parleurs intelligents doivent trouver appui sur l'universel, comme la cité sur la loi, et avec plus de force encore. Car toutes les lois humaines se nourrissent d'une seule loi, la divine: puissance à son gré souveraine, suffisante partout et toujours victorieuse.

. Le combat est le père de tout, roi de tout. Les uns, il les produit comme des dieux, les autres comme des hommes. Il rend les uns esclaves, les autres libres.

. l faut savoir que la guerre est partout, que la lutte est justice, et que tout est en devenir par la lutte, selon l'ordre normal des choses.

. On ne peut pas entrer deux fois dans le même fleuve.

. Les âmes tuées par Arès sont plus pures que celles mortes de maladie.

. L’univers tout entier s'écoule comme un fleuve.

. La sagesse, c'est dire des choses vraies, et agir selon la nature ne écoutant sa voix.

. Les hommes qui aiment la sagesse doivent, en vérité, être au courant d'une foule de choses.

Héraclite d’Éphèse.

"Héraclite, fils de Blyson ou, selon d'autres, d'Héraconte, naquit à Ephèse. La LXIXe olympiade [504-501 av. N.S.J.C.] marqua son acmê" (Diogène Laërce)

 
Magna est veritas et praevalebit
(La vérité est grande et triomphera)
 
(Dicton des Anciens Romains)
 
Il n’y a d’homme complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. Les habitudes étroites et uniformes que l’homme prend dans sa vie régulière et dans la monotonie de sa patrie sont des moules qui rapetissent tout. Pensée, philosophie, religion, caractère, tout est plus grand, tout est plus juste, tout est plus vrai chez celui qui a vu la nature et la société de plusieurs points de vue. Si mon esprit s’est agrandi, si mon coup d’œil s’est étendu, si j’ai appris à tout tolérer en comprenant tout, je le dois uniquement à ce que j’ai souvent changé de scène et de point de vue. Étudier les siècles dans l’Histoire, les hommes dans les voyages et Dieu dans la nature, c’est la grande école. Ouvrons le livre des livres ; vivons, voyons, voyageons. Le monde est un livre dont chaque pas nous tourne une page ; celui qui n’en a lu qu’une, que sait-il ?
Alphonse de Lamartine , Voyage en Orient

Dans une société en révolution, le défaut, ou, pour parler plus exactement, l'absence de pouvoir légitime, constitue tout homme qui en reconnaît l'autorité Ministre du pouvoir pour combattre l'erreur par ses écrits, et même la tyrannie par ses armes, dès qu'il peut le faire avec probabilité de succès. C'était à tous de conserver la société, c'est à chacun à la rétablir. D'ailleurs, l'homme qui combat pour la vérité est défendu par elle, et il a pour lui ce qu'il y a de plus fort au monde. les partisans des bonnes et vieilles maximes remplissent donc le plus saint des devoirs en restant en insurrection permanente, au moins de pensées et d'actions privées, contre ce que les tyrans et leurs esclaves appellent la loi, et qui n'est autre chose que des opinions absurdes, ou atroces, qu'un petit nombre d'hommes pervers a imposées à un grand nombre d'hommes faibles.
Louis-Gabriel-Ambroise, vicomte de Bonald (1754-1840), Du pouvoir et du devoir dans la société.

Peut-être même la plus grande supériorité de l'homme vertueux, c'est qu'il voit le vrai dans toutes les choses, parce qu'il en est comme la règle et la mesure.
Aristote, Éthique à Nicomaque (livre III, V, 5)
 
Les souverains ne doivent jamais oublier que, le peuple étant toujours enfant, le gouvernement doit toujours être père.
 Antoine de Rivarol
 
Quand le responsable est bon, les usages (ta nomina) sont respectés intégralement; quand il est mauvais, ils le sont imparfaitement.
Xénophon, Cyropédie.
 
Créon:  Et tu as l'audace de transgresser mes lois?

Antigone: C'est que Zeus ne les a point faites... La Justice qui siège parmi les dieux souterrains n'a pas établi de telles lois pour les mortels. Et je ne pensais pas que ton décret pût mettre la volonté d'un homme au-dessus de l'ordre des dieux, au-dessus de ces lois qui ne sont pas écrites et que rien ne peut ébranler. Car elles ne sont ni d'aujourd'hui ni d'hier. Nul ne sait leur commencement, elles régissent l'éternité...

(...)

Tirésias (à Créon) Soit. mais sache à ton tour que le soleil ne se lèvera pas deux fois sans qu'un corps issu de toi ait payé le prix des corps que tu tyrannises, toi qui enfermes dans l'intérieur de la terre un corps vivant et qui retiens hors de la terre le corps d'un mort... Tu troubles l'ordre des deux royaumes, tu empiètes sur le droit des dieux d'en bas. Ni toi ni le Ciel n'avez de pouvoir sur les morts. Ils ont leurs lois, ils ont leurs propres dieux. Hadès leur roi les défendra. En cet instant contre tes violences il déchaîne des Erinnyes. Elles dressent leurs pièges: le talion t'attend. Encore un peu et ton palais retentira de la clameur des hommes, des hurlements des femmes. Contre toi tu verras se dresser la colère des peuples, la haine des cités. Nul ne supportera que les morts n'aient d'autre sépulture que le ventre des bêtes. Nul, homme ou dieu, ne tolèrera près des autels la pestilence des charognes. Voilà ce que le prêtre vendu te prédit, voilà les flèches que l'archer Tirésias dirige contre toi. Je vise bien, et leur blessure déjà te brûle. Emmène-moi, petit garçon. L'heure est proche où cet homme n'insultera plus les vieillards et tiendra sa langue en paix.

