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Rouge et Blanc, ou le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

BRÉSIL – LE COUP D’ÉTAT DES RURALISTES (Laurent Delcourt / CETRI)

6 Août 2017 , Rédigé par POC

Déforestation en Amazonie. Le front général d'avancée des terres agricoles en Amazonie s'appelle en brésilien "O arco do desmatamento da Amazônia" (http://www.dinamicambiental.com.br/blog/meio-ambiente/arco-desmatamento-amazonia/). Photo: Ministère de l"Environnement du Brésil.

Déforestation en Amazonie. Le front général d'avancée des terres agricoles en Amazonie s'appelle en brésilien "O arco do desmatamento da Amazônia" (http://www.dinamicambiental.com.br/blog/meio-ambiente/arco-desmatamento-amazonia/). Photo: Ministère de l"Environnement du Brésil.

Source: http://midiaeamazonia.andi.org.br/texto-de-apoio/o-arco-do-desmatamento-na-amazonia

Source: http://midiaeamazonia.andi.org.br/texto-de-apoio/o-arco-do-desmatamento-na-amazonia

J’aimerais dire ici aux marginaux du MST que nous allons donner des fusils à l’agrobusiness et aux producteurs ruraux, parce que la carte de visite de l’envahisseur, c’est une cartouche de 247. 

Extrait d’un discours du député Jair Bolsonaro, Campina Grande, Paraíba, 8 février 2017

"Les grands propriétaires terriens ont toujours été très influents au Brésil. Mais leurs tentatives de détruire la forêt amazonienne au profit de l’agro-business et de rétablir une forme de travail forcé pour les plus pauvres avaient été jugulées pendant dix années de gouvernement de gauche. La destitution, il y a un an, de la présidente Dilma Roussef a libéré leurs ardeurs. Les députés « ruralistes » sont en train de démanteler toutes les lois et institutions préservant l’environnement et défendant les droits des plus pauvres, avec la complicité du président conservateur Michel Temer. En parallèle, les assassinats de militants sans-terre se multiplient dans les campagnes, en toute impunité. Une quasi « situation de guerre civile » larvée, analysée par Laurent Delcourt, chercheur au Cetri."

(...)

"L’année dernière, le nombre de conflits ruraux aurait en effet augmenté de 26 %, passant de 1217 cas répertoriés en 2015 à 1536 en 2016, les seuls conflits liés à la terre ayant connu un bond de près de 40 %, pour atteindre près de 1079 occurrences, soit le chiffre le plus élevé depuis le premier relevé statistique de la CPT en 1985. Dans ce contexte, le nombre d’assassinats a lui aussi atteint un nouveau pic, avec 61 assassinats perpétrés en 2016 (contre cinquante-cinq en 2015) : un niveau jamais atteint depuis 2003, année considérée comme particulièrement sanglante. Outre ces « exécutions », la CPT dénonce également l’augmentation du nombre de tentatives d’assassinat, en hausse de 25 % et celle, vertigineuse, du nombre d’agressions physiques (non létales) : 206 % en un an à peine. Mais elle pointe surtout le durcissement de la répression « légale » exercée contre les militants de la cause paysanne, indigène et/ou écologiste. Non moins significatifs de l’exacerbation de la violence dans les campagnes brésiliennes, près de 228 activistes auraient ainsi été incarcérés en 2016 contre 80 en 2015, soit une hausse de près de 86 % (CPT, 2017)."

(...)

"Fondé en 1824, sous l’empire des Bragance, le Congrès national a connu depuis une remarquable continuité [1]. Rassemblant actuellement 513 députés et 81 sénateurs, il est sans doute l’un des organes législatifs les moins représentatifs du continent sud-américain. Sa principale « vertu », résume très justement Lamia Oualalou, est de « permettre aux élites de perpétuer leur mainmise sur le pouvoir » (2015). Et d’assurer, surtout, leur reproduction en gardant à distance les couches populaires. De fait, constitué très majoritairement d’hommes, riches et blancs, le Congrès ne reflète en rien les réalités sociales du pays. Outil de préservation des situations de rente, il n’a que rarement brillé par son engagement en faveur des droits de la population, pas plus que par son adhésion aux règles du jeu démocratique, en dépit de son apparent et scrupuleux respect des procédures formelles. "

(...)

