Francis Hallé nous parle de l'intelligence des arbres
Les arbres sont indispensables, les forêts sont indispensables et Francis Hallé est indispensable avec ses vastes connaissances, son expérience, son bon sens, son talent d'orateur et encore plus d'écrivain, et comme je le lui ai fait remarquer, d'écrivain qui sait parler des odeurs, des parfums, chose rare.
L'interview est acrobatique. Le "journaliste" est inculte, il tutoie l'éminent professeur comme un sans-culotte un aristocrate au temps de la Terreur, il ramène avec obstination l'échange au "réchauffement climatique", leit-motiv de son média, Francis Hallé se défile comme il peut, montre l'influence des forêts sur le climat, évoque à la sauvette le Groenland alors qu'il est un spécialiste de l'architecture des arbres et des forêts tropicales et ose même la surpopulation de la planète, la bête noire de la ploutocratie mondialiste. Malgré cela, Francis Hallé réussit à dire un certain nombre de choses importantes, c'est tout à son mérite. C'est dur d'être une vedette.
Pierre-Olivier Combelles
Le chemin de la forêt: https://www.youtube.com/watch?v=mS_qO0HZyfg
"la répartition d'une forêt est optimale." (11:05): il n'y a donc jamais de surpopulation dans une forêt.
"Les plantes n'arrêtent pas d'améliorer leur environnement: aérien, souterrain."
"Les arbres sont plus intelligents que les humains: sans cerveau, ils arrivent à manipuler des animaux avec un cerveau." (à propos de la pollinisation et de la dissémination des graines par les animaux, qui ne savent pas à quel but ils concourent).
"Une plantation, ce n'est pas une forêt."
"Les plantes n'ont que trois organes: tige, racines, feuilles. Et aucun n'est vital. Leurs fonctions sont décentralisées jusqu'aux cellules."
"La déforestation de l'Europe au Moyen-Âge par les moines a entraîné un "assainissement" (assèchement) du climat (plus humide auparavant à cause des forêts).
Francis Hallé
NDLR: Ce blog a souvent publié des textes ou des entretiens avec Francis Hallé, mais c'était avant 2019 et nous n'avions pas encore mis de hashtags à nos articles.
Shinrin Yoku: le bain de forêt
The Healing Power of Forests - The Philsophy behind Restoring Earth's Balance with Native Trees - by Akira Miyawaki & Elgene Box. Kosei Publishing, Tokyo, Japan, (2006) 2007
Barroco chiquitano (Música en Bolivia)
Ad Majorem Dei Gloriam
Intérieur de l'église St. Ignacio de Velasquez. Source: https://meacrosstheworld.com/as-aldeias-das-missoes-jesuitas/
À Chiquitos, en Bolivie, le baroque est une musique toujours vivante. C'est une musique qui se vit comme telle. Et c'est cela qui est vraiment surprenant et magique.
Miguel Sánchez. Alia Mvsica, España.
FESTIVAL DES MISSIONS DE CHIQUITOS
https://festivalmisionesdechiquitos.com/
Le festival de musique baroque le plus important du monde
Cruz de Borgoña de San Andrés. Bandera de los ejércitos del rey de España y de toda la Monarquía Católica desde 1506. Introducido por Felipe «el Hermoso» como signo distintivo de su linaje materno. Aunque su uso, desde la época de Carlos III, ha ido restringiéndose, en nuestros días todavía es un elemento importante en el escudo de armas del rey de España. Esta enseña fue adoptada por los carlistas.
San Ignacio de Moxos, Bolivia
Mapa que comprende las Misiones de la Compañía de Jesús en el territorio de Moxos y Chiquitos, en la actual Bolivia, mostrando la ruta de una expedición española. Incluye los pueblos de los Moxos y Chiquitos a lo largo de los ríos Iténez y Mamoré. En la parte derecha están indicados los nombres de las misiones. El mapa está firmado: Ciudad de la Plata 4 de Junio de 1764. Referencias: cf. Adonias, Amazônica I, 595, que describe un ms similar. comprado en Maggs Bros. catálogo 693 (1940), artículo 189
Écoutez, en particulier, à partir de la minute 40' approximativement, la magnifique interprétation de Beatus vir, de Domenico Zipoli.
