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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Les Ourous, ceux qui ne veulent pas être des hommes (Jehan Vellard)

19 Août 2012 , Rédigé par Béthune

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Type bien caractéristique de vieil Ourou. Jean Vellard, Dieux et parias des Andes, illustration pp. 176-177.

 

Les Ourous étaient un peuple de pêcheurs-chasseurs qui vivait au bord du lac Titicaca, jusqu'à son éviction par les Aymaras, des cultivateurs-éleveurs des hauts plateaux du Pérou et de la Bolivie actuels. les Ourous parlaient une langue proche du pukina, une ancienne langue véhiculaire d'Amérique du sud, apparentée aux langues austronésiennes. POC.

 

Pour se consoler, les vieux [Ourous] rappellent à tout instant le respect qu’avaient les Aymaras pour leurs ancêtres. Cette parole revient sans cesse dans leurs propos et sonne de façon étrange sur les lèvres des parias rejetés par tous.

Elle traduit cependant une position très nette. Les Aymaras agriculteurs et petits éleveurs, d’une plus haute culture, s’estimaient de plus grands civilisés ; mais ils avaient une certaine crainte de ces gens demi-nus, ignorant la plupart des techniques domestiques, le tissage, la poterie, vivant dans des huttes de paille ou dans des abris demi-souterrains, supportant toutes les intempéries. Ces gens avaient d’ailleurs eu l’audace de leur résister presque sans armes, échappant aux représailles dans leurs repaires inaccessibles ; ils avaient d’autres pratiques religieuses, et passaient pour ne pas appartenir à l’humanité, prétendant descendre d’êtres venus d’époques fantastiques.

Oublieux de leurs propres misères, ils se moquaient même des Aymaras, liés à la terre, dépendant de leurs récoltes, souffrant de la disette si l’année était mauvaise. « Nous autres, peuple des eaux, le Lac est notre champ. Les gens secs souffrent de la faim parce qu’ils n’ont pas de poisson. Nous autres, nous avons toujours du poisson, sans avoir besoin de cultiver la terre. » Les Aymaras prétendent encore que les poissons abondent dans les années de mauvaise récolte.

Traduites sur un plan magique, ces réactions ont abouti à faire considérer les Ourous comme des êtres à part de l’humanité, insensibles au froid, incapables de se noyer, protégés contre la foudre et doués d’une puissance mystérieuse les rendant redoutables. Cette idée de force magique, peu précise d’ailleurs, répandue sur les êtres et les choses du peuple du Lac est très importante pour l’ethnographie comparée. Une notion bien voisine trouve chez divers peuples sud-américains, entre autres chez les Nambicuaras du Brésil, restés au même niveau culturel que les Ourous, dont le nandé, une force magique assez difficile à définir, est lui-même bien proche du mana polynésien. La revanche magique est fréquente quand un groupe de basse culture est asservi par un peuple plus évolué. Les exemples abondent dans l’antiquité et de nos jours en Asie et en Afrique. Partout les magiciens se recrutent dans les classes les plus basses.

Toutes les calamités frappant les Aymaras étaient attribuées à des offenses commises contre le Peuple du Lac : mauvaises récoltes, grêle, gelées, épidémies. Leurs destins même étaient liés. « Quand un Ourou mourait, de nombreux Aymaras mouraient. Les gens d’autrefois adoraient les Ourous, pour qu’il ne leur arrive pas de mal. Parce qu’ils étaient adorés, les Ourous ne travaillaient pas et vivaient de chasse de la pêche. » C’est un phénomène de sympathie, concluaient nos informateurs aymaras.

Jehan Vellard, Dieux et Parias des Andes. Les Ourous, ceux qui ne veulent pas être des hommes. Paris, Emile-Paul, 1954.

 

Jehan Albert Vellard (1901-1996)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jehan_Albert_Vellard

 

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