Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Paul Léautaud: un aristocrate de l'esprit

17 Octobre 2014 , Rédigé par Béthune

"Méfiez-vous d'un écrivain qui a fait sa carrière sans rien demander à personne, et qui, à cinquante ans passés, n'est pas décoré. Ce ne peut être qu'un mauvais esprit, et dangereux." (Propos d'un jour, Mercure de France, Paris, 1947).

"Sainte-Beuve disait: " Un membre de l'Académie écrit comme on doit écrire. Un homme d'esprit écrit comme on écrit (1). Tout l'art d'écrire est dans ces mots."

(1) C'est à peu près le mot de Montesquieu: " Un homme qui écrit bien n'écrit pas comme on écrit, mais comme il écrit, et c'est souvent en parlant mal qu'il parle bien." (Propos d'un jour, Marly-le-Roy, Mercure de France, Paris, 1947).

"Je place Chamfort encore plus haut aujourd'hui que lorsque j'étais jeune. A côté de La Rochefoucauld. En fermant les yeux sur sa dégringolade démagogique de la fin, - qu'il a payée cher (1)."

(1) Le mot de Chateaubriand: "Je me suis toujous étonné qu'un homme qui avait tant de connaissance des hommes eût pu épouser si chaudement une cause quelconque."

Propos d'un jour, Marly-le-Roy, Mercure de France, Paris, 1947.

« Pourquoi faire part de nos opinions ? Demain, nous en aurons changé. » (juillet 95)

« Je suis toujours resté dans mon coin. Je n'ai fréquenté ni les cafés littéraires ni les salons. Je suis critique dramatique et quand je vais au théâtre je ne connais personne et bien peu de gens me connaissent. Je ne vais jamais déjeuner ni dîner en ville, au milieu de gens qui recherchent la société des gens de lettres. (...) Cela m'a sauvé des compliments et de la vanité. Cela m'a sauvé aussi de la gravité et du danger de me prendre au sérieux, convaincu de mes mérites. De même que ma sauvagerie et mon isolement m'ont conservé ma liberté d'esprit, elles m'ont aussi préservé de la sottise de l'esprit. » (30.01.23)

« Cela m'a rappelé ce que m'a dit une fois Vallette, un jour que nous parlions politique (pour employer un mot commode). « Au fond, vous êtes un aristocrate. Tous vos faits et gestes, vos façons d'agir, le prouvent. » C'est vrai tout au moins dans le domaine des choses de l'esprit. » (01.03.24)

« Je ne sais plus comment je suis venu à parler ensuite de la Russie, où voilà maintenant qu'on apprend au peuple la notion de la Patrie et la nécessité de mourir pour elle, ce que j'ai dit en éclatant de rire, rappelant combien j'ai dit, dès le premier jour, que la Révolution russe, c'est la Révolution française, la pre­mière voulant bolcheviser l'univers, tout comme la seconde voulait porter la liberté à tous les peuples. » (02.09.27
« Comme j'ignorais que Albin Michel habite Bourg-la-Reine, je dis à Vallette : « Ah ! il habite Bourg-la-Reine ? - Oui. Pour le bon air. Et le dimanche, il chasse le sanglier. Il en a même tué trois dimanche dernier. - Curieux tout de même, ces gens placides, ces petits bourgeois comme vous et moi, qui trouvent ainsi du plaisir à aller tuer. » Pas de réponse de Vallette. Moi je le dis carrément d'Albin Michel et ses pareils : Imbéciles ! » (21.01.30)

« Il n'y a rien à espérer. La bassesse humaine est sans bornes. La cruauté, la bêtise également. Voici ce que je lis dans Le Soir d'avant-hier samedi. Un film sur la guerre Japon-Chine. Des avions laissent tomber des bombes qui éventrent des gens, incendient des quartiers entiers et des gens applaudissent. Pas même le réflexe qui fait qu’on pense à soi en pareille circonstance. Encore moins alors la pitié des victimes. » (29.02.32)

« Je le dis souvent, je le disais encore ce matin à René Dumesnil : on ne vivrait plus si on ne s'arrêtait pas de penser à tout ce qui se passe de cruautés, bêtes et hommes, sur la surface du globe. » (23.11.36)
« Arrêtée là, une sorte de fourgon d'où j'entends, en m'approchant, des aboiements de chiens. Je devine aussitôt ce que c'est. Le trottoir obstrué. Je descends sur la chaussée, et je remonte sur le trottoir, à l'extrémité du camion. On en descend des chiens, tenus à la chaîne, qu'un garçon de laboratoire, reconnaissable à sa blouse blanche, prenait pour les emmener dans le bâtiment. (...) Je me suis arrêté : « Bandits. Si c'est possible de faire un pareil métier ! Bandits ! Vous êtes des bandits. Je tiens vos savants pour plus bas que des apaches. Bandits ! » J'ai repris mon chemin. Après dix pas, je suis revenu, et j'ai recommencé, plus virulent, plus indigné encore. » (12.01.37)

« (...) j'ai été conquis aux Vendéens, aux Chouans, par leur guerre de liberté, sur laquelle j'ai lu bien des ouvrages. S'il m'était possible d'aller finir ma vie quelque part dans un coin tranquille, ce serait en Bretagne ou en Vendée, alors que je ne dépenserais pas dix francs pour aller dans le Midi, bor­delais ou provençal. De même qu'il n'y a qu'un pays au monde que j'aurais voulu voir : l'Angleterre. D'où cela me vient-il ? (21.03.40)
« (...) la guerre consiste uniquement à faire s’entretuer de pauvres diables qui n'en peuvent mais, et qu'on pousse à la tuerie à moitié ivres, et le gendarme derrière eux avec son revolver pour les faire avancer. Je l'amène finalement à mon point de vue : la seule attitude pour des gens comme nous : silence, méfiance et mépris.
Il paraît que Gide a écrit au gouvernement pour offrir ses services pour la propagande. Ce serait joli, la propagande de ce protestant homosexuel, entortillé et pervers. » (17.10.39)

Non seulement je ne suis pas démocrate. Non seulement je ne suis pas pour l'égalité (qui, au reste, n'existe pas), mais je suis pour les privilèges. » (18.07.41)

Extrait de l'anthologie et MERCI à Loïc Decrauze: http://paul-leautaud.blogspot.fr/2009/05/constantes-du-caractere.html

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :