"The world is ill " (Shaman Davi Kopenawa Yanomami)
"The governments take all the rich resources from the land and destroy the land of the indigenous people."
"History is repeating itself. Thousands of miners have come back," he told the Guardian in London this week. "They are repairing and expanding the old airstrips. The cattle ranchers are coming in, cutting down the forest. They are coming with planes and helicopters, guns and machines and rafts. They bring malaria and destroy the rivers. We are warning the world that without your help the Yanomami people will die.
"The error of the whites is to take the riches of the land. You only want to take the riches. But the land is sacred. If the Yanomamai die the shamans will disappear and the governments will continue to take the land. You are worried about climate change. It is arriving. The rains come late, the sun behaves in a strange way. The world is ill. The lungs of the sky are polluted. We know it is happening.
"We are shamans. We care for the planet, the sun, the moon, the darkness and the light. Everything that exists we look after. You cannnot go on destroying nature. We will all die, burned and drowned, and that is the Yanomamai word."
Shaman Davi Kopenawa Yanomami
(Haut-Amazone, Brésil, près de la frontière du Venezuela)
The Guardian - Environment: http://www.theguardian.com/environment/2009/jun/13/davi-yanomami
Présentation du livre de Davi Kopenawa et de Bruce Albert sur le site de Jean Malaurie, fondateur et directeur de la prestigieuse collection Terre Humaine:
http://www.jean-malaurie.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=98&Itemid=45
Le livre :
Un grand chaman et porte-parole des Indiens Yanomami offre dans ce livre un récit exceptionnel, à la fois témoignage autobiographique, manifeste chamanique et cri d´alarme contre la destruction de la forêt amazonienne. Il y relate à la première personne son histoire hors du commun et ses méditations de chaman face au contact prédateur de la frontière blanche à laquelle son peuple se trouve confronté depuis les années soixante. Ce livre a été écrit à partir de ses paroles, recueillies en langue yanomami, par un ethnologue auquel le lie une très longue amitié.
Trois partie composent l´ouvrage: “Devenir autre” retrace sa vocation de chaman depuis l´enfance jusqu´à son initiation à l´âge adulte. Elle décrit par ailleurs toute la richesse d´un savoir cosmologique séculaire acquis grâce à l´usage de puissants hallucinogènes. “La fumée du métal” relate, à travers son expérience personnelle, souvent dramatique, l´histoire de l´avancée des Blancs dans la forêt – missionnaires, ouvriers routiers, chercheurs d´or –, et leur cortège d´épidémies, de violences et de destructions. Enfin, “La chute du ciel” rapporte son odyssée pour dénoncer la décimation de son peuple lors de voyages en Europe et aux États-Unis. Émaillé de visions chamaniques et de méditations ethnographiques à propos des Blancs, ce récit débouche sur un appel prophétique qui annonce la mort des chamans et la chute du ciel pour dénoncer la dévastation de la forêt amazonienne par l´absurde avidité de ceux qu´il nomme “le Peuple de la Marchandise”.
Des traductions du livre en portugais et en allemand sont d’ores et déjà annoncées.
Les auteurs :
Davi Kopenawa : chaman et porte-parole des Indiens Yanomami du Brésil, est né en 1956 dans une communauté isolée du nord amazonien où presque toute sa famille meurt d´une violente épidémie de rougeole lorsqu´il a onze ans lors. Vingt ans plus tard, des milliers de chercheurs d´or envahissent le territoire yanomami et c´est cette fois tout son peuple qui est menacé d´extinction. Pour empêcher cette tragédie annoncée, il s´engage dans une lutte sans répit qui lui fera parcourir le monde et le fera reconnaître comme l’un des plus grands défenseurs de l´Amazonie et de ses premiers habitants. Il recevra en 1988 le Global 500 Award des Nations Unies et en 1989 le Right Livelihood Award considéré comme le “Prix Nobel alternatif”. Il sera décoré en 1999 de l´Ordre du Rio Branco par le Président de la République brésilien et recevra em 2008 une mention d´honneur spéciale du prestigieux Prix Bartolomé de Las Casas octroyé par le gouvernement espagnol pour la défense des droits des peuples autochtones des Amériques.
