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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

"Chacun pour Dieu" (Georges Bernanos: Dialogues de Carmélites)

25 Mars 2023 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Bernanos, #Catholicisme, #Religion

Madame de Croissy, Prieure des Carmélites, à Blanche de la Force (5:49 du film et 2e Tableau, scène 1 de la pièce):

 

Notre affaire est de prier, comme l'affaire d'une lampe est d'éclairer. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'allumer une lampe pour en éclairer une autre. Chacun pour soi, telle est la loi du monde, et la nôtre lui ressemble un peu: "chacun pour Dieu!"

[...]

Non, ma fille, nous ne sommes pas une entreprise de mortification ou des conservatoires de vertus, nous sommes des maisons de prière, la prière seule justifie notre existence, qui ne croit pas à la prière ne peut nous tenir que pour des imposteurs ou des parasites. Si nous le disions plus franchement aux impies, nous nous ferions mieux comprendre. Ne sont-ils pas forcés de reconnaître que la croyance en Dieu est un fait universel ? N'est-ce pas une contradiction bien étrange que les hommes puissent tout ensemble croire en Dieu, et le prier si peu et si mal ? Ils ne lui font guère que l'honneur de le craindre. Si la croyance en Dieu est universelle, ne faut-il pas qu'il en soit autant de la prière ? Eh bien, ma fille, Dieu a voulu qu'il en soit ainsi, non pas en faisant d'elle, aux dépens de notre liberté, un besoin aussi impérieux que la faim ou la soif, mais en permettant que nous puissions prier les uns à la place des autres. Ainsi chaque prière, fût-ce celle d'un petit pâtre qui garde ses bêtes, c'est la prière du genre humain.

Court silence.

Ce que le petit pâtre fait de temps en temps, et par un mouvement de son coeur, nous devons le faire jour et nuit. Non point que nous espérions prier mieux que lui, au contraire. Cette simplicité de l'âme, ce tendre abandon à la Majesté divine qui est chez lui une inspiration du moment, une grâce, et comme l'illumination du génie, nous consacrons notre vie à l'acquérir, ou à le retrouver si nous l'avons connu, car c'est un don de l'enfance qui le plus souvent ne survit pas à l'enfance... Une fois sorti de l'enfance, il faut très longtemps souffrir pour y rentrer, comme tout au bout de la nuit on retrouve une autre aurore. Suis-je redevenue enfant ?...

 

Dialogues de Carmélites est une œuvre théâtrale de Georges Bernanos, d'après une nouvelle de Gertrude von Le Fort et un scénario du R.P. Bruckberger et de Philipe Agostini (Les Cahiers du Rhône, Éditions du Seuil, Paris, 1949).

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