Sophocle, Antigone.

La première loi de l'Histoire, c'est de ne pas dire ce qui est faux, et ensuite de ne pas craindre de dire ce qui est vrai.

Léon XIII


La beauté morale laisse un souvenir inoubliable à celui qui , même une fois, l'a contemplée. Elle nous touche plus que la beauté de la nature, ou celle de la science. Elle donne à celui qui la possède un pouvoir étrange, inexplicable. Elle augmente la force de l'intelligence. Elle établit la paix entre les hommes. Elles est, beaucoup plus que la science, l'art et la religion, la base de la civilisation.
Alexis Carrel, L'homme cet inconnu, p.189, Livre de Poche n° 445-6

Quiconque cherche sincèrement la vérité est, par le fait même, armé d'une terrible puissance. Dostoïevski


Quand l’individu perd tout intérêt pour le travail et les destinées de son pays, la vie devient un poids dénué de sens, la jeunesse cherche une issue à travers des flambées de violence irrationnelle, les hommes deviennent alcooliques ou drogués, les femmes cessent d’engendrer et le peuple se décime…
Telle est l’issue vers laquelle nous entraîne le " Petit Peuple ", qui travaille sans relâche à détruire tout ce qui sert à maintenir l’existence du " Grand Peuple ". C’est pourquoi la création d’une armure spirituelle protectrice est une question de survie nationale. Une telle tâche est à la mesure d’un peuple. Mais il y a une tâche bien plus modeste, et que nous ne pouvons mener à bien qu’individuellement : elle consiste à DIRE LA VÉRITÉ, proférer à haute et intelligible voix ce que d’autres ont voulu taire craintivement.

 Igor Chafarévitch, La Russophobie, traduit du russe par Alexandre Volsky, Éditions Chapitre Douze SER, 1993.


S'il ne suffit pas d'enseigner la morale pour qu'on la pratique, il est impossible qu'elle se pratique si on ne l'enseigne pas.
Etienne Gilson

"Studium philosophiae non est ad hoc quod sciatur quid homines senserint, sed qualiter se habeat veritas reorum: l'étude de la philosophie consiste à savoir non ce que les hommes ont pensé, mais ce qui est réellement [ou la vérité des choses]."
St Thomas d'Aquin, Commentaire sur le traité du Ciel et du Monde (Aristote), Livre I, leçon 22n n°8.
 
 
La noblesse est service (Bonald)
 
Ce sont des hommes de la nation, gentis homines, d'où est venu le nom de gentilshommes, parce qu'ils sont spécialement dévoués à son service; des notables, enfin, notabiles, d'où est venu, par contraction, le nom de notables, c'est-à-dire, des hommes remarquables entre les autres parce que ceux qui exercent une fonction sont nécessairement distingués de ceux au profit de qui cette fonction s'exerce.
Ainsi, le nobles ou notables sont les serviteurs de l'État, et ils ne sont pas autre chose: ils n'exercent pas un droit, ils remplissent un devoir; ils ne jouissent pas d'une prérogative, ils s'acquittent d'un service. Le mot service, employé à désigner les fonctions publiques, a passé de l'Évangile dans toutes les langues des peuples chrétiens, où l'on dit le service, faire son service, servir, pour exprimer que l'on est occupé dans la magistrature ou dans l'armée. Quand Jésus-Christ dit à ses disciples: "Que le plus grand d'entre vous ne soit que le serviteur des autres; - quel est le plus grand de celui qui sert ou de celui qui est servi ?" Il ne fait que révéler le principe de toute société, ou plutôt de toute sociabilité, et nous apprendre que tout dans le gouvernement de l'État, pouvoir et ministère, se rapporte à l'utilité des sujets, comme tout dans la famille, se rapporte au soin des enfants: que les grands ne sont réellement que les serviteurs des petits, soit qu'ils les servent en jugeant leurs différends, en réprimant leurs passions, en défendant, les armes à la main, leurs propriétés, ou qu'ils les servent encore en instruisant leur ignorance, en redressant leurs erreurs, en aidant leur faiblesse: le pouvoir le plus éminent de la société chrétienne ne prend d'autre titre que serviteur des serviteurs; et si la vanité s'offense à ces distinctions, la raison ne saurait méconnaître les services.

Louis-Auguste, vicomte de Bonald: Considérations sur la noblesse.

 
Plus il y aura de sang français ensemble, mieux cela vaudra.
Jeanne d'Arc

Tant qu’une aristocratie pure, c’est-à-dire professant jusqu’à l’exaltation les dogmes nationaux, environne le trône, il est inébranlable, quand même la faiblesse ou l’erreur viendrait à s’y asseoir ; mais si le baronnage apostasie, il n’y a plus de salut pour le trône, quand même il porterait saint Louis ou Charlemagne ; ce qui est plus vrai en France qu’ailleurs. Par sa monstrueuse alliance avec le mauvais principe, pendant le dernier siècle, la noblesse française a tout perdu ; c’est à elle qu’il appartient de tout réparer. Sa destinée est sûre, pourvu qu’elle n’en doute pas, pourvu qu’elle soit bien persuadée de l’alliance naturelle, essentielle, nécessaire, française du sacerdoce et de la noblesse.
Comte Joseph de Maistre, Du pape (1817)

