Une politique démographique qui donne froid dans le dos
Nota: la population humaine mondiale est estimée à 7 milliards en 2012
Cette courbe est extraite d'un article du journal péruvien El Comercio du 19 octobre 2012 intitulé "En el 2050 el mundo tendra mas adultos mayores que menores de 15 años". Les données sont empruntées à l'UNFPA (Fondo de Poblacion de las Naciones Unidas) et à HelpAge, une organisation consacrée au 3e âge.
Curieusement, il paraît au milieu d'une vaste campagne pour la légalisation et le développement de l'avortement au Pérou, un pays de majorité catholique où la natalité reste forte, surtout dans les Andes et l'Amazonie.
Quand on sait qu'une société normalement constituée doit compter une majorité d'enfants pour une minorité d'adultes et de vieillards, quand on sait que la procréation, la natalité, l'enfance, la jeunesse sont la vie même et la raison de vivre, on se dit que le vieillissement de la population mondiale est le résultat d'une politique suicidaire et criminelle à laquelle participe l'Organisation des Nations Unies* et qu'elle a ensuite l'hypocrisie de constater.
Regardons la nature: un chêne produit chaque année des dizaines de milliers de glands. Quelques-uns seulement deviendront des chênes adultes. Les autres seront mangés par les sangliers, les cerfs, les chevreuils, les geais, les ramiers, les insectes, les micro-organismes et les bactéries. Un saumon pond chaque année des dizaines de milliers d'oeufs dans sa rivière natale. Quelques-uns seulement deviendront des saumons adultes. Les autres nourriront les hommes, les ours, les loups, les oiseaux, les écrevisses, et d'autres poissons. La semence et la progéniture des uns nourrissent les autres.
Prolificité, surabondance, sélection, sont les lois de la nature.
C'est pourquoi ne s'agit pas de vivre longtemps, mais de vivre bien.
Ceci est la seule règle politique qui compte, avec comme méthode, "ne rien faire qui puisse troubler l'ordre naturel du monde" (Wou Wei en chinois).
Quand la ploutocratie veut remplacer la sélection naturelle par le malthusianisme et la dégradation des conditions de vie, elle transforme la vie en monstruosité.
POC
* Légalisation et promotion de la contraception, de l'avortement, de la de l'homosexualité et de toutes les formes de sexualité non reproductive, de la pornographie et du cybersexe, du travail de la femme, du concept de "gender", urbanisation forcée, économie de spéculation, etc.
Frère Marie-Victorin (1885-1944)
L'Office national du Film du Canada a mis en ligne sur son site un film magnifique et émouvant sur le Frère Marie-Victorin*, le grand botaniste québécois, auteur, en particulier, de la célèbre Flore laurentienne et fondateur du Jardin botanique de Montréal. Ce film a été réalisé par Nicole Gravel en 1997.
Visionnez-le ici: link
Et rappelons, à cette occasion, que la Flore laurentienne reste la bible de tout botaniste ou naturaliste au Québec.
* Né Conrad Kirouac le 3 avril 1885 à Kingsey Falls, Québec, et mort le 15 juillet 1944.
Le Jardin botanique de Montréal sur le portail de la Commission de Toponymie du Québec: link
"Eka takushameshkui": "Ne mets pas tes raquettes sur les miennes" (Alexis Joveneau, O.M.I., 1926-1991)
Mon guide et ami Mathieu Mark au bord de la rivière Olomane. Fin octobre 1993.
Photo: Pierre-Olivier Combelles
Je ne connais pas de texte plus vrai, plus beau et plus profond sur le génie d'une langue que celui du Père Alexis Joveneau sur la langue montagnaise. Raison pour laquelle je le remets une deuxième fois sur ce blog.
Ce texte, "Eka takushameshkui", "Ne mets pas tes raquettes sur les miennes" est paru dans la revue Histoire du Québec (Vol 15, numéro I) en 2009. Il est sur internet ici link: en pdf, donc copiable et imprimable.
Missionnaire des Montagnais (on dit Innuat aujourd'hui, ce qui veut dire "hommes") de la Romaine (Unamen-Shipu: La rivière de la peinture à l'ocre) sur la Basse Côte Nord du Québec, le Père Alexis Joveneau est mort à La Romaine en 1991 et il repose dans le petit cimetière du village montagnais, sous le sable ocré des rives de la rivière Olomane.
Il est l'auteur, ou plutôt l'éditeur de l'extraordinaire dictionnaire montagnais-français "Eukun eshi aiamiast ninan ute ulamen-shipit", illustré à chaque page de dessins faits par les Montagnais de La Romaine, publié à La Romaine même en mai 1978.
Pierre-Olivier Combelles
Le Père Alexis Joveneau, Oblat de Marie-Immaculée, berçant un enfant montagnais endormi dans son hamac, au bord de le l'estuaire de la rivière Olomane, près de la Romaine, sur la Basse Côte-Nord du Québec. Années 1950.
(30 novembre 2017) Une très belle photo, certes, mais qui ne pourra pas nous faire oublier tous les abus et l'exploitation des autres que le pouvoir peut entraîner.. Ce qu'on dit publiquement aujourd'hui au Québec: http://www.ledevoir.com/societe/justice/514228/enquete-sur-les-femmes-autochtones-allegations-contre-le-cure-alexis-joveneau c'est ce qu'on racontait tout bas à La Romaine et sur la Basse Côte-Nord en 1993 lorsque j'y suis retourné après la mort du P. Alexis Joveneau, que j'ai connu lors de mes voyages.
P.O.C.
L'argent et l'usure comme seule politique mondiale
C’est incroyable, vraiment incroyable.
Nos gouvernements ont totalement abandonné la création monétaire aux banques privées.
Nos prétendus "représentants" (par l'art. 104 du traité de Maastricht) ont carrément interdit à l'État de créer lui-même la monnaie dont il a besoin pour financer les services publics.
Et la politique monétaire (dirigée exclusivement contre l'inflation), qui accompagne le sabordage monétaire de l'art. 104, est profondément injuste —favorable aux oisifs et défavorable à ceux qui vivent de leur travail : cette politique monétaire antisociale entraîne à la fois une dette publique exponentielle extravagante et un chômage de masse scandaleux.
Etienne Chouard
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/
Voter au suffrage universel, c'est désigner des gens qu'on n'a pas choisis. Etienne Chouard.
Tchouang tseu et le taoïsme
Dans cette émission (réalisation ? date ? média ?) publiée sur Youtube link, écouter attentivement, en particulier, la sage, pénétrante et "embrassante" intervention de Cyrille J. -D. Javary sur le taoïsme lettré, le taoïsme populaire et le shamanisme/animisme en Chine.
Chine qui, avant de s'appeler "Le pays qui est au centre du monde" (Zhong Kuo), s'appelait "Le continent des esprits" (Shen Zhou) ...
Rappelons à cette occasion que le lettré est en contact avec les livres, le paysan ou le chasseur-pêcheur-cueilleur sont en contact avec la nature et le cosmos. Le naturaliste-explorateur et l'ethnographe peuvent, dans une certaine mesure, être en contact avec ces deux sources d'expérience et de connaissance, s'ils parlent la langue, connaissent le milieu naturel et partagent la vie des peuples "sauvages", "primitifs" ou "premiers" comme on voudra les appeler (Les Andins disent en quechua, en parlant respectueusement des peuples amazoniens, "Ñaupa machu", ce qui signifie "les ancêtres") et surtout leur façon de penser, ce qui est beaucoup plus difficile. Le naturaliste Lesson, qui accompagna l'expédition de Duperrey dans le Pacifique à bord de La Coquille, est un exemple. Le linguiste finlandais Kai Donner chez les Samoyèdes de Sibérie, l'explorateur et archéologue norvégien Helge Ingstad chez les Esquimaux du Cuivre, le Groënlandais Knud Rasmussen dans l'Arctique ou le marin Eric de Bisschop dans le Pacifique en sont d'autres, qui ont en même temps accompli des exploits, comme Ulysse. Je m'arrête là, car on pourrait parler aussi de Nicolas Baikov et de Vladimir Arseniev, du pindarique Saint John Perse, de Victor Segalen, de Gauguin ou d'Ezra Pound...