Bruce Albert : docteur en anthropologie de l´Université de Paris X, né en 1952 au Maroc, directeur de recherche à l´IRD (Paris), est un fervent défenseur de la culture et des droits des Yanomami du Brésil avec lesquels il travaille – et chez lesquels il séjourne très régulièrement – depuis 1975. L´ONG qu´il a co-fondée au Brésil en 1978 (la CCPY) a étroitement secondé Davi Kopenawa dans son combat, jusqu´à obtenir du gouvernement brésilien, en 1992, la reconnaissance légale du droit d´occupation exclusif des Yanomami sur un territoire de forêt tropicale plus vaste que le Portugal (la Terra Indígena Yanomami). Au-delà de ses recherches ethnographiques il a continué à travailler depuis lors au service de divers projets sanitaires, éducatifs et environnementaux implantés en territoire yanomami.
Aux arbres citoyens !
Sur la base d’estimations erronées de l’inventaire forestier national, l’Etat français a engagé une politique forestière fondée sur une augmentation irréaliste et dangereuse des volumes de bois coupés en forêt (+40% d'ici 2020).
Cette politique productiviste s’accompagne d’une réduction drastique du nombre de gardes-forestiers dans le cadre de la réforme des politiques publiques (RGPP)
L’objectif est de répondre à des équilibres réfléchis uniquement en terme financier, et à fournir sous prétexte d’économie verte de nouveaux usages industriels, notamment au travers de gros projets industriels et énergétiques, sans que nous soyons capables d’en mesurer les conséquences à long terme (économiques comme écologiques).
Or, la forêt française est un patrimoine riche et fragile.
La biodiversité animale et végétale, l'impact positif de la forêt sur le climat, la qualité de l'eau et de l'air, ainsi qu’une optimisation du rôle économique et social des espaces forestiers, exigent une gestion durable, prudente et concertée, respectant l’ensemble de ces fonctions.
L'activité économique et l’outil industriel doivent s'adapter à la ressource en bois disponible, et non l'inverse. La stratégie économique de valorisation du bois doit se réfléchir sur les atouts des forêts françaises, pas sur un modèle mondialisé où la France n’a aucune chance de lutter, pour des raisons forestières comme de coût du travail.
La gestion des forêts est une affaire de long terme.
Nous ne pouvons laisser brader ce patrimoine emblématique transmis par nos prédécesseurs sans réagir. Nos enfants nous le reprocheraient.
Nous exigeons:
-L'abandon du projet gouvernemental de surexploitation de la forêt française,
- Une évaluation région par région, de la biodiversité forestière et du rôle de la forêt concernant la protection du Climat, de l’Air et des ressources en Eau, ainsi que son rôle économique, socioculturel, et des mesures concrètes pour protéger ces services.
-Des moyens humains et financiers pour un service public de la forêt assurant l'équilibre de ces diverses fonctionsforestières : économiques, sociales et environnementales, notamment dans le cadre du contrat de plan Etat-ONF 2012-2016 en discussion cet été, mais également pour une gestion durable des forêts privées,
-L’abandon des projets pharaoniques de centrales à biomasse, pour privilégier les projets de maîtrise de l’énergie et de production locale et raisonnée de bois-énergie.
Aux arbres citoyens !
COLLECTIF SOS FORETS: http://sosforets.wordpress.com/
SOS FORETS - PETITION NATIONALE : http://www.petitions24.net/sos_forets_-_petition_nationale
La face cachée de la France (Louis Pauwels)
Le chêne foudroyé de Donar-Thor
Un arbre sacré est mort cet hiver sous les tronçonneuses. C’était le magnifique « chêne de la Drêche ». Il s’élevait à Cagnac-les-Mines, en Occitanie. Sa symbolique païenne ne lui avait pas donné la chance d’être classé, comme ceux de Saint-Vincent-de-Paul, dans les Landes, ou comme l’ormeau de Saint-Jean. Surnommé lou maridaire — le marieur —, le chêne de la Drêche protégeait depuis des temps immémoriaux les jeunes fiancés. Ceux-ci venaient encore, à l’âge du béton et de la télévision, lui demander de protéger leur amour.
