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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

L'extractivisme au Canada (CLAC et Réseau de résistance anti-G7)

7 Août 2018 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

L'extractivisme : un modèle d'exploitation Made in Canada


Soumis par CLAC-01 le ven, 04/12/2013 - 17:22


Il est facile d'observer les rouages de l'impérialisme et du colonialisme dans les relations internationales ; le pillage systématique des richesses du Sud par le Nord. Toutefois, examiner ces relations plus attentivement, et particulièrement en termes économiques, permet de bien comprendre le rôle que joue le Canada dans cette structure.

Qu’est-ce que l'extractivisme ?

L'extractivisme est « fondé sur la surexploitation des ressources en grande partie non renouvelables » et vient avec un arsenal de justifications particulières afin de vendre ses projets.

En gros, « extractivisme » vient d’extraction. On retire des ressources (minérales, pétrolifères, agricoles, animales, sylvicoles, etc.) du milieu naturel, puis on les vend sur les marchés internationaux. Cette doctrine économique est basée sur l'a priori suivant : il faut sortir les matières premières et les exporter le plus vite possible, avec le moins de transformation et de manipulation possible. L’État perçoit en général de maigres redevances alors que les grandes multinationales du secteur minéro-énergétique s'en mettent plein les poches. Le PIB augmente, ce qui sert à faire croire à la population qu'il y a croissance économique et que c'est bon pour tout le monde même si, en réalité, ce modèle crée très peu d'emplois et laisse beaucoup de dévastation derrière lui.

L’extractivisme revient aux notions fondamentales de l’économie de l'offre et de la demande, mais dépend de l’économie financière. En fait, les ressources qu’il se propose d’exploiter ne deviennent intéressantes qu’à partir du moment où les marchés annoncent des prix élevés pour une matière. Évidemment, quand les marchés chutent, les espoirs de développement d’une région ou d’un pays disparaissent aussitôt.

L’extractivisme procède donc à un double processus d’extraction : celui qui consiste à tirer une ressource du sol et celui de l'exportation l’exportation de la ressource en dehors du pays producteur. Le dynamisme de l’économie est alors fondé sur ce duo extraction/exportation. L'extractivisme se borne à identifier ce qui se vend le plus cher sur les marchés internationaux avant de l'extraire et de l'exporter. Ce modèle économique conduit donc en quelque sorte à une re-primarisation des économies, qui deviennent alors très vulnérables face aux fluctuations des marchés mondiaux.

Exit les réflexions sur l’environnement ou sur la répartition des richesses. Selon la dynamique extractiviste, les ressources sont existantes et les acheteurs sont existants. On vend les premières aux seconds le plus rapidement possible et on dégage un profit. C’est la seule équation recevable.

Il est très clair que le Plan Nord s'inscrit dans une telle lignée, mais il faut aussi voir comment le Québec s'est inscrit dans cette logique depuis... toujours. En fait, en 1946, à la suite de la ratification d'un accord par le gouvernement du Québec, « il a été prouvé que le gouvernement recevait des redevances d'environ 11 cents la tonne en comparaison de redevances de 52 cents par tonne demandées par l'État du Minnesota. En comptant toutes les taxes et les gratifications, la population québécoise recevait 30 cents la tonne en comparaison d'environ un 1,25 dollars exigé par l'État du Minnesota1 ». Depuis ce temps, l'importance du secteur minier a été grandement réduite2, mais elle reste très grande en comparaison des États-Unis. D'un côté comme de l'autre, on détruit des territoires, pour réduire temporairement le taux de chômage et donner un stimulant à l'économie.

Il ne faut pas oublier que le Canada est l'un des plus importants joueurs dans le secteur minéro-énergétique mondial. En Amérique latine, la très grande majorité des multinationales minières et pétrolières qui imposent des projets d'exploitation des ressources naturelles aux communautés locales et aux travailleurs et travaillEUSEs, sont canadiennes. Le plus souvent, ces entreprises utilisent la répression pour faire taire les opposantEs à leurs projets, en plus de toutes sortes de manigances pour empêcher la syndicalisation des travailleurs et travailleurEUSEs, pouvant aller jusqu’à faire assassiner les leaders syndicaux qui parlent trop fort.

Comment la mécanique économique fonctionne-t-elle ?

