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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Populisme climatique néolibéral - Créer et préserver de bonnes conditions de vie pour tous! par Matthias Burchardt*

15 Décembre 2019 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

Cet article repose sur une différenciation importante. Elle consiste à dissocier la nécessité de garantir de bonnes conditions de vie sur le plan social et écologique de la discussion publique sur le climat. Il se réfère donc aux modèles de pensée et aux discours actuellement générés autour du thème du «climat», largement diffusés auprès du public. A mon avis, on trouve dans ce domaine bien des gens qui profitent de la situation afin d’exploiter l’hystérie ambiante dans le sens de leurs propres intérêts.

 

Même si nous allons ici argumenter contre le populisme climatique, il ne s’agira surtout pas d’éluder les responsabilités écologiques ou de discréditer le véritable engagement en faveur de l’environnement. Bien au contraire, un examen critique des modes de pensée actuels devrait replacer dans un contexte rationnel les responsabilités de tous envers la nature et les conditions de l’existence humaine. L’analyse implique donc de façon sous-jacente que l’hystérie climatique profite aux acteurs de «l’Etat profond», qu’elle alimente et oriente le discours. De plus cette gestion de la situation n’œuvre justement pas dans le sens d’une existence terrestre optimale de l’humanité, mais constitue en fait un cynique instrument de domination. En d’autres termes, un examen plus approfondi du débat sur le climat devrait venir en aide à l’homme et à la nature, notamment en ne jouant plus la question écologique contre la question sociale. Mais pour cela, il faut dénoncer en tant que tels les pièges, les chausse-trappes de la pensée et les simulacres politiques popularisés par le discours sur le climat.

Un discours sur le climat destiné à l’obscurcissement du jugement politique 

Même sans entrer dans le discours sur le climat, il y a suffisamment de raisons de se préoccuper de l’état de nos ressources vitales naturelles. D’un point de vue esthétique, nous nous rendons déjà compte de l’impact de notre mode de vie et de notre fonctionnement économique sur la nature qui nous entoure. Au travers de la pollution et de l’urbanisation, nous affaiblissons la qualité de vie et la valeur récréative des paysages qui nous entourent. Sur le plan médical, nous constatons une contamination dangereuse de l’air et de l’eau, des denrées alimentaires d’origine végétale et animale. En ce sens, protéger l’environnement équivaut toujours à protéger l’être humain, car les substances toxiques, le bruit, les rayonnements affectent nos vies. Il est par exemple intéressant de noter qu’il n’y a pas de débat public significatif sur les réseaux 5G alors même que de nombreux signes soulignent des risques pour la santé (cf. https://mobilfunkstuttgart.de/swr-2-impuls-5g-und-das-gesundheitsrisiko-peter-hensinger-contra-bundesamt-fuer-strahlenschutz/). 
Mais même là où nous, en tant qu’êtres humains, ne sommes pas directement concernés, nous avons des responsabilités envers la nature. Le christianisme, par exemple, appelle à préserver la création, et cela non seulement parce qu’elle nous est bénéfique mais parce qu’elle est l’œuvre de Dieu. Nos semblables laïques éprouvent peut-être eux-mêmes le sentiment nommé par Albert Schweitzer le «Respect de la vie», empêchant de faire du mal à d’autres créatures sans nécessité. 
Il ne faut cependant pas surestimer la nature au travers de clichés romantiques. Ce n’est pas un paradis, ainsi que l’ont démontré la biologie de l’évolution et l’écologie, mais finalement aussi un lieu sans pitié où la loi du plus fort décide de la vie et de la mort, dans une lutte pour l’accès à des ressources limitées. Il n’y a vraiment que l’homme pour y apporter et y voir une dimension éthique des responsabilités. La culture et la politique doivent reconnaître et défendre la dignité des plus faibles et des plus vulnérables. Les animaux ne connaissent pas de bien-être animal, les volcans ne connaissent pas de valeurs limites. 
Tous ces motifs caractéristiques de la défense de l’environnement – de la pensée médicale à la réflexion écologique désintéressée en passant par les raisons esthétiques – ont une chose en commun: ils se réfèrent à des phénomènes directement perceptibles. Il n’y a que les êtres humains attentifs qui perçoivent la mauvaise qualité de l’air, l’accroissement des nuisances sonores, la disparition de la biodiversité locale et la perte de biotopes. Le climat, perçu en tant qu’objet de la recherche sur le climat, n’est cependant pas un possible sujet d’expérience, mais bien plus une construction scientifique. Les gens vivent la météo au quotidien ou les changements de la nature sur de plus longues périodes, tandis que le climat, au sens strict du terme, est un sujet de recherche modélisé par des climatologues, un artefact riche en conditions. Sur Wikipedia, on définit le climat comme suit:

«Le climat est la moyenne établie par le biais de méthodes météorologiques – par rapport à un lieu ou à une région – des processus dynamiques dans l’atmosphère, y compris toutes les variations relevées au cours de l’année et basées sur un grand nombre d’éléments climatiques. Il est régi non seulement par les processus physiques et chimiques présents à l’intérieur de l’atmosphère, mais également par les vastes influences et les interactions des quatre autres sphères de la terre (hydrosphère, cryosphère, biosphère, lithosphère).
Afin de représenter l’évolution des températures avec suffisamment de précision, en plus de tous les autres phénomènes météorologiques, l’«Organisation météorologique mondiale» (OMM) recommande l’utilisation de périodes de référence (périodes CLINO=climatological normals) au sein desquelles les moyennes mensuelles sont regroupées en séries chronologiques sur 30 ans dans un ensemble de données. A l’heure actuelle, la période de référence des années 1961 à 1990 est le critère de comparaison valable et communément utilisé. Ce dernier sera remplacé après 2021 par la nouvelle période normale de 1991 à 2020.»

La recherche sur le climat développe des modèles, c’est-à-dire des reproductions simplifiées de phénomènes naturels complexes fondées sur des hypothèses de base et les connaissances existantes. Les mesures et les méthodes mathématiques et statistiques jouent un rôle important, tout autant que les décisions et les anticipations. Quels sont les facteurs qui entrent en ligne de compte? Quelles sont les périodes considérées? Comment les pondérer? Toute science implique inévitablement des doutes quant à ses propres modèles: dans quelle mesure les méthodes de mesure sont-elles fiables? Quelle est la fiabilité des archives historiques? Quelles sont les zones aveugles incluses dans les modèles? Il en résulte généralement un conflit assez productif entre divers axes de recherche qui explorent un même sujet, à partir de perspectives différentes et avec des méthodes différentes, tout en restant toujours conscients du fait que la vérité scientifique d’aujourd’hui pourrait demain s’avérer être une erreur.
L‘ensemble de ce vaste domaine scientifique n’est donc pas intellectuellement gérable par les profanes, au nombre desquels se comptent également les décideurs politiques. Il s’agit donc alors d’une question de confiance lorsque cela touche à la recherche scientifique sur le climat et même une question de foi, voire une forme prémoderne de soumission aux autorités, quand on en vient par exemple au rôle des experts dans le débat sur le climat. 
Cela tient au fait que les modèles abstraits échappent en principe à notre perception des choses. Nous ne pouvons rien faire d’autre qu’observer, si certaines conditions météorologiques, événements extrêmes ou changements naturels s’intensifient ou se raréfient dans notre espace vital au cours de notre vie. Mais la multitude des phénomènes évoqués prouve-t-elle, pour le profane, la validité de l’hypothèse selon laquelle ces changements sont causés (uniquement) par l’homme? La main sur le cœur: qui a le courage de porter un jugement définitif sur cette question? C’est ainsi que 90 éminents chercheurs italiens ont par exemple rédigé un document dans lequel ils ne remettent pas en cause le changement climatique mais l’intervention humaine dans celui-ci. (cf. http://www.opinione.it/cultura/2019/06/19/redazione_riscaldamento-globale-antropico-clima-inquinamento-uberto-crescenti-antonino-zichichi/). 
Que faut-il en déduire? D’honnêtes chercheurs se conforment-ils aux exigences du doute scientifique au nom de la vérité? Ou bien a-t-on affaire ici à des gens à la mentalité corrompue qui se sont laissé embobiner dans les intérêts de l’industrie? Ont-ils tort parce qu’ils sont minoritaires? Ont-ils raison parce qu’ils s’opposent courageusement au «courant dominant»? Franchement, je ne suis pas en mesure d’en juger et je m’abstiendrai donc de prononcer un jugement définitif. Mais je sais, de par ma propre expérience scientifique, que la plupart des questions de recherche sont complexes et ne peuvent être résolues que provisoirement. Donc, sur de telles bases, j’hésiterai à instaurer des programmes politiques radicaux aux effets incertains. De plus, les instituts doivent orienter leurs activités de recherche en fonction de financements extérieurs, de sorte que la recherche indépendante n’est guère envisageable faute de financements indépendants (cf. Spelsberg/Burchardt: «Unter dem Joch des Drittmittelfetischs» [Sous le joug du fétiche des fonds extérieurs]. In: «Frankfurter Allgemeine Zeitung» du 15/1/15, p. 15). 
Et même s’il n’est peut-être pas tout à fait possible de déterminer de manière définitive quelle est la part de la responsabilité humaine dans les changements climatiques, les raisons exposées ci-dessus suffisent amplement pour prendre nos propres responsabilités face à nos conditions de vie.
Quoi qu’il en soit, le discours sur le climat tenu par l’expertocratie – et guidé par les intérêts – obscurcit la perception et la capacité de jugement des citoyens, déplaçant le champ d’action vers un espace invisible de modèles abstraits. En fin de compte, on bâtit dans l’esprit des gens un univers fictif de propagande par le biais d’une visualisation dramatisée. Les recours excessifs à de supposées évidences se révèlent heureusement d’eux-mêmes, si l’on démonte véritablement tous les faits exploités par le climato-populisme. Le meilleur exemple en est le discours prononcé par Annalena Baerbock, présidente fédérale des Verts, qui a insinué que les tremblements convulsifs de la chancelière étaient la conséquence de la catastrophe climatique (cf. https://www.spiegel.de/politik/deutschland/annalena-baerbock-zittern-von-angela-merkel-haengt-mit-klimawandel-zusammen-a-1274955.html). Ce faisant, Baerbock et tous ceux qui avancent des arguments similaires font preuve d’un manque flagrant de toute expertise scientifique et ridiculisent l’engagement de groupes de protection de l’environnement et de la nature, en exagérant politiquement la valeur de l’hypothèse climatique.