On découvre, près de cet arbre, comment les cultes païens furent annulés et utilisés par les évangélistes : un sanctuaire dédié à la Vierge Marie s’élève à moins de cent mètres du géant abattu. La statue de la Vierge y aurait été trouvée miraculeusement par des bergers. De fait, il s’agissait de drainer vers Marie les antiques dévotions à l’arbre et de canaliser l’élan religieux ancestral au profit de la foi chrétienne. « Notre-Dame-de-la-Drêche » capte ainsi les foules venues implorer le chêne sacré…
« Les religions nées en Orient à l’abri des palmes, note Jacques Le Goff dans sa Civilisation de l’Occident médiéval, se font jour en Occident au détriment des futaies, refuge des génies païens, que moines, saints et missionnaires abattent impitoyablement. »
Ces cultes forestiers demeurent cependant vivaces : « forêts de piliers » des cathédrales gothiques, comme si les voûtes ogivales entendaient se substituer aux futaies septentrionales. Et le chêne de saint Louis est un mythe de récupération du paganisme. Aujourd’hui, la mentalité qui fait naître les préoccupations écologiques procède d’une résurgence du vieux fonds païen. La campagne de propagande « Un arbre, un enfant » nous ramène 2000 ans en arrière, quand un nouvel arbre correspondait à un nouvel enfant.
Besoin d’enracinement : la nouvelle coutume actualise les symboles anciens qu’exprimait, par exemple, ce proverbe allemand : « Si tu as planté un arbre, construit une maison et élevé un enfant, tu as bien occupé ta vie. »
Les saints chrétiens, frères jumeaux des dieux païens
Au fil de l’Histoire, les arbres sacrés des carrefours furent remplacés par des croix. Et d’abord par des statues chrétiennes nichées dans leurs troncs. Que sont ces calvaires ? Ce sont les tombes des génies païens, les sculptures des arbres sacrés abattus et dont une croix tente d’abolir à jamais le souvenir dans la conscience collective. Cependant, moins violents que les Pères conciliaires ou les prédicateurs, et surtout plus proches du peuple, les prêtres de campagne ont compris que le polythéisme est la forme instinctive du sentiment religieux populaire. Aussi ont-ils multiplié les saints qui, bien souvent, étaient les frères jumeaux des dieux et des héros du folklore local.
La cathédrale du Mans, chef-d’œuvre gothique, s’érige à partir d’une pierre levée. Encastré sur les piliers centraux du monument, érodé par les siècles qui le drapèrent de replis minéraux, ce menhir authentique comporte un trou. La tradition veut que les femmes désirant la grossesse y glissent le doigt. De nos jours encore, bien des visiteuses accomplissent furtivement ce rituel de fécondité qui appartient à la symbolique des âges préchrétiens.
Victor Duruy signale que « Constantin composa, pour être récitée le dimanche, une prière qui pouvait à la fois satisfaire les adorateurs de Mithra, de Sérapis, du Soleil et du Christ ». Premier pas vers l’assimilation. Mais, en 392, Théodose met le paganisme hors la loi. Premier pas vers la répression.
Désormais, tout est en place pour un déroutant chassé-croisé entre les traditions chrétiennes et les rites païens. Faisant rouler les dés de l’Histoire, la civilisation occidentale va jouer des deux mentalités. Mais, ce qui subsiste si fortement, alors même que pour nous le christianisme s’est avéré impuissant à se défaire du passé occidental, montre bien que les racines indo-européennes n’ont jamais pu être extirpées complètement.
En France, une commune sur huit porte le nom d’un saint
Les traces sont partout : on note, en 1616, la présence dans l’île de Sein de trois femmes qui enseignent le culte solaire, en dépit de l’évangélisation de saint Guénolé. Et il est probable que la plupart des « ermites » vénérés en Bretagne furent des transpositions à peine voilées de druides et sages païens. Le culte rendu dans certaines régions de France aux « pierres magiques », douées de pouvoirs guérisseurs : en fait, ces pierres sont des haches néolithiques. Ailleurs, on relève la persistance des noms préchrétiens, prégaulois ou même préindo-européens dans la toponymie. Cependant, on fit référence aux martyrs chrétiens pour exorciser les lieux marqués par le paganisme, jusqu’à faire de la France un pays dont une commune sur huit porte un nom de saint.
Les traces du culte solaire
Mais partout, le passé resurgit avec la vigueur des bafoués. Sous les griffes des excavateurs qui creusent les parkings et tracent les autoroutes. Sur les photos aériennes prises lors de la sécheresse de l’été 1976, où apparaissent clairement les milliers de villas gallo-romaines oubliées en pleins champs, sous quelques centimètres de terre, les oppida gaulois et les « forts » néolithiques. « Les Français vivent sur une cathédrale engloutie », dit Aimé Michel, qui signale la persistance de rites solaires dans les mariages de sa région (Alpes de Haute Provence) et dans les sculptures traditionnelles des meubles. Et même de mystérieux soleils à la place du Christ sur les calvaires.
La marque « solaire » — et tout ce qui est qualifié de « diabolique » — constitue le sûr moyen de déceler les permanences païennes. La célèbre Farce de maître Pathelin voit encore le drapier jurer par « le soleil qui roye ». Le Lucifer chrétien réunit diableries et mythes solaires. Lucifer est celui qui « porte la lumière » : lucem fero. Son « bouc puant » est l’image négative du bouc de Thor et de Pan. Le « chaudron maudit » des sorcières remplace celui où les druides préparaient les pharmacopées traditionnelles. Saint Hubert, « patron des grandes chasses », et son cerf ont pris la place du dieu gaulois Cernunnos. Les « sabbats » au cœur des forêts sombres se font sur les lieux favoris de la spiritualité païenne, et les attributs des « horribles sorcières » — négatif des « belles déesses » — restent le corbeau (animal d’Odin) et la chouette (oiseau de sagesse d’Athéna).
Du paganisme indo-européen au panthéon gréco-latin
Pour Jean-Jacques Hatt, professeur à l’université de Strasbourg II, « le cycle des fêtes païennes reste marqué dans notre calendrier, et les mythes gaulois ont longtemps fait partie des structures socio-religieuses les mieux enracinées de notre peuple ».
Le panthéon gréco-latin n’est qu’une partie du paganisme indo-européen : il reste encore de grandes traces du paganisme celte, germanique, védique (indo-aryen), indo-iranien, hittite, etc., qui descendent d’un fonds commun supérieur aux paganismes « individuels ». Ce paganisme gréco-latin a cédé au christianisme. Mais ce vieux fonds commun fut plus coriace. Les régions germaniques, celtiques, nord-ibériques et gauloises non romaines ont longtemps résisté à l’évangélisation. Les campagnes rebelles ont d’ailleurs donné leur nom à cette résistance : les pagani (paysans) sont restés les incroyants païens, de même que les Heiden (païens) allemands se tenaient dans die Heide (la lande) et priaient hors des villes.
Certaines minorités ethniques, plus cohérentes, plus ancrées dans leurs coutumes, dans leur langue ou dans leur sentiment national, ont mieux résisté que d’autres : leur folklore est aujourd’hui le plus riche et plus « parlant » sur l’ère préchrétienne. C’est le cas des Basques et de leurs « superstitions », des Gallo-celtiques du centre de la France (Auvergne, Bourbonnais, Nivernais, Berry) dont les rites ont été tirés de l’oubli par George Sand, ou des Celtes armoricains.
La richesse symbolique des fêtes christianisées
Un petit voyage au long de l’année suffit à faire éclater la force de la tradition païenne.
La Toussaint a pris la place du Samain, fête des Morts celtique. Vient ensuite le 13 décembre, la Sainte-Lucie, dont le nom évoque la lumière — lux — et qui est curieusement fêtée en Alsace : une jeune fille vêtue de blanc se promène en ville, couronnée de bougies, une clochette à la main et couverte de rubans multicolores. Le symbolisme est évident. (Les Suédois, hélas ! ont aujourd’hui transformé cette célébration en kermesse, avec concours de beauté dans le style américain, cadeaux des commerçants, etc.) .
La fête de l’Annonce à Marie, neuf mois avant Noël, au jour de l’équinoxe de printemps, était déjà fêtée à Rome, comme la fête de l’Annonce à la déesse Cybèle de la renaissance de son fils Attis. Rome fêtait, le 25 décembre, la grande fête du Natalis Soli invicti où l’on allumait des feux de joie pour la naissance du dieu-soleil. René Laurentin écrit : « Cette naissance du Christ, dont les Evangiles ne disent pas un mot, l’Eglise l’a située au solstice d’hiver. Le symbole cosmique du solstice d’hiver popularise et vulgarise à la fois la fête de Noël. »
Tous les symboles actuels de Noël sont marqués du sceau païen : la bûche, en bois de chêne (force) ou d’arbre fruitier (fécondité), est ornée de symboles qui la rattachent aux plus anciennes traditions. Aujourd’hui, elle est devenue une simple composante gastronomique du repas de Noël, bien que les petits lutins de plastique qui l’accompagnent fassent référence aux gnomes et aux trolls, âmes des ancêtres.
