Au Liban, une autre facette troublante de cette culture de l’impunité est la manière dont la richesse est perçue et respectée, indépendamment de ses origines. Une dichotomie frappante s’installe entre la figure du « riche respecté » et la réalité de ceux qui, souvent, accumulent leur fortune par des moyens douteux, voire illégaux. Ce phénomène n’est pas propre au Liban, mais il y prend une ampleur singulière, amplifiée par la crise économique et l’effondrement des institutions. Ce respect quasi-aveugle envers les riches, même lorsqu’ils sont connus pour avoir pillé les ressources du pays, soulève des questions philosophiques fondamentales sur les valeurs, l’admiration et le vice. La richesse comme nouveau critère de vertu Dans la philosophie classique, notamment chez Aristote, la vertu est l’un des piliers de la vie éthique. L’homme vertueux n’est pas celui qui accumule des biens matériels, mais celui qui agit avec justice, courage et tempérance. Pourtant, au Liban, la richesse semble avoir remplacé ces vertus. Dans un pays où l’État s’effondre et où les institutions de justice et d’ordre sont minées par la corruption, le riche devient celui qui réussit à échapper aux lois, celui qui sait naviguer dans un système défaillant. La richesse, peu importe comment elle a été obtenue, devient un symbole de pouvoir et d’ingéniosité, faisant fi de toute considération morale. Cette inversion des valeurs rappelle les réflexions du philosophe Nietzsche, qui dénonçait dans “La généalogie de la morale” la manière dont les sociétés pouvaient récompenser le vice, le camouflant sous des apparences de force et de grandeur. Selon Nietzsche, l’homme “fort”, celui qui impose sa volonté, est souvent celui qui transgresse les règles morales, et la société finit par l’admirer pour cela. Au Liban, la richesse devient l’ultime manifestation de cette volonté de puissance, et les notions traditionnelles de bien et de mal s’effondrent devant le triomphe de la fortune. Une culture de l’apparence : l’hypocrisie des élites L’admiration du riche, même corrompu, est aussi le symptôme d’une société où l’apparence a pris le pas sur l’éthique. Cette admiration est entretenue par les élites politiques et économiques, qui construisent soigneusement une image publique de succès, de philanthropie et d’engagement social. Ces figures, souvent au cœur des scandales de corruption, parviennent à détourner l’attention de leurs actions répréhensibles en sponsorisant des œuvres de charité, en participant à des événements culturels, ou en construisant des monuments ostentatoires. Dans cette logique, le vol des biens publics est excusé dès lors qu’une partie de la richesse volée est restituée sous forme de dons, créant ainsi un paradoxe moral : les voleurs deviennent des bienfaiteurs, et la société oublie les origines de leur fortune. Platon, dans “La République”, avertissait déjà des dangers d’une société où les valeurs morales sont subordonnées aux apparences. La mystification du riche, même corrupteur, est un piège philosophique où l’admiration du vice devient un moyen de survie psychologique pour une population en détresse. La vénalité comme forme d’idolâtrie Cette idolâtrie de la richesse, même lorsque celle-ci est bâtie sur la corruption, rappelle l’analyse de Kant sur l’inclination naturelle de l’homme à admirer ce qui est visible et tangible, au détriment de ce qui est moralement juste. Kant, dans sa réflexion sur la moralité, soulignait que la richesse ne pouvait jamais être un but en soi si elle n’était pas acquise par des moyens honnêtes et si elle ne contribuait pas au bien commun. Mais au Liban, la distinction entre richesse méritée et richesse volée est brouillée. L’important n’est pas comment l’argent est gagné, mais simplement qu’il est visible, qu’il confère du prestige et qu’il permet d’acheter l’illusion du pouvoir. Cela reflète un rapport presque venal à la morale, où l’argent devient l’outil principal pour modeler l’opinion publique et dicter les valeurs sociales. Plus grave encore, cette vénération de la richesse alimente un cycle d’émulation négative : les jeunes générations, en particulier, sont tentées d’imiter ceux qui s’enrichissent par des moyens détournés, car ils représentent un modèle de succès, renforçant ainsi une culture du vice. L’éloge du voleur : une admiration du pouvoir plus que de la moralité L’admiration que suscitent certains riches voleurs dans la société libanaise peut être interprétée comme une forme d’éloge