Extrait d'une carte de l'Amazonie péruvienne (XIXe siècle)
De la même manière, il y a une astronomie populaire, qui est l'observation directe du ciel et des astres dans ce qu'ils ont d'apparent, et l'astronomie scientifique, qui est l'étude des astres et de leurs mouvements réels. Les animistes font de l'astronomie populaire. Les astronomes modernes ne sont pas animistes (et très rarement, voire jamais, des écrivains, des artistes, des poètes ou des philosophes). Hubert Reeves n'est pas une exception: il vulgarise avec talent et même profondeur l'astronomie scientifique.
Je fais cette parenthèse parce que dans le taoïsme comme dans la pensée asiatique et austronésienne au sens large (qui inclut l'Amérique précolombienne), l'univers est composé de la Terre, du Ciel et de l'Homme, qui forment un tout. L'astronomie, sous sa forme "populaire", étant spirituelle, sociale, économique (activités agricoles, navigation, etc), religieuse et politique, y revêt une importance majeure.
Cyrille Javary est le co-auteur, avec Pierre Faure, de l'édition du Yi Jing, Le livre des changements (Albin Michel, 2012 link).
P.O.-C.
John Lagerwey
(Bio-bibliographie sur le site de l'Ecole Française d'Extrême-Orient: link)
Le Continent des Esprits - La Chine dans le miroir du taoïsme
Bruxelles, Renaissance du Livre (1993)
Maisonneuve & Larose (1993)
Tchouang tseu: Zhuang zi. Oeuvre complète lue (audio)
Source (Youtube) : link
La démondialisation (Jacques Sapir/Xerfi Canal)
Le dollar n'est plus la monnaie principale pour le commerce du pétrole (Ken Schortgen Jr.)
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El dólar ya no es la moneda principal para el comercio de petróleo |
Ken Schortgen Jr. (*) |
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23/09/12 |
El 11 de septiembre, Lindsey Williams, ex ministro de las compañías petroleras durante la construcción del oleoducto de Alaska, anunció el acontecimiento más significativo para el dólar de EE.UU. desde su creación como moneda. Por primera vez desde la década de 1970, cuando Henry Kissinger forjó un acuerdo comercial con la casa real de Saud para vender petróleo sólo con dólares estadounidenses, China anunció su intención de dejar de lado el dólar en sus negocios de petróleo y comenzó a vender el producto utilizando su propia moneda. Lindsey Williams: "El día más importante en la historia del dólar estadounidense, desde su fundación, ocurrió el jueves 6 de septiembre pasado; ese día, ocurrió algo que va a afectar nuestras más de lo que imaginamos". "El Jueves, 06 de septiembre... sólo hace unos días, China hizo el anuncio oficial. China dijo: “nuestro sistema bancario está listo, todos nuestros sistemas de comunicación están listos, todos los sistemas de transferencia están listos y, a partir de ese día, jueves 6 de septiembre cualquier país del mundo que quiera comprar, vender o negociar con petróleo crudo puede hacerlo usando de la moneda china y no el dólar estadounidense”. Entrevista con Natty Bumpo de Just Measures Radio, 11 de septiembre. Este anuncio hecho por China es uno de los cambios más significativos en los sistemas económicos y monetarios mundiales, pero apenas se informó sobre el anuncio debido a que ocurrió durante la convención demócrata. Las ramificaciones de esta nueva acción son muy amplias, y muy bien podría ser el catalizador que haga caer al dólar como moneda de reserva mundial, y cambiar todo el panorama de cómo funciona el mundo de la compra de energía. Irónicamente, desde el 6 de septiembre, el dólar de EE.UU. cayó de 81.467 a 79,73 en el índice de precios. Y mientras los analistas se centran en lo que viene ocurriendo en la Eurozona, y mientras se esperan medidas por parte del Banco Reserva Federal respecto a la caída del dólar, no es casualidad que el dólar empezara a perder fuerza el día mismo del anuncio de China. Dado que China no es un país productor de petróleo, la pregunta que mucha gente se hace es: ¿cómo es que la potencia asiática tiene tanto petróleo como para afectar a la hegemonía del dólar? La respuesta también la dio Lindsey Williams cuando señaló que China y Rusia firmaron un nuevo acuerdo comercial el 7 de septiembre por el que la Federación Rusa acordó vender petróleo a China en las cantidades que esta última deseara. Lindsey Williams: "Esto nunca ha ocurrido en la historia del petróleo desde que el crudo se convirtió en la fuerza motivadora detrás de toda nuestra (EE.UU.) economía, y que todo en nuestras vidas gira en torno al petróleo. Y nunca, desde que el petróleo se convirtió en el factor de motivación detrás nuestra economía... nunca se había vendido, comprado o intercambiado petróleo en ningún país del mundo, sin utilizar el dólar estadounidense". "El petróleo crudo es la moneda estándar del mundo. No es el yen ni la libra ni el dólar. No hay, en todo el mundo, otro producto más comerciado que el petróleo". "El viernes 7 de septiembre, Rusia anunció que desde ese día iba a abastecer a China con todo el petróleo que necesitara, sin importar cuanto... no hay límite. Y Rusia no usará el dólar estadounidense". Entrevista con Natty Bumpo en la red, 11 de septiembre. Estos dos actos de los dos adversarios más poderosos de la economía y el imperio estadounidenses representan un movimiento para atacar la fortaleza económica principal que mantiene a Estados Unidos como superpotencia económica. Cuando el resto del mundo empiece a pasar por alto el dólar y compre petróleo en otras divisas, el pueblo estadounidense sentirá todo el peso de nuestra deuda y disminución de la estructura manufacturera. Este nuevo acuerdo entre Rusia y China también tiene graves consecuencias en lo que respecta a Irán, y el resto de Oriente Medio. Las sanciones estadounidenses contra Irán dejarán de tener un efecto mensurable, ya que Irán podrá simplemente optar por vender su petróleo a China, para recibir yuanes a cambio, y usar esa moneda para comprar los recursos que necesita para sostener su economía y su programa nuclear. El mundo cambió la semana pasada; y ni Wall Street ni los medios de comunicación dijeron ni una sola palabra mientras los políticos [estadounidenses] se regodeaban en su propia magnificencia en sus convenciones partidarias. El 6 de septiembre fue testigo de un gran golpe al imperio estadounidense y al dólar como moneda de reserva mundial. Y China, junto con Rusia, tienen ahora el objetivo de convertirse en los controladores de la energía, y por lo tanto, los controladores de una nueva petro-moneda.
(*) Ken Schortgen Jr. escribe habitualmente en Examiner sobre finanzas. / www.examiner.com, 12 de septiembre de 2012
Traducción para www.sinpermiso.info: Antonio Zighelboim |
http://www.sinpermiso.info/textos/index.php?id=5261
fnh.vps.24.set.2012
SOURCES ORIGINALES
JUST MEASURES RADIO 11 sept 2012: link
TELECHARGEZ L'INTERVIEW ORIGINALE DE LINDSEY WILLIAMS : PATHFINDER 09-11-2012 (EN AMERICAIN): link
Le baptême du sang
Conquête du Pérou: La Rencontre de Cajamarca. Le P. Valverde lit à l'Inca l'injonction d'obéissance à la Couronne espagnole, tandis que celui-ci, incrédule, tient une Bible à la main. Gravure espagnole du XVIe siècle.
"En 1757, le cabinet espagnol éleva Montevideo au rang de chef-lieu de province ou de gouvernement.
Cette même année, les Minuans reprirent les armes et attaquèrent les établissements espagnols. C'est dans cette guerre que le gouverneur de Buenos-Aires, Andonaegui, donna l'ordre cruel, trop souvent et trop bien suivi dans les guerres modernes, d'égorger tous les Indiens au-dessus de l'âge de douze ans, parce que, disait-il, le véritable baptême de ces sauvages, est le baptême du sang 1."
1. El verdadero bautismo de estos salvages es el del sangre.
Alcide d'Orbigny, Voyage dans l'Amérique méridionale exécuté pendant les années 1826/1833.
Exécution d'Atahuallpa, le 29 août 1533 (Guaman Poma de Ayala)
L'idéal, ou du bon usage des hommes et des choses (Tchouang-tseu: Zhuang Zi)
A. S’il faut en croire d’anciennes légendes, dans l’océan septentrional vit un poisson immense, qui peut prendre la forme d’un oiseau. Quand cet oiseau s’enlève, ses ailes s’étendent dans le ciel comme des nuages. Rasant les flots, dans la direction du Sud, il prend son élan sur une longueur de trois mille stades, puis s’élève sur le vent à la hauteur de quatre-vingt-dix-mille stades, dans l’espace de six mois. — Ce qu’on voit là-haut, dans l’azur, sont-ce des troupes de chevaux sauvages qui courent ? Est-ce de la matière pulvérulente qui voltige ? Sont-ce les souffles qui donnent naissance aux êtres ? Et l’azur, est-il le Ciel lui-même ? Ou n’est-ce que la couleur du lointain infini, dans lequel le Ciel, l’être personnel des Annales et des Odes, se cache ? Et, de là-haut, voit-on cette terre ? et sous quel aspect ? Mystères ! — Quoi qu’il en soit, s’élevant du vaste océan, et porté par la grande masse de l’air, seuls supports capables de soutenir son immensité, le grand oiseau plane à une altitude prodigieuse. — Une cigale à peine éclose, et un tout jeune pigeon, l’ayant vu, rirent du grand oiseau et dirent : À quoi bon s’élever si haut ? Pourquoi s’exposer ainsi ? Nous qui nous contentons de voler de branche en branche, sans sortir de la banlieue, quand nous tombons par terre, nous ne nous faisons pas de mal ; chaque jour, sans fatigue, nous trouvons notre nécessaire. Pourquoi aller si loin ? Pourquoi monter si haut ? Les soucis n’augmentent-ils pas, en proportion de la distance et de l’élévation ? — Propos de deux petites bêtes, sur un sujet dépassant leur compétence. Un petit esprit ne comprend pas ce qu’un grand esprit embrasse. Une courte expérience ne s’étend pas aux faits éloignés. Le champignon qui ne dure qu’un matin ne sait pas ce que c’est qu’une lunaison. L’insecte qui ne vit qu’un été n’entend rien à la succession des saisons. Ne demandez pas, à des êtres éphémères, des renseignements sur la grande tortue dont la période est de cinq siècles, sur le grand arbre dont le cycle est de huit mille années. Même le vieux P’eng tsou ne vous dira rien de ce qui dépasse les huit siècles que la tradition lui prête. À chaque être, sa formule de développement propre.
Une conflagration universelle ne le consumerait pas. Tant il est élevé au-dessus de tout. De ses rognures et de ses déchets, on ferait des Yao et des Chounn. Et cet homme-là s’occuperait de choses menues, comme sont les moissons, le gouvernement d’un État ? Allons donc ! — Chacun se figure l’idéal à sa manière. Pour le peuple de Song, l’idéal, c’est d’être bien vêtu et bien coiffé ; pour le peuple de Ue, l’idéal, c’est d’être tondu ras et habillé d’un tatouage. L’empereur Yao se donna beaucoup de peine, et s’imagina avoir régné idéalement bien. Après qu’il eut visité les quatre Maîtres, dans la lointaine île de Kou chee, il reconnut qu’il avait tout gâté. L’idéal, c’est l’indifférence du sur-homme, qui laisse tourner la roue cosmique.