Le sapin de Noël vient, lui aussi, des vieux rites européens. C’est la survivance populaire de l’arbre sacré Yggdrasil, figurant dans les pays du Nord l’axe de la vie universelle. En 1935, l’Osservatore Romano condamnait encore le sapin de Noël comme « coutume païenne ». Mais il faut noter que la tradition latine a elle-même transmis le souvenir des feuillages toujours verts qui décoraient Rome au moment des Saturnales de décembre. Le gui et le houx forment, avec le laurier, le cyprès et toutes les plantes à feuillage persistant, la décoration traditionnelle des maisons à l’époque de Noël. On connaît — grâce à Astérix ! — le rôle du gui dans les rites druidiques. On connaît moins celui du houx : il protégeait les jeunes mariés à Rome. L’expression « Au gui l’an neuf » serait la transmission déformée de la phrase eghin-an-ut, en gaulois : « le blé germe », souvenir d’une ancienne fête solaire gauloise (là encore, on trouve un rite de fécondité). Le personnage du Père Noël est inexplicable dans la perspective chrétienne. Celui de saint Nicolas également. Passé à nous sous la forme d’un « bonhomme Noël » distributeur de cadeaux, son origine nordique éclate dans sa représentation traditionnelle : un traîneau tiré par des rennes, alors que l’âne gris de saint Nicolas peut être considéré comme une réminiscence de Sleipnir, le cheval magique d’Odin-Wotan.
Le nom lui-même de Noël qui lui est associé porte la marque païenne : ce serait un dérivé du vieux nordique yol, qui signifie « roue » — wheel en anglais — et parfois « fête ». On voit donc que la richesse symbolique de la fête de Noël, la minutie de ses rites imperméables à toute explication chrétienne nous entraînent fort loin de la symbolique chrétienne : dans nos origines très antérieures, dans notre fonds païen qui, pour avoir résisté deux mille ans, s’avère comme notre enracinement central.
L’Epiphanie a, elle aussi, une double origine païenne, grecque et égyptienne. Le 6 janvier était en Grèce l’Epiphaneia de Dionysos. On mangeait alors un gâteau rituel de forme ronde. A Rome, le 9 janvier, on mangeait également un gâteau spécial. En Egypte, on fêtait, le 6 janvier, la réapparition du « nouveau soleil », jour où le dieu Râ répandit sur la Terre un breuvage qui fit perdre à la déesse Sehkmet ses désirs de vengeance et d’extermination de l’humanité.
La fête des Rois, elle, s’est greffée sur les traditions du « simulacre de royauté » et du « roi de fantaisie » des Saturnales romaines. Au Moyen Age, on élisait encore le « roi du vin » et on célébrait la « fête des Fous ». Les autorités ecclésiastiques se préoccupaient d’ailleurs beaucoup de ces fêtes parodiques, dans lesquelles l’inconscient populaire, marqué par le paganisme, donnait libre cours à ses inclinations. Interdites, ces fêtes ont fini par se mélanger avec le Carnaval.
La Chandeleur, qui marque pour les chrétiens la fête de la Purification de la Vierge, est l’ancienne fête païenne des lumières. A Rome, on fêtait le 2 février la déesse Cérès, au cours des rites purificateurs et fécondants des Lupercales. Les Celtes célébraient la fête d’Imboc, fête de l’eau lustrale tombée du ciel sous forme de rosée, qui a fini par être transformée en eau bénite. Autre rite celtique de purification et de fécondation, on fêtait, le 1er février, le champ de l’or — Chandeleur ? — en l’honneur de la germination et de la levée des graines.
Avec le Carnaval, on voit se dessiner une fête subversive dédiée au retour des dieux interdits. La cérémonie parisienne du Bœuf-gras et de la Reine des reines rappelle nettement la hiérogamie d’Esus et de la déesse-mère succédant au sacrifice des taureaux, que l’on retrouve sur l’autel des Saintes et sur le fameux pilier des Nautes du musée de Cluny, à Paris.
