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Le Fil d'Ariane

Feu divin et foi chrétienne

4 Octobre 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Poésie

" Le poète Claude Vigée, parlant d'une visite à Saint-John Perse, à Washington, au printemps 1959, rapporte ainsi le souvenir d'un récit fait, incidemment, par le poète de ses premiers contacts avec Paul Claudel:

Un après-midi d'été, dans la chambre haute de la maison de Jammes, Claudel tente de convertir le jeune Alexis à la foi catholique à l'aide d'une rigoureuse démonstration thomiste. - Claudel, précisait Saint-John Perse, était un catholique cartésien, raisonneur et polémiste en diable. Pendant son sermon un violent orage éclate dans la campagne d'alentour, qui ébranle vitre et toiture de la demeure de Jammes. Le jeune garçon distrait par le spectacle du ciel visible, est plus sensible à la forme et à la couleur changeante des nuages, aux mouvements des grands arbres secoués à leur cime par les rafales, qu'aux raisonnements théologiques de son aîné: éclairs et coups de tonnerre le persuadent mieux encore de la puissance du dieu caché au coeur des choses que l'argument de saint Anselme. Claudel en est pour ses frais, la science du docteur Angélique aussi: mais une amitié durable naît de cet apparent échec. "Le feu divin, me dit Saint-John Perse, m'apparaissait déjà dans l'immédiat du monde. Je n'avais besoin d'aucun intercesseur, sinon de ceux-là mêmes dont notre univers se constitue ici-bas. C'est pourquoi je n'ai pas pu me sentir tout à fait chrétien: comme les vrais enfants des îles, ajouta t-il avec un sourire que démentait le sérieux de son regard très noir, "je suis sauvé de naissance..."

L'entendant évoquer cet orage mémorable de son enfance finissante, dans la petite maison de Georgetown sise au milieu des fleurs, un fragment d'Amers traversa tout à coup ma pensée: Conciliatrice, ô Mer, et seule intercession !... Toute l'oeuvre du poète s'illumine si on la considère comme une tentative de propitiation du feu primordial, une conquête et une appropriation du souffle originel: Faveur du dieu sur mon poème! Et qu'elle ne vienne à lui manquer ! (Vents)"

Saint-John Perse, Oeuvres complètes, La Pléiade, Gallimard, pp. 1302-1303.

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