Notre intention n'est pas, plus généralement, de nous en prendre aux coulisses de politique et de la technique, ni à leurs groupements. Elles passent, tandis que la menace demeure, et même revient plus vite et plus violemment. Les adversaires finissent par se ressembler, au point qu'il n'est plus difficile de deviner en eux des déguisements d'une seule et même puissance.Il ne s'agit pas d'endiguer ici et là le phénomène, mais de dompter le temps. On ne peut le faire sans souveraineté. Or, elle se trouve moins, dans nos jours, dans les décisions générales qu'en l'homme qui abjure la crainte en son coeur. Les énormes préparatifs de la contrainte ne sont destinés qu'à lui, et pourtant, ils sont voués à faire éclater son triomphe ultime. C'est ce savoir qui le rend libre. Les dictatures tombent alors en poussière. Là reposent les réserves, presque vierges, de notre temps, et non pas seulement du nôtre; c'est le thème de toute l'histoire et sa délimitation, ce qui la sépare, et des empires et des démons, et du simple événement zoologique. Les mythes et les religions en donnent un modèle qui se reproduit sans cesse, et sans cesse les Géants et les Titans dressent leur puissance accablante. L'homme libre les abat; il le peut, même s'il n'est pas toujours prince et Héraclès. Le caillou lancé par une fronde de pâtre, l'oriflamme portée par une vierge, une arbalète ont déjà suffi à cette tâche.

Ernst Jünger, Traité du rebelle, ou le recours aux forêts. Traduit de l'allemand par Henri Plard, Points Seuil/Christian Bourgois, 1981.
 
Le principe non pas simplement monarchique, mais dynastique, qui met le plus haut poste de l'État à l'abri des caprices et des ambitions, me paraissait, et me parait toujours, préférable à l'élection généralisée dans laquelle nous vivons depuis Danton et Bonaparte. L'exemple des monarchies du Nord (de l'Europe) m'a confirmé dans ce sentiment.
Georges Dumézil, Entretiens avec Didier Eribon
 
"Isumata'. Celui qui pense. C'est ainsi que, dans la tribu des Esquimaux du cuivre, on appelle l'évêque... Celui qui pense pour les autres: le chef.
Roger Buliard, OMI: Inunuak - Mgr Pierre Fallaize, premier missionnaire et évêque des Esquimaux du cuivre. O.P.E.R.A., 17, passage Pouchet, Paris XVIIe, 1972.
 
La vie est une toile d'araignée qui va des insectes jusqu'aux aigles dans le ciel. Et ce que nous faisons à un fil, nous le faisons à toute la toile. Ce sont ces liens que le monde doit apprendre à connaître et à voir afin de vivre comme il faut.
Red Crow

L'un des bienfaits [ironique: méfaits] de la Révolution est d'avoir livré la France aux hommes d'argent qui, depuis cent ans, la dévorent.
Anatole France

 Si l'on tait le passé, quand guérirons-nous la mémoire ?
 Alexandre Soljenitsyne, Deux siècles ensemble.
 
Nous appelons homme libre celui qui est à lui-même sa fin et n'est pas la fin d'autrui.
Aristote, Métaphysique
 
L'étude de la philosophie consiste à savoir non ce que les hommes ont pensé, mais ce qui est réellement.
(Saint Thomas d'Aquin, Commentaire sur le traité du Ciel et du Monde (Aristote), livre I, leçon 22, n° 8)
 
C'est la religion, en effet, qui, selon l'expression d'Henri Hubert « fait du groupe des peuples celtiques un peuple cohérent ». D'un bout à l'autre du monde celtique, depuis l'Irlande jusqu'à la vallée du Danube, jusque chez les Galates d'Asie Mineure, ce sont les mêmes dieux, les mêmes croyances en l'immortalité de l'âme, les mêmes mythes de l'au-delà qui préoccupent les peuples celtes et créent en eux un lien obscur, mais profond; ils se traduisent par des rites semblables, exaltant la vie que symbolisent les sources, les arbres, le gui toujours vert sur les chênes sacrés. Rites et croyances qui se sont propagés par les druides, à la fois hommes de science et hommes de la divinité dont le rôle est multiforme: éducation de la jeunesse, offrande des sacrifices, arbitrages entre les peuples ou tribus; ils sont les devins, les poètes, les magiciens, les prêtres, car religion et poésie ne font qu'un pour eux.
Quel rôle jouent au juste chez eux ces prêtres-poètes que leur peuple honore autant que les Romains leurs rhéteurs, leurs avocats, leurs politiciens ? Impuissant à le définir, César a pu seulement pressentir que leur pouvoir était immense parmi les Gaulois, « les plus religieux des hommes ».

Régine Pernoud, Le conquérant des Gaules, préface aux Commentaires de César sur la guerre des Gaules, Livre de Poche, 1961.
 
Les hommes du XVIIIe siècle ne connaissaient guère cette espèce de passion du bien-être qui est comme la mère de la servitude, passion molle, et pourtant tenace et inaltérable, qui se mêle volontiers et pour ainsi dire s'entrelace à plusieurs vertus privées, à l'amour de la famille, à la régularité des mœurs, au respect des croyances religieuses, et même à la pratique tiède et assidue du culte établi, qui permet l'honnêteté et défend l'héroïsme, et excelle à faire des hommes rangés et de lâches citoyens. ils étaient meilleurs et pires.
Les Français d'alors aimaient la joie et adoraient le plaisir; ils étaient peut-être plus déréglés dans leurs habitudes et plus désordonnés dans leurs passions et dans leurs idées que ceux d'aujourd'hui; mais ils ignoraient ce sensualisme tempéré et décent que nous voyons. Dans les hautes classes, on s'occupait bien plus à orner sa vie qu'à la rendre commode, à s'illustrer qu'à s'enrichir. Dans les moyennes mêmes, on ne se laissait jamais absorber tout entier dans la recherche du bien-être; souvent on en abandonnait la poursuite pour courir après des jouissances plus délicates et plus hautes; partout on plaçait en dehors de l'argent, quelque autre bien. "Je connais ma nation, écrivait en un style bizarre, mais qui ne manque pas de fierté, un contemporain: habile à fondre et à dissiper les métaux, elle n'est point faite pour les honorer d'un culte habituel, et elle se trouverait toute prête à retourner vers ses antiques idoles, la valeur, la gloire, et j'ose dire la magnanimité.

Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution.
 
Non seulement chacun a le droit de combattre pour la défense de son pays, mais c'est même un devoir sacré de le faire.

Sir Walter Scott, Histoire d'Écosse, Chapitre V, Histoire de Sir William Wallace. Trad. Defauconpret.
 
Le prince n'est pas né pour lui-même, mais pour les peuples qu'il doit conduire.
Bossuet, sermon pour le jour de Pâques 1680, devant Louis XIV.
 
Il y a peu de temps, un Indien nomade s'en alla proposer des paniers chez un homme de loi bien connu dans le voisinage. "Voulez-vous acheter des paniers ?" demanda t-il ? "Non, nous n'en avons pas besoin", lui fit-il répondu. "Eh quoi!" s'exclama l'Indien en s'éloignant, "allez-vous nous faire mourir de faim ?" Ayant vu ses industrieux voisins blancs si à leur aise, - que l'homme de loi n'avait qu'à tresser des arguments, et que par l'effet par l'effet d'on ne sait quelle sorcellerie il s'ensuivait argent et situation - il s'était dit: je vais me mettre dans les affaires: je vais tresser des paniers; c'est chose à ma portée. Croyant que lorsqu'il aurait fait les paniers il aurait fait son devoir, et qu'alors ce serait celui de l'homme blanc de les acheter. Il n'avait pas découvert la nécessité pour lui de faire en sorte qu'il valût la peine pour l'autre de les acheter, ou tout au moins de l'amener à penser qu'il en fût ainsi, ou bien de fabriquer quelque chose autre que l'homme blanc crût bon d'acheter. Moi aussi j'avais tressé une espèce de paniers d'un travail délicat, mais je n'avais pas fait en sorte qu'il valût pour quiconque la peine de les acheter. Toutefois n'en pensais-je pas moins, dans mon cas, qu'il valait la peine pour moi de les tresser, et au lieu d'examiner la question de faire en sorte que les hommes crussent bon d'acheter mes paniers, j'examinai de préférence celui d'éviter la nécessité de les vendre. L'existence que les hommes louent et considèrent comme réussie n'est que d'une sorte. Pourquoi exagérer une sorte au dépens des autres ?
Thoreau, Walden.

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Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)

9 Février 2024 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #Lettres, #Jean Dutourd, #Rivarol

Portrait présumé d'Antoine de Rivarol par Merlot. Musée des Beaux-Arts de Tours.

Portrait présumé d'Antoine de Rivarol par Merlot. Musée des Beaux-Arts de Tours.

Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)
Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)
Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)
Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)
Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)

Source: Je ne me rappelle pas où j'ai photographié les extraits de cette préface si intéressante, par endroits soulignée au crayon par moi,  ni pourquoi il n'y a pas tout. Cela doit  être dans "Les plus belles pages de Rivarol" par Jean Dutourd, paru au Mercure de France en 1963, texte qui a du être repris (ou le contraire ?) dans le Tableau de la littérature française (3 tomes), Gallimard, Paris. À vérifier ! En tous les cas, Dutourd avait compris et apprécié à sa juste valeur (comme Ernst Jünger) le génie de cet incomparable écrivain et penseur français.

POC

Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)
Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)

« Il conserva un amour fidèle pour les rois et pour Dieu ;
Il demeura un maître de l’éloquence et des choses de l’esprit. »

Rivarol par Jean Dutourd (extraits de la préface)
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Les quatre catégories de jeux selon Roger Caillois plus une cinquième selon Georges Dumézil

8 Décembre 2023 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Roger Caillois, #Jeux, #Georges Dumézil, #Académie française, #France, #Lettres

Roger Caillois (1913-1978)

Roger Caillois (1913-1978)

(...)

"Notre cher Roger Caillois, dans un livre célèbre qui parut en ces lieux et qu’on n’est pas parvenu à prendre en défaut, a divisé les jeux, toutes les activités ludiques, en quatre classes : alea, le jeu de hasard, agôn, le jeu de compétition, mimicry, le jeu d’imitation, de singerie, et l’helix, le jeu d’excitation, de vertige, proprement de tourbillon. La belle simplicité de ce tableau m’a toujours parue digne d’être défiée et j’ai passé des jours à tâcher de découvrir un jeu qui n’y rentrât point. Mais chaque fois Caillois me montrait avec rigueur qu’il y rentrait. Un jour je lui ai proposé, comme cinquième catégorie, studium, l’étude, la recherche de l’invention capable de résoudre de vieux problèmes. Il ne contesta pas le caractère ludique de l’étude, mais il dit qu’elle était une collection de jeux des quatre catégories, non une catégorie nouvelle : le hasard, la rivalité avec les contemporains ou les prédécesseurs, l’imitation des maîtres, la jouissance vertigineuse que donne une solution naissante, tout cela s’y trouve, disait-il, mais sans résidu, sans rien qui justifie l’ouverture d’une rubrique spéciale. Eh bien, si, l’étude, le développement d’une province de la connaissance, est un jeu sui generis — je n’ai pas qualité pour parler des sciences en général, des exactes ni des autres, pas même des sciences humaines ; je m’en tiens à mon petit domaine, à mon étude comparée des idéologies indo-européennes. Il est bien vrai que ce studium est d’abord ludique en ce sens que les quatre formes canoniques de jeu selon Caillois y ont leur place : heureux hasard d’un texte rencontré au bon moment, compétition et même polémique, imitation ou inspiration, et aussi vertige, ivresse des solutions brusquement apparues : Mais il y a autre chose, deux autres choses, qui en font une espèce autonome de jeu, deux caractères solidaires."

