Pierre Rabhi et Naomi Klein, lumineux invités de France-Culture (11 décembre 2015)
Le philosophe-paysan Pierre Rabhi, fondateur du mouvement Les Colibris http://www.colibris-lemouvement.org/, était aujourd'hui ce matin vendredi 11 décembre 2015 l'invité de Guillaume Erner sur France-Culture en compagnie de la journaliste canadienne Naomi Klein. D'une voix tranquille et paisible, il dit les choses essentielles sur la vie, sur l'agriculture, sur l'économie et la politique et sur l'homme. Né dans une oasis du Sahara, installé dans sa ferme bio de l'Ardèche depuis 1961, défenseur des petits agriculteurs du Burkina Faso, pionnier de l'agro-écologie, son langage simple et profond s'adresse à tous, et c'est merveille de voir la lumière qui se fait jour, ici et là, dans les fissures du béton armé des grands médias.
Quant à Naomi Klein, l'équipe de France-Culture a été plutôt discrète dans sa présentation en début d'émission, disant seulement qu'elle écrit dans The New Yorker ou The Guardian. Si Pierre Rabhi est désormais célèbre, ou disons populaire, en France, Naomi Klein est presque une inconnue. Et pour cause: si "This changes everything - Capitalism vs the Climate" est son dernier livre, elle aussi est l'auteur subversive de The Shock Doctrine - the Rise of Disaster Capitalism. J'extrais ceci de sa recension par Raymond Deane (membre fondateur de the Ireland Palestine Solidarity Campaign) dans The Electronic Intifada, 10 février 20089:
(...) Many are now familiar with the outlines of Klein’s argument: in the wake of natural and unnatural disasters, neo-liberal economic reform is foisted on stricken societies while their citizens are in a condition of collective disorientation. While the ruling class is quick to avail of these “opportunities,” it doesn’t actually set out to create them, because it doesn’t need to: “An economic system that requires constant growth, while bucking almost all serious attempts at environmental regulation, generates a steady stream of disasters all on its own, whether military, ecological or financial.” After great destruction comes privatized reconstruction to the benefit of multinational corporations and the detriment of ordinary people.
In itself, the thesis that capitalism thrives on disaster isn’t exactly novel. What Klein has done, however, is to draw analytical conclusions from the consistency with which the metaphor of “shock” is employed in this context.
She recounts how in the 1950s the CIA funded electric shock experiments by the US-American psychiatrist Ewen Cameron that entailed “attacking the brain with everything known to interfere with its normal functioning — all at once” in order to reduce it to a tabula rasa upon which, it was mistakenly believed, anything could be written. These experiments inspired the CIA’s MKUltra program designed “to break prisoners suspected of being Communists and double agents.” As a bonus, Cameron’s and the CIA’s procedures laid the groundwork for torture practices from Santiago de Chile to Abu Ghraib.
Next, Klein explores the doctrines of Milton Friedman and his Chicago School disciples, those influential advocates of economic “shock therapy” who also drew up their theories in the heady 1950s. Friedman, according to Klein, was “the other Doctor Shock … Friedman’s mission, like Cameron’s, rested on a dream of reaching back to a state of ‘natural’ health, … before human interferences created distorting patterns. Where Cameron dreamed of returning the human mind to that pristine state, Friedman dreamed of depatterning societies, of returning them to a state of pure capitalism … the only way to reach that prelapsarian state was to deliberately inflict painful shocks … Cameron used electricity to inflict his shocks. Friedman’s tool of choice was … the shock treatment approach he urged on bold politicians for countries in distress.” (...)
Nonetheless, it is within this oppressive climate that the Lebanese people, Sunni and Shiite, trade unionists and Hizballah, have come together to oppose the attempts by the West and its client prime minister Siniora to remake Lebanon, in the wake of Israel’s catastrophic 2006 assault, in the image of New Orleans in the wake of Katrina. Klein is one of the few Western intellectuals to have appreciated the importance of this story, and this is just one of the many virtues of this extraordinary book. Whether or not she is correct in her belief that “the shock is wearing off,” there is an indelible truth in her assertion that “[t]he only prospect that threatens the booming disaster economy on which so much wealth depends … is the possibility of achieving some measure of climatic stability and geopolitical peace.”
https://electronicintifada.net/content/disaster-capitalism-israel-warning/7179
Pierre Rabhi est un cultivateur, qui parle surtout de la campagne et de l'agro-foresterie, c'est-à-dire de l'exploitation raisonnée de la nature.