"Domenico Zipoli, né le 17 octobre 1688 à Prato, en Toscane (Italie), et décédé le 2 janvier 1726, à Córdoba (Argentine), était un jésuite italien et musicien baroque. Missionnaire dans les Réductions du Paraguay, où ses compositions musicales et liturgiques contribuèrent à adapter le baroque européen aux goûts musicaux des Guaranis et autres populations indigènes d'Amérique du Sud."
''Les États-Unis pillent l'Europe depuis 1917'' : Claude Janvier sur l'État profond américain.
Après le problème, la solution:
"La grandeur de la politique réside dans son but: promouvoir le bien commun de la société en assurant à ses membres le bien vivre (bene vivere) économique, moral et spirituel."
Richard Dubreuil, préface, Saint Thomas d'Aquin - Petite somme politique. Anthologie de textes politiques traduits et présentés par Denis Sureau.
Dans la préface de ce recueil, Richard Dubreuil montre parfaitement l'intérêt d'un tel ouvrage :
"Les dirigeants politiques oublient trop souvent que leur fonction tire sa seule légitimité de la poursuite du bien commun. Beaucoup gagneraient à lire cette Petite somme politique : les textes qu'elle rassemble datent tous du XIIIe siècle et pourtant, ils sont d'une brûlante actualité. Saint Thomas d'Aquin s'y révèle un "politologue" et un "constitutionnaliste" avisé.
Sa réflexion, élaborée dans une période troublée, articule les découvertes de la raison aux vérités de la foi. Elle forme la base de la doctrine sociale de l'Église catholique et rapporte des réponses pertinentes aux problèmes des sociétés contemporaines."
Le travail minutieux de Denis Sureau est d'un intérêt remarquable : le regroupement en un recueil unique permet une consultation aisée, et rendra de grands services aux étudiants en philosophie et en sciences humaines, aux responsables politiques, économiques, syndicaux et associatifs, ainsi bien entendu qu'à tous ceux qui s'intéressent à la conception chrétienne de la politique.
https://www.chire.fr/petite-somme-politique-anthologie-de-textes-politiques-p-142382
Reynald Sécher: Guerres de Vendée - Du génocide au mémoricide. Soljenitsyne: Discours de Vendée (25 septembre 1993)
C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que l'on tue les gens non pas pour ce qu'ils ont fait, mais pour ce qu'ils sont.
Reynald Sécher
Discours d’Alexandre Soljenitsyne, le samedi 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne, pour l’inauguration de l’Historial de Vendée .
Monsieur le président du Conseil général de la Vendée, chers Vendéens,
Il y a deux tiers de siècle, l’enfant que j’étais lisait déjà avec admiration dans les livres les récits évoquant le soulèvement de la Vendée, si courageux, si désespéré. Mais jamais je n’aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que, sur mes vieux jours, j’aurais l’honneur d’inaugurer le monument en l’honneur des héros et des victimes de ce soulèvement.
Vingt décennies se sont écoulées depuis : des décennies diverses selon les divers pays. Et non seulement en France, mais aussi ailleurs, le soulèvement vendéen et sa répression sanglante ont reçu des éclairages constamment renouvelés. Car les événements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l’incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps.
Longtemps, on a refusé d’entendre et d’accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l’on brûlait vifs, des paysans d’une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu’à la dernière extrémité.
Eh bien oui, ces paysans se révoltèrent contre la Révolution. C’est que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l’envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l’avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque le fait de se comporter en homme politiquement modéré – ou même seulement de le paraître – passait déjà pour un crime.
C’est le XXème siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l’humanité, l’auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIème. De demi-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu’elles ruinent le cours naturel de la vie, qu’elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d’une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d’une dégradation durable de la population.
Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l’épithète de «grande», on ne le fait plus qu’avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d’amertume. Désormais, nous comprenons toujours mieux que l’effet social que nous désirons si ardemment peut être obtenu par le biais d’un développement évolutif normal, avec infiniment moins de pertes, sans sauvagerie généralisée. II faut savoir améliorer avec patience ce que nous offre chaque aujourd’hui. II serait bien vain d’espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. C’est ce que votre révolution, et plus particulièrement la nôtre, la révolution russe, avaient tellement espéré.
La Révolution française s’est déroulée au nom d’un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s’exclure mutuellement, sont antagoniques l’une de l’autre! La liberté détruit l’égalité sociale – c’est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l’égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n’est pas de leur famille. Ce n’est qu’un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d’ordre spirituel.
La liberté et l’égalité s’excluent mutuellement. Et, en guise de fraternité, la Convention pratiqua le génocide !…
Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification. Jamais, à aucun pays, je ne pourrais souhaiter de grande révolution. Si la révolution du XVIIIème siècle n’a pas entraîné la ruine de la France, c’est uniquement parce qu’eut lieu Thermidor. La révolution russe, elle, n’a pas connu de Thermidor qui ait su l’arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu’au bout, jusqu’au gouffre, jusqu’à l’abîme de la perdition. Je regrette qu’il n’y ait pas ici d’orateurs qui puissent ajouter ce que l’expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L’expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s’est déroulé d’une façon pire encore et à une échelle incomparable.
De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d’organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins. Nous n’avons pas eu de Thermidor, mais – et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience – nous avons eu notre Vendée. Et même plus d’une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-21. J’évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s’est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d’assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d’utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l’Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide.
En inaugurant aujourd’hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXème siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIème siècle. Aujourd’hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée.
Alexandre SOLJÉNITSYNE
Ali Shariati: Norouz ; Déclaration de la vie et de l'éternité des Iraniens - Un bref discours sur le Nouvel An persan
Norouz ; Déclaration de la vie et de l'éternité des Iraniens
Un bref discours sur le Nouvel An persan
Ali Shariati
Il est difficile de dire quelque chose de nouveau sur Norouz. Norouz est une fête nationale et tout le monde sait ce qu'est une fête nationale. Norouz est célébré chaque année, et on en reparle chaque année. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet, et vous avez entendu beaucoup de choses à ce sujet. Alors, n'y a-t-il pas lieu d'en parler une fois de plus ?
Bien sûr que si ! Ne renouvelons-nous pas Norouz chaque année ? Alors entendons nous aussi en parler à plusieurs reprises. Il est ennuyeux et même absurde de répéter un texte scientifique ou littéraire. La sagesse rejette la répétition, mais les sensations l'accueillent. La nature aussi aime la répétition, et les sociétés en ont besoin.
La nature est essentiellement faite de répétition. Norouz est une belle histoire répétitive dans laquelle la nature, les sensations et la société sont toutes engagées, sans jamais se lasser ni s'ennuyer.
Norouz, qui a été pendant de longs siècles le maître et le plus gracieux de toutes les cérémonies nationales dans le monde, conserve son existence jeune, forte et vivante, parce que ce n'est pas une cérémonie imposée, artificielle ou politique.
C'est la cérémonie de l'univers, le jour du bonheur de la terre et l'anniversaire du soleil et des cieux. Le jour glorieux où chaque phénomène naturel évolue, fleurit et se résout, rempli de la douce anxiété de nombreux « départs ».
Les cérémonies nationales des autres cultures encouragent souvent les hommes et les femmes à quitter leurs ateliers, leurs fermes, leurs déserts, leurs ruelles et leurs rues, leurs jardins et leurs pâturages, et à se rassembler dans des salles sous les plafonds, derrière des portes fermées.