tacite du pouvoir brut. Derrière cette apparente adulation de la richesse se cache en réalité une soumission à la force, à la capacité de dominer les autres et de contourner les lois. Les philosophes politiques comme Thomas Hobbes ont souvent décrit le pouvoir comme le fondement de l’ordre social, mais aussi comme une force destructrice si elle n’est pas tempérée par des lois justes. Au Liban, cette admiration pour les riches voleurs ne repose pas sur une reconnaissance de leurs qualités morales, mais sur une fascination pour leur capacité à manipuler le système à leur avantage. C’est un pouvoir qui inspire à la fois le respect et la peur, et qui empêche toute remise en question collective de l’impunité. Cette réalité soulève une question cruciale : peut-on réellement parler d’une société morale lorsque la richesse mal acquise est non seulement tolérée, mais encouragée ? La transgression comme valeur sociale Dans son œuvre, Sartre proposait l’idée que chaque individu devait assumer la responsabilité totale de ses actes, sous peine de sombrer dans la mauvaise foi. Pourtant, au Liban, la transgression des lois et des normes sociales n’est pas vue comme une faute morale, mais comme une forme de ruse et de résilience face à un système défaillant. L’individu qui vole l’État ou les citoyens est perçu comme celui qui a su déjouer un système corrompu, et non comme un criminel. Cette inversion des valeurs transforme la transgression en une qualité valorisée, et l’impunité devient le privilège ultime. Mais cette valorisation de la transgression pose un problème éthique profond : comment peut-on espérer reconstruire un État de droit lorsque ceux qui violent les lois sont érigés en modèles de réussite ? Ce paradoxe est au cœur de la crise morale que traverse le Liban. La richesse, lorsqu’elle est obtenue par la tricherie, le vol ou la corruption, devrait être source de honte, et non de fierté. Pourtant, dans un contexte où les institutions sont faibles et les lois inappliquées, la transgression devient la norme, et la morale est reléguée au second plan. Vers une refondation des valeurs ? Face à cette admiration du vice, il devient crucial de s’interroger sur les moyens de refonder un ordre moral au Liban. Il ne s’agit pas seulement de réformer les institutions ou d’appliquer des lois. Ce combat doit également être culturel et philosophique. Il implique de redéfinir les notions de succès et de respect, non plus en fonction de la richesse matérielle, mais en fonction de la contribution au bien commun, de l’intégrité morale, et de la justice. L’impunité ne pourra être combattue que si la société libanaise accepte de se détacher de cette fascination pour le pouvoir brut et la richesse mal acquise, et redécouvre les vertus d’une éthique collective. C’est un défi philosophique autant que politique, car il touche au cœur des valeurs qui définissent ce qu’est une société juste et équitable.
Lire la suite sur :
http://libnanews.com/ladmiration-du-vice-une-richesse-sans-morale/
Au Liban, une autre facette troublante de cette culture de l’impunité est la manière dont la richesse est perçue et respectée, indépendamment de ses origines. Une dichotomie frappante s’installe entre la figure du « riche respecté » et la réalité de ceux qui, souvent, accumulent leur fortune par des moyens douteux, voire illégaux. Ce phénomène n’est pas propre au Liban, mais il y prend une ampleur singulière, amplifiée par la crise économique et l’effondrement des institutions. Ce respect quasi-aveugle envers les riches, même lorsqu’ils sont connus pour avoir pillé les ressources du pays, soulève des questions philosophiques fondamentales sur les valeurs, l’admiration et le vice. La richesse comme nouveau critère de vertu Dans la philosophie classique, notamment chez Aristote, la vertu est l’un des piliers de la vie éthique. L’homme vertueux n’est pas celui qui accumule des biens matériels, mais celui qui agit avec justice, courage et tempérance. Pourtant, au Liban, la richesse semble avoir remplacé ces vertus. Dans un pays où l’État s’effondre et où les institutions de justice et d’ordre sont minées par la corruption, le riche devient celui qui réussit à échapper aux lois, celui qui sait naviguer dans un système défaillant. La richesse, peu importe comment elle a été obtenue, devient un symbole de pouvoir et d’ingéniosité, faisant fi de toute considération morale. Cette inversion des valeurs rappelle les réflexions du philosophe Nietzsche, qui dénonçait