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Rouge et Blanc, ou le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Jean-Claude Michéa nous parle de Simon Leys...

11 Novembre 2016 , Rédigé par POC

Le philosophe Jean-Claude Michéa, auteur d’«Impasse Adam Smith», s’exprime pour la première fois après la mort de Simon Leys, survenue le 11 août dernier. A ses yeux, celui-ci restera comme «le plus grand essayiste de langue française des cinquante dernières années», d’une importance intellectuelle et politique égale à celle d’Orwell et Pasolini. Entretien exclusif pour «le Nouvel Observateur».

Le Nouvel Observateur L’œuvre de Simon Leys fut l’une de vos grandes sources d’inspiration. En quelle année et avec quel livre l’avez-vous découvert?

Jean-Claude Michéa J'ai lu «Les Habits neufs du président Mao» en 1975, autrement dit au moment précis où je commençais à m’immerger dans les écrits de Guy Debord et de l’Internationale  situationniste. On oublie trop souvent, en effet, que cet ouvrage iconoclaste a d’abord été publié en 1971 dans le cadre de la Bibliothèque asiatique de René Viénet (ce dernier - l’une des figures les plus fascinantes de l’IS - ayant lui-même été expulsé de Chine maoïste quelques années auparavant). Il se présentait donc surtout, à l’origine, comme une confirmation empirique des remarquables intuitions  formulées par Guy Debord, dès 1967, dans «Le Point d’explosion de l’idéologie en Chine».

Simon Leys a, du reste, toujours tenu à reconnaître le rôle décisif que René Viénet avait ainsi joué dans son propre parcours intellectuel. «Sans lui, écrivait-il par exemple dans une lettre de 2003 à Pierre Boncenne, je n’aurais probablement jamais rien publié ; on pourrait dire assez littéralement que c’est Viénet qui m’a inventé.» Notons, au passage, que cette  décision de démystifier la «Grande Révolution Culturelle Prolétarienne» - alors même que le culte de Mao battait son plein dans la presse française officielle de l’époque - ne devait absolument rien, chez Simon Leys, aux contraintes universitaires du Publish or Perish. Elle s’était en réalité imposée à lui, un jour de 1967, lorsqu’il avait découvert avec effroi un journaliste chinois en train d’agoniser devant sa porte (lui-même résidait alors à Hong-Kong) après avoir été atrocement torturé par les nervis de Mao.

Depuis lors, je n’ai évidemment jamais cessé de lire avec passion, ouvrage après ouvrage, celui que je considère toujours comme le plus grand essayiste de langue française de ces cinquante dernières années. Par son indépendance d’esprit et son intransigeance morale absolue (sans même parler de sa connaissance inégalée de l’histoire et de la culture chinoises), l’œuvre de Simon Leys se situe clairement, en effet, au même niveau d’importance philosophique et politique que celle d’un Pasolini, d’un Orwell ou d’un Liu Xiaobo.

(...)

Lisez la suite de l'entretien de Jean-Claude Michéa avec Aude Lancelin:

http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20140830.OBS7682/simon-leys-le-fleau-des-ideologues.html

Mort de Simon Leys, le sinologue qui a vu la Chine sombrer dans la barbarie, par David Caviglioli:

http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20140811.OBS6054/mort-de-simon-leys-le-sinologue-qui-a-vu-la-chine-sombrer.html

La dernière demeure de George Orwell:

http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20130123.OBS6321/la-derniere-demeure-de-george-orwell.html

Au bout d'un long sentier de plusieurs miles, on l’aperçoit enfin. Elle surplombe la baie. On ne regrette pas sa peine. Le ciel est une récompense. L’océan se présente juste comme il faut, découpé, par des collines qui le surplombent. Un peintre, Edward Hopper peut-être, semble avoir arrangé à sa convenance ce rapport entre le vert de la lande, le bleu de la mer, le gris et le mauve des nuages. Une maison en prise directe avec le spectacle de la nature est un théâtre sans commune mesure.
Sur un fond de silence et de solitude, on perçoit le bruissement de la mer. La ferme est seule en contrebas, plus seule encore que je ne l’imaginais d’après les lettres et les descriptions. Enfin Barnhill est sous mes yeux.

George Orwell

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Ce qui m’intéresse, mon domaine de prédilection, c’est la littérature et la peinture chinoises. Quand j’écrivais sur la politique chinoise contemporaine, je ne faisais qu’énoncer l’évidence, ce que tout le monde sait. Mais ça a pu, à cette époque, déranger quelques idiots ici et là – ce qui, de toute manière, n’a eu aucune importance.

Simon Leys.

Vous devez faire partie de l’intelligentsia pour écrire des choses pareilles; nul homme ordinaire ne saurait être aussi stupide.

George Orwell

Dans l’ordre normal des priorités, il faudrait quand même que le frivole et l’éternel passent avant le politique.

George Orwell

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