Ils se réunissent dans des lieux tels que les bars, les dancings, les caves, les saloons et les maisons... dans des endroits chauffés au gaz, éclairés par des ampoules, remplis de fumée, embellis par des couleurs artificielles, décorés de fleurs et d'ornements en papier ou en plastique, parfumés avec des parfums ou des herbes à brûler... Norouz, au contraire, saisit gentiment la main des gens et les entraîne joyeusement avec lui hors de leur petit environnement dans les chambres, derrière les portes fermées, sous les plafonds, parmi les grands bâtiments et les pavés de ciment dans et autour des villes, dans les vastes pâturages glorieux, les zones vertes et la large et aimable étreinte de la nature, où tout le monde se sent libre et en liesse.
Le soleil printanier les réchauffe et illumine leur journée, la gloire d'assister au renouvellement de la création et d'eux-mêmes les enthousiasme, le vent et la pluie printanière dessinent magnifiquement de nouvelles scènes qui sont déjà ornées de bourgeons fleuris de différentes couleurs et parfumées de l'odeur de la pluie :
« L'odeur de la pluie, l'odeur de la menthe verte, l'odeur de la terre. Et l'odeur des branches qui sont mouillées par la douce pluie de printemps et qui brillent de propreté »...
Norouz est l'occasion de se remémorer de nombreux souvenirs. Des souvenirs de la relation entre l'homme et la nature, qui se renouvelle chaque année. Cet enfant oublieux de la nature qui s'est tellement engagé dans des affaires artificielles et des engagements préprogrammés, qu'il a même totalement oublié sa propre mère adorable.
Il est maintenant rappelé dans les bras de sa mère aimante par le charme magique de Norouz. Là, ils célèbreront ensemble ces heureuses retrouvailles.
L'enfant insouciant découvrira sa propre origine dans les bras bienveillants de sa mère, et le visage de la mère s'épanouira en retrouvant son enfant perdu, versera des larmes de bonheur pour cette heureuse occasion, pleurera de joie dans les tonnerres du printemps, redeviendra jeune et beau une autre fois, et brièvement, comme le prophète Jacob (AS), qui retrouva la vue après avoir senti l'odeur de la chemise de Joseph (AS), se verra accorder une vue perçante pour voir son cher enfant une fois de plus.
Plus notre civilisation artificielle et technique deviendra complexe ou lourde, plus le besoin de retrouvailles et de retour à l'étreinte de la nature se fera sentir.
Ainsi, contrairement aux traditions qui vieillissent et deviennent incompétentes, voire inutiles avec le temps, Norouz rajeunit, s'embellit et se renforce avec le temps, et ce parce que Norouz est une troisième voie pour réconcilier les deux côtés de la longue conscience culturelle qui dure depuis l'ère de Lao-Tso et Confucius jusqu'aux jours récents de Roseau et Walter.
Norouz n'est pas seulement une bonne occasion de se détendre et d'être heureux, c'est un besoin vital de la société et une nourriture spirituelle vitale pour une nation.
Qu'est-ce qui peut égayer les cœurs froids, dans un monde sombre, basé sur des changements constants, des révolutions, des séparations et des pertes, des désintégrations et des dissolutions, où la seule chose qui soit stable et jamais sujette au changement est le renouvellement constant et l'instabilité ?
Qu'est-ce qui peut rendre une nation invulnérable sur le chemin cruel du chariot du temps, qui détruit tout sur son passage, brise et écrase tout pilier et démolit toute base ?
Aucune nation ne se forme en l'espace d'une nuit, d'une génération ou même de deux. Une nation peut être décrite comme la chaîne continue de nombreuses générations que le temps, cette épée impitoyable et irréfléchie de la nature, sépare de leurs liens physiques au cours de leur histoire.
Malheureusement, nous ne pouvons pas avoir une correspondance bilatérale avec nos ancêtres, ceux qui ont formé le sol de notre nation.
L'horrible et profonde vallée de l'histoire est creusée. Les longs siècles creux ont creusé un fossé infranchissable entre eux et nous. Seules nos traditions, qui s'expriment à l'abri du regard acéré du cruel bourreau du temps, peuvent gentiment nous prendre par la main et nous transporter spirituellement de l'autre côté de cette terrifiante vallée, nous réconciliant ainsi avec notre glorieux passé, nos ancêtres.
