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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

L'homme et la nature (Jacques Brosse)

21 Mai 2013 , Rédigé par Béthune

pleiades

 

 

Conclusion

 

 

Ainsi donc, après le triomphe de l'Eglise, il n'y eut plus qu'un seul arbre que l'on pût vénérer, celui, équarri, sur lequel mourut le Rédempteur. Tous les autres cultes étaient prohibés, et l'on a vu le zèle que mirent à les extirper les évangélisateurs.

A un système cosmique complexe et articulé, fondé sur la diversité, la complémentarité mutuelle, qui avait été celui du "paganisme", succéda un monothéisme dogmatique, intolérant et manichéen. Au nom de la distinction du Bien et du Mal, et par réaction contre l'ancien état d'esprit, l'âme fut séparée du corps et l'homme de la nature. L'âme appartenant de droit à Dieu, la nature comme le corps s'en trouvèrent nécessairement reéprouvés. Puisqu'ils incitaient à la tentation, ils ne pouvaient être que les instruments du diable, l'antique Serpent de l'arbre de la connaissance, responsable de l'expulsion de l'Eden.

Avec une admirable profondeur, Claude Lévi-Strauss a défini cette position qui est encore, souvent à notre insu, la nôtre:"Malgré les nuages d'encre projetés par la tradition judéo-chrétienne pour la masquer, aucune situation ne paraît plus tragique, plus offensante pour le coeur et l'esprit, que celle d'une humanité qui coexiste avec d'autres espèces sur une terre dont elles partagent la jouissance, et avec lesquelles elle ne peut communiquer. On cpomprend que les mythes refusent de tenir cette tare de la création pour originelle, qu'ils voient dans son apparition l'événement inaugural de la condition humaine et de l'infirmité de celle-ci*."

Ainsi, en effet, se trouva rompu un équilibre vital, fondé sur la communion de tous les êtres vivants; de cette rupture, nous subissons aujourd'hui les ultimes conséquences. D'ouverte qu'elle était jadis, l'humanité s'est de plus en plus renfermée sur elle-même. Cet anthropocentrisme absolu ne peut plus voir, hors de l'homme, que des objets. La nature tout entière s'en trouve dévaluée. Autrefois, en elle tout était signe, elle-même avait une signification que chacun, en son for intérieur, ressentait. Parce qu'il l'a perdue, l'homme d'aujourd'hui la détruit et par là se condamne.

 

* Claude Lévi-Strauss et Didier Eribon, De près et de loin, Editions Odile Jacob, Paris, 1988, p. 193.

 

Jacques Brosse, Mythologie des arbres, Payot, Paris, (1989) 1993, pp. 321-322.

 


 

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