Tch1.E. Les princes vulgaires ne savent pas employer les hommes de cette envergure, qui ne donnent rien dans les petites charges, leur génie y étant à l’étroit. — Maître Hoei ayant obtenu, dans son jardin, des gourdes énormes, les coupa en deux moitiés qu’il employa comme bassins. Trouvant ces bassins trop grands, il les coupa chacun en deux quarts. Ces quarts ne se tinrent plus debout et ne purent plus rien contenir. Il les brisa… Vous n’êtes qu’un sot, lui dit Tchoang-tzeu,. Vous n’avez pas su tirer parti de ces gourdes rares. Il fallait en faire des bouées, sur lesquelles vous auriez pu franchir les fleuves et les lacs. En voulant les rapetisser, vous les avez mises hors d’usage. — Il en est des hommes comme des choses ; tout dépend de l’usage qu’on en fait. — Une famille de magnaniers de Song possédait la recette d’une pommade, grâce à laquelle les mains de ceux qui dévidaient les cocons dans l’eau chaude, ne se gerçaient jamais. Ils vendirent leur recette à un étranger, pour cent taëls, et jugèrent que c’était là en avoir tiré un beau profit. Or l’étranger, devenu amiral du roi de Ou, commanda une expédition navale contre ceux de Ue. C’était en hiver. Ayant, grâce à sa pommade, préservé les mains de ses matelots de toute engelure, il remporta une grande victoire, qui lui procura un vaste fief. Ainsi deux emplois d’une même pommade produisirent une petite somme et une immense fortune. — Qui sait employer le sur-homme, en tire beaucoup. Qui ne sait pas, n’en tire rien.
Tch1.F. Vos théories, dit maître Hoei à maître Tchoang, ont de l’ampleur, mais n’ont aucune valeur pratique ; aussi personne n’en veut. Tel un grand ailante, dont le bois fibreux ne peut se débiter en planches, dont les branches noueuses ne sont propres à rien. — Tant mieux pour moi, dit maître Tchoang. Car tout ce qui a un usage pratique périt pour ce motif. La martre a beau user de mille stratagèmes, elle finit par périr, sa fourrure étant recherchée. Le yak, pourtant si puissant, finit par être tué, sa queue servant à faire des étendards. Tandis que l’ailante auquel vous me faites l’honneur de me comparer, poussé dans un terrain stérile, grandira tant qu’il voudra, ombragera le voyageur et le dormeur, sans crainte aucune de la hache et de la doloire, précisément parce que, comme vous dites, il n’est propre à aucun usage. N’être bon à rien, n’est ce pas un état dont il faudrait plutôt se réjouir ?
(Traduction Léon Wieger, 1913)
Ailante (Ailanthus altissima)
Un petit pays de peu d'habitants... (Tao Tö King)
LXXV
Si le peuple a faim, c’est à cause de la quantité d’impôts qui sont consommés par ses supérieurs : voilà pourquoi il a faim.
Si le peuple est difficile à gouverner, c’est à cause de l’activité de ses supérieurs : voilà pourquoi il est difficile à gouverner.
Si le peuple prend la mort à la légère, c’est à cause de l’excès de ses efforts pour vivre : voilà pourquoi il prend la mort à la légère.
En effet, c’est précisément en n’agissant pas pour vivre, qu’on est plus sage que si on prise la vie.
LXXX
Un petit pays de peu d’habitants, où, bien qu’il y eût des outils faisant le travail de dix ou cent hommes, on pourrait amener le peuple à ne pas s’en servir !
Où l’on pourrait amener le peuple à considérer la mort comme une chose grave et à ne pas émigrer au loin !
Où, bien qu’il y eût des bateaux et des charrettes, il n’y aurait pas de quoi les charger, et bien qu’il y eût des cuirasses et des armes, il n’y aurait pas de quoi les ranger !
Où l’on pourrait amener le peuple à retourner à l’emploi des cordes nouées ; à savourer sa propre nourriture, à admirer ses propres vêtements, à se contenter de ses propres habitations, à prendre plaisir à ses propres coutumes !
Où, bien qu’il y eût un pays voisin à portée de vue, de sorte que de l’un à l’autre on entendît chanter les coqs et aboyer les chiens, les habitants jusqu’à leur mort à un âge avancé ne se seraient jamais fréquentés !
TAO TÖ KING, LE LIVRE DE LA VOIE ET DE LA VERTU
Texte chinois établi et traduit avec des notes critiques et une introduction par J. J.-L. DUYVENDAK (1889-1954). Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, Paris, 1987.
Chasqui (messager) inca portant le quipu dans la main gauche et annonçant son arrivée en sonnant la conque (pututo en quechua et aymara, pututara en maori). Les quipus étaient utilisés autrefois dans tout le Pacifique et en Asie. Gravure du XVIe siècle.