C'est dans la sainteté de ces traditions que nous pouvons sentir leur présence à nos côtés aujourd'hui, et les célébrations de Norouz comptent parmi les plus stables et les plus gracieuses de ces traditions.
Chaque fois que nous célébrons Norouz, c'est comme si nous participions à toutes les célébrations de Norouz observées sur cette terre depuis le début de cette cérémonie. C'est le moment où toutes les pages noires et blanches de l'histoire de notre ancienne nation se tournent l'une après l'autre devant nos yeux curieux, et nous assistons avec impatience à leurs événements.
Croire que notre nation a toujours célébré Norouz dans notre patrie éveille dans nos esprits ces idées excitantes que... « Bien sûr, chaque année, même la triste année où Alexandre a peint la façade de ce pays en rouge avec le noble sang de notre nation, par les longues flammes qui brûlaient le beau palais de Persépolis, là, la même année, nos ancêtres opprimés ont dû célébrer Norouz plus sérieusement et plus pieusement, au milieu de leurs chagrins.
C'est ainsi que Norouz a été chèrement célébré au cours de ces tristes années, et de toutes les années similaires. Une raison de se réjouir malgré toutes les misères ».
Il n'a jamais été une excuse pour être « négligent, bon marché et oublieux », mais un prétexte pour annoncer la vive détermination de notre nation à être et à continuer à être et à maintenir des liens forts avec un passé glorieux, que le facteur temps et les envahisseurs de différentes races ont toujours essayé, en vain, d'effacer de la scène de l'existence.
Norouz a toujours été si cher. Pour les religieux zoroastriens, pour les vieillards sagaces de l'histoire ancienne, pour les musulmans, pour les musulmans chiites et pour les personnes parlant le persan dans le monde entier.
Tout le monde a considéré Norouz comme une fête bien-aimée et en a parlé avec sympathie.
Même les philosophes et les scientifiques considèrent Norouz comme « le premier jour de la création, lorsque Ahoura-Mazda (Dieu, dans la mythologie des anciens Perses) a créé l'univers en six jours, et a été occupé jusqu'au sixième jour lorsque cette tâche a été accomplie, et c'est pourquoi le premier jour de Farwardin (le premier mois iranien de l'année) est appelé Hourmazd et le sixième jour, “le jour saint”.
Quelle belle histoire ! Plus belle encore que la réalité elle-même ! Chaque être humain ne ressent-il pas honnêtement que le premier jour du printemps est le premier jour de la création, répété une nouvelle fois ?
Si Dieu a fixé un début à la vie sur terre, ce jour devait sans doute être le jour de Norouz. Le printemps a toujours été la première saison de l'année. Dieu n'a jamais dû faire de l'été, de l'hiver ou de l'automne la première saison de l'année.
La première herbe sur terre a certainement commencé à pousser le premier jour du printemps, les rivières ont dû commencer à couler à ce moment-là, et les bourgeons à fleurir, ce qui signifie que Norouz a toujours été le premier jour du printemps, en même temps que le renouvellement de la création.
L'« âme » a certainement été créée en cette saison. Le premier arc de l'amour a dû frapper un cœur le premier jour, et le soleil s'est levé pour la première fois le même jour, marquant le début de l'horloge de l'univers.
L'Islam, qui a effacé toutes les discriminations et les couleurs du racisme et du tribalisme, et qui a changé la forme de nombreuses traditions, a au contraire poli la belle façade de Norouz. Il a approuvé cette glorieuse tradition, permettant à cette jeune pousse de continuer à grandir et à se renforcer, maintenant avec un soutien fort et doux, à l'abri de l'extinction dans les premiers jours de l'introduction de l'Islam aux Iraniens.
Les deux grands événements que sont la désignation de l'imam Ali (AS) comme héritier spirituel du prophète, le jour d'Al Qadir, et son élection comme calife des musulmans et émir de tous les croyants (Amir-ol Mu'menin) ont tous deux eu lieu le jour de Norouz, ce qui constitue une excellente coïncidence !
Ainsi, l'amour, la piété et la croyance des musulmans iraniens dans le droit et la sainteté de l'imam Ali (AS) sont devenus le point d'appui de Norouz. Cette célébration glorieuse, qui avait commencé sa vie avec l'âme et l'amour anciens d'une nation, était maintenant doublement fortifiée par l'esprit saint d'une grande religion, l'Islam.
Une tradition nationale se mêlait ainsi à la piété religieuse et au nouvel amour fort qui avait germé dans le cœur de ce peuple, devenant plus saint. À l'époque de la dynastie des Saffavides, cette tradition est même devenue une tradition chiite établie, pleine de piété et de croyances pures, désormais complétée par des prières spéciales.
Comme le révèlent les livres d'histoire, « une année, lorsque Norouz et Ashoura (le dixième jour du mois lunaire de Moharram, lorsque l'imam Hussein (AS) et ses disciples ont été martyrisés à Karbala, l'un des événements les plus tristes de l'histoire des chiites ; une fête de deuil) ont coïncidé, le shah des Saffavides a passé ce jour à pleurer l'imam Hussein (AS) et a célébré le jour suivant comme Norouz ! ».
Norouz, qui est vieux et sur lequel la poussière de nombreux siècles s'est déposée, a vu les hymnes des moqan (clercs des adorateurs du soleil) l'appeler et l'aimer, les psaumes sacrés des zoroastriens dans leurs temples du feu lui être adressés, les murmures de l'Avesta lui donner des noms sacrés, et les rimes célestes d'Ahourmazd, le louer personnellement et secrètement à ses oreilles.
Depuis lors, elle est louée par les versets sacrés du Coran et les paroles d'Allah lui-même. Des salats spéciales (prières islamiques, similaires aux prières quotidiennes à cinq temps) ont été conçues pour Norouz, ainsi que des prières spéciales à réciter le jour de Norouz et au moment du passage à l'année suivante.
Tout cela était associé à l'amour de l'imam Ali (AS) et de son gouvernement juste dans le chiisme. Cette approche a injecté du sang frais dans les veines de cette vieille tradition, qui a vécu une longue vie avec tous nos ancêtres depuis les temps anciens, et a égayé les moments de chacun d'entre nous, avec un amour tendre et profond, toujours très sincère.
La principale prophétie de Norouz est de nettoyer les taches de tristesse et de désespoir sur les cœurs de cette nation, qui a souvent été trahie et même poignardée par derrière, et d'insuffler l'âme de la jubilation dans le cadavre de cette terre et de son peuple.
Mais ce n'est pas tout. Norouz est chargé de renforcer les liens entre la génération actuelle et tous nos sages ancêtres du passé d'une part, et de renforcer les liens de ces derniers avec mère nature d'autre part.
Par-dessus tout, Norouz renforce les liens d'unité entre les Iraniens d'aujourd'hui, qui gardent le souvenir amer des invasions de toutes sortes, des cruautés des ennemis intérieurs et extérieurs, des bourreaux qui ont fait de leurs têtes des minarets et qui ont massacré de nombreuses générations.
Il fait fondre la glace épaisse des murs qui nous séparent des étrangers de notre nation et sème les graines d'un lien de parenté, de chair et de sang. Il comble ainsi les profonds fossés de l'oubli qui séparent souvent les cœurs des différents groupes de la nation s'ils n'avaient pas été remplis de la gentillesse de Norouz.
Et nous, dans ces moments heureux, nous allumons à nouveau le feu sacré Ahouraian de Norouz, et au plus profond de notre conscience, nous foulons les déserts frappés par la mort noire des siècles passés, et nous nous préparons à célébrer Norouz avec tous les hommes et les femmes qui ont célébré autrefois cette glorieuse cérémonie nationale sur cette terre. Leur noble sang coule dans nos veines, nos cœurs battent joyeusement avec lui et leurs âmes reprennent vie dans nos corps sous le ciel clair de l'Iran.
Ainsi, nous proclamons fièrement notre existence vivante en tant que nation sage et heureuse, debout au milieu des vents violents des incidents horribles qui sont capables de déraciner n'importe quel arbre solide, mais pas celui de notre nation.
Nous annonçons que nous sommes vivants et que nous poursuivrons notre fière existence sur cette terre jusqu'à la fin des temps, même en ce siècle sombre où nos ennemis, et en particulier l'Occident usurpateur, sont farouchement déterminés à nous rendre étrangers à notre propre culture, afin que nous soyons leurs esclaves obéissants, sans aucune personnalité propre sur laquelle compter.
Renouvelons donc notre alliance avec tous nos ancêtres et avec toutes les différentes races de notre nation, ainsi qu'avec notre mythologie dans cette intersection historique du temps, des croyances et des traditions.
Empruntons-leur le précieux héritage de l'amour et promettons d'en être les fidèles héritiers. Promettons, en tant que nation, de ne jamais mourir, ni d'obéir à d'autres cultures, parce que nos racines sont profondément ancrées dans la riche culture de l'humanité, la piété des religions et la noblesse d'une ancienne nation qui se dresse sur le grand passage de l'histoire et sur la scène de l'univers tout entier.
Traduit de l'anglais par Rouge et Blanc.
Représentation artistique d'une célébration de Norouz dans l'Empire moghol sous le règne de Jahangir, reproduite dans l'Album de Saint-Pétersbourg de l'Académie des sciences de Russie.
Dans son Shahnameh, le poète du Xe siècle Ferdowsi raconte un récit fictif de la mort de Darius III, où Darius blessé, la tête bercée sur la cuisse d'Alexandre le Grand, demande à Alexandre d'épouser Roxane, afin que leurs enfants puissent défendre Nowruz et maintenir la flamme de Zoroastre allumée :
Sa mère l'appela Roxana la belle ; le monde trouva joie et réconfort auprès d'elle. ... D'elle, peut-être, naîtra un être glorieux qui renouvellera le nom de l'audacieux Esfandiyār, le sage. Cette flamme sacrée de Zoroastre, il l'ornera ; Les écritures du Zend et de l'Avesta, il les portera dans ses mains. La fête de Sadeh, ce rite auspicieux qu'il gardera ; La splendeur de Nowruz et les temples de feu profonds.
- Ferdowsi
Ali Shariati: Le mot "culture" a en français deux sens...
Source des illustrations: http://shariati.com/photogallery.html
Ahmad Fardid et "le Nouveau Commencement"
"L'humanisme n'a rien à voir avec l'humain. Dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, il n'y a aucune trace de l'humain... Il s'agit de liberté, d'égalité et de fraternité de l'ego (nafsi ammarah) et du moi satanique."
Ahmad Fardid
(...) Quoi qu’il en soit, Fardid fut incontestablement le philosophe le plus influent de l’Iran tout au long de la seconde moitié du XXème siècle. Polyglotte (il parlait couramment l’arabe, le français et l’allemand), il étudia en Iran, en France à la Sorbonne et en Allemagne, devenant professeur au département de philosophie de Téhéran. Contrairement à Djâlal AL-e Ahmad et Ali Shariati, il vécu longtemps (il mourut en 1994) et eut ainsi le temps d’influencer le cinéaste Mortez Avini, considéré comme ayant été le plus éminent vidéaste iranien issu de la révolution, et le futur président Mahamoud Ahmadinejad. En outre il fut à l’origine du terme « occidentalite », qui sera popularisé par Djâlal AL-e Ahmad.
Fardid était convaincu que la phénoménologie de Heidegger était la clé pour analyser la situation civilisationnelle, intellectuelle et politique de l’Iran de l’époque. Ses analyses reprennent l’essentiel des thématiques abordées par Heidegger, et ce, afin d’élaborer une critique de la modernité occidentale telle qu’elle est imposée à l’Iran par son élite. La solution demeurait selon lui en un retour à l’Islam, entendu dans sa dimension de retour au logos d’Orient. Toute expression de la modernité occidentale est donc critiquée, de la démocratie libérale au rationalisme, des Droits de l’Homme au progressisme, mais pas tant sous un angle religieux quant plutôt sous celui philosophique. Bien qu’il ait tenté de réfléchir à une union entre l’Occident et l’Orient basée sur une commune métaphysique, il n’aura pas le temps de terminer ce travail en raison de son décès.