dans “La généalogie de la morale” la manière dont les sociétés pouvaient récompenser le vice, le camouflant sous des apparences de force et de grandeur. Selon Nietzsche, l’homme “fort”, celui qui impose sa volonté, est souvent celui qui transgresse les règles morales, et la société finit par l’admirer pour cela. Au Liban, la richesse devient l’ultime manifestation de cette volonté de puissance, et les notions traditionnelles de bien et de mal s’effondrent devant le triomphe de la fortune. Une culture de l’apparence : l’hypocrisie des élites L’admiration du riche, même corrompu, est aussi le symptôme d’une société où l’apparence a pris le pas sur l’éthique. Cette admiration est entretenue par les élites politiques et économiques, qui construisent soigneusement une image publique de succès, de philanthropie et d’engagement social. Ces figures, souvent au cœur des scandales de corruption, parviennent à détourner l’attention de leurs actions répréhensibles en sponsorisant des œuvres de charité, en participant à des événements culturels, ou en construisant des monuments ostentatoires. Dans cette logique, le vol des biens publics est excusé dès lors qu’une partie de la richesse volée est restituée sous forme de dons, créant ainsi un paradoxe moral : les voleurs deviennent des bienfaiteurs, et la société oublie les origines de leur fortune. Platon, dans “La République”, avertissait déjà des dangers d’une société où les valeurs morales sont subordonnées aux apparences. La mystification du riche, même corrupteur, est un piège philosophique où l’admiration du vice devient un moyen de survie psychologique pour une population en détresse. La vénalité comme forme d’idolâtrie Cette idolâtrie de la richesse, même lorsque celle-ci est bâtie sur la corruption, rappelle l’analyse de Kant sur l’inclination naturelle de l’homme à admirer ce qui est visible et tangible, au détriment de ce qui est moralement juste. Kant, dans sa réflexion sur la moralité, soulignait que la richesse ne pouvait jamais être un but en soi si elle n’était pas acquise par des moyens honnêtes et si elle ne contribuait pas au bien commun. Mais au Liban, la distinction entre richesse méritée et richesse volée est brouillée. L’important n’est pas comment l’argent est gagné, mais simplement qu’il est visible, qu’il confère du prestige et qu’il permet d’acheter l’illusion du pouvoir. Cela reflète un rapport presque venal à la morale, où l’argent devient l’outil principal pour modeler l’opinion publique et dicter les valeurs sociales. Plus grave encore, cette vénération de la richesse alimente un cycle d’émulation négative : les jeunes générations, en particulier, sont tentées d’imiter ceux qui s’enrichissent par des moyens détournés, car ils représentent un modèle de succès, renforçant ainsi une culture du vice. L’éloge du voleur : une admiration du pouvoir plus que de la moralité L’admiration que suscitent certains riches voleurs dans la société libanaise peut être interprétée comme une forme d’éloge tacite du pouvoir brut. Derrière cette apparente adulation de la richesse se cache en réalité une soumission à la force, à la capacité de dominer les autres et de contourner les lois. Les philosophes politiques comme Thomas Hobbes ont souvent décrit le pouvoir comme le fondement de l’ordre social, mais aussi comme une force destructrice si elle n’est pas tempérée par des lois justes. Au Liban, cette admiration pour les riches voleurs ne repose pas sur une reconnaissance de leurs qualités morales, mais sur une fascination pour leur capacité à manipuler le système à leur avantage. C’est un pouvoir qui inspire à la fois le respect et la peur, et qui empêche toute remise en question collective de l’impunité. Cette réalité soulève une question cruciale : peut-on réellement parler d’une société morale lorsque la richesse mal acquise est non seulement tolérée, mais encouragée ? La transgression comme valeur sociale Dans son œuvre, Sartre proposait l’idée que chaque individu devait assumer la responsabilité totale de ses actes, sous peine de sombrer dans la mauvaise foi. Pourtant, au Liban, la transgression des lois et des normes sociales n’est pas vue comme une faute morale, mais comme une forme de ruse et de résilience face à un système défaillant. L’individu qui vole l’État ou les citoyens est perçu comme celui qui a su déjouer un système corrompu, et non comme un criminel. Cette inversion des valeurs transforme la transgression en une qualité valorisée, et l’impunité devient le privilège ultime. Mais cette valorisation de la transgression pose un problème éthique profond : comment peut-on espérer reconstruire un État de droit lorsque ceux qui violent les lois sont érigés en modèles de réussite ? Ce paradoxe est au cœur de la crise morale que traverse le Liban. La richesse, lorsqu’elle est obtenue par la tricherie, le vol ou la corruption, devrait être source de honte, et non de fierté. Pourtant, dans un contexte où les institutions sont faibles et les lois inappliquées, la transgression devient la norme, et la morale est reléguée au second plan. Vers une refondation des valeurs ? Face à cette admiration du vice, il devient crucial de s’interroger sur les moyens de refonder un ordre moral au Liban. Il ne s’agit pas seulement de réformer les institutions ou d’appliquer des lois. Ce combat doit également être culturel et philosophique. Il implique de redéfinir les notions de succès et de respect, non plus en fonction de la richesse matérielle, mais en fonction de la contribution au bien commun, de l’intégrité morale, et de la justice. L’impunité ne pourra être combattue que si la société libanaise accepte de se détacher de cette fascination pour le pouvoir brut et la richesse mal acquise, et redécouvre les vertus d’une éthique collective. C’est un défi philosophique autant que politique, car il touche au cœur des valeurs qui définissent ce qu’est une société juste et équitable.
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Au Liban, une autre facette troublante de cette culture de l’impunité est la manière dont la richesse est perçue et respectée, indépendamment de ses origines. Une dichotomie frappante s’installe entre la figure du « riche respecté » et la réalité de ceux qui, souvent, accumulent leur fortune par des moyens douteux, voire illégaux. Ce phénomène n’est pas propre au Liban, mais il y prend une ampleur singulière, amplifiée par la crise économique et l’effondrement des institutions. Ce respect quasi-aveugle envers les riches, même lorsqu’ils sont connus pour avoir pillé les ressources du pays, soulève des questions philosophiques fondamentales sur les valeurs, l’admiration et le vice. La richesse comme nouveau critère de vertu Dans la philosophie classique, notamment chez Aristote, la vertu est l’un des piliers de la vie éthique. L’homme vertueux n’est pas celui qui accumule des biens matériels, mais celui qui agit avec justice, courage et tempérance. Pourtant, au Liban, la richesse semble avoir remplacé ces vertus. Dans un pays où l’État s’effondre et où les institutions de justice et d’ordre sont minées par la corruption, le riche devient celui qui réussit à échapper aux lois, celui qui sait naviguer dans un système défaillant. La richesse, peu importe comment elle a été obtenue, devient un symbole de pouvoir et d’ingéniosité, faisant fi de toute considération morale. Cette inversion des valeurs rappelle les réflexions du philosophe Nietzsche, qui dénonçait dans “La généalogie de la morale” la manière dont les sociétés pouvaient récompenser le vice, le camouflant sous des apparences de force et de grandeur. Selon Nietzsche, l’homme “fort”, celui qui impose sa volonté, est souvent celui qui transgresse les règles morales, et la société finit par l’admirer pour cela. Au Liban, la richesse devient l’ultime manifestation de cette volonté de puissance, et les notions traditionnelles de bien et de mal s’effondrent devant le triomphe de la fortune. Une culture de l’apparence : l’hypocrisie des élites L’admiration du riche, même corrompu, est aussi le symptôme d’une société où l’apparence a pris le pas sur l’éthique. Cette admiration est entretenue par les élites politiques et économiques, qui construisent soigneusement une image publique de succès, de philanthropie et d’engagement social. Ces figures, souvent au cœur des scandales de corruption, parviennent à détourner l’attention de leurs actions répréhensibles en sponsorisant des œuvres de charité, en participant à des événements culturels, ou en construisant des monuments ostentatoires. Dans cette logique, le vol des biens publics est excusé dès lors qu’une partie de la richesse volée est restituée sous forme de dons, créant ainsi un paradoxe moral : les voleurs deviennent des bienfaiteurs, et la société oublie les origines de leur fortune. Platon, dans “La République”, avertissait déjà des dangers d’une société où les valeurs morales sont subordonnées aux apparences. La mystification du riche, même