"Ultra-majoritaires dans la très peu vénérable assemblée, trois lobbies parlementaires y donnent désormais le « la » : les ruralistes, les évangélistes et les défenseurs des armes à feu, appelés respectivement bancadas (rangée de bancs) du bœuf, de la Bible et de la balle, les fameux « trois B ». Le plus puissant d’entre eux, le bloc ruraliste – ou Front parlementaire agropastoral – a été créé dans le seul but de défendre les intérêts de la grande propriété et de l’agrobusiness dans le pays. Navire amiral de l’oligarchie terrienne, il compte actuellement dans ses rangs plus de 200 parlementaires (207 députés et environ un tiers des sénateurs, soit 40 % de l’assemblée), issus de très nombreux partis politiques de la majorité comme de l’opposition, ce qui lui confère un poids politique complètement disproportionné par rapport à la taille du secteur. Pouvoir démesuré donc, qui lui permet d’imposer des lois qui lui sont favorables ou d’entraver celles qui portent atteinte à ses intérêts. Et, dans tous les cas, de faire peser une intense pression sur l’exécutif, quitte à nouer des alliances opportunistes pour parvenir à ses fins. 
Au nombre de ses grandes victoires politiques, le lobby ruraliste est parvenu à imposer une vaste réforme du code forestier, contre l’avis de la présidente et de l’écrasante majorité de la population (Delcourt, 2013). Il a réussi aussi à faire annuler de nombreuses peines et amendes pour déboisement illégal. Il a obtenu l’aval des députés pour réviser la définition du « travail forcé » (comprendre « assouplir la législation en la matière »), en proposant un nouveau projet qui rallonge la journée de travail légale et va jusqu’à autoriser le remplacement du salaire ou d’une partie du salaire par l’octroi d’un logement ou de nourriture. Il a fait adopter un projet de loi qui facilite la vente de terre à des étrangers. Et désormais, ils s’attaquent aux lois et réglementations qui garantissent les droits des communautés indigènes et quilombolas (afro-descendantes), et délimitent leur territoire (Mitidierio Jr et al, 2017). Se caractérisant par une remarquable discipline de vote, les parlementaires du front ruraliste ne sont jamais restés inactifs sous les gouvernements pétistes. Au contraire. "

(...)

"De fait, propulsé à la tête du Brésil par un Congrès dominé par les forces les plus réactionnaires du pays, Michel Temer ne s’est pas fait prier pour donner entière satisfaction à ses nombreux soutiens parlementaires, et en particulier au puissant lobby ruraliste. 
D’entrée de jeu, l’ex-vice-président de Dilma Rousseff annonce la couleur en nommant à des postes-clés deux des plus farouches opposants à la démarcation des territoires indigènes et des zones protégées. Alexander Moraes, ancien conseiller à la sécurité du gouverneur de São Paulo et fervent défenseur des méthodes répressives, se voit confier le ministère de la justice, avant d’être remplacé, suite à sa cooptation au « Tribunal suprême », par Osmar Serraglio, un membre influent du lobby ruraliste. Et, le représentant le plus emblématique du secteur, le sénateur du Mato Grosso et premier producteur de soja au monde, Blairo Maggi, se fait remettre les clés du tout-puissant ministère de l’agriculture. 
À peine constitué, le gouvernement se livre ensuite à un vaste processus de réorganisation administrative et annonce des coupes budgétaires radicales qui visent – et affaiblissent – principalement les organismes environnementaux, les institutions d’appui aux secteurs ruraux populaires, et celles chargées de la défense de leurs droits."

