Jean Rostand: Carnet d'un biologiste

J'ai vécu pendant quelques années à Ville d'Avray, non loin des étangs que Corot a peints. Mon petit studio était environné de châtaigniers et de chênes dont les feuilles devenaient dorées à l'automne: une féérie. C'est là que j'ai lu, avec délices, Jean Rostand, mon frère, mon ami.

P.-O.C.

"Vivre en familiarité avec la nature nous rend, à notre insu, très différent des autres. Son tacite langage nous pénètre, nous imprègne, et doucement nous persuade l'insuffisance de tout vocable humain."

"L'honnêteté de l'esprit est la seule qualité que l'on ne puisse pas feindre."

"La noblesse d'un être est rigoureusement indépendante de celle de ses convictions."

"Je tiens beaucoup trop passionnément à la paix pour être toujours du côté des pacifistes."

" Une grosse femme parlant des ouvriers avec une cruelle suffisance: j"en veux à ces chairs molles d'où s"échappent des paroles dures."

"Passé l'enfance, on devrait savoir, une fois pour toutes, que rien n'est sérieux."

"Apprendre à se contenter du momentané, du précaire, du changeant, de l"approximatif, de l'incertain, de l'insuffisant, de l'impur."

"Quand l'idéal se déplace, il faut bien qu'on s'oriente différemment.

Le tournesol reste fidèle au soleil."

"Très honnêtement, je pense qu'il n'y a rien au monde d'aussi ravissant qu'une rainette bleue. Chez cet Amphibien, vert d'ordinaire, la coloration bleue tient à la disparition du pigment jaune. Si toutes les rainettes étaient bleues, c'est évidemment la verte qui nous semblerait un chef-d'oeuvre."

"On ne peut jamais se reposer sur l'amour, - et c'est pourtant sur lui que tout repose."

Jean Rostand, Carnet d'un biologiste, Editions Stock, 1959.