Le discours sur le climat, stratégie de choc: «I want you to panic!» – Greta Thunberg

Un autre aspect montre clairement la façon dont le discours sur le climat corrompt la recherche sur le climat: la funeste prévision. C’est peut-être à cause de mon âge, mais j’ai déjà survécu à quelques apocalypses, le sida, la vache folle, le trou dans la couche d’ozone et le dépérissement des forêts, et je suis donc sceptique, voire allergique aux alarmes actuelles. Dans les années 80, adoptant ainsi la célèbre citation de Luther, Hoimar von Ditfurth recommandait à ce qu’on demande à la génération No-future de planter un pommier, car le monde allait bientôt disparaître. Outre le risque de guerre nucléaire, on a notamment invoqué le dépérissement des forêts ainsi que le trou dans la couche d’ozone comme le symptôme de l’apocalypse écologique. J’étais convaincu qu’en l’an 2000, mes enfants ne pourraient plus voir d’arbres. Ma jeunesse s’est donc révélée déprimante, car on m’avait fait comprendre que face à une fin du monde sans aucune alternative, ma vie et mon engagement politique ne pouvaient être que complètement inutiles. 
Cette année, un ami documentariste m’a raconté qu’à l’époque, dans les médias, les journalistes s’étaient concentrés sur les possibilités de manipulation d’images techniques pour visualiser la menace de la disparition des forêts, et ce en toute bonne foi, afin de secouer et faire réagir la population. Cette auto-moralisation du pouvoir d’opinion est-elle justifiée?
A l’heure actuelle, nous lisons et sommes également confrontés à des rapports bouleversants et des simulations informatiques qui, dans l’esprit même de Walter Lippmann, expert en propagande, doivent implanter dans l’esprit des gens des images intérieures reflétant un pseudo-environnement construit de toutes pièces, destiné à devenir le point de départ de leurs actions dans l’univers social. Walter Ötsch a démontré que le contrôle de ces images est un instrument essentiel du contrôle de l’être humain (cf. https://www.nachdenkseiten.de/?p=45252). 
Peu importe la justesse des prévisions, et si les pronostics étaient ou sont corrects. Personne ne tient les voyantes pour responsables de leurs erreurs, car rien n’est plus ancien que le journal d’hier et rien n’est plus vrai qu’une belle parole. En 1974, par exemple, Der Spiegel provoqua la panique en prophétisant une nouvelle ère glaciaire, et en 2007 «Die Welt» anticipa qu’il n’y aurait plus de glace au pôle Nord dès 2013 (cf. https://www.spiegel.de/spiegel/print/d-41667249.htmlhttps://www.welt.de/wissenschaft/article1456952/Nordpol-bereits-in-fuenf-Jahren-eisfrei.html).
Est-ce que ce ne sont pas les alarmistes eux-mêmes qui sèment le doute sur le changement climatique? On pourrait répondre à cela de manière pragmatique: la fin justifie les moyens. Si on veut éviter la fin du monde, il ne faut pas être trop prude avec la vérité. La question de savoir s’il est particulièrement souhaitable de pérenniser un monde où le mensonge est érigé en principe structurel politique, là, on est dans un tout autre registre. On peut douter que la dramatisation à outrance et l’alarmisme soient réellement utiles à l’environnement et aux êtres humains. Répandre la peur est une sorte de pollution de l’environnement psychique rendant les hommes malades. Peut-être est-ce précisément l’effet désiré par ceux qui veulent profiter de l’hystérie climatique.
Les prédictions faites à froid sont toujours, dans l’ensemble, une affaire spéculative: plus ses prévisions se projettent dans l’avenir, plus la météo est approximative. Dans quelle mesure les prévisions climatiques peuvent-elles être fiables, si dans leur ensemble, elles sont basées sur des modèles obligatoirement oblitérés de taches aveugles? Cette question rhétorique n’est d’ailleurs pas un argument à l’encontre de la recherche sur le climat, mais seulement une objection à son utilisation stratégique et choquante dans le discours politico-médiatique sur le climat. Tout climatologue confirmera immédiatement le pouvoir limité de ses modèles en matière de témoignage et de pronostic: tout pourrait se développer de manière complètement différente.
C’est d’ailleurs ce qui est écrit en petits caractères dans le rapport d’évaluation du GIEC, un think tank des Nations Unies, qui, sous le nom impressionnant de «Conseil mondial pour le climat» est vu dans les médias comme la toute dernière instance intellectuelle du régime climatique mondial:
«In climate research and modelling, we should recognise that we are dealing with a coupled non-linear chaotic system, and therefore that the long-term prediction of future climate states is not possible». [Dans la recherche et la modélisation du climat, nous devons reconnaître que nous avons affaire à un système chaotique couplé et non linéaire et que la prédiction à long terme des états climatiques futurs est donc impossible] («Climate Change 2001» p. 774. Source: https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/WGI_TAR_full_report.pdf)
Dans la dramatisation d’une prédiction d’apocalypse mondiale, le discours sur le climat se trouve quoiqu’il en soit en concurrence avec le 11 septembre 2001, le grand choc utilisé dans le but de restreindre les droits civils et de servir de prétexte à la guerre. Les scénarios menaçants qui se sont enflammés dans nos âmes sous forme d’images internes stressent notre cerveau reptilien et nous rendent ainsi irresponsables et aptes à la manipulation. Par conséquent, nous devons nous méfier de tout discours qui veut nous imposer des contraintes de temps et qui suscite la peur. Il s’agit souvent d’une technique de manipulation éprouvée, pratiquée dans des entreprises et des organismes publics, pour faire avancer le «change management». Ainsi, on ne veut non seulement modifier les conditions extérieures, mais aussi les attitudes et les caractéristiques de personnalité es collaboratrices concernées. Ces processus de changement ne font toutefois pas appel à la compréhension raisonnable des personnes concernées, qui pourraient sinon présenter des contre-arguments ou des résistances justifiées. Au contraire, les psychotechniques visent à saper systématiquement la souveraineté des personnes. Choc, surmenage, impératifs paradoxaux, culpabilisation, démantèlement des groupes existants, irritations dues aux changements de l’environnement spatial, nouvelles habitudes linguistiques, etc. privent ainsi les gens de sécurité et de cette façon, les rendent contrôlables. Il s’agit de techniques sociales de domination sophistiquées, étant bien entendu également utilisées pour manipuler l’opinion publique politique (cf. http://peira.org/wp-content/uploads/2013/10/swr2-wissen-20131006.pdf).