(...)

(NOTES) [2] L’ex-directeur de la FUNAI* a été poussé à la démission après avoir refusé de nommer des personnalités proches du lobby ruraliste à des postes clés de son administration et accusé publiquement son ministre de tutelle (de la justice), Osmar Serraglio, de défendre la cause de l’agrobusiness contre les indigènes. « Une dictature est sur le point de se mettre en place dans ce pays, à l’instar de ce que la FUNAI connaît déjà » s’est publiquement alarmé ce spécialiste en santé indigène, juste après avoir renoncé à sa charge. « Une dictature qui ne permet pas au président de la Funai d’exécuter les politiques prévues dans la constitution. Le peuple brésilien doit se réveiller ». Et d’ajouter que la bancada ruralista « non seulement a pris le contrôle des questions indigènes, mais aussi du Congrès national  » (El País Brasil, 6 mai, 2017).

* Fondation Nationale de l'Indien (Fundação Nacional do Índio), un organisme gouvernemental brésilien chargé de veiller au respect de la politique indigène du Brésil.

Lisez ici en totalité l'étude documentée de Laurent Delcourt: http://www.cetri.be/Bresil-Le-coup-d-Etat-des?lang=fr

Et sur le même sujet:

Brésil : Temer fait exploser la déforestation en Amazonie, par Jan Bediat 

http://lvsl.fr/bresil-temer-fait-exploser-la-deforestation-en-amazonie

L’alliance de la Bible et du fusil-mitrailleur : ces figures montantes de l’extrême-droite brésilienne PAR MATHILDE DORCADIE/BASTAMAG - 12 JUILLET 2017

https://www.bastamag.net/L-alliance-de-la-Bible-et-du-fusil-mitrailleur-ces-figures-montantes-de-l

Le président brésilien Michel Temer, marionnette des lobbies de l’agroalimentaire ?

https://francais.rt.com/international/42874-president-bresilien-temer-agrobusiness

et les articles de Lamia Oualalou:

http://lvsl.fr/bresil-temer-fait-exploser-la-deforestation-en-amazonie

https://blogs.mediapart.fr/lamia-oualalou/blog/260517/pour-saccrocher-au-pouvoir-michel-temer-livre-le-bresil-au-lobby-de-lagrobusiness

https://www.monde-diplomatique.fr/2015/11/OUALALOU/54132

 

El hombre moderno trata al universo como un demente a un idiota. (Nicolas Gómez Dávila)

 

L'indienne kayapo Tuira menace de sa machete l'envoyé du gouvernement brésilien José Antonio Muniz Lopes dans une réunion sur le projet du barrage Belo Monte : « Nous n’avons pas besoin de votre barrage. Nous n’avons pas besoin d’électricité, elle ne nous donnera pas notre nourriture. Vous êtes un menteur ! » (1989). Les Indiens d'Amazonie ne travaillaient pas et ne connaissaient que le labeur ; quelques heures seulement dans la journée (chasse, récolte des fruits ou légumes), le reste du temps étant occupé au repos ou aux loisirs et à la fabrication des flèches, des hamacs, des ustensiles...

(1989) L'indienne kayapo Tuira menace de sa machette l'envoyé du gouvernement brésilien José Antonio Muniz Lopes dans une réunion sur le projet du barrage Belo Monte : « Nous n’avons pas besoin de votre barrage. Nous n’avons pas besoin d’électricité, elle ne nous donnera pas notre nourriture. Vous êtes un menteur ! » . Les Indiens d'Amazonie ne "travaillaient" pas et ne connaissaient que le labeur ; quelques heures seulement dans la journée (chasse, récolte des fruits ou légumes), le reste du temps étant occupé au repos ou aux loisirs et à la fabrication des flèches, des hamacs, des ustensiles... (Pierre-Olivier Combelles)

Source: http://pocombelles.over-blog.com/2015/06/la-foret-magique.html)

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