Essentiellement, les États-Unis occupent un rôle névralgique dans les opérations productives mondiales : c'est eux qui conçoivent et élaborent les plans et qui établissent les stratégies de mise en marché. Par exemple, un Ipod coûte 144,40 $ à produire outre-mer et est vendu 299 $3. Ainsi, pour chaque Ipod vendu, l'Amérique ajoute 154,60 $ et les pays étrangers n'ajoutent que 144,40 $. Bref, cela veut dire que les États-Unis, sans rien toucher, génèrent plus de valeur que l'Asie. De cette façon, les pays qui ont une forte quantité de capitaux restent riches et ceux qui en ont peu restent pauvre. De plus, en augmentant l'endettement des ménages américains (par la facilitation de l'accès au crédit), on peut multiplier la demande intérieure et, ainsi, poursuivre la « croissance » économique.

Par ailleurs, au Québec, le développement continu des ressources hydroélectriques (depuis 50 ans !) était jadis promu sous prétexte que l'énergie était une infrastructure nécessaire au développement de l'industrie. Maintenant on utilise la sauce écolo : « L’énergie, c’est la clé du développement durable sur le territoire du Plan Nord4. » Le problème, c'est que le Québec exporte déjà plus de 10 % de l'électricité produite. Dans la perspective extractiviste, c'est l'État qui doit mettre en place les infrastructures dont le secteur privé a besoin pour mener ses projets d'exploitation des ressources (routes, électricité, etc.). Cela signifie que c'est nous qui payons, par le biais des impôts, la mise en place des conditions nécessaires aux projets de ces multinationales, sans même que les populations locales ne soient réellement consultées.

Pourquoi est-ce si mauvais ?

Le principal problème, c'est que les ressources non exploitées se retrouvent essentiellement sur des terres autochtones. Lors de la colonisation initiale, les gouvernements ont tôt fait de signer des ententes avec les autres puissances coloniales. Toutefois, les relations avec les Autochtones n'ont pas été clarifiées sur le territoire « inutilisé ».

Il ne faut pas se cacher non plus que la destruction environnementale est une réponse à un problème économique. Le développement du Nord n'arrive pas sans raison. Le réchauffement climatique faisant fondre les glaces au nord, un passage s'ouvrira entre l'Asie et l'Europe, coupant 5 000 km à la route actuelle des marchandises5. Si le Canada réussi à prouver que les eaux lui appartiennent, il aura droit à des redevances, comme le fait présentement le Panama avec le canal du même nom. De plus, de nombreuses autres industries comprennent l'importance des enjeux. Par exemple, l'industrie forestière prévoit de nouvelles zones de coupes plus au nord, puisque les arbres pourront y grandir jusqu'à une taille rentable. Aussi, l'industrie pétrolière vise à rejoindre Prince-George par le biais du Northern Gateway Pipeline, essentiellement pour exporter le pétrole vers l'Asie.

Mais quels sont les objectifs de toutes ces stratégies ? Officiellement, de prévenir le chômage et de continuer la croissance économique. Officieusement, de répondre aux puissants lobbys des compagnies minières, pétrolières et forestières qui veulent à tout prix s'accaparer « nos » ressources.

Toutefois, l'économie ne concerne pas uniquement la production des richesses, mais aussi et surtout leur distribution. On donne encore plus de pouvoir aux entreprises gaspilleuses, coloniales et destructrices de l'environnement, sous prétexte qu'elles « développeront » les régions et créeront de l'emploi, alors que l'histoire nous démontre clairement que ces profiteurs n'ont jamais partagé leurs profits équitablement, qu'ils ont rendu les régions dépendantes et ont trop souvent laissé derrière eux misère et destruction. Il faut donc empêcher la poursuite de tous ces projets coloniaux, parce que non seulement ils ne nous donneront que des miettes, mais surtout, notre richesse ne peut naître que d'une relation harmonieuse avec les êtres humains et l'environnement, dans une perspective à long terme, et d'une prise en charge collective.

