histoire
Saint Thibauld de Marly
Vitrail montrant saint Thibauld de Marly à l'abbaye des Vaux-de-Cernay donnant la bénédiction à Saint Louis et à la reine Marguerite. Église du Perray-en-Yvelines (Yvelines-France). Offert par la comtesse Potocka. Photo: Pierre-Olivier Combelles
Saint Thibauld de Marly († Vaux-de-Cernay France, 8 décembre 1247) était un abbé français. Il fut canonisé par le pape Clément XI le 25 septembre 1710.
Sa vie
Fils de Bouchard de Montmorency, seigneur de Marly, et de Mathilde de Châteaufort, nièce du roi Louis VII, Thibauld embrasse d'abord le métier des armes, se distinguant dans les tournois, mais il a aussi une grande dévotion pour Marie.
En 1226, il prend l'habit cistercien à l'abbaye des Vaux-de-Cernay, fondée plus d'un siècle auparavant par des moines de la congrégation de Savigny qui, en 1147, étaient passés en bloc à l'ordre des Cìteaux, dans la filiation de Clairvaux.
En 1230, il est nommé prieur par Richard, qui a succédé à Thomas, et à sa mort en 1235, il est élu abbé ; à ce titre, il devient également supérieur de l'abbaye de Breuil-Benoit et de l'abbaye de femmes de Port-Royal, dont son père avait été un bienfaiteur. En 1237, il a également le gouvernement de l'abbaye des moniales de Trésor, dans le diocèse de Rouen.
Dans ses nouvelles fonctions, Thibauld donne un exemple d'humilité et de piété, avec une vie austère marquée par la pauvreté. On raconte qu'il aida les maçons en transportant des pierres et de la chaux lors des travaux qu'il effectua pour agrandir une pièce du monastère et pour construire une partie du bâtiment des frères laïcs.
Thibauld mourut le 8 décembre 1247 et, après douze années de fructueux gouvernement de son abbaye, il fut enterré dans la salle capitulaire. Une dalle de pierre fut placée sur son tombeau, sur laquelle était gravée une crosse, avec cette inscription Hic Jacet Theobaldus abbas.
Le culte
La renommée de sa sainteté amena de grands pèlerinages aux Vaux-de-Cernay, et en 1261, sous la direction de l'abbé de Clairvaux, le transfert des restes dans la chapelle de l'infirmerie, accessible à tous, fut effectué. Une seconde translation eut lieu en 1270, dans un tombeau construit dans la nef de l'église, où cette épitaphe disait Mille bicento septimo cum quadrageno caelo clarescit Theobaldus ubi requiescit. Cette tombe a été profanée en 1793.
La fête de Thibauld était célébrée à l'abbaye des Vaux-de-Cernay et son culte fut reconnu par le pape Clément XI le 25 septembre 1710. Au XVIIe siècle, un autel lui est dédié dans l'église de l'abbaye de Cîteaux. Thibauld est honoré dans les diocèses de Paris et de Versailles. Dans l'ordre cistercien, il est commémoré dans le bréviaire du 8 juillet.
Source: https://it.cathopedia.org/wiki/San_Teobaldo_di_Marly
Traduit de l'italien avec DeepL
NDLR: Le prénom Thibauld a plusieurs orthographes. Il peut s'écrire aussi Thibaut et Thibaud. Celle avec ld à la fin nous paraît plus fidèle à l'original latin qui était Theobaldus.
Reliques de Saint Thibauld de Marly, conservées à l'église de Cernay (Yvelines - France). Photo: Pierre-Olivier Combelles
Pierre tombale se Saint Thibauld de Marly dans la nef de l'abbatiale des Vaux-de-Cernay. On peut y lire gravée, avec la crosse d'abbé, l'inscription: "Hic jacet Theobaldus abbas" (Ci-gît l'Abbé Thibauld). Photo: Pierre-Olivier Combelles
Saint Thibauld de Marly est le patron et le protecteur du domaine des Vaux de Pitunilla (ex Costa Rica) dans les Andes du Pérou (Chumpi, Parinacochas, Ayacucho) appartenant à la famille Combelles Humala-Tasso. Une prière a été composée en son honneur:
Saint Thibauld de Marly, qui fûtes en France prieur de l’abbaye cistercienne des Vaux de Cernay, ami du roi Saint Louis et de la reine Marguerite et digne serviteur de Notre-Dame, protégez notre domaine des Vaux de Pitunilla au Pérou, tous ceux qui y vivent et travaillent, afin que chacun soit en paix avec son prochain et avec lui-même dans la loi et dans l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Saint Thibauld, notre patron, priez spécialement Notre-Dame pour notre famille, afin que Dieu nous donne la grâce de faire Sa volonté toujours de sorte qu’Il soit honoré par nous et que nous puissions, après cette mortelle vie, être ensemble avec Lui dans Son royaume céleste.
Ainsi soit-il.
La vocation de la France
Observez les lis des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
(Mt 6,28-29). Devise des Grandes Armes de France, avec "Montjoie Saint-Denis".
La vocation de la France n'est pas industrielle, ni financière, ni marchande ni même guerrière. Elle est spirituelle, intellectuelle, humaine, artistique, culturelle, généreuse et pacifique.
Pacifique veut dire aussi qu'elle se fait respecter par les armes lorsque c'est nécessaire.
La vocation de la France n'est pas de conquérir, d'asservir ou d'exterminer les autres peuples, puisqu'elle est synonyme de liberté.
La vocation de la France n'est pas non plus de piller ou de détruire les richesses naturelles, que ce soit sur son territoire métropolitain et d'outremer comme ailleurs dans le monde.
Car les fleurs de ses armes, trois lis d'or sur champ d'azur, protégés par un liséré rouge comme l'oriflamme de Saint Denis, nous disent que la France doit aimer et respecter et faire aimer et faire respecter partout Dieu, les hommes, les peuples et la nature, dans toute leur vérité, leur richesse et leur diversité.
Pierre-Olivier Combelles
Plutarque: Les dicts des Lacédémoniens (traduction par Amyot)
LES
ŒVVRES MORALES
ET MESLEES DE
PLVTARQUE,
Tranflatées de Grec en François, reueuës & corrigees en plusieurs paffasages par le Tranflateur.
Comprifes en deux Tomes, & enrichies en cefte edition de Prefaces generales, de Somaires au comencement d'vn chafcun des Traitez, & d'Annotations en marge, qui moftrent l'artifice & la fuite des disccours de l'autheur.
Auec quatre Indices : le premier, des autheurs alleguez & expofez : le fecond, des Similitudes : le troifiefme, des Apophtegmes : & le dernier des chofes memorables mentionnees efdites œuures.
De l'Imprimerie de François Eftienne
M.D.L.XXXII
Dédicace au Roy tres-chrestien Charles IX. de ce nom
Iacques Amyot E. d'Auxerre, voftre grand Aumofnier
Choix de textes, recomposition et mise en page par
Pierre-Olivier Combelles
Juin 2009
LES DICTS NOTABLES DES LACEDEMONIENS
SOMMAIRE
Plutarque a meslé dedans le recueil precedent quelques dicts notables d'Agesilaus & autres Lacedaemoniens, parmi ceux des hommes illuftres Grecs. Mais maintenant il donne un traité à part aux Lacedaemoniens, qui le meritent bien auffi, pour avoir efté gens qui ont le moins mal ufé de leur langue entre les peuples deftituez de la conoiffance de Dieu. Il fait auffi une plus ample defcription de leurs apophtegmes, monftrant affez par tant de belles & viues rencontres que ce n'eft pas de merueilles qu'une si petite Republique que celle de Sparte ait flori fi longtemps, eftant gouuernee & peuplee d'hommes tant adroits de corps & d'efprit, & qui favoient encores mieux faire que dire. Au demeurant, ce recueil-ci eft diftingué en quatre parties principales, dont la premiere reprefente les dicts remarquables des Rois, Capitaine, Seigneurs & gens de nom en Lacedaemone : la feconde, font les apophtegmes des Lacedaemoniens dont les noms font inconnus : la troifiefme defcrit briefuement quelques couftumes & ordonnances feruans à la manutention de leur eftat : la quatriefme contient quelques propos d'aucunes de leurs femmes, où l'on void tant plus la valeur & magnanimité de ce peuple. Quant au profit qu'on peut tirer de ces apophtegmes, il eft grand en toutes forte, & n'y a perfonne de quelque aage ou condition qu'elle foit, qui ne puiffe y aprendre beaucoup, notamment à peu parler, bien dire, & fe porter vertueufement : comme la lecture en fait foy, fans que nous aions voulu efclaircir les chofes en marge, pource que c'euft efté un labeur ennuyeux au lecteur & de trop grande eftendue.
