Sri Aurobindo: Essais sur la Gîtâ
2 Août 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharat, #Hindouisme, #Inde, #Religion, #Spiritualité, #Sri Aurobindo
Le monde est riche en écrits sacrés et profanes, en révélations et demi-révélations, en religions et en philosophies, en sectes, en écoles, en systèmes, auxquels s’attachent avec intolérance et passion les nombreux esprits dont la connaissance est incomplète ou nulle. Ils prétendent que tel ou tel livre est seul le Verbe éternel de Dieu, que tous les autres ne sont qu’impostures ou qu’ils sont, tout au plus, imparfaitement inspirés ; ils veulent que telle ou telle philosophie soit le dernier mot de l’intelligence raisonnante, que tous les autres systèmes soient des erreurs ou qu’ils soient valables seulement par certaines vérités partielles qui les rattachent au seul culte philosophique vrai. Même les découvertes des sciences physiques ont été érigées en articles de foi et, au nom de ces sciences, la religion et la spiritualité ont été bannies comme œuvres de l’ignorance et de la superstition, et la philosophie comme vieille friperie et rêverie. À ces exclusions sectaires et ces vaines querelles, les sages eux-mêmes se sont souvent prêtés, égarés qu’ils furent par un esprit obscurantiste qui, se mêlant à leur lumière, l’a voilée de quelque nuage d’égoïsme intellectuel ou d’orgueil spirituel. Il semble pourtant que l’humanité soit maintenant disposée à un peu plus de modestie et de sagesse. Nous ne mettons plus à mort nos semblables au nom de la vérité révélée, ou parce que leur esprit est autrement éduqué ou autrement constitué que le nôtre; nous sommes moins prompts à maudire ou à insulter notre voisin quand il est assez pervers ou assez présomptueux pour nourrir d’autres opinions que nous; nous sommes même prêts à admettre que la Vérité est partout et ne peut être notre exclusif monopole; nous commençons à considérer d’autres religions et d’autres philosophies pour la vérité et l’aide qu’elles renferment et non plus seulement pour les condamner comme fausses ou pour en critiquer ce que nous pensons être des erreurs. Mais nous sommes toujours portés à proclamer que notre vérité nous donne cette suprême connaissance que les autres religions ou philosophies n’ont pas su saisir ou n’ont comprise qu’imparfaitement, de telle sorte qu’elles ne traitent que d’aspects subsidiaires ou inférieurs de la vérité des choses, ou bien qu’elles peuvent tout au plus préparer des esprits moins évolués aux cimes que nous avons atteintes. Et nous sommes encore enclins à faire peser, sur les autres comme sur nous-mêmes, tout le poids sacré du livre ou de l’évangile que nous admirons, insistant pour que tout en soit accepté comme vérité éternellement valable et qu’à chaque iota, à chaque accent, à chaque tréma soit reconnue sa part de l’inspiration plénière.
C’est pourquoi il peut être utile, lorsqu’on aborde d’anciennes Écritures, comme les Védas, les Upanishads ou la Gîtâ, d’indiquer avec précision dans quel esprit on les approche et ce qu’exactement l’on pense pouvoir en retirer qui ait de la valeur pour l’humanité présente et à venir. affirmons avant tout l’existence certaine de la Vérité, une et éternelle, que nous cherchons ; d’elle toute autre vérité découle, à sa lumière toute autre vérité se situe, s’explique et s’encadre dans le plan général de la connaissance. Mais précisément pour cette raison, cette Vérité ne peut être enfermée dans une seule formule tranchante et il n’est pas probable qu’on la trouve, dans sa totalité et avec tout ce qu’elle implique, dans une seule philosophie ou un seul livre sacré, ni qu’elle soit exprimée en entier et à jamais par un maître, un penseur, un prophète ou un avatâr quelconque. Nous n’avons pas non plus saisi entièrement cette Vérité, si la compréhension que nous en avons comporte l’intolérante exclusion de la vérité qui est à la base d’autres systèmes ; car nous ne rejetons passionnément que ce que nous ne sommes pas à même d’apprécier et d’expliquer. En second lieu, cette Vérité, quoique une et éternelle, s’exprime dans le temps et par l’esprit de l’homme. C’est pourquoi toute Écriture doit nécessairement comprendre deux éléments, l’un temporaire et périssable, en rapport avec les idées de l’époque et du pays où elle a pris naissance, l’autre éternel, impérissable et applicable en tout âge et en tout lieu. En outre, dans l’exposé de la Vérité, il est inévitable que la forme propre qui lui est donnée, le système, l’agencement, le moule métaphysique et intellectuel et l’expression précise dont on a fait usage, soient largement soumis aux variations du temps et perdent de leur force. Car l’esprit humain se modifie sans arrêt; divisant et réajustant constamment, il est obligé de déplacer constamment ses divisions et de recomposer ses synthèses ; il abandonne sans cesse d’anciennes expressions et d’anciens symboles pour de nouveaux, ou bien, s’il continue à user des anciens, il en change la signification ou au moins le contenu exact et les associations, si bien que nous ne pouvons jamais être sûrs de comprendre un ancien livre de ce genre dans le sens et l’esprit précis qu’il avait pour ses contemporains. Ce qui garde une valeur entièrement permanente, c’est ce qui, tout en étant universel, a été expérimenté, vécu et vu par une faculté plus haute que l’intellect.
C’est pourquoi je tiens pour peu important d’extraire de la Gîtâ l’exacte signification métaphysique qu’elle eut pour les hommes de son temps, à supposer qu’on puisse le faire avec précision. Que ce ne soit pas possible est prouvé par la divergence des commentaires originaux qui en ont été faits, et qui en sont encore faits de nos jours, car ils ne s’accordent que sur le désaccord de chacun avec tous les autres; chacun trouve dans la Gîtâ son propre système métaphysique et la tendance de sa propre pensée religieuse. Et même l’érudition la plus méticuleuse et la plus désintéressée, même les théories les plus lumineuses sur le développement historique de la philosophie hindoue ne sauraient nous sauver de l’erreur inévitable. En revanche, ce que nous pouvons faire avec profit, c’est de rechercher dans la Gîtâ ce qu’elle contient de vérités vraiment vivantes, en dehors de leur forme métaphysique; c’est d’extraire de ce livre ce qui peut nous aider, nous ou le monde en général, et de le traduire dans la forme et l’expression les plus naturelles et les plus vivantes, qui soient adaptées à l’état d’esprit de l’humanité moderne et appropriées à ses besoins spirituels.
(...)
Sri Aurobindo: Essais sur la Gîtâ, chapitre I. Pondichéry (1916-1920). Traduit de l’anglais par Pavitra et Archaka . Sri Aurobindo Ashram, 2008.
https://www.sriaurobindoashram.org/sriaurobindo/writings.php
https://www.sriaurobindoashram.org/
Sri Aurobindo (1872-1950) était un nationaliste, un poète, un philosophe et un yogi. L'un des principaux dirigeants du mouvement indien pour la liberté de 1905 à 1910, il s'est retiré à Pondichéry en 1910 pour se consacrer à la pratique du yoga. En 1926, avec l'aide de la Mère, il a fondé l'ashram de Sri Aurobindo. Il a également développé une discipline spirituelle unique orientée vers la vie, le yoga intégral.
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