« Les ressources naturelles »

Est-ce qu'un jour « il n'y aura plus de pétrole » ? La réponse est simplement non. Il y a toutes sortes de sources secondaires de pétrole qui ne sont pas comptabilisées dans les réserves, pour la simple et bonne raison qu'elles sont beaucoup plus dispendieuses à extraire que les prix du marché. Par exemple, la production et l'exportation des sables bitumineux ou l'exploitation des gaz de schiste ne se font que lorsque les prix du pétrole sont très élevés6. Ainsi, plus les prix des ressources naturelles continueront d'augmenter, plus de nouvelles méthodes d'extraction pourront être utilisées. De plus, l'augmentation drastique de la demande provenant de l'épuisement des formes conventionnelles d'extraction d'un minerai permet d'augmenter la marge de profits des capitalistes. Le paradoxe réside dans le fait que plus la ressource est rare, plus le prix monte ; plus il monte, plus on veut l'exploiter. Ainsi, selon la logique capitaliste extractiviste, plus on approche de la fin des ressources, plus on accélère le processus d'exploitation de celles-ci. Même si cela semble fou, en fait, les multinationales pétrolières en sont actuellement à exploiter le plus vite possible les sources conventionnelles de pétrole, afin de pouvoir épuiser les stock se trouvant principalement dans des pays du Sud. Ainsi, elles pourront passer à l'exploitation de sources non conventionnelles, comme les sables bitumineux et les gaz de schiste, afin d'augmenter leur contrôle sur les sources énergétiques mondiales et leur marge de profits, grâce à la rareté.

Notes :


1 Michael D. Behiels, Prelude to Quebec's Quiet Revolution : Liberalism versus Neo- Nationalism, cité par Alain Gagnon dans Québec, au-delà de la révolution tranquille.
2 Voir, pour la période 1960-1990, Simon Langlois, Recent Social Trend in Quebec, 1960-1990, chapitre 4, secteur d'activités et pour la période 1990-2013, http://bit.ly/11YR01E, ou encore http://bit.ly/16o3ZIV
3 Exemple tiré de http://bit.ly/10p13YC
4 http://bit.ly/10aiLAf, p 53.
5 http://bit.ly/113q7XG (à la toute fin)
6 http://bit.ly/YZGlw3

Source: https://www.clac-montreal.net/fr/node/392

Avec l'aimable autorisation des auteurs

 

L'extractivisme s'invite au G7

Bien que le gouffre d’une crise écologique globale pointe de plus en plus clairement à l’horizon, jamais le capitalisme n’aura été aussi déterminé à nous y faire foncer tête première. À moins d’être un climato-sceptique de bas étage, ou un lobbyiste chez Transcanada, plus personne ne remet en doute le caractère précaire de la biodiversité. Or, on assiste pourtant à une multiplication des projets extractivistes, des projets qui visent l’accumulation de capital sur le dos des écosystèmes et des peuples, au profit de quelques pourritures à cravates. Surprise ! Les principaux pays leaders de l’extractivisme sont aussi des pays membres du G7.

La logique de l’extractivisme est simple, et très paradoxale : on extrait les ressources naturelles pour se faire du capital par le marché. Ce faisant, on augmente la rareté de ces ressources, ce qui provoque l’augmentation de leur prix, ce qui pousse les capitalistes à extraire plus, ce qui augmente leur rareté…jusqu’à l’épuisement !

Pour se donner quelques exemples, les sables bitumineux de l’Ouest canadien et les gaz de schiste sont deux ressources naturelles qui sont ciblées actuellement par l’extractivisme aux soi-disant « Canada et États-Unis ». Ces hydrocarbures ont la particularité d’être extrêmes ou non-conventionnels, c’est-à-dire qu’ils diffèrent du pétrole régulier par leur méthode d’extraction beaucoup plus polluante et risquée que celles utilisées auparavant.

Chemin faisant, on oublie volontairement que notre monde est limité, et c’est là que se situe le paradoxe écologique : l’extractivisme sème lui-même les graines de sa propre destruction, et au passage, de la nôtre.