Mais on peut parler aussi de la nature en naturaliste, comme le faisaient Roger Heim, Jean Dorst ou Théodore Monod, qui considéraient que l'homme est seulement une espèce parmi les millions d'autres de la planète Terre et qu'il doit vivre en harmonie avec elles.
C'est pour cela qu'il faut donner entièrement raison à Naomi Klein et à Jason Box lorsqu'ils écrivent dans leur dernier article du New Yorker cité plus haut:
A climate summit taking place against the backdrop of climate-fuelled violence and migration can only be relevant if its central goal is the creation of conditions for lasting peace. That would mean making legally enforceable commitments to leave the vast majority of known fossil-fuel reserves in the ground. It would also mean delivering real financing to developing countries to cope with the impacts of climate change, and recognizing the full rights of climate migrants to move to safer ground. A strong climate-peace agreement would also include a program to plant vast numbers of native-species trees in the Middle East and the Mediterranean, to draw down atmospheric CO2, reduce desertification, and promote cooler and moister climates. Tree planting alone is not enough to lower CO2 to safe levels, but it could help people stay on their land and protect sustainable livelihoods.
Replanter des forêts naturelles est certainement la tâche la plus urgente et la plus exaltante à laquelle nous pouvons nous livrer aujourd'hui, tout en protégeant celles qui existent encore.
P.O.C.
Pierre Rabhi est l'auteur de plusieurs livres, dont "Vers la sobriété heureuse" (Actes Sud)
http://www.actes-sud.fr/catalogue/economie/vers-la-sobriete-heureuse
Présentation par l'éditeur:
"Pierre Rabhi a en effet vingt ans à la fin des années cinquante, lorsqu’il décide de se soustraire, par un retour à la terre, à la civilisation hors sol qu’ont largement commencé à dessiner sous ses yeux ce que l’on nommera plus tard les Trente Glorieuses.
Après avoir dans son enfance assisté en accéléré, dans le Sud algérien, au vertigineux basculement d’une pauvreté séculaire, mais laissant sa part à la vie, à une misère désespérante, il voit en France, aux champs comme à l’usine, l’homme s’aliéner au travail, à l’argent, invité à accepter une forme d’anéantissement personnel à seule fin que tourne la machine économique, point de dogme intangible. L’économie ? Ce n’est plus depuis longtemps qu’une pseudoéconomie qui, au lieu de gérer et répartir les ressources communes à l’humanité en déployant une vision à long terme, s’est contentée, dans sa recherche de croissance illimitée, d’élever la prédation au rang de science. Le lien filial et viscéral avec la nature est rompu ; elle n’est plus qu’un gisement de ressour ces à exploiter – et à épuiser.
Au fil des expériences de vie qui émaillent ce récit s’est imposée à Pierre Rabhi une évidence : seul le choix de la modération de nos besoins et désirs, le choix d’une sobriété libératrice et volontairement consentie, permettra de rompre avec cet ordre anthropophage appelé “mondialisation”. Ainsi pourronsnous remettre l’humain et la nature au coeur de nos préoccupations, et redonner, enfin, au monde légèreté et saveur."
Hermann Ploppa sur la Stratégie du choc de Naomi Klein:
(...) "Actuellement, on réquisitionne en grande quantité des installations et bâtiments communaux et municipaux ainsi que des centres communautaires au sein des communes allemandes pour y placer des réfugiés. Quiconque s’oppose à ce procédé se voit subitement confronté au reproche d’être xénophobe. L’extrême droite utilise des prétendus «groupes de citoyens» pour leurs actions, afin de dénigrer les réels soucis des citoyens. On ne peut pas s’empêcher de soupçonner qu’on utilise, une fois de plus, la «Stratégie du choc» que Naomi Klein a si bien décrit dans son ouvrage du même nom. Elle y décrit comment les expropriateurs défendant le radicalisme du marché utilisent des catastrophes tels des tsunamis ou des tremblements de terre, pour réutiliser des régions détruites selon leurs plans. On peut observer cela au Sri Lanka, où les pêcheurs avaient été chassés après le tsunami pour pouvoir installer sans entraves sur les plages tropicales de rêve des quantités de lotissements touristiques. Un autre exemple est la Nouvelle-Orléans qui a été complètement reconstruite selon les plans du radicalisme de marché à la suite de l’ouragan Katrina. Selon ce modèle, la crise des réfugiés pourrait également servir à réorganiser la topographie sociale de l’Allemagne, en profitant de l’état de choc généralisé de la population allemande: c’est-à-dire miner le vivre-ensemble de la population par la fermeture de centres communautaires et par la répartition nécessairement assez opaque des prestations sociales." (...)
Source: Aucune planification dans la crise des réfugiés? par Hermann Ploppa http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=4773