La nature au carré
9 Mars 2017 , Rédigé par POC
Jardin et parterres au-dessus de l'Orangerie du château de Versailles. Détail d'une gravure de Le Pautre (XVIIIe siècle). Collection et photo: P.-O. Combelles.
La nature au carré: haie de thuyas (Thuja occidentalis) dans un lotissement pavillonnaire d'Ile de France. Photo: Pierre-Olivier Combelles
Au même endroit: la haie taillée chaque année et derrière, les thuyas qui poussent en liberté au bord d'un petit parc public. Photo: Pierre-Olivier Combelles
Le "jardin à la française" n'est pas pour rien une invention française. Dans ce pays habité et domestiqué par l'homme depuis au moins 500.000 ans*, et dont l'hypocrite devise maçonnique fait rimer égalité avec liberté, il y a une singulière hostilité instinctive (sans doute depuis l'occupation romaine et encore plus la Révolution et la République qui ont unifié et uniformisé cette mosaïque de peuples qui coexistaient autrefois sur notre territoire) pour tout ce qui est différent, autre, autonome, et une volonté permanente de dominer, de contrôler, de maîtriser la nature et de "civiliser" ou détruire tout ce qui est "sauvage": hommes, peuples, animaux, plantes.
En résumé: la France est un hexagone qui pense en carré dans un triangle maçonnique...
Rien n'illustre mieux cela que la haie de thuyas traditionnelle qui clôt le pavillon entouré de son jardinet, demeure emblématique des Français. Pauvres thuyas civilisés (Thuja occidentalis**) tondus chaque année, qui souffrez des milliers de blessures faites à vos branches et à vos rameaux et qu'on empêche de grandir et de s'étendre librement vers le sol et vers la lumière! Combien vous ressemblez peu à vos frères sauvages d'Amérique du nord d'où l'on vous a rapportés au XVIe siècle, grands et beaux arbres de vingt mètres de haut et parfois plus !
Dire que c'est vous (et qu'est pour cela qu'on vous appelle aussi Arbor vitae) qui avez sauvé Cartier et ses hommes de scorbut lorsqu'ils ont hiverné au Québec: les Indiens leur ont donné à boire de la décoction de thuya (Anneda, dans leur langue), riche en vitamine C ...
Parfois, en bordure de nos villages, à la lisière de la forêt, on vous voit pousser librement et là, nous vous connaissons tels que vous êtes, dans votre bonheur et votre amplitude d'arbres libres.
Comme aurait dit de Gaulle:
Vive le thuya ... LIBRE!
Et, Français, si vous tenez absolument à entourer votre jardin d'une haie, privilégiez au moins les espèces indigènes, en mélange, comme le charme, le noisetier, l'aubépine, le houx etc, qui ne prennent pas trop de volume. Et au moins les petits animaux qui habitent les haies: insectes, oiseaux, petits mammifères, ne se sentiront pas dépaysés.
Pierre-Olivier Combelles
*E. Bonifay & B. Vandermeersch, s. dir., Les premiers Européens. Compte rendu par Sophie A. de Beaune. L'Homme Année 1994 Volume 34 Numéro 132 pp. 221-223.
Le même Thuya (Thuja occidentalis) poussant librement à la lisière de la forêt... Photo: Pierre-Olivier Combelles
R.C. Hosie: Native trees of Canada. Published by Fitzhenry & Whiteside Ltd. & the Canadian Government, 1979.
Chef Peguis par Peter Rindisbacher, vers1825. Un costume similaire à celui du chasseur néolithique d'Ôtzi découvert dans un glacier des Alpes italiennes et aussi éloigné de l'homme urbain XXIe siècle en costard noir et chemise blanche genre "Men in Black" que les thuyas des haies françaises le sont de leurs congénères sauvages.
Image tirée du film"Men in Black": vêtus de l'uniforme du businessman et du politicien urbains modernes, cheveux courts et visage rasé de près: symbole de l'"esprit carré'", binaire, matérialiste, conformiste et de l'uniformisation planétaire de l'homme au XXIe siècle. Evidemment en contraste avec l'humour du film.
La campagne française comble de joie l’économiste impénitent. Richesse de la terre, incomparable fécondité du sol, et surtout admirable et minutieuse culture du terrain, qui ne laisse pas se perdre le plus petit recoin.
Ce spectacle m’accable. Malgré la beauté et la diversité dont la nature a doté ces paysages, l’homme a su leur imposer une monotonie énervante.
Les rectangles implacables des différentes cultures se succèdent docilement et s’étendent jusqu’à l’horizon. Les arbres alignés se cachent les uns derrière les autres, à égale distance, et font défiler leurs rangs au passage de l’automobile, avec un geste précis et mécanique de gymnaste. Si, tout à coup, nous trouvons un petit bois, il n’est pas difficile de deviner quel rôle pratique remplit cet apparent morceau de liberté oublié sur un sol soumis. Et les vignobles, les vignobles aux mystiques sarments, qui ont fini par envahir le paysage de leur sévérité industrielle.
Bientôt nous éprouvons le désir d’une pièce de terre stérile et libre, d’une terre préservée du labeur humain.
Cette campagne française fait pitié. Terre soumise et servile.
Nature que l’homme a asservie. Sol dompté, incapable de se révolter, plus semblable à une usine alimentaire qu’à la campagne rustique et sacrée que l’homme habitait jadis.
La richesse de la Pomone mythique se transforme en un immense entrepôt de grains et de légumes. La campagne de France n’est pas un jardin, c’est un potager.
Devant ce gigantesque déploiement d’aliments, je ne rêve que de landes stériles, de pitons glacés, de la tiède forêt de mes rivières andines.
Je ne sais d’où me vient cette répulsion. Sobriété innée, goût d’une certaine austérité janséniste, ou modération inévitable d’un ressortissant de pays pauvre? Ah! vieux terrains marécageux de Port-Royal, friches de Castille, ah! mes âpres collines.
Ce que la campagne française met en évidence, c’est la victoire définitive du paysan.
La tâche entreprise le 4 août 1789 et qu’illuminent de leurs feux symboliques les archives féodales incendiées, est enfin accomplie.
Terre entièrement cultivée, dans ses vallées et sur ses coteaux, sur les rives de ses fleuves, dans les étroits jardins de ses maisons comme dans ses vastes plaines, terre sur laquelle veille un immense amour paysan pour le sol qui le nourrit et le fait vivre. Ces lourdes moissons, ces feuillages lustrés, ces pampres qui préparent les grossesses de l’automne, sont l’effort implacable de millions de vies avides et laborieuses. Des vies qui, du matin au soir, travaillent sans relâche le sol qui enfin leur appartient et que plus rien ne protège de leur convoitise séculaire.
Un immense peuple d’insectes s’est répandu sur le sol de la France. Sa sueur le féconde et l’enrichit.
Ces champs exhalent comme la vapeur de la sueur paysanne.
Sur ces terres lumineuses, sur ces horizons doux et purs, sur la lente et molle courbe de ses collines, sur ce paysage d’intelligence et de grâce, de discrétion et de lucidité, règne une démocratie paysanne.
Nicolás Gómez Dávila (Colombie, 1913-1994)
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