Georges Dumézil: Discours à l'Académie française pour la remise de l'épée:

https://www.academie-francaise.fr/discours-pour-la-remise-de-lepee

Roger Caillois: Les jeux et les hommes. Gallimard, Paris, 1958.

https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Les-jeux-et-les-hommes

Les quatre catégories de jeux selon Roger Caillois plus une cinquième selon Georges Dumézil

En conclusion, Roger Caillois définit « le jeu comme une activité :

  1. libre : à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussitôt sa nature de divertissement attirant et joyeux ;
  2. séparée : circonscrite dans des limites d’espace et de temps précises et fixées à l’avance ;
  3. incertaine : dont le déroulement ne saurait être déterminé ni le résultat acquis préalablement, une certaine latitude dans la nécessité d’inventer étant obligatoirement laissée à l’initiative du joueur ;
  4. improductive : ne créant ni bien, ni richesse, ni élément nouveau d’aucune sorte ; et, sauf déplacement de propriété au sein du cercle des joueurs, aboutissant à une situation identique à celle du début de la partie ;
  5. réglée : soumise à des conventions qui suspendent les lois ordinaires et qui instaurent momentanément une législation nouvelle, qui seule compte ;
  6. fictive : accompagnée d’une conscience spécifique de réalité seconde ou de franche irréalité par rapport à la vie courante.»

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_jeux_et_les_hommes

Georges Dumézil (1898-1986)

Georges Dumézil (1898-1986)

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Nicolás Gómez Dávila (1913-1994) décrit la campagne française

22 Octobre 2023 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Lettres, #Nicolás Gómez Dávila, #France

Les très Riches Heures du duc de Berry: Septembre

Les très Riches Heures du duc de Berry: Septembre

L’écrivain réactionnaire doit se résigner à une célébrité discrète, puisqu’il ne peut plaire aux imbéciles.

Nicolás Gómez Dávila (1913-1994)

 

(p 185-186) La campagne française comble de joie l’économiste impénitent. Richesse de la terre, incomparable fécondité du sol, et surtout admirable et minutieuse culture du terrain, qui ne laisse pas se perdre le plus petit recoin.

Ce spectacle m’accable. Malgré la beauté et la diversité dont la nature a doté ces paysages, l’homme a su leur imposer une monotonie énervante.

Les rectangles implacables des différentes cultures se succèdent docilement et s’étendent jusqu’à l’horizon. Les arbres alignés se cachent les uns derrière les autres, à égale distance, et font défiler leurs rangs au passage de l’automobile, avec un geste précis et mécanique de gymnaste. Si, tout à coup, nous trouvons un petit bois, il n’est pas difficile de deviner quel rôle pratique remplit cet apparent morceau de liberté oublié sur un sol soumis. Et les vignobles, les vignobles aux mystiques sarments, qui ont fini par envahir le paysage de leur sévérité industrielle.

Bientôt nous éprouvons le désir d’une pièce de terre stérile et libre, d’une terre préservée du labeur humain.

Cette campagne française fait pitié. Terre soumise et servile.

Nature que l’homme a asservie. Sol dompté, incapable de se révolter, plus semblable à une usine alimentaire qu’à la campagne rustique et sacrée que l’homme habitait jadis.

La richesse de la Pomone mythique se transforme en un immense entrepôt de grains et de légumes. La campagne de France n’est pas un jardin, c’est un potager.

Devant ce gigantesque déploiement d’aliments, je ne rêve que de landes stériles, de pitons glacés, de la tiède forêt de mes rivières andines.

Je ne sais d’où me vient cette répulsion. Sobriété innée, goût d’une certaine austérité janséniste, ou modération inévitable d’un ressortissant de pays pauvre? Ah! vieux terrains marécageux de Port-Royal, friches de Castille, ah! mes âpres collines.

Ce que la campagne française met en évidence, c’est la victoire définitive du paysan.

La tâche entreprise le 4 août 1789 et qu’illuminent de leurs feux symboliques les archives féodales incendiées, est enfin accomplie.

Terre entièrement cultivée, dans ses vallées et sur ses coteaux, sur les rives de ses fleuves, dans les étroits jardins de ses maisons comme dans ses vastes plaines, terre sur laquelle veille un immense amour paysan pour le sol qui le nourrit et le fait vivre. Ces lourdes moissons, ces feuillages lustrés, ces pampres qui préparent les grossesses de l’automne, sont l’effort implacable de millions de vies avides et laborieuses. Des vies qui, du matin au soir, travaillent sans relâche le sol qui enfin leur appartient et que plus rien ne protège de leur convoitise séculaire.

Un immense peuple d’insectes s’est répandu sur le sol de la France. Sa sueur le féconde et l’enrichit.

Ces champs exhalent comme la vapeur de la sueur paysanne.