Le discours sur le climat, une forme de populisme

Selon un scénario tout à fait plausible, il se pourrait que dans un proche avenir ce soient surtout les partis AfD et Les Verts qui remportent les voix, car à la différence des anciens partis populaires, ils s’approprient clairement un sujet et le défendent de manière agressive. Les représentants du premier de ces deux partis voient le monde d’un point de vue nationaliste-autoritaire et ceux de l’autre le considèrent dans une perspective mondialiste et éco-répressive. Toutefois, aucune de ces deux positions ne répond aux exigences d’une conception souveraine-démocratique de la politique, c’est-à-dire d’une conception de l’Etat, ayant des obligations (démocratiquement) uniquement envers ses seuls citoyens et non pas envers des ONG ou quelque structure transnationale ou transatlantique que ce soit, afin d’agir de manière souveraine sur le plan de la politique extérieure. Malgré toutes leurs différences dans le contenu et le concept, les deux camps présentent aussi certaines similitudes dans leurs modèles de communication mobilisateurs. Ici, on thématise la menace de perte d’identité culturelle ou ethnique, là, on invoque une apocalypse écologique. Les deux discours contiennent une certaine part de vérité, enflée cependant par la manipulation et la dramatisation des émotions, nourrissant des craintes et finissant par diviser la société par la radicalisation. Alors que chez les uns la préoccupation porte sur les «miens» et les «autres», les autres s’opposent contre les gros fumeurs, les automobilistes roulant au diesel, les sexistes, les carnivores et les pollueurs, contre les perdants de la mondialisation et les dépendants de l’aide sociale. Et donc les deux partis se ressemblent dans leur pensée en noir et blanc, dans leur schéma ami-ennemi et dans un modèle simpliste et monothématique d’explication du monde avec une grande force mobilisatrice. Mais en fin de compte, ils ne représentent probablement que de fausses alternatives au sein du régime néolibéral. 
Quoi qu’il en soit, le discours sur le climat fait grimper les sondages en faveur des Verts et fait oublier que c’était ce parti, en la personne de Joschka Fischer, qui a fait plonger la République fédérale dans un conflit militaire pour la première fois depuis 1945 et a rendu possible la liquidation de l’Etat providence grâce aux réformes néolibérales de Hartz. Un parti qui, au niveau national, a mené une politique idéologique de l’éducation et de formation au détriment de la justice sociale et de la responsabilité envers la prochaine génération. Dans le purgatoire du discours sur le climat, les souvenirs de ces péchés politiques se désintègrent, tandis que sont forgées les armes nécessaires pour conquérir le pouvoir, délivrer le monde et, en tant que gouvernance du climat, rééduquer les populations.