p. 212 [AGESILAS] Comme il était encore jeune enfant, en une fête publique où les jeunes gens, fils & filles, dansaient tous nus, le superintendant de la danse lui donna un lieu qui n'était pas fort honorable, duquel néanmoins il se contenta, combien qu'il fût déjà déclaré Roi, & dit : Voilà qui va bien, car je montrerai que ce ne sont pas les lieux qui honorent les hommes, mais les hommes les lieux .
p. 212 [AGESILAS] Voulant entreprendre la guerre contre le Roi de Perse pour la délivrance des peuples Grecs habitans en l'Asie, il en alla demander conseil à l'oracle de Jupiter, qui est en la forêt de Dodone : & comme l'oracle lui eût répondu ainsi qu'il désirait, qu'il entreprît le voyage, il en communiqua la réponse aux Ephores, qui sont les contrôleurs : lesquels lui ordonnèrent qu'en passant il en demandât aussi le conseil à celui d'Apollo en la ville de Delphes. Il s'en alla au temple où se rendaient les oracles, & fit ainsi sa demande, O Apollo, es-tu pas de même avis que ton père ? Et comme il lui eût répondu, qu'oui : il fut élu pour conducteur de cette guerre, & s'y en alla.
p. 212 (verso) [AGESILAS] Tel était Agésilas en la plupart des affaires de ses amis : toute fois il efcheoit bien des occasions, qu'il regardait plutôt à l'utilité publique : comme il montra un jour à quelque partement qu'il fut contraint de faire à la halte & en trouble, tellement qu'il lui fut force d'abandonner un qu'il aimait étant malade : & comme l'autre l'appelait par son nom ainsi comme il partait, & le suppliait de ne le vouloir point abandonner, Agesilas en se retournant dit, O qu'il est malaisé d'aimer et d'être sage en même temps !
p. 213 [AGESILAS] Comme quelqu'un demandait en sa présence, Qu'est ce que les lois de Lycurgue ont apporté de bon à la ville de Sparte ? Il répondit, Ne faire compte des voluptés : & à un autre qui s'émerveillait de voir la simplicité grande, tant du vivre que du vêtir de lui & des autres Lacédémoniens : Le fruit que nous recueillons, dit-il, de cette si étroite manière de vivre, est la liberté.
p. 213 [AGESILAS] On lui demanda une fois jusqu'où s'étendaient les confins de Lacédémone : en brandissant une javeline qu'il tenait en la main il répondit, Voilà les murailles des Lacédémoniens.
p. 213 (verso) [AGESILAS] On lui demanda comment il avait acquis une si grande réputation, En méprisant la mort, dit-il.
p.213 (verso) [AGESILAS] Enquis aussi, pourquoi les Spartiates combattaient au son des flûtes : afin, dit-il, que marchant en bataille à la cadence et mesure on connaisse ceux qui sont vaillants d'avec ceux qui sont couards.
p. 213 (verso) [AGESILAS] fut contraint de partir de l'Asie, disant, qu'un bon prince se doit laisser commander par les lois.