Sur ces terres lumineuses, sur ces horizons doux et purs, sur la lente et molle courbe de ses collines, sur ce paysage d’intelligence et de grâce, de discrétion et de lucidité, règne une démocratie paysanne.

Nicolás Gómez Dávila, Extraits de Notas (1954) et de Escolios I (1977) et des tomes 2  et 1 de Nuevos Escolios (1986). Traduction : Philippe Billé.

Source: https://pocombelles.over-blog.com/page-5215767.html

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Épaminondas

19 Octobre 2023 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Plutarque, #Épaminondas, #Cicéron, #Antiquité, #Grèce, #Lettres, #Histoire

"Ce n'est pas la seule perte que nous ayons faite dans les ouvrages de cet historien [Plutarque]. Plusieurs de ses Vies ont été aussi la proie du temps; et dans ce nombre, il y en a deux qu'on ne peut trop regretter: celle d'Aristomène, général des Mésséniens, contre les Spartiates; et celle d'Épaminondas, cet homme extraordinaire, si grand par ses exploits, plus grand encore par ses vertus, qui, au jugement de Cicéron*, fut le premier des Grecs qui suivant le témoignage de Spinthanus mon maître, était l'homme qui savait le plus et qui parlait le moins, plus philosophe encore par sa conduite que par ses principes, qui, ami de la pauvreté par choix, se refusa à tous les moyens qui lui furent offerts de sortit d'un état dont il faisait sa gloire."

Ricard, préface à l'édition de Plutarque, Les Vies des hommes illustres, p. 14.

* Tusculanes, Livre I, chapitre III.

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Bénie soit l'heure où nous rencontrons le poète

15 Octobre 2023 , Rédigé par Rouge et Blanc Publié dans #Pouchkine, #Islam, #Lettres, #Poésie, #Russie, #Religion

(...) Pouchkine et son chapeau rond font grande impression sur un pacha qui se trouve là, à palabrer avec l'état-major.

- Qui est-ce ? demande-t-il.

- Un poète, lui répond-on.

À ces mots, le dignitaire de l'Islam regarde Pouchkine de tous ses yeux, s'incline profondément, et rend au derviche de l'ennemi cet hommage tout oriental:

- Bénie soit l'heure où nous rencontrons le poète. Le poète est frère du derviche. Il n'a ni patrie ni biens terrestres; et tandis que nous autres infortunés nous nous soucions de gloire, de pouvoir et de trésors, il est l'égal des grands de ce monde et ils s'inclinent devant lui."

In: Henri Gourdin, Alexandre SergueÏevitch Pouchkine. Biographie. Les Éditions de Paris Max Chaleil, p. 179.

Remerciements à Balduino.

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Chateaubriand: Les armes du corps et les armes de l'âme

30 Septembre 2023 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Chateaubriand, #Lettres, #Société

"J'ai vu les sauvages du nouveau monde indifférents à mes manières étrangères, mais seulement attentifs comme les Turcs à mes armes et à ma religion, c'est-à-dire aux deux choses qui protègent l'homme dans ses rapports de l'âme et du corps. Ce consentement unanime des peuples sur la religion et cette simplicité d'idées m'ont paru valoir la peine d'être remarquées."

Chateaubriand: Itinéraire de Paris à Jérusalem.

Article déjà publié en 2009:

https://pocombelles.over-blog.com/archive/2009-09/2

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(Rorate Caeli): A l'occasion des 400 ans de la naissance de Blaise Pascal - Pascal avait raison, aussi sur les Jésuites

19 Juin 2023 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Catholicisme, #France, #Jésuites, #Lettres, #Pascal

Blaise Pascal (19 juin 1623 - 19 août 1662)

Blaise Pascal (19 juin 1623 - 19 août 1662)

A l'occasion des 400 ans de la naissance de Blaise Pascal - Pascal avait raison, aussi sur les Jésuites

[...]

"Quand vous avez entrepris de décider les cas de conscience d’une manière favorable et accommodante, vous en avez trouvé où la religion seule était intéressée, comme les questions de la contrition, de la pénitence, de l’amour de Dieu, et toutes celles qui ne touchent que l’intérieur des consciences. Mais vous en avez trouvé d’autres où l’État a intérêt aussi bien que la religion, comme sont celles de l’usure, des banqueroutes, de l’homicide, et autres semblables ; et c’est une chose bien sensible à ceux qui ont un véritable amour pour l’Église, de voir qu’en une infinité d’occasions où vous n’avez eu que la religion à combattre, vous en avez renversé les lois sans réserve, sans distinction et sans crainte, comme il se voit dans vos opinions si hardies contre la pénitence et l’amour de Dieu, parce que vous saviez que ce n’est pas ici le lieu où Dieu exerce visiblement sa justice. Mais dans celles ou l’État est intéressé aussi bien que la religion, l’appréhension que vous avez eue de la justice des hommes vous a fait partager vos décisions, et former deux questions sur ces matières : l’une que vous appelez de spéculation, dans laquelle, en considérant ces crimes en eux-mêmes, sans regarder à l’intérêt de l’État, mais seulement à la loi de Dieu qui les défend, vous les avez permis sans hésiter, en renversant ainsi la loi de Dieu qui les condamne ; l’autre, que vous appelez de pratique, dans laquelle, en considérant le dommage que l’État en recevrait, et la présence des magistrats qui maintiennent la sûreté publique, vous n’approuvez pas toujours dans la pratique ces meurtres et ces crimes que vous trouvez permis dans la spéculation, afin de vous mettre par là à couvert du côté des juges. C’est ainsi, par exemple, que, sur cette question, s’il est permis de tuer pour des médisances, vos auteurs, Filiutius, tr. 29, cap. 3, num. 52 ; Reginaldus, l. 21, cap. 5, num. 63, et les autres répondent : Cela est permis dans la spéculation, ex probabili opinione licet ; mais je n’en approuve pas la pratique, à cause du grand nombre de meurtres qui en arriveraient et qui feraient tort à l’État, si on tuait tous les médisants ; et qu’aussi on serait puni en justice en tuant pour ce sujet. Voilà de quelle sorte vos opinions commencent à paraître sous cette distinction, par le moyen de laquelle vous ne ruinez que la religion, sans blesser encore sensiblement l’État. Par là vous croyez être en assurance. Car vous vous imaginez que le crédit que vous avez dans l’Église empêchera qu’on ne punisse vos attentats contre la vérité ; et que les précautions que vous apportez pour ne mettre pas facilement ces permissions en pratique, vous mettront à couvert de la part des magistrats, qui, n’étant pas juges des cas de conscience, n’ont proprement intérêt qu’à la pratique extérieure. Ainsi une opinion qui serait condamnée sous le nom de pratique se produit en sûreté sous le nom de spéculation. "