Un grand pôle de l’année païenne : le solstice d’été
Enfin, autre grand pôle de l’année païenne, le solstice d’été s’est transformé en fête de la Saint-Jean. Nos ancêtres n’adoraient pas le soleil pour lui-même, mais pour son symbole. Le grand rôle de l’élément solaire dans leurs croyances est attesté par l’intérêt qu’ils portaient aux mouvements astronomiques : Stonehenge et Externstein sont là pour nous le rappeler. Pour l’Eglise, placer au solstice d’été la fête de saint Jean-Baptiste permettait de canaliser, pour l’édification des nouveaux fidèles, un rite encore très beau, chargé de symboles religieux adaptables mais encore — et toujours — indéracinables. Interdits par saint Eloi en 763, les feux de la Saint-Jean étaient si populaires qu’ils ont fini par s’imposer. Aujourd’hui, dans toute la France, on assiste à une renaissance des feux de solstice, avec le concours de toute la population qui se sent poussée par un instinct irrationnel mais tenace.
Preuve singulière de l’extrême enracinement des solstices : la fête de la Saint-Jean-des-Bêtes, connue dans les pays d’Oc comme en Bretagne. Il s’agit d’enfumer les animaux de la ferme avec des herbes spéciales, ou de les faire passer dans les cendres encore chaudes d’un feu préparé la veille de la Saint-Jean. C’est un dédoublement du solstice originel, qui associait les animaux, alors que le christianisme les exclut. C’est aussi un sentiment du caractère clandestin des solstices, de leur différence par rapport aux feux de la Saint-Jean : il ne faut pas être vu pour les célébrer et, souvenir de l’interdit d’abord jeté sur les feux sacrés, les hommes eux-mêmes se « purifient » dans la fumée.
L’Occident : retour aux sources
Ainsi, toute la vie du chrétien obéit aux rythmes du païen antique. Le revêtement religieux cache le cœur païen toujours vivace. Renier le passé, c’est perdre le sens du présent et déshériter le futur. Cependant, nous assistons aujourd’hui, avec la profonde crise de l’Eglise et la remise en cause générale des valeurs, à une nouvelle recherche de l’enracinement. Ce renouveau du sens de l’enracinement, l’intérêt porté aux recherches archéologiques, les tentatives de résurrection des cultures assoupies, la nouvelle vigueur des parlers régionaux, tout cela signifie que des forces longtemps enfouies remuent la mentalité collective. L’Occident, à la veille d’une nouvelle ère, remonte confusément vers ses sources pour aller y purifier son avenir.
L. Pauwels
La Face cachée de la France (Seghers)
A lire également:
Le culte de Sol Invictus, "Soleil invaincu", par Catherine Salles: http://lam.mithra.free.fr/doc/le_culte_de_sol_invictus.pdf
Le bois sacré par Paul Sérusier
Le film d'épouvante américain (David Simon/Ragemag)
"Ainsi aux États-Unis, on assiste à un film d’épouvante. On observe une réduction du revenu familial, on constate un abandon des services publics basiques comme l’éducation, une éducation publique qui fonctionne correctement, j’entends. On voit les classes populaires traquées en raison d’une supposée guerre contre les drogues dangereuses (war on dangerous drugs) qui n’est en fait qu’une guerre contre les pauvres, qui nous a fait devenir la plus grande prison de l’histoire de l’humanité, aussi bien du point de vue du nombre absolu de gens incarcérés dans des prisons américaines, qu’au niveau du pourcentage de détenus parmi la population. Aucun autre pays sur la surface du globe n’incarcère autant de gens, surtout au rythme où nous le faisons. Nous sommes devenus différents de l’idée que nous avions du rêve américain, tout cela à cause de notre incapacité à partager, à envisager ne serait-ce qu’une impulsion socialiste."
Lisez l'article complet sur le site RAGEMAG: http://ragemag.fr/david-simon-the-wire-amerique-traduction-discours-64271/
Charte pour la préservation de l'environnement nocturne
Société Astronomique de France
Association Française d'Astronomie
Société d'Astronomie Populaire
Astro-club de France
Association Nationale Sciences Techniques et Jeunesse
SAUVONS LA NUIT
Depuis un milliard d'années, la VIE sur Terre était réglée par l'alternance du jour et de la nuit.
