Que faire après le "non" du peuple islandais ? (Horizons et Débats)
13 Mai 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles
Le président Olfar Ragnar Grimsson montre la voie
ww. Il y a trois semaines, les citoyens islandais ont refusé pour la deuxième fois très clairement que l’Etat rembourse les milliards de dettes de la Landsbanki maintenant nationalisée (dettes contractées par sa filiale Icesave). Horizons et débats a déjà évoqué ce dossier (no 12 du 28/3/11). Les Islandais ont suscité la colère des gouvernements de Londres et de La Haye qui veulent maintenant saisir la Cour de justice de l’AELE. La cheffe du gouvernement «rouge-vert» Sigurdardottir, qui veut conduire le pays dans l’UE, est favorable à cette solution. Elle s’est mise d’accord avec Londres et La Haye pour que l’Etat rembourse de manière échelonnée jusqu’en 2046 ces dettes de banques privées se montant à presque 4 milliards d’euros. Elle est déçue de l’issue de la consultation populaire et elle s’attend à une période difficile pour l’Islande.
Ce n’est pas le cas d’Olfar Ragnar Grimsson: Il propose aux Islandais une solution qui ressemble à un «jugement de Salomon» et qui sera certainement acceptée spontanément par la majeure partie de la population. L’Islande règlera ces dettes, a-t-il annoncé la veille du référendum. L’argent ne proviendra cependant pas des caisses de l’Etat mais des bénéfices de la grande banque Landsbanki, maintenant nationalisée (ou, le cas échéant, de l’actif de la faillite). Ainsi on obéirait au principe pollueur-payeur. Les contribuables ne seraient pas concernés et ne devraient pas endosser les pertes dues aux spéculations de la banque privée. La Cour de justice de l’AELE devra-t-elle trancher? Pour Grimsson, le peuple est le juge suprême de la validité des lois.
Un président optimiste
Olfar Ragmar Grimsson ne voit l’avenir du pays pas de manière aussi pessimiste que la cheffe du gouvernement Sigurdardottir qui veut adhérer à l’UE. Bien que l’Islande soit durement touchée par la crise financière, elle a une base solide avec la pêche et l’industrie de transformation. Le tourisme se développe également. Le pays a en outre un atout solide: Il n’a pas de problème nucléaire car le courant vient de grandes centrales géothermiques qui produisent aussi de l’énergie destinée au chauffage. Le pays dispose également de suffisamment d’énergie hydraulique. Comme on compte avec une hausse mondiale des prix de l’électricité, l’Islande a un grand avantage concurrentiel. On peut y installer des industries qui ont besoin de beaucoup d’énergie électrique, par exemple celle de l’aluminium. En plus, le pays a un président qui n’oublie pas la population. L’Islande a payé chèrement son incursion dans le monde de la haute finance, mais elle ne s’est pas effondrée.
L’Islande montre la voie
Les deux derniers référendums islandais sont très importants pour l’Europe et pour le monde entier, et cela pour deux raisons:
1. En Islande, trois grandes banques d’importance systémique ont fait naufrage et le total du bilan s’est monté à plusieurs fois le produit national brut. Les conséquences étaient désastreuses à maints égards mais le «système» ne s’est pas effondré pour autant. Les lumières ne se sont pas éteintes, comme l’a écrit Asgeir Jonsson, ancien chef économiste de la Kaupthing Bank, dans son livre «Why Iceland?». Le «scénario catastrophe», évoqué partout dans le monde pour justifier les plans de sauvetage massifs des Etats ne s’est pas réalisé. Les distributeurs automatiques de billets ont continué de fonctionner, les guichets des banques sont restés ouverts et les opérations financières n’ont jamais été interrompues. L’activité de la banque s’est poursuivie «avec de nouvelles structures», c’est-à-dire des structures réduites et avec de nouveaux propriétaires.
2. Les deux référendums islandais sur la question de savoir si les contribuables devaient payer des dettes bancaires privées représentent un avertissement pour l’UE. Pourquoi? L’UE poursuit un projet semblable avec le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui devrait entrer en vigueur en juillet 2013. Ce ne seront pas directement les contribuables qui devront rembourser les pertes dues aux spéculations des banques privées. Ils devront cependant se porter garant de la politique de dettes imprudente de certains pays, bien que les statuts de l’UE l’interdisent expressément (clause de no bail-out). En plus, les dettes des banques privées sont incluses dans la dette de l’Etat parce que certains pays, à l’instar de l’Islande, les ont nationalisées. Si l’on compte les paiements effectués jusqu’à présent dans le cadre du plan de sauvetage de l’UE pour la Grèce, l’Irlande et le Portugal, qui s’élèvent en tout à 620 milliards d’euros (calcul de Hans-Werner Sinn), cela donne un volume de garantie de 1300 milliards d’euros auquel les contribuables de la zone euro seront confrontés en juillet 2013. Doivent-ils payer parce que des banques privées ont pris trop de risques en spéculant, parce que des gouvernements se sont endettés imprudemment?
Marché conclu sur le dos des contribuables
Le mécanisme européen de stabilité a bien été décidé à Bruxelles mais il doit encore être ratifié dans les pays membres. Etant donné la portée de cet amendement du Traité, des référendums seraient nécessaires dans divers pays (comme pour le Traité de Maastricht). En Allemagne, au Bundestag, une majorité qualifiée serait requise pour cet amendement constitutionnel. Mais cela devrait être évité en recourant à la «procédure simplifiée de modification du Traité». Dans certains pays, l’accord du Parlement sera de toute façon nécessaire, par exemple en Finlande. Ici, il y a quelques semaines, un mouvement de protestation, le Parti des Vrais Finlandais, a été élu au Parlement, provoquant un véritable raz-de-marée. Il s’est donné pour objectif, comme le mouvement citoyen «In Defence» en Islande – de combattre le «marché» conclu par l’élite de l’UE sur le dos des contribuables.
Même si cette élite craint comme la peste les consultations populaires, elle ne réussit pas tout à fait à agir à huis clos. Lorsqu’elle réussit à éviter un référendum, un mouvement de protestation ancré dans la population se fait élire au Parlement, comme en Finlande. L’UE doit s’attendre à des surprises, pas seulement en Finlande. L’Islande elle-même se trouve à un tournant: Si elle adhère vraiment à l’UE, comme le souhaite le gouvernement, elle risque, dans la question de la garantie des dettes étrangères (qui ne regardent en rien les contribuables), de tomber de Charybde en Scylla.
Source: Horizons et Débats (Suisse) du 9 mai 2011: link
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