[...]

Blaise Pascal 

Lettre provinciale n° XIII

30 septembre 1656


[Aujourd'hui, François a publié une lettre apostolique pour le 400ème anniversaire de la naissance de Pascal - et il mentionne la critique de Pascal sur les Jésuites comme si elle ne s'appliquait qu'aux disciples de Molina. Mais la critique s'adressait à tous les Jésuites, et elle était durable. Elle indiquait une erreur des Jésuites qui persiste jusqu'à notre époque, plus forte que jamais. Si seulement Pascal avait été entendu sur les Jésuites en son temps].

Source: https://rorate-caeli.blogspot.com/2023/06/on-400-years-of-birth-of-blaise-pascal.html

 

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Pierre Dortiguier: L’idée de Rivarol dans Jünger

15 Juin 2023 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #Lettres, #Ernst Jünger, #Pierre Dortiguier, #Rivarol, #Philosophie

Antoine de Rivarol

Antoine de Rivarol

L’idée de Rivarol dans Jünger


mercredi 1er juin 2011, par Pierre Dortiguier


In memoriam Alfred Mader


Frédéric tu vois vers quelle honteuse nuit
Précipite ses pas le siècle qui s’enfuit.

Rivarol, 1783



L’intérêt porté par un prince des lettres d’humeur –selon son mot- catilinaire (par allusion au complot attribué dans l’antiquité romaine à Catilina contre le sénat et le peuple romain), à l’œuvre de Rivarol ne saurait délaisser les points de vue par lesquels le lauréat, d’ascendance piémontaise, de l’académie de Berlin de 1783, a touché aux limites de l’esprit européen : « On s’abandonne à une raison purement spéculative, à une raison qui conclut, sans jamais parvenir à la raison qui veut ». [1]
Le premier, ontologique, est le constat de l’universalité (non pas la duplication paresseuse de l’Un indéfinissable qui absorbe la pluralité des formes ou l’universalisme ; ce qui, au contraire, est tourné vers Un, comme un tourbillon de l’unité, pense en Un, Universitas…von diesseits und realistisch, d’ici-bas et réaliste !) d’où le nihilisme puise sa réalité ; mais c’est le second point de vue, polémique, lequel servit, le rappelle Jünger, de modèle à Burke dans sa défense de la fille des Césars, que la postérité retient, quand la Muse brise la table des nouveaux Apôtres, « préface criminelle d’un livre impossible ». [2] Ceci fait place au dernier effort, et le plus patient, du comte de Rivarol, acclimaté par Jünger dans les Sylves allemandes, et qui repose sur l’aperception d’une fixité des choses. Or cette fixité, attachée à la clarté, dans l’homme, est le cœur : « Il n’y a donc rien dans l’homme de plus clair que le sentiment, parce qu’il n’y a rien de plus certain. Son nom seul confond idéalistes, matérialistes et pyrrhoniens ; les nuages qui couvrent l’esprit et la nature n’arrivent pas jusqu’à lui… ». [3]
Jünger en voit, à parler géologie, l’équivalence dans le phénomène de sédimentation, après qu’il a cultivé, comme on sait, le mot tenu par Goethe naturaliste pour un trésor de la langue allemande, de Gestalt [4] ; antithèse, à certains égards, de la forme qui ne dit que le contour extérieur et non pas la vie de la totalité (« kosmos »), avec sa hauteur et sa profondeur. Ces termes corrélatifs de fixité et de clarté du discours de Rivarol, se rapproche de celui de Haltung, chez Heidegger, et dont la simplicité est qualifiée par lui « feu d’avertissement » (befeuernde).
Ce n’est point l’endroit de relever la dissonance – pour reprendre une juste critique- entre ces deux gloires du talent et de l’esprit alémanique, comme demeure vain de séparer, dans l’atticisme, Platon et Isocrate sur la définition de la philosophie ou la force des paroles, quand bien même chacun sent qu’être familier des lieux n’est point exactement y habiter. L’Evangile ne précise-t-il pas aussi la meilleure part ?