Le discours sur le climat, un instrument de clivage

Le gouvernement d’Emmanuel Macron, pour sa part, a utilisé le discours sur le climat pour faire passer l’agenda néolibéral en France. En même temps, on a dénigré les Gilets jaunes, vus comme des indésirables: «Ils ne représentent pas la France du XXIe siècle que nous voulons.» (cf. https://www.neues-deutschland.de/artikel/1124783.g-gipfel-francafrique-a-la-macron.html). Les personnes descendues dans la rue sont «des gros fumeurs et des automobilistes utilisant le diesel». Si vous souhaitez vous faire votre propre idée de ces gens représentés comme des personnes dégénérées, vous devriez le faire ici (cf. https://m.youtube.com/watch?v=cBiHxGxz1g). Dans la vidéo, on ironise joyeusement sur la prétention moralisatrice des élites urbaines et mondialistes et sur la dégradation de la population. 
Mais il n’y a pas que les élites et les non-privilégiés que l’on dresse les uns contre les autres, il y a aussi la ville contre la campagne, les jeunes contre les vieux, l’humanité actuelle contre l’humanité du futur. On voit naître en particulier une mise en accusation de la génération précédente, qui aurait causé ou du moins n’aurait pas empêché la catastrophe climatique, ce qui rappelle dans sa mise en scène médiatique un genre de croisade des enfants à l’apparence quasi religieuse. La question qui se pose alors est la suivante: n’est-on pas ici en train d’exploiter l’idéalisme politique d’une génération entière? Avec la perspective d’une frustration prévisible qui ôtera une fois pour toutes aux participants la motivation d’un engagement politique? Après sa présentation fort bien orchestrée à Davos, Greta Thunberg a par la suite été érigée en prophétesse par les médias.
La mise en accusation de la génération précédente est injuste et elle divise. Les parents des manifestants du vendredi se sont engagés en faveur de l’environnement dans leur jeunesse, ont été suffisamment stressés après 1989 par le coup d’Etat néolibéral à l’Est et à l’Ouest de la République allemande, ont dû par leurs propres moyens prendre soin de leur subsistance et permettre à leurs enfants d’avoir une enfance relativement facile, alors que les élites au pouvoir ont, dans le fond, encouragé la mondialisation et l’anxiété sociale, déclenché la guerre et le terrorisme, et altéré la démocratie, les systèmes de santé, l’éducation, l’Etat providence, l’Etat de droit et les droits civils. Ici les victimes deviennent des criminels afin que les véritables coupables de la misère sociale, politique et écologique restent dans l’ombre. L’énergie politique qui pourrait se retourner contre ceux qui sont vraiment les acteurs responsables est ainsi neutralisée d’emblée par le «divide et impera» (diviser et régner) qui a déjà fait ses preuves.

Le discours sur le climat, un antihumanisme

Dans le bouillon de culture originel du Mouvement vert, on trouve de nombreux éléments: mouvement pacifiste, mouvement anti-nucléaire, féminisme, groupes de défense de l’environnement et initiatives citoyennes ainsi que d’autres ingrédients peu appétissants, comme les militants pour la légalisation de la «pédosexualité» ou les adeptes l’écologie profonde et de la théorie de Gaïa. Dans ces derniers courants, l’homme apparaît comme le véritable problème écologique, comme un fauteur de troubles dont l’existence en soi endommage la Terre; on pourrait résumer tout cela par cette vieille blague:
Deux planètes se rencontrent, et l’une dit à l’autre: «Tu as mauvaise mine, es-tu malade?» Réponse: «Oui, j’ai l’homme.» «Oh ma pauvre! Mais ne t’inquiète pas, ça va passer!»
Selon les tenants radicaux de cette conviction, la solution à la crise écologique consisterait à éliminer l’homme, sinon totalement, du moins quantitativement ou qualitativement. La gestion des populations, comme la stérilisation, le contrôle des naissances, la spéculation sur les denrées alimentaires, est dirigée contre des groupes particuliers de personnes, les Africains, les Chinois, les pauvres, les handicapés, les gros fumeurs. La discussion entre Christoph Butterwegge et Richard David Precht sur un revenu de base inconditionnel à PhilCologne en est un exemple:

Precht: Pas de revenu de base pour les bébés, Monsieur Butterwegge, mais pour tous à partir de l’âge de 21 ans. […]
Butterwegge: Et les allocations familiales? Les allocations familiales sont annulées?
Precht: Oui, bien sûr.
Butterwegge: OK, si les allocations familiales sont supprimées, alors celui qui a cinq enfants doit les nourrir avec 1500 euros, mais quelqu’un qui n’a pas d’enfants, lui, il peut dépenser son revenu de base autrement ?
Precht: Vous avez tout compris. Je ne veux pas que quelqu’un qui a 1500 euros de revenu de base et aucune perspective de carrière ait l’idée d’avoir cinq enfants.
Butterwegge: Ce n’est plus seulement néolibéral, c’est déjà socialement réactionnaire.
(Source: Philosophie Magazin, août/septembre 2018, p. 61)

Selon Butterwegge, chercheur sur la pauvreté, un concept sociopolitique tel que le revenu de base inconditionnel s’avère être un instrument de gestion biopolitique avec une connotation sociale darwinienne: la reproduction, s’il vous plaît, mais uniquement pour les gagnants!
A la base de ce raisonnement, il y a le malthusianisme, l’idée que la croissance démographique doit inévitablement conduire à la paupérisation des masses, en particulier parce que les personnes non éduquées ou non civilisées se reproduisent de manière particulièrement sauvage. Cette suggestion induit que la meilleure façon de lutter contre la pauvreté doit être de contrôler les naissances des perdants.
Dans le discours sur le climat, on trouve l’image de l’empreinte écologique [en allemand: ökologischer Fussabdruck, ndt.], utilisée dans le sens pédagogique comme illustration de l’utilisation des ressources par les hommes ou les nations. En même temps, cette idée de l’empreinte écologique crée toutefois l’image d’une situation de concurrence: des pieds, mais pas de place pour les poser. Cela peut conduire à douter de soi-même ou encore à des fantasmes d’extermination: puis-je au moins poser mes pieds sur la terre? Ne serait-il pas mieux qu’ailleurs, quelque part, quelques millions de personnes disparaissent afin qu’il y ait plus de place pour moi? Ne faudrait-il pas alors une autre guerre, une sorte de nettoyage, comme un peeling appliqué à la surface de la Terre?
La plus légère des empreintes est celle laissée par les créatures non-nées, non-existantes. C’est pourquoi l’antinatalisme, c’est-à-dire le rejet de la conception de la progéniture humaine en soi, est le bon élève du discours sur le climat (cf. https://www.zeit.de/kultur/2018-04/antinatalismus-theophile-de-giraud-bevoelkerungswachstum-femininismus). Ne pas avoir d’enfants offre non seulement de nombreuses libertés aux non-parents sans descendance, mais elle évite aussi à la planète l’empreinte de la prochaine génération. 
Ce raisonnement, à première vue très plausible, souffre de sa propre cécité sociale à laquelle on peut rapidement remédier en considérant ceux qui propagent cette théorie avec passion (cf. https://www.weforum.org/agenda/2018/09/africas-rapid-population-growth-puts-poverty-progress-at-risk-says-gates).
Bill Gates a mis en garde en 2018 contre la croissance démographique en Afrique – au Forum économique mondial de Davos, un endroit où aucun d’entre nous, eût-il des velléités missionnaires, ne devrait jamais prendre la parole, mais Greta Thunberg, elle, l’a fait. C’est vraiment curieux.
Mais le fait qu’un des hommes les plus riches du monde s’engage avec sa fondation à réduire la population mondiale pourrait être un signe de philanthropie (amour de l’humanité) excessive ou la marque du cynisme antihumaniste d’un homme lui-même trois fois père de famille. En effet, si l’on transformait les milliards des dix plus riches de la liste Forbes en empreintes, il y aurait – avec un peu de modestie de la part de ces familles – à côté des petits Gates, encore un peu de place pour quelques petites filles indiennes, des jumeaux chinois ou des bébés africains.
Pour éviter tout malentendu, il est évident que les gens devraient se préoccuper de leur propre reproduction ou de la démographie de la société dans son ensemble, ne serait-ce que pour les enfants, pour le bien desquels nous nous battons aussi bien dans les sphères publiques que dans les lieux privés. Mais dans le contexte du discours sur le climat, certains déséquilibres sociaux se font jour lorsque les grands profiteurs du néolibéralisme choisissent précisément les plus démunis de l’univers pour leur imputer la responsabilité de la planète. L’antinatalisme, le darwinisme social et la sélection eugénique sont des dérives massives d’un antihumanisme qui ne légitime pas seulement des conditions inhumaines, mais pose également la question de l’élimination de l’être humain en soi. Ce qui amène d’ailleurs au paradoxe selon lequel le discours sur le climat devient d’une part l’avocat des générations futures encore à naître et, d’autre part, combat leur existence par l’antinatalisme.

