Sur l'usage des biens
"L'homme ne doit pas avoir des choses extérieures comme si elles lui étaient propres, mais comme étant communes."
Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, II, II, 66, 2)
C'est pourquoi la formule révolutionnaire et marxiste : "La propriété, c'est le droit d'user et d'abuser" est inique.
Le réactionnaire, par Nicolas Gomez Davila
"Si le progressiste se tourne vers l’avenir, et le conservateur vers le passé, le réactionnaire ne cherche ni dans l’histoire d’hier ni dans l’histoire de demain le paradigme de ses aspirations. Le réactionnaire n’acclame pas ce que doit apporter la prochaine aube, ni ne s’accroche aux ombres ultimes de la nuit. Sa demeure s’élève dans cet espace lumineux où les essences l’interpellent par leur présence immortelle. Le réactionnaire échappe à l’esclavage de l’histoire, parce qu’il poursuit dans la jungle humaine des traces de pas divins. Les hommes et les faits sont, pour le réactionnaire, une chair servile et mortelle qu’animent des souffles venus d’ailleurs. Être réactionnaire, c’est défendre des causes qu’on ne joue pas aux dés de l’histoire, des causes qu’il importe peu de perdre. Être réactionnaire, c’est savoir que nous ne découvrons que ce que nous croyons inventer ; c’est admettre que notre imagination ne crée pas, qu’elle ne fait que dénuder de tendres corps. Être réactionnaire, ce n’est pas embrasser des causes déterminées, ni plaider pour des fins déterminées, mais soumettre notre volonté à la nécessité qui n’étouffe pas, ranger notre liberté à l’exigence qui ne contraint pas ; c’est surprendre les évidences qui nous guident, endormies sur la grève des lacs millénaires. Le réactionnaire n’est pas un nostalgique rêvant de passés abolis, mais celui qui traque des ombres sacrées sur les collines éternelles." (Le réactionnaire authentique)
Le Réactionnaire authentique
, Anatolia - Éditions du Rocher, 2005. Choix de Samuel Brussell, préface de Martin Mosebach. Traduit de l'espagnol par Michel Bibard."Moins l'ami des Muses a affaire à l'homme politique, mieux cela vaut pour lui..." (Ernst Jünger)
"Ce mélange de pathétique et de comique, cette prose empruntée aux militaires, jusque chez les pacifistes, tout cela devrait convaincre une fois pour toutes l'ami des Muses égaré dans la politique qu'il n'a rien à attendre d'une pareille compagnie. Et encore moins à en espérer; c'est ce que prouve le destin du poète dans la révolution française, et presque chacune des autres.
Moins l'ami des Muses a affaire à l'homme politique, mieux cela vaut pour lui, et cela vaut de n'importe quel système. Il peut déjà s'estimer heureux de n'être point aperçu, ou même d'être simplement toléré.
(...)
Ce qui compte pour l'artiste, que ce soit sous la monarchie ou en démocratie, c'est l'intérêt que prend le puissant aux arts - pour parler simplement, son goût. Il est vrai que la Nature, et déjà la compréhension des éléments qui la constituent, font que le bon goût est moins inaccessible à la justice qu'à l'étroitesse fanatique de l'idéologie."
Ernst Jünger, L'auteur et l'écriture, Christian Bourgois, 1983.
8 mai 1429: délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc
Qui vit donc chose advenir
Plus hors de toute opinion
Que France, de qui mention
On faisait qu’à terre est tombée,
Soit par divine mission
De mal en si grand bien mué,
Et par tel miracle vraiment
Que, si chose n’était notoire
Et évident quoi et comment,
Il n’est homme qui le pût croire !
Chose est bien digne de mémoire
Que Dieu, par une vierge tendre
Ait ainsi voulu [chose voire (vraie)]
Sur France si grand grâce étendre. (Q, v, 3 et s)
Christine de Pisan
(Ecrit en 1429, alors qu’elle vivait retirée dans une abbaye depuis 11 ans. )
Comte de Chambord: "Ce sont les princes d'Orléans qui sont mes héritiers légitimes"
" Monseigneur était la distinction en personne. Il était impossible de l’approcher sans se sentir enthousiasmé, il avait un entrain, une verve inépuisable et
ses grands yeux bleus respiraient la bonté et l’intelligence. Il adorait la chasse et se plaisait à m’entendre raconter quelques-unes des miennes dans les longues promenades que nous faisions
quelquefois en tête à tête. "
[…]
" J’ai eu l’honneur de revoir Mgr le comte de Chambord deux fois encore : en 1862, ma fille Marguerite (votre grand-mère) épousait le comte René de Beaumont. Peu après ce mariage, j’ai voulu présenter mes enfants à Monseigneur. C’était un devoir de convenance et surtout de cœur, Monseigneur ayant toujours été pour moi d’une bonté parfaite. Ce fut au château de Warteg sur les bords du lac de Constance, chez Mme la duchesse de Parme que nous fûmes reçus. Un soir, après dîner, Mme la Duchesse et ma fille étaient assises dans l’embrasure d’une fenêtre qui donne sur le lac. Monseigneur et moi causions debout presque adossés aux fauteuils de ces dames (voyez comme je me souviens de toutes les particularités). Tout à coup, mon oreille fut frappée par le nom des princes d’Orléans que l’on prononçait. Je prêtais l’oreille et voici en propres termes ce que j’ai entendu : Ma fille disait à la duchesse de Parme : " Mais, Madame, si le comte de Chambord venait à mourir sans enfant ce sont vos fils qui hériteraient de la couronne de France ? – Pas du tout mon enfant, mes fils n’ont absolument aucun droit, ce sont les princes d’Orléans qui sont les héritiers légitimes de mon frère. " Ma fille insistait : " Vous êtes légitimiste n’est-ce pas ma chère petite, il faut accepter les conséquences du principe. " En entendant ces paroles qui n’avaient pas non plus échappé à Monseigneur, je le regarde sans me permettre bien entendu de lui adresser une question. Mais il comprit vite qu’il y avait une interrogation dans mon regard et, aussitôt, il me dit : " Ma sœur a parfaitement raison, ce sont les princes d’Orléans qui sont mes héritiers légitimes. "
Voici textuellement ce que j’ai entendu, cette conversation était assez importante pour qu’elle soit restée profondément gravée dans ma mémoire. Je n’y ajoute, ni n’en retranche un seul mot. "
Vicomte Emile de la Besge*, Souvenir et récits de chasse. Olivier Perrin, 1971.
* (La Fouchardière 2 août 1812- Persac, 2 juin 1905)
Evidemment, quand on est Français, catholique et légitimiste, on ne devient pas orléaniste... Non licet. La raison ni l'honneur ne le permettent. Peut-être la duchesse de Parme et le comte de Chambord auraient-ils dû employer le terme "légal" au lieu de
"légitime". En tous les cas, ces mots, lourds de sens et de conséquences, ne signifiaient-ils pas l'abandon de la France par la dynastie des Capétiens, et son extinction politique;
les Orléans par trahison et le comte de Chambord par abdication ?