Im Gewitter spricht der Gott
Dans l’orage parle le Dieu

(Hölderlin)


Junger apprécie chez Rivarol dont il souligne la culture augustinienne, la beauté organique de la forme, d’autant plus éloigné de la phraséologie qu’elle se concentre, comme une analyse non feinte, sur le pouvoir du mot attaché à la vérité. Dans l’allocution prononcée devant les entomologistes de Bavière, Jünger avoue : « Je ne crois guère que, sans mon long dressage acquis dans l’étude des objets de la nature, je me serais risqué à traduire un auteur aussi difficile que le français Rivarol ». [5]
Il est donc peu de soutenir que Rivarol soit le double, au sens faustien, de Jünger, car ce serait bien davantage un secours que dans sa léthargie celui-ci reçoit de l’idée formée autour de la sublimité de son style. La Vérité peut bien rougir de se laisser entraîner à débiter des compliments qui ne sont point dans le ton jamais indulgent de Rivarol. Il ne faut point, en effet, chercher dans Jünger, un entêtement socratique qui fasse obstacle au tribunal de l’opinion disposant, à l’athénienne, des règles de l’impiété.
Que les harmonies de Rivarol et avec leur intérêt métaphysique, pénétré des pensées flottantes et nourri les non-dits que Heidegger accueille comme une suite de ses propres efforts : « Ce qui y reste informulé atteint le cœur même de mes efforts dans le domaine de la pensée » [6] ne tourne cependant pas en apologie. Il faut trouver la raison de cette abstention dans l’idée amenuisante de Rivarol propre à notre modernité. Idées, types, Gestalt(en), pour reprendre la lettre célèbre adressée à Jünger par son ami Heidegger, dans les Mélanges de 1955, ombrent le dire, comme une monnaie usée, subrepticement introduite dans le commerce et les changes, rognée et ôtée de son poids réel.
Jünger aura donc rehaussé par son style délié une finalité discrète de l’œuvre entière de Rivarol, plus large que celle que peut recevoir la domination apparente (Scheinherrschaft) ou la semi-anarchie absolutiste de la société libérale enfermant le bon sens et la raison dans une vérité déserte. « La raison est un composé de l’utile et du vrai ; ce qui la distingue de la vérité pure ; la raison n’exclue pas les bons préjugés, ce qui lui donne le droit de parler haut ; la vérité les exclut, ce qui la condamne à la réserve, au mystère et au silence. » [7] Ne serait-ce pas la fin à laquelle tend une réelle aristocratie illustrée par le prince de Ligne, « cette figure de beauté vive et d’esprit rapide » Mars esthète, et non pas à La Fayette tribunicien, par un Choderlos de Laclos, près d’une Vénus intellectuelle, non pas triviale. C’est alors qu’il nous faut, comme son compagnon de marche y invite Jünger, nous arrêter sur le chemin forestier, mais ne pas hésiter à prendre la voie à peine ouverte que n’obstruent que les coupes nettes des bûcherons. Là serait bien posée – mieux que l’idée - l’ouvrage léger d’une plume active.


Contribution aux Dossiers H conçu et dirigé par un connaisseur et interlocuteur de Jünger, Philippe Barthelet, aux éditions l’Age de l’homme, 2000, Lausanne, 591p., p .454-456.


Notes


[1] « De l’homme, de ses facultés intellectuelles et de ses idées premières et fondamentales » par A.C.Rivarol aîné, in Discours préliminaire de la langue française, Paris, An V (1797)
[2] Conclusion du pamphlet : De la Philosophie moderne, 1797
[3] Discours préliminaire. op.cit, p.15
[4] Cf. sa dissertation de morphologie, (Jéna 1807) : « Die Absicht eingeleitet (« Le dessein introduit ») : « L’Allemand a pour le complexe de l’existence d’une essence réelle le mot de Gestalt, il fait dans cette expression abstraction du mouvement, il suppose qu’une connexion est établie, isolée et fixée dans son caractère »
[5] Rivarol et autres essais, trad. Jeanne Naujac et Louis Eze, Paris Grasset, 1974, p.249
[6] Lettre de Martin Heidegger, datée de Fribourg-en-Brisgau, 7 novembre 1969, in Rivarol, op.cit.p.161
[7] Rivarol, Discours préliminaire op.cit. p.97

Source: http://www.dortiguier.fr/L-idee-de-Rivarol-dans-Junger.html

Ernst Jünger avec un coléoptère sur la main

Ernst Jünger avec un coléoptère sur la main

[...]

Le plus souvent, les recueils de correspondance regorgent d'éléments quotidiens et banals, mais ces lettres sont riches en discours philosophiques, les deux hommes contemplant d'un œil critique le monde qui les entoure. Heidegger et Jünger discutent souvent d'autres philosophes et de leurs travaux. Ainsi, en décembre 1955 et janvier 1956, Jünger mentionne dans un post-scriptum : "J'ai maintenant terminé un travail sur [Antoine de] Rivarol. Ses maximes sont en général d'une clarté limpide, bien que par endroits un peu orphiques" (18). A la fin du post-scriptum, il demande à Heidegger son avis. Heidegger répond par une exégèse de plusieurs pages. Il écrit : "La considération du tisserand, le va-et-vient de la navette du tisserand, montre que Rivarol voit le mouvement non pas comme un vide de l'avenir dans le passé ("le temps passe"), mais comme la transition qui va et vient entre deux choses au repos" (20). Les deux hommes ont échangé des opinions et des idées comme celles-ci à de nombreuses reprises au cours des années. Ces brèves discussions sont extrêmement utiles au lecteur ou à l'érudit qui s'intéresse au fonctionnement interne de l'esprit d'un philosophe.

[...]

https://reviews.ophen.org/2017/07/05/martin-heidegger-ernst-junger-correspondence-1949-1975-2/

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