p. 214 [AGESILAS] Entendant qu'il y avait eu une bataille donnée auprès de Corinthe, en laquelle il était demeuré bien peu des Lacédémoniens, mais des Athéniens, des Argiens, des Corinthiens, & de leurs alliés un bien grand nombre : on ne le vit oncques faire bonne chère, ni s'enfler de joie pour la nouvelle de cette victoire, ains soupirant du profond du cœur, dit, O malheureuse Grèce, qui de ses propres mains a défait tant de gens, qu'ils seraient suffisants pour défaire en un jour de bataille tous les Barbares ensemble !
p. 214 [AGESILAS] Il avait autour de lui Xénophon le philosophe qu'il aimait et qu'il estimait beaucoup, il le pria d'envoyer quérir ses enfants pour les faire nourrir en Lacédémone, & y apprendre la plus belle discipline du monde, de savoir obéir & commander. Une autre fois lui étant demandé, pourquoi il estimait les Lacédémoniens les plus heureuses gens du monde : c'est, dit-il, pour ce qu'ils font profession et exercice, plus que tous les hommes du monde, d'apprendre à bien commander, & à bien obéir.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Un autre lui montrait les murailles de sa ville fortes à merveille et magnifiquement bâties, en lui demandant si elles ne lui semblaient pas bien belles : oui certes pour y loger des femmes, mais non pas des hommes.
p. 214 (verso) [AGESILAS] On le convia un jour à ouïr un qui contrefaisait naïvement bien le rossignol : il n'en voulut rien faire, disant, J'ai ouï le rossignol lui-même par plusieurs fois.
p. 214 (verso) [AGESILAS] On lui demanda quelquefois, laquelle des deux vertus était la meilleure à son jugement, la force, ou la justice : Il répondit, que la force ne sert de rien là où règne la justice : & que si nous étions tous justes & gens de bien, il ne serait point besoin de la force.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Les peuples Grecs habitant en Asie avaient accoutumé d'appeler le Roi de Perse, le grand Roi : Pourquoi, dit-il, est-il plus grand que moi, s'il n'est plus tempérant et plus juste ? Aussi, disait-il, que les habitants de l'Asie étaient bons esclaves, & mauvais hommes libres.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Etant enquis Comment un homme se pourrait bien faire valoir & acquérir très grande réputation, il répondit : En disant tout bien, & en faisant encore mieux.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Quelqu'autre demandait, Que doivent apprendre les enfants en leur jeunesse ? Il répondit, Ce qu'ils doivent faire quand ils sont devenus grands.
p. 215 [AGESILAS] Il aimait fort tendrement ses petits enfants, de sorte qu'il jouait avec eux parmi la maison, se mettant une canne entre les jambes comme un cheval : & comme quelqu'un de ses amis l'eût vu & trouvé en cet état, il le pria de n'en dire jamais rien à personne jusqu'à ce que lui-même eût des enfants aussi.
p. 215 [AGESILAS] Mais en faisant continuellement la guerre aux Thébains, il y fut fort grièvement blessé en une bataille. Ce que voyant Antalcidas, lui dit : Certainement tu reçois bien des Thébains le salaire que tu mérites, pour leur avoir enseigné malgré eux à combattre, ce qu'ils ne savaient ni ne voulaient apprendre à faire. Car à la vérité l'on dit, que les Thébains devinrent alors plus belliqueux que jamais ils n'avaient été auparavant, s'étant adressés et exercés aux armes par les continuelles inuafions des Lacédémoniens : aussi était-ce la raison pour laquelle l'ancien Lycurgue en ses lois, que l'on appelait Retres, leur défendait de faire souvent la guerre contre une même nation, de peur qu'ils ne la contraignissent en ce faisant d'apprendre à la faire.
p. 216 [AGIS, fils d'Archidamus] On lui demanda quelle science on exerçait principalement en la ville de Sparte : à savoir, dit-il, obéir et commander. Aussi, disait-il, que les Lacédémoniens ne demandaient jamais combien étaient les ennemis, mais où ils étaient.