corrupteur, est un piège philosophique où l’admiration du vice devient un moyen de survie psychologique pour une population en détresse. La vénalité comme forme d’idolâtrie Cette idolâtrie de la richesse, même lorsque celle-ci est bâtie sur la corruption, rappelle l’analyse de Kant sur l’inclination naturelle de l’homme à admirer ce qui est visible et tangible, au détriment de ce qui est moralement juste. Kant, dans sa réflexion sur la moralité, soulignait que la richesse ne pouvait jamais être un but en soi si elle n’était pas acquise par des moyens honnêtes et si elle ne contribuait pas au bien commun. Mais au Liban, la distinction entre richesse méritée et richesse volée est brouillée. L’important n’est pas comment l’argent est gagné, mais simplement qu’il est visible, qu’il confère du prestige et qu’il permet d’acheter l’illusion du pouvoir. Cela reflète un rapport presque venal à la morale, où l’argent devient l’outil principal pour modeler l’opinion publique et dicter les valeurs sociales. Plus grave encore, cette vénération de la richesse alimente un cycle d’émulation négative : les jeunes générations, en particulier, sont tentées d’imiter ceux qui s’enrichissent par des moyens détournés, car ils représentent un modèle de succès, renforçant ainsi une culture du vice. L’éloge du voleur : une admiration du pouvoir plus que de la moralité L’admiration que suscitent certains riches voleurs dans la société libanaise peut être interprétée comme une forme d’éloge tacite du pouvoir brut. Derrière cette apparente adulation de la richesse se cache en réalité une soumission à la force, à la capacité de dominer les autres et de contourner les lois. Les philosophes politiques comme Thomas Hobbes ont souvent décrit le pouvoir comme le fondement de l’ordre social, mais aussi comme une force destructrice si elle n’est pas tempérée par des lois justes. Au Liban, cette admiration pour les riches voleurs ne repose pas sur une reconnaissance de leurs qualités morales, mais sur une fascination pour leur capacité à manipuler le système à leur avantage. C’est un pouvoir qui inspire à la fois le respect et la peur, et qui empêche toute remise en question collective de l’impunité. Cette réalité soulève une question cruciale : peut-on réellement parler d’une société morale lorsque la richesse mal acquise est non seulement tolérée, mais encouragée ? La transgression comme valeur sociale Dans son œuvre, Sartre proposait l’idée que chaque individu devait assumer la responsabilité totale de ses actes, sous peine de sombrer dans la mauvaise foi. Pourtant, au Liban, la transgression des lois et des normes sociales n’est pas vue comme une faute morale, mais comme une forme de ruse et de résilience face à un système défaillant. L’individu qui vole l’État ou les citoyens est perçu comme celui qui a su déjouer un système corrompu, et non comme un criminel. Cette inversion des valeurs transforme la transgression en une qualité valorisée, et l’impunité devient le privilège ultime. Mais cette valorisation de la transgression pose un problème éthique profond : comment peut-on espérer reconstruire un État de droit lorsque ceux qui violent les lois sont érigés en modèles de réussite ? Ce paradoxe est au cœur de la crise morale que traverse le Liban. La richesse, lorsqu’elle est obtenue par la tricherie, le vol ou la corruption, devrait être source de honte, et non de fierté. Pourtant, dans un contexte où les institutions sont faibles et les lois inappliquées, la transgression devient la norme, et la morale est reléguée au second plan. Vers une refondation des valeurs ? Face à cette admiration du vice, il devient crucial de s’interroger sur les moyens de refonder un ordre moral au Liban. Il ne s’agit pas seulement de réformer les institutions ou d’appliquer des lois. Ce combat doit également être culturel et philosophique. Il implique de redéfinir les notions de succès et de respect, non plus en fonction de la richesse matérielle, mais en fonction de la contribution au bien commun, de l’intégrité morale, et de la justice. L’impunité ne pourra être combattue que si la société libanaise accepte de se détacher de cette fascination pour le pouvoir brut et la richesse mal acquise, et redécouvre les vertus d’une éthique collective. C’est un défi philosophique autant que politique, car il touche au cœur des valeurs qui définissent ce qu’est une société juste et équitable.
Lire la suite sur :
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