Le discours sur le climat, un programme néolibéral de rééducation

Le néolibéralisme est bien plus qu’un modèle d’aménagement de l’espace économique. Il est totalitaire dans ses prétentions et influence tous les domaines de la vie des individus. Mais comme les gens préféreraient, de leur propre initiative et sur la base des épreuves historiques qu’ils ont traversées, un mode de vie différent, il faut reprogrammer ces individus conformément à la propagande.
Il faut un «nouvel homme», et le «vieil homme», avec ses habitudes et son échelle de valeurs, est identifié comme étant à la racine de tous les maux et reformaté de façon à ce que, comme dans l’esprit du gouvernement Macron, ne subsistent plus que les personnes incarnant la France du XXIe siècle. Cependant, il s’agit là d’une violation du principe de la représentation démocratique mise sans dessus-dessous. Il est évident que l’élite politique n’est plus là pour servir la volonté des citoyens, mais qu’elle s’emploie à formater des individus correspondant à sa politique. 
Dans les haut-parleurs du discours sur le climat, on entend souvent qu’il s’agit d’un «changement de mode de vie» (cf. https://www.tagesschau.de/ausland/smile-for-future-101.html). Il semble que ce soit nécessaire, car nous sommes encore beaucoup trop dépensiers et nous n’apprécions pas suffisamment, par exemple, les bienfaits de la nature et les efforts des paysans et des agriculteurs.
Il faut bien sûr en parler. Mais ici aussi, la rhétorique politique trouve de l’aide dans le souvenir d’un passé récent. C’est d’une manière tout à fait inoffensive qu’on rabâche la formule: il faut se «serrer la ceinture», c’est-à-dire que pour le bien de tous, on exige de l’individu son renoncement. Cela fait des décennies que nous nous serrons la ceinture, mais où est la récompense promise? Ou alors, serais-je responsable de la crise financière et bancaire parce que j’ai vécu «au-dessus de mes moyens»? Eh non, ce n’est pas moi! Mais hier encore, j’ai rencontré Bill Gates chez un bourrelier. Il s’y était fait faire cinq nouveaux trous dans la ceinture, car il fallait à nouveau l’élargir.
Les crises économiques et écologiques sont donc une arme formidable dans la guerre des élites contre les populations. Ou comme le dit Warren Buffet: «There’s class warfare, all right, but it’s my class, the rich class, that’s making war, and we’re winning.» [C’est une lutte des classes, d’accord, mais c’est ma propre classe sociale, celle des riches, qui mène cette guerre et on est en train de la gagner] («New York Times» du 26/11/06). On déplace un problème politique – par exemple, la politique environnementale et la politique industrielle – de l’espace public démocratique vers l’espace privé par le biais du débat sur le climat. Pourtant, les véritables pollueurs et les vrais profiteurs des problèmes sociaux et écologiques restent invisibles et les problèmes demeurent sans solution, tandis que l’individu se heurte à la caisse de résonnance de l’idéalisme ou de la mauvaise conscience, dans le but de sauver la planète.
Le discours sur le climat extériorise les divergences économiques du néolibéralisme déchaîné dans les biographies des personnes défavorisées qui, dans le courant de la mondialisation, de la modernisation et des migrations, se sont vues repoussées dans une zone d’insécurité. (cf. Hannes Hofbauer, «Kritik der Migration») La taxe carbone actuellement envisagée – que les services scientifiques du Bundestag jugent anticonstitutionnelle (cf. https://www.welt.de/politik/deutschland/article198175347/Wissenschaftlicher-Dienst-CO2-Steuer-waere-verfassungswidrig.html) – entraînerait des charges financières excessives pour les personnes à faibles revenus ou celles qui n’ont pas de revenus du tout. Pour les membres de la famille royale anglaise, il n’est par contre pas difficile de verser une obole écologique en compensation de leurs fréquents vols en jet privé. 
Les personnes vivant en zone rurale, là où le néolibéralisme et la mondialisation ont restreint les infrastructures, les transports publics locaux, l’emploi, l’approvisionnement ainsi que l’intégration culturelle, doivent eux faire la navette vers leur lieu de travail avec leur véhicule personnel.
La menace de fermeture d’hôpitaux par Bertelsmann augmente la pression de la mobilité à forte intensité de CO2 sur les personnes dans certaines régions (cf. https://www.die-linke.de/partei/struktur/zusammenschluesse/bag-gesundheit-und-soziales/erklaerungen-und-stellungnahmen/detail/news/bertelsmann-plant-krankenhaus-landschaft/). Aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’alternative possible, la vie des gens ne sera pas plus respectueuse du climat, mais s’ils veulent continuer à participer à la vie sociale, elle deviendra simplement plus chère. 
Le discours sur le climat évoque une stratégie néolibérale que l’on nomme «réactivité» en sociologie: c’est-à-dire que les gens sont déclarés responsables de choses ayant été produites ailleurs de façon systémique et structurelle, sans qu’on leur donne le pouvoir politique d’opérer un changement réel, ni même qu’on leur mette dans les mains le moindre moyen d’accomplir ces tâches. Le statut des aides-soignantes en est un bon exemple: on financiarise le système de santé publique, en reportant la responsabilité sur les aides-soignantes par ailleurs surexploitées. De plus ils et elles doivent puiser dans cette insuffisance un minimum d’humanité envers les personnes dépendantes. Ceux qui entrent dans cette profession le faisant par empathie et idéalisme, il s’ensuit que les carences artificiellement induites entraînent souvent une forme d’auto-exploitation du personnel hospitalier. Le champ de force de la «réactivité» extirpe des employés leurs dernières ressources: c’est cela le Humanfracking, la déconstruction de l’être humain.
De même, les appels lancés aux «consommateurs» de ne pas acheter de produits polluants au plan écologique ou social. Comme si un bénéficiaire de Hartz IV était responsable des mauvaises conditions de travail des couturières dans les pays à bas salaires, parce qu’il n’achète pas d’éco-textiles du Westerwald. Tout le monde ne peut pas se permettre financièrement de s’approvisionner exclusivement avec des produits provenant de magasins bios. Transformer les questions politiques à des questions de consommation est une insulte à la liberté politique du citoyen, qui est quand même bien plus et bien différent d’un Homo economicus.
Transférer le débat sur le climat le problème sociétal des perturbations écologiques vers la mauvaise conscience, le porte-monnaie et un comportement du renoncement individuel relève du cynisme tant que les causes réelles ne sont ni clarifiées, ni révélées, ni même politiquement abordées.