p. 216 [AGIS, fils d'Archidamus] Un Ambassadeur de la ville d'Abdere était venu à Sparte, qui avait fort longuement parlé, & après qu'il se fut tu, à la fin il lui demanda, Sire, quelle réponse veux-tu que je rapporte à nos citoyens ? Tu leur diras, dit-il, que je t'ai laissé dire tout ce que tu as voulu, & tant que tu as voulu, & que je t'ai toujours écouté sans jamais dire mot.
p. 216 (verso) [AGIS, fils d'Archidamus] Quelqu'un lui demanda, comment il pourrait demeurer franc & libre toute sa vie : En méprisant la mort, dit-il.
p. 216 (verso) [ALEXANDRIDAS, fils de Leon] Quelque autre lui demandait, pourquoi ils donnaient la charge de leurs terres à leurs Ilotes, & qu'ils ne les prenaient à labourer & cultiver eux-mêmes : Pour ce, dit-il, que nous les avons acquises, non en les cultivant elles, mais en nous cultivant nous mêmes.
p. 217 [ALEXANDRIDAS, fils de Leon] Il répondit aussi à quelque autre qui lui demandait pourquoi les Lacédémoniens étaient si hardis & si assurés aux périls de la guerre : Pource, dit-il, que nous apprenons à avoir honte, & non pas peur de notre vie, comme les autres.
p. 217 [ANTALCIDAS] Et à un Athénien, qui appelait les Lacédémoniens grossiers & ignorants : Nous sommes vraiment seuls en toute la Grèce qui n'avons appris de vous rien de mal.
p. 217 [ANTALCIDAS] Lui-même disait que les murailles de Sparte étaient les jeunes hommes, & les confins étaient les fers de leurs piques. Et à un autre qui demandait, pourquoi les Lacédémoniens combattaient de si courtes épées : à fin, dit-il, que nous joignons nos ennemis de plus près.
p. 217 (verso) Un autre reprenait Hecateus, le maître de Rhétorique, de ce qu'ayant été convié à manger avec eux en leurs convives qu'ils appellent, il ne dit jamais mot tout le long du dîner : il lui répondit, Il semble que tu ignores, que celui qui sait bien parler, sait aussi le temps quand il faut parler.
p. 217 (verso) ARCHIDAMUS, fils de Zeuxidamus dit à un qui lui demandait, qui c'était qui gouvernait la ville de Sparte, Ce sont les lois, & puis les magistrats suivant les lois. Entendant un qui louait grandement un joueur de cithre, & avait en singulière admiration l'excellence de son art : O mon ami, quel loyer d'honneur auront envers toi les preux & vaillants hommes, puisque tu loues si hautement un joueur de cithre ?
p. 217 (verso) [ARCHIDAMUS, fils de Zeuxidamus] Dionysus le tyran de la Sicile avait envoyé à ses filles des robes, il ne les voulut pas recevoir disant, j'aurais peur que quand elles les auraient vêtues, elles ne m'en semblassent plus laides. Et voyant son fils encore jeune en une bataille combattre désespérément à l'encontre des Athéniens, il lui dit, Ou augmente ta force, ou diminue ton courage.
p. 217 (verso) ARCHIDAMUS, le fils d'Agesilaus, comme le roi Philippe après la bataille qu'il gagna contre les Grecs auprès de Chéronée, lui eût écrit une missive fort âpre & rigoureuse, il lui récrivit, Si tu mesures ton ombre, tu trouveras qu'elle ne sera pas devenue plus grande depuis que tu as vaincu.
p. 218 [BRASIDAS] Se partant pour aller à la guerre, il écrivit aux Ephores, Ce que vous m'écrivez touchant la guerre, je le ferai, ou j'y mourrai. Et après qu'il fût mort en délivrant de servitude les Grecs habitants au pays de Thrace, les Ambassadeurs qui furent envoyés de la part du pays, pour rendre grâce aux Lacédémoniens allèrent visiter sa mère Archiléonide : laquelle leur demanda premièrement, si son fils Brasidas était mort vaillamment : & comme ces ambassadeurs Thraciens le louaient si hautement, qu'ils disaient qu'ils n'avaient point laissé son pareil : Vous vous abusez, dit-elle, mes amis, car Brasidas était bien homme de bien, mais il y en a plusieurs en Sparte qui sont encore meilleurs que lui.
