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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Nous ne devrions pas nous inquiéter de la planète, mais de l'espèce humaine (Dennis Meadows)

10 Mars 2014 , Rédigé par Béthune

Pour croire que la croissance peut être infinie dans un monde fini, il faut être soit fou soit économiste.

 

Premier auteur du livre: "The Limits to Growth" (Les limites de la croissance) commandé en 1972 à une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) par un think tank autrichien, Robert Meadows s'exprime quarante ans plus tard dans un entretien avec le magazine autrichien Format.

Traduction francaise par le site Le Noeud Gordien sur lequel vous trouverez l'intégralité de l'entretien dont nous reproduisons ici le début et la fin:http://www.noeud-gordien.fr/

 

FORMAT: M. Meadows, selon le Club de Rome, nous faisons face aujourd'hui à une crise du chômage, une crise alimentaire, une crise économique et financière mondiale et une crise écologique mondiale. Chacune d'elles est un signal nous avertissant que quelque chose ne va vraiment pas. Quoi au juste ?

Meadows: Ce que nous voulions dire en 1972 dans "Les limites à la croissance" (1), et qui est toujours vrai, c'est qu'une croissance physique sans fin sur une planète finie est tout simplement impossible. Passé un certain point, la croissance s'arrête. Soit c'est nous qui l'arrêtons… en changeant notre comportement, ou bien c'est la planète qui l'arrêtera. 40 ans plus tard, nous sommes désolés d'avoir à le dire, mais nous n'avons pratiquement rien fait.

(...)

Meadows: Exactement. Et c’est pourquoi l’ère du transport aérien de masse bon marché se terminera bientôt. Cela ne sera accessible que pour les grands empires ou pays. Si vous avez beaucoup d’argent vous pourrez peut-être vous protéger de la pénurie d’énergie et de nourriture. Mais vous ne pourrez pas vous cacher du changement climatique, qui affecte à la fois les pauvres et les riches

FORMAT: Avez-vous des solutions à ces méga malheurs ?

Meadows: Il faudrait changer la nature de l’homme. Nous sommes aujourd’hui programmés de la même manière que nous l’étions il y a 10 000 ans. Si l’un de nos ancêtres était attaqué par un tigre, lui aussi ne se souciait pas de l’avenir, mais de sa survie immédiate. Mon inquiétude est que pour des raisons génétiques nous ne soyons tout simplement pas capables de maîtriser des choses comme le changement climatique de long terme Tant que nous n’apprenons pas à faire cela, il n’y a pas de moyen de résoudre tous ces problèmes. Nous n’y pouvons rien faire. Les gens disent toujours: "Nous devons sauver la planète". Non. La planète va se sauver toute seule. Elle l'a toujours fait. Parfois il y a fallu des millions d'années, mais c'est arrivé. Nous ne devrions pas nous inquiéter de la planète, mais de l'espèce humaine.»

 

La même année 2012, Dennis Meadows répondait aux questions de Stéphane Foucart et de Hervé Kempf (Le Monde), notamment sur la Chine et sur les politiciens:

 

Pourtant, la Chine maintient une croissance élevée…

J'ignore ce que sera le futur de la Chine. Mais je sais que les gens se trompent, qui disent qu'avec une croissance de 8 % à 10 % par an, la Chine sera le pays dominant dans vingt ans. Il est impossible de faire durer ce genre de croissance. Dans les années 1980, le Japon tenait ce type de rythme et tout le monde disait que, dans vingt ans, il dominerait le monde. Bien sûr, cela n'est pas arrivé. Cela s'est arrêté. Et cela s'arrêtera pour la Chine.

Une raison pour laquelle la croissance est très forte en Chine est la politique de l'enfant unique. Elle a changé la structure de la population de manière à changer le ratio entre la main-d'œuvre et ceux qui en dépendent, c'est-à-dire les jeunes et les vieux. Pour une période qui va durer jusque vers 2030, il y aura un surcroît de main-d'œuvre. Et puis cela s'arrêtera.

De plus, la Chine a considérablement détérioré son environnement, en particulier ses ressources en eau, et les impacts négatifs du changement climatique sur ce pays seront énormes. Certains modèles climatiques suggèrent ainsi qu'à l'horizon 2030 il pourrait être à peu près impossible de cultiver quoi que ce soit dans les régions qui fournissent actuellement 65 % des récoltes chinoises…

Que croyez-vous que les Chinois feraient alors ? Qu'ils resteraient chez eux à souffrir de la famine ? Ou qu'ils iraient vers le nord, vers la Russie ? Nous ne savons pas comment réagira la Chine à ce genre de situation…

(...)

Quel conseil donneriez-vous à François Hollande, Angela Merkel ou Mario Monti?

Aucun, car ils se fichent de mon opinion. Mais supposons que je sois un magicien : la première chose que je ferais serait d'allonger l'horizon de temps des hommes politiques. Pour qu'ils ne se demandent pas quoi faire d'ici à la prochaine élection, mais qu'ils se demandent : "Si je fais cela, quelle en sera la conséquence dans trente ou quarante ans?" Si vous allongez l'horizon temporel, il est plus probable que les gens commencent à se comporter de la bonne manière.

Que pensez-vous d'une "politique de croissance" dans la zone euro ?

Si votre seule politique est fondée sur la croissance, vous ne voulez pas entendre parler de la fin de la croissance. Parce que cela signifie que vous devez inventer quelque chose de nouveau. Les Japonais ont un proverbe intéressant : "Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou." Pour les économistes, le seul outil est la croissance, tout ressemble donc à un besoin de croissance.

De même, les politiciens sont élus pour peu de temps. Leur but est de paraître bons et efficaces pendant leur mandat; ils ne se préoccupent pas de ce qui arrivera ensuite. C'est très exactement pourquoi on a tant de dettes : on emprunte sur l'avenir, pour avoir des bénéfices immédiats, et quand il s'agit de rembourser la dette, celui qui l'a contractée n'est plus aux affaires.

 

Source: http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/05/25/la-croissance-mondiale-va-s-arreter_1707352_3244.html

 

 

 

 

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