Extractivisme impérialiste

Si la multiplication des projets extractifs en Amérique du Nord inquiète, la situation est tout aussi révoltante dans le Sud global. Sous les politiques néolibérales des États du G7, se cache toute une économie du pillage, maintenue au moyen de la dette et de la militarisation. Si l’impérialisme canadien passe souvent inaperçu vis-à-vis de l’impérialisme américain, notamment avec les guerres pétrolières au Moyen-Orient, il n’en demeure pas moins que l’État canadien est tout aussi violent et complice. L’un des exemples les plus flagrants est celui de l’industrie minière : 75% des entreprises minières dans le monde ont leur siège social au Canada. Seulement en Amérique latine, les actifs de ces compagnies ont une valeur de plus de 50 milliards de dollars. Ainsi, ailleurs dans le monde, l’impérialisme minier canadien est bien connu : on peut fréquemment voir des drapeaux canadiens brûler dans les manifestations contre l’imposition des mégaprojets miniers. C’est que ces projets ont des conséquences environnementales et sociales effarantes : contamination et assèchement des nappes phréatiques, dissémination de poussières toxiques, rupture des digues des bassins de décantation, déplacement de populations, etc. Et lorsque les communautés résistent, c’est par la force qu’on leur imposera ces projets. Seulement au Honduras, 125 activistes environnementaux et militant-e-s autochtones ont été assassiné-e-s depuis 2009, année du coup d’État supporté par les États-Unis et le Canada. Il ne va pas sans dire que depuis, les investissements canadiens au Honduras se portent bien. L’État canadien a signé un traité de libre-échange avec le Honduras en 2013 et a activement participé à rédiger le nouveau code minier de ce pays, dans le but de mettre fin au moratoire sur les nouveaux projets miniers qui avait cours depuis 2004. En somme, l’extractivisme est un rouage central de l’impérialisme canadien qui continue d’imposer le transfert et la concentration des capitaux du Sud vers le Nord, au mépris des vies humaines qui se trouvent sur son passage.

Extractivisme colonial

Si les États du G7 imposent pillage et destruction de l’autre côté de leurs frontières, ils font tout autant de ravage sur les territoires sur lesquels nous nous trouvons. Les frontières sont des lignes arbitraires qui ne servent qu’à renforcer l’allégeance nationaliste, et qui masquent que le pouvoir impérialiste est le même que le pouvoir colonial. Le soi-disant « Canada » n’est depuis le début qu’un triste projet d’extraction des ressources, depuis les castors, en passant par la forêt boréale, les minerais et le pétrole (l’eau sera-t-elle l’eldorado du futur ?), extraction rendue possible parce que les autorités coloniales ont volé aux peuples autochtones les territoires sur lesquels ces ressources se trouvent. Depuis maintenant 525 ans, ces derniers résistent contre la destruction qui leur est imposée, et leurs luttes frappent des points névralgiques de la machine capitalo-coloniale. L’an dernier, le camp de Standing Rock contre la construction d’un pipeline au Dakota du Nord a vu converger des milliers d’activist-e-s autochtones de partout sur le continent, et de nombreux et nombreuses militant-e-s solidaires. Le camp d’Unist’ot’en pour sa part tient maintenant les barricades depuis 2009 et empêche la construction des pipelines sur un territoire jamais cédé. Ces luttes contre l'extractivisme colonial nourrissent plus que jamais les imaginaires de la résistance et inspirent à la convergence de nos solidarités vers un puissant mouvement décolonial et anticapitaliste.

Conclusion

C’est donc un portrait sombre, taché de sang, qu’on découvre lorsqu’on gratte un peu pour voir ce qui se cache derrière les projets extractivistes. Pas besoin d’expert-e-s pour nous dévoiler la vérité, on se rend bien vite compte de l’ampleur de la tromperie quand nos forêts, nous cours d’eau, nos villages disparaissent pour laisser pousser une mine à ciel ouvert ou un pipeline. Pourtant, on continue de nous enfoncer ces projets dans la gorge, sans consultation, sans préavis, en nous vomissant dans les oreilles que tout va bien, et que seul prime le bien-être de l’économie.

Face à l’imminent G7 qui se tiendra ce printemps à La Malbaie, notre opposition est non-négociable.

Non-négociable parce que nous devons bloquer ce cirque de luxe, formule vacances Club Med, où les élites politiques se rassemblent pour s’entendre sur la nouvelle façon de mieux tromper, de mieux asservir, de mieux piller, de mieux tuer.

Non-négociable, parce que nous devons solidarité avec celles et ceux-là mêmes qui sont les premières victimes de nos prétendus gouvernements, celles et ceux qui nous sont rendu-e-s inaccessibles par ces murs invisibles que représentent les frontières, celles et ceux qui seront les plus gravement atteint-e-s par notre propre politique de l’autruche quant à la dégradation de la nature.

Non-négociable, parce que nous devons mettre à l'avant-plan les revendications des communautés autochtones, parce que nous devons répondre des actes passés qui expliquent leur oppression, parce que nous devons détruire le système actuel qui la perpétue.

Source: https://antig7.org/en/node/54

Avec l'aimable autorisation des auteurs

 

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