p. 218 DAMIS fit réponse aux lettres qui leur avaient été écrites de la part d'Alexandre le grand, qu'ils eussent à déclarer par leurs suffrages, Alexandre être Dieu : Nous concédons à Alexandre de se faire appeler Dieu s'il veut.
p. 218 (verso) EMEREPES étant Ephore coupa avec une hachette deux cordes des neuf que le musicien Phrynis avait en sa lyre, disant, Ne viole point la Musique.
p. 219 [EUDAMIDAS, fils d'Archidamus et frère d'Agis] Et comme un autre louait hautement la ville d'Athènes devant lui : Et qui pourrait, dit-il, assez, louer cette ville, que jamais homme n'aima pour y être devenu meilleur ?
p. 219 [EUDAMIDAS, fils d'Archidamus et frère d'Agis] Un citoyen de la ville d'Argos disait un jour en sa présence, que les Lacédémoniens sortant de leur pays, & de l'obéissance de leurs lois, devenaient pires en voyageant par le monde : mais au contraire, vous autres Argiens venant en notre ville de Sparte n'en empirez pas, mais en devenez plus gens de bien.
p. 219 ZEUXIDAMUS répondit aussi à un qui lui demandait, pourquoi ils ne rédigeaient par écrit les statuts et les ordonnances de la prouesse, & qu'ils ne les baillaient écrits à lire à leurs jeunes gens : pource, dit-il, que nous voulons qu'ils s'accoutument aux faits, & non pas aux écritures. Un Étolien disait, que la guerre était meilleure que la paix, à ceux qui se voulaient montrer gens de bien : non pas cela seulement, dit-il, par les Dieux, mais meilleure est la mort que la vie.
p. 219 HERONDAS se trouva d'aventure à Athènes, quand il eut un des citoyens qui fut condamné d'oisiveté : & en entendant le bruit, il pria qu'on lui montrât celui qui avait été condamné en cause de gentillesse.
p. 219 THEARIDAS aiguisait la pointe de son épée, quelqu'un lui demanda si elle était bien aiguë : Plus aiguë, que n'est une calomnie.
p. 219 [THEOPOMPUS] A un étranger qui lui disait qu'en son pays on le surnommait Philolacon, c'est à dire, aimant les Lacédémoniens : Il vaudrait mieux, dit-il, qu'on te surnommât aimant tes citoyens, qu'aimant les Lacédémoniens.
p. 219 (verso) [THEOPOMPUS] quelqu'un disait devant lui, que la ville de Sparte se maintenait en son entier, pour ce que les Rois y savaient bien commander : non pas tant, dit-il, que pour ce que les citoyens y savent bien obéir.
p. 219 (verso) [HIPPOCRATIDAS] Il rencontra quelquefois en son chemin un jeune garçon, après lequel venait un qui l'aimait: le jeune garçon en eut honte: & lors il lui dit, Il te faut aller en compagnie de ceux, avec lesquels quand on te verra, tu n'en changes point de couleur.
p. 220 CLEOMENES fils d'Anaxandrides avait l'habitude de dire, qu'Homère était le poète des Lacédémoniens, pour ce qu'il enseigne comment il faut faire la guerre : & Hésiode celui des Ilotes, pour ce qu'il écrit de l'agriculture.
p. 220 (verso) [CLEOMENES] Meander le tyran de Samos, pour la descente des Perses s'enfuit dans la ville de Sparte là où il montra à Cleomenes tout l'or & l'argent qu'il avait apporté quand & lui, & si le pria d'en prendre tant qu'il lui plairait. Il n'en voulut rien prendre, mais craignant qu'il n'en donnât à d'autres de la ville, il s'en alla devers les Ephores, & leur dit, il vaudra mieux pour le bien de Sparte, que l'on fasse sortir hors du Péloponnèse mon hôte Samien, de peur qu'il n'induise quelqu'un des Spartiates à