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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Une belle martre est morte...

19 Juin 2014 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

Le  dimanche, les voitures de sport et les motos défilent sur la pittoresque route de Dampierre à Auffargis, dans les Yvelines. La petite départementale allonge paresseusement ses méandres et ses douces lignes droites, ses montées et ses descentes, longeant les murs de l'antique abbaye des Vaux de Cernay à travers les rideaux et les voûtes vertes de la forêt de Rambouillet.

Dans un concert de feulements, de rugissements et de pétarades, les Français du XXIe siècle jouissent de leurs jouets mécaniques en paradant, comme faisaient (mais en moins élégant) les messieurs en canotier et les femmes en crinoline et leurs beaux attelages, sur les Promenades, autrefois.

Aujourd'hui, de n'importe quel endroit de la forêt, même les plus reculés et les plus solitaires, on entend au loin le grondement des moteurs. Le silence n'existe plus.

Dimanche soir, passant par là à vélo, j'ai rencontré au bord de la route une magnifique martre, tuée par un(e) automobiliste. Quelques mouches vertes étaient déjà posées sur son beau pelage brun chocolat. De grandes limaces rouges et brunes se pressaient déjà vers elle, traçant en ligne droite.

Je me suis dépêché de la photographier avant de la lancer plus loin sur le talus, pour qu'elle ne soit pas écrasée par les voitures. Qu'elle était belle et forte! En la prenant par la queue, qu'elle était lourde ! Je n'ai pas eu le temps de voir si c'était un mâle ou une femelle. Si c'était une femelle, ses petits nés au printemps vont sûrement mourir.

Chaque martre occupe un vaste territoire. Il n'y en a pas beaucoup dans la forêt de Rambouillet.

Dimanche prochain, voitures et motos défileront à nouveau sur la route des Vaux de Cernay, laissant un cortège muet de victimes sur la chaussée.

Les martres meurent; les  belettes, les blaireaux, les hérissons, les écureuils, les mulots, les musaraignes, les serpents, les crapauds, les salamandres, les oiseaux de jour et de nuit, les limaces et les insectes aussi. Et puis, pour la visibilité et la propreté, la DDE rase à blanc les bas-côtés, abat les arbres, taille les haies en les déchiquetant, détruit des stations d'orchidées parfumées qui faisaient la joie des naturalistes et des papillons de nuit.

Pour le plaisir des automobilistes et des motards, loin, bien loin d'ici, en Patagonie ou en Irak, en Mer du Nord ou au Pérou, on dévaste les forêts, on tue les cétacés à coups d'explosions souterraines, on pollue le terre, la mer et les rivières, on chasse et on massacre les populations indigènes pour pomper le pétrole. Ailleurs on fouille frénétiquement le sol avec d'énormes engins pour extraire les métaux, on construit et on assemble les matériaux dans d'énormes usines polluantes servies par des robots et des ouvriers sous-payés pendant que les cadres commerciaux sillonnent fébrilement le ciel en avion, les yeux rivés sur leurs écrans d'ordinateur, et que leurs employés, pâles et fatigués, travaillent à la lumière artificielle dans les bureaux madréporiques des centres d'affaires de Paris, Londres, Tokyo, Stuttgart ou Shanghai, tous pareils.

Fabricants d'automobiles et de motos la semaine, promeneurs en automobile et à moto le dimanche, robots humains de la "civilisation" industrielle et du " Progrès", stupides assassins de la nature tout le temps.

N'étaient pas stupides les chasseurs "primitifs" qui prenaient (ou plutôt recevaient) la vie des animaux qu'ils tuaient pour se nourrir, se vêtir et s'équiper en prenant soin de leurs âmes par les rites et les prières...

Jusqu'au XIXe siècle, la plupart des routes étaient en terre. Y circulaient piétons, cavaliers, charrettes tirées par des bœufs, carrosses et diligences tirées par des chevaux. Le danger pour les animaux sauvages était minime. Le bruit, la pollution inexistants.

Nous ne connaissions pas notre bonheur. Les « bêtes » sauvages non plus...

Pierre-Olivier Combelles


L'idée de progrès déshonore l'intellect.

Emil Cioran. De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1353
 
Le sage est un destructeur apaisé, retraité. Les autres sont des destructeurs en exercice.
Emil Cioran. De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1355

 

Le retour de la martre du pin sauve l’écureuil roux:

https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/en-grande-bretagne-le-retour-de-la-martre-sauve-l-ecureuil-roux_121867

 

Martre des pins (Martes martes) tuée par une auto. Route des Vaux de Cernay (Yvelines), dimanche soir 15 juin 2014. La martre se différencie de la fouine par le pelage brun chocolat (chocolat au lait chez la fouine), la truffe noire (rose chez la fouine) et la tache orangée sur la gorge qui ne descend jamais jusqu'aux pattes de devant (blanche chez la fouine et descendant en deux échancrures entre les pattes). Photo: Pierre-Olivier Combelles

Martre des pins (Martes martes) tuée par une auto. Route des Vaux de Cernay (Yvelines), dimanche soir 15 juin 2014. La martre se différencie de la fouine par le pelage brun chocolat (chocolat au lait chez la fouine), la truffe noire (rose chez la fouine) et la tache orangée sur la gorge qui ne descend jamais jusqu'aux pattes de devant (blanche chez la fouine et descendant en deux échancrures entre les pattes). Photo: Pierre-Olivier Combelles

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