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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

Linné: méditation sur la mort et sur la vie

14 Octobre 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

 

Linné en costume lapon tenant à la main une fleur de linnée boréale (Linnea borealis), devenue son emblème héraldique. Au propre comme  au figuré, dans la nature comme pour les botanistes, Linné défunt est devenu linnée boréale.

 

 

"La  Nature nous apprend que nous ne devons pas consommer les cadavres de nos parents ou de nos enfants; sauf un cannibale inhumain, nul n'aurait le coeur d'agir ainsi.  Partout, on attache une grande importance à ce qu'on laisse les hommes d'honneur honorablement ensevelis de telle sorte que les bêtes de proie ne puissent s'en nourrir. Les riches ont des cercueils de pierre et de bronze afin que la poussière ne les disperse pas. Les anciens plaçaient les cendres des morts dans des tumuli inviolables et c'est un bienfait de Dieu que les ossements, le corps, la poussière et les cendres des justes puissent reposer en paix dans leurs tombes; d'autre part, dans tous les pays, les grands criminels, une fois morts, sont exposés aux vers et aux loups; les corbeaux leur crèvent les yeux à coups de bec; les corps des impies, Dieu les fait jeter en pâture aux chiens et aux bêtes sauvages...

La Nature veut que, lorsque les animaux meurent, ils soient transformés en humus et l'humus en plantes. Celles-ci sont mangées par les animaux, formant ainsi leurs membres, en sorte que la terre, transformée en semence, pénètre dans le corps humain, est changée en chair, os, nerfs,, etc.; et lorsque, après la mort, le corps se décompose, les forces naturelles le muent en pourriture, et l'homme redevient cette terre dont il est issu.

Ainsi, lorsque par hasard des plantes viennent à germer dans cet humus, elles poussent avec luxuriance, transformant la terre humaine à leur image, en sorte que les jolies joues de jeune fille peuvent devenir une vilaine jusquiame, et les bras de l'Hercule le plus vigoureux un frêle Potamot. Celui-ci est mangé par un cimex puant [une punaise des lits] et devient animal. Ce cimex est alors mangé par les oiseaux, il devient oiseau; l'oiseau est mangé par l'homme dont il devient ainsi une partie..."

 

Carl von Linné, Wåstgöte-Resa, Västergötland (1746). In: Wilfrid Blunt, Linné, le prince des botanistes, Belin, (1971) 1986.

 

 

Bien sûr, nous sommes à l'opposé de Bossuet s'écriant, dans son célèbre sermon sur la mort devant la brillante assemblée de la chapelle du Roi à Versailles: "Me sera-t-il permis aujourd'hui d'ouvrir un tombeau devant la cour, et des yeux si délicats ne seront-ils point offensés par un objet si funèbre?". Linné, malgré la relative ironie de ses comparaisons, est sans doute plus proche du Saint François d'Assise du "Cantique du Soleil".  Et comme lui, de la vérité et de la vie. Car la vie et la mort, l'homme, la nature et le cosmos ne font qu'un.

 

 

 

 

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