Perspective

Cet article a été consacré à la traque des éléments toxiques dans le discours sur le climat, mais il n’a en aucun cas tenté de justifier l’indifférence en matière écologique. Il vise bien plutôt une décontamination politique de ce discours, une désintoxication.
On a identifié des composantes embarrassantes: la spoliation du discernement politique, la stratégie de choc, le populisme, la division, l’antihumanisme et la rééducation programmée. L’interaction de ces éléments crée un puissant levier de pouvoir pouvant ouvrir la voie à une dictature climatique aussi pernicieuse que totalitaire. Le fait qu’il est possible et nécessaire de traiter l’homme et la nature avec davantage de ménagement devrait être apparu comme un noyau de vérité, indépendamment de cette discussion empoisonnée …
Et voici donc le mot d’ordre en la matière: créer et conserver des moyens de subsistance pour tous! Mais sans stratégies de choc apocalyptiques, sans expertocratie ni prophétesses, sans scission et sans populisme, sans agenda eugénique ou social-darwinien, sans écologisme orwellien et sans programmes de rééducation. La supposée bonne cause ne justifie pas tous les moyens. Il faut des discussions ouvertes, des controverses scientifiques et aussi du respect pour l’expérience des personnes compétentes n’ayant pas le statut d’expert. 

Matthias Burchardt*

 

* Matthias Burchardt, Dr. phil., enseigne la philosophie et la pédagogie à l’Université de Cologne. Ses domaines de recherche sont l’anthropologie, la théorie de l’éducation et la politique éducative. Il est directeur adjoint de la Gesellschaft für Bildung und Wissen (GBW), qui analyse de manière critique les réformes de l’enseignement à l’école et à l’université.

 

Source: Horizons et Débats: https://www.zeit-fragen.ch/fr/ausgaben/2019/nr-2627-3-dezember-2019/neoliberaler-klimapopulismus.html

Pétition de scientifiques italiens (2019) contre le dogme officiel du réchauffement climatique anthropique:

http://www.opinione.it/cultura/2019/06/19/redazione_riscaldamento-globale-antropico-clima-inquinamento-uberto-crescenti-antonino-zichichi/

Lire aussi: 

Avoiding the Coming Ice Age (Club Orlov)

http://cluborlov.blogspot.com/2019/11/avoiding-coming-ice-age.html#more

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