Sa thèse principale, et que l’on peut retrouver dans l’essai de Heidegger Introduction à la métaphysique, était que l’anthropocentrisme et le rationalisme issus de la Grèce classique auraient remplacé l’autorité divine, éloignant l’homme du sacré, en en désarticulant ainsi son essence, le Dasein. Ainsi, refuser les dynamiques internes à l’Occident, ontologiquement nihiliste, reviendrait à restaurer le Dasein, à restaurer cette unité entre l’être et la pensée qui était bien présente chez les présocratiques. Toute l’œuvre et la critique d’Ahmed Fardid consiste dès lors à pousser l’Iran à un retour aux sources de sa pensée, et ce, non pas en un mouvement réactionnaire et passéiste mais plutôt en faveur de ce que Heidegger nommait Der Anfang, « le nouveau commencement ». Autrement dit, se retourner vers le passé afin d’y retrouver les sources d’où l’Être a jailli, et par-là inaugurer un nouveau cours de la pensée. Chercher, comme le fit Heidegger avec la recherche du « matin grec », le « matin iranien », et de là, rétablir le Dasein.
Source : https://noese1.wordpress.com
Maxence Smaniotto: La Révolution conservatrice d’Iran : les exemples de Djâlal AL-e Ahmad, Ali Shariati et Ahmad Fardid
Citations de Ahmad Fardid
"Mon souhait est d'être libéré de la caverne moderne, qui est remplie de nihilisme auto-fondé, d'enchantement par les dieux terrestres (taghutzadegi) et d'historicisme. C'est mon idéal, et partout où je verrai l'absence de poings enragés et la prédominance du compromis, je serai déçu... parce que posséder et insister sur une position est la bonne démarche."
"La Weststruckness* nous domine depuis cent ans... Les jeunes cherchent le Dieu d'hier et celui de demain. Ils cherchent le Dieu du Qur᾽an, alors que l'histoire nihiliste et auto-fondée du monde contemporain s'est profondément enracinée parmi nous."
"Il n'y a aucun moyen de trouver la démocratie dans le Coran. Le gouvernement islamique réalise la vérité d'« avant-hier » et d'« après-demain ». La démocratie appartient à la Grèce, qui incarne l'idolâtrie."
"L'humanisme n'a rien à voir avec l'humain. Dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, il n'y a aucune trace de l'humain... Il s'agit de liberté, d'égalité et de fraternité de l'ego (nafsi ammarah) et du moi satanique."
"En accord avec Heidegger, je propose une position historique [mowghef]. L'humanité est dans un âge historique où Dieu est absent, le vrai Dieu... Or, l'humain est la Vérité apparente, l'humain est dieu, et le taghut [idolâtrie] grec incarne l'humain. C'est l'humanisme que j'ai mentionné précédemment : humanisme et taghut [idolâtrie] humaine.
"Le mysticisme a été aveuglé d'un œil par wahdat al-vojud (« Unité de l'être »), et de l'autre par Bergson. Selon Bergson, le monde est turbulent. Où est la présence ? Où est Dieu ? J'espère que l'homme mourra de cette agitation. Cette sagesse intrinsèque (naturelle) [esnokherad], qui est comme l'obscurité, apparaît comme la légèreté pour Bergson. La gnose de Bergson est l'un des exemples de Westoxification. En fait, il n'y a pas de gnose en Occident. Au cours des quatre cents dernières années, la philosophie occidentale s'est concentrée sur la réalité existante (mowjud). En fait, on ne trouve aucune question sur l'« existence » [vojud] au dix-neuvième siècle, et toutes les discussions étaient centrées sur le mowjud."
Source: https://en.wikipedia.org/wiki/Ahmad_Fardid
* NDT: L'intoxication par l'Occident.