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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Chateaubriand: Des Bourbons

13 Août 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France

Les armes de France: trois lis d'or sur champ d'azur, protégées par un liséré rouge comme l'oriflamme de Saint Denis. Réalisation et photo: Pierre-Olivier Combelles.

Les armes de France: trois lis d'or sur champ d'azur, protégées par un liséré rouge comme l'oriflamme de Saint Denis. Réalisation et photo: Pierre-Olivier Combelles.

Des Bourbons 


"Les fonctions attachées à ce titre de Roi sont si connues des Français, qu'ils n'ont pas besoin de se le faire expliquer : le roi leur représente aussitôt l'idée de l'autorité légitime, de l'ordre, de la paix, de la liberté légale et monarchique. Les souvenirs de la vieille France, la religion, les antiques usages, les mœurs de la famille, les habitudes de notre enfance, le berceau, le tombeau, tout se rattache à ce nom sacré de roi : il n'effraye personne ; au contraire, il rassure. Le roi, le magistrat, le père ; un Français confond ces idées. Il ne sait ce que c'est qu'un empereur ; il ne connaît pas la nature, la forme, la limite du pouvoir attaché à ce titre étranger. Mais il sait ce que c'est qu'un monarque descendant de saint Louis et de Henri IV : c'est un chef dont la puissance paternelle est réglée par des institutions, tempérée par les mœurs, adoucie et rendue excellente par le temps, comme un vin généreux né de la terre de la patrie et mûri par le soleil de la France. Cessons de vouloir nous le cacher : il n'y aura ni repos, ni bonheur, ni félicité, ni stabilité dans nos lois, nos opinions, nos fortunes, que quand la maison de Bourbon sera rétablie sur le trône. Certes, l'antiquité, plus reconnaissante que nous, n'aurait pas manqué d'appeler divine une race qui, commençant par un roi brave et prudent, et finissant par un martyr, a compté dans l'espace de neuf siècles trente-trois monarques, parmi lesquels on ne trouve qu'un seul tyran : exemple unique dans l'histoire du monde, et éternel sujet d'orgueil pour notre patrie. La probité et l'honneur étaient assis sur le trône de France, comme sur les autres trônes la force et la politique. Le sang noble et doux des Capets ne se reposait de produire des héros que pour faire des rois honnêtes hommes. Les uns furent appelés Sages, Bons, Justes, Bien-Aimés ; les autres surnommés Grands, Augustes, Pères des lettres et de la patrie. Quelques-uns eurent des passions qu'ils expièrent par des malheurs, mais aucun n'épouvanta le monde par ces vices qui pèsent sur la mémoire des césars et que Buonaparte a reproduits.

Les Bourbons, dernière branche de cet arbre sacré, ont vu, par une destinée extraordinaire, leur premier roi tomber sous le poignard du fanatique, et leur dernier sous la hache de l'athée. Depuis Robert, sixième fils de saint Louis, dont ils descendent, il ne leur a manqué pendant tant de siècles que cette gloire de l'adversité, qu'ils ont enfin magnifiquement obtenue. Qu'avons-nous à leur reprocher ? Le nom de Henri IV fait encore tressaillir les cœurs français, et remplit nos yeux de larmes. Nous devons à Louis XIV la meilleure partie de notre gloire. N'avons-nous pas surnommé Louis XVI le plus honnête homme de son royaume ? Est-ce parce que nous avons tué ce bon roi que nous rejetons ce sang ? Est-ce parce que nous avons fait mourir sa sœur, sa femme et son fils, que nous repoussons sa famille ? Cette famille pleure dans l'exil, non ses malheurs, mais les nôtres. Cette jeune princesse que nous avons persécutée, que nous avons rendue orpheline, regrette tous les jours, dans les palais étrangers, les prisons de la France. Elle pouvait recevoir la main d'un prince puissant et glorieux, mais elle préféra unir sa destinée à celle de son cousin, pauvre exilé, proscrit, parce qu'il était Français, et qu'elle ne voulait point se séparer des malheurs de sa famille. Le monde entier admire ses vertus ; les peuples de l'Europe la suivent quand elle paraît dans les promenades publiques, en la comblant de bénédictions : et nous nous pouvons l'oublier ! Quand elle quitta sa patrie, où elle avait été si malheureuse, elle jeta les yeux en arrière, et elle pleura. Objets constants de ses prières et de son amour, nous savons à peine qu'elle existe. Ah ! qu'elle retrouve du moins quelques consolations en faisant le bonheur de sa coupable patrie ! Cette terre porte naturellement les lis : ils renaîtront plus beaux, arrosés du sang du roi-martyr."

 

François-René de Chateaubriand: De Buonaparte et des Bourbons (1814)

 

Sur le même blog: Les lis de France, par Pierre-Olivier Combelles

http://pocombelles.over-blog.com/2015/07/les-lis-de-france.html

 

Pierre-Olivier Combelles devant le tableau de Georges Roux représentant Louis XVI et de la famille royale en gondole sur le Grand Canal de Versailles. Photo prise par Denis Gliksman au Théâtre Montansier

Pierre-Olivier Combelles devant le tableau de Georges Roux représentant Louis XVI et de la famille royale en gondole sur le Grand Canal de Versailles. Photo prise par Denis Gliksman au Théâtre Montansier

 
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