En quelques dizaines d'années, cet équilibre naturel a été rompu par la prolifération anarchique d'un éclairage urbain trop agressif et mal réparti.
Il est donc urgent d'arrêter les nuisances qui en résultent:
1. - La disparition du ciel étoilé
2. - La perturbation de la vie naturelle nocturne (respiration des végétaux, déplacement, migration et nourriture des animaux nocturnes)
3. - L'éblouissement néfaste à la sécurité routière
4. - La surconsommation qui épuise les ressources énergétiques de notre planète
Nous proposons:
* - que l'éclairage soit limité aux stricts besoins
* - que les types de lampadaires soient mieux étudiés et que soient modifiés ou remplacés les éclairages les plus nocifs qui éclairent tout azimut (ex: globes lumineux)
* - que la durée d'éclairement soit adaptée aux besoins
* - que les lampes sodium basse-pression soient généralisées
* - que soient entreprises des campagnes d'information et de sensibilisation
* - que la règlementation existante soit précisée et appliquée
* - que les éclairages des monuments et les enseignes publicitaires soient éteints à partir de 23h en hiver et 0h en été.
Cette charte s'inscrit sur un point précis dans l'objectif global énoncé par la pétition pour les droits des générations futures de la Fondation Cousteau.
Elle est soutenue par plus de 100.000 astronomes amateurs français.
PERSONNALITÉS QUI SOUTIENNENT CETTE CHARTE
H. REEVES
Astrophysicien
COMMANDANT COUSTEAU
J. KOVALEVSKY
Académie des Sciences
EVRY SCHATZMANN
Académie des Sciences
Source: Association nationale pour la protection du ciel nocturne: http://www.astrosurf.com/astrocdf67/B_dossier_pollution_lumineuse.htm
Mantet (Pyrénées-Orientales) champion des villages sans pollution lumineuse: http://www.la-clau.net/info/8935/mantet-champion-des-villages-epargnes-par-la-pollution-lumineuse-8935
Roger Heim (1900-1979)
Un autre aspect..., c'est celui dont bien des gouvernements ne parlent pas, qu'ils ignorent ou qu'ils méprisent et pourtant il est inséparable du progrès alors que la civilisation de masse, dont l'évolution régressive nous submerge, l'oublie malgré les apparences. Notre siècle est paradoxalement celui de l'ignorance, j'entends qu'il est à la fois celui de la technique aveugle et d'un irrationnel souvent primaire et incohérent que déchaîne un scientisme outré et inhumain. Ajoutons que cette civilisation est celle que créent la satiété des commodités et la lassitude de l'effort.
Roger Heim . Postface. L'Angoisse de l'an 2000. Page 395. 1973.
«On arrête les “gangsters”, on tire sur les auteurs des “hold-up”, on guillotine les assassins, on fusille les despotes - ou prétendus tels - mais qui mettra en prison les empoisonneurs publics instillant chaque jour les produits que la chimie de synthèse livre à leurs profits et à leurs imprudences?»
Introduction de la traduction de Printemps silencieux de Rachel Carson (1972)
« Car le procès est dorénavant ouvert, sans risque cette fois d'étouffement. Et c'est aux victimes de se porter partie civile, et aux empoisonneurs de payer à leur tour. Nos avocats seront ceux qui défendent l'Humain, mais aussi la Vie, toute la Vie. C'est à dire notre berceau, puis notre lit de repos, l'air et l'eau, le sol où dorment les semences, la forêt où chante la faune et l'avenir où luit le soleil. En d'autres termes, la Nature. Celle d'où nous venons; celle où nous allons souvent; celle où nous irons à tout jamais.»
L'Angoisse de l'an 2000. Page 261. 1973.
Roger Heim (1900-1979) était un mycologue et un écologiste, professeur au Muséum national d'Histoire naturelle, dont il fut le directeur de 1951 à 1965. Il présida également l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) de 1954 à 1958. Auteur de L'Angoisse de l'an 2000 et de Un naturaliste autour du monde, ainsi que de très nombreuses ouvrages et études sur les Champignons, il signa la préface de l'ouvrage fameux de Jean Dorst: Avant que nature meure.
Lisez l'hommage que Dominique Guillet lui a consacré sur son site: http://www.liberterre.fr/entheogenes/psychonautes/heimroger/hommage-heim1.html.
Psilocybe zapotecorum, aquarelle de Roger Heim
Renoncer au fruit de l'action (Mircea Eliade)
Extrait d'un entretien de Mircea Eliade avec Claude-Henri Rocquet: L'épreuve du labyrinthe (Editions du Rocher, 2006):
CHR: Une note de votre journal vous montre lisant et relisant la Bhâgavad-Gîtâ.
ME: C'est un des grands livres qui m'ont formé. J'y trouve toujours une signification nouvelle, profonde. C'est un livre très consolateur, parce que, vous le savez, Krishna y révèle à Arjuna toutes les possibilités de se sauver, c'est-à-dire de trouver un sens à son existence. .. Et je crois, que c'est la clef de voûte de l'hindouisme, la synthèse de l'esprit indien et de toutes ses voies, de toutes ses philosophies, de toutes ses techniques de salut . Le grand problème était celui-ci : pour se "sauver" - dans le sens indien-, pour se délivrer de ce monde du mal, doit-on abandonner la vie, la société, se retirer dans les forêts comme les Rishis des Upanishad, comme les yogis ? Doit-on se dédier exclusivement à la dévotion mystique ? Eh bien, Krishna révèle qu'à partir de n'importe quelle profession chacun peut arriver à lui, trouver le sens de l'existence, se sauver de ce néant d'illusions et d'épreuves...Toutes les vocations peuvent mener au salut. Ce ne sont pas seulement les mystiques, les philosophes ou les yogis qui connaîtront la délivrance, mais aussi l'homme d'action, celui qui reste dans le monde: à condition d'y agir selon le modèle révélé par Krishna. Je disais que c'est en même temps la justification donnée à l'existence dans l'histoire. On répète que l'esprit indien se détache de l'histoire. C'est vrai, mais pas dans la Bhâgavad-Gîtâ. Arjuna était prêt, mais la grande bataille allait commencer, et Arjuna avait des doutes, parce qu'il savait qu'il allait tuer et donc commettre un péché mortel. Et Krishna lui révèle alors que tout peut être différent s'il ne poursuit pas un objectif personnel: tuer par sentiment de haine, par désir de profit ou pour se sentir un héros... Tout peut être différent s'il accepte la lutte comme une chose impersonnelle, comme quelque chose que l'on fait au nom du dieu, au nom de Krishna, et -selon cette formule extraordinaire- s'il "renonce au fruit de ses actes". Dans la guerre, "renoncer au fruit de ses actes", c'est renoncer au fruit de ce sacrifice que vous faites, en tuant ou en étant tué, comme on fait une offrrande, presque rituelle, au dieu. Ainsi, on peut être sauvé du cycle infernal de Karma: nos actes ne sont plus la semence d'autres actes. Vous connaissez en effet la doctrine du Karma sur la causalité universelle: tout ce qu'on fait aura un effet plus tard; tout geste prépare un autre geste... Eh bien, si en pleine activité, même guerrière, on ne pense pas à soi, on abandonne "le fruit de son acte", ce cycle infernal de cause et d'effet est aboli.
CHR: "Renoncer au fruit de l'action", c'est une règle qui est devenue la vôtre ?
ME: Je crois que oui, parce que j'ai été formé, je me suis habitué à ce comportement que je trouve très humainet très enrichissant. Je crois qu'il faut faire, qu'il faut suivre sa vocation, mais sans penser à la récompense.
CHR: En relisant votre Journal, j'ai été touché par une page où vous parlez d'un chat qui vous réveille en miaulant d'une facon tout à fait désagréable; et vous dites que la voie consiste à ...
ME: A aimer. Oui, c'est sûr. Et c'est ce que disait le Christ. C'est peut-être la règle fondamentale de la voie que montre le Christ. Ce n'est que par ce comportement que l'on peut vraiment supporter le mal (...)
Adieu Pete Seeger
Le grand chanteur s'est éteint lundi 27 janvier 2014 à New York.
"What did you learn in school ?"
http://www.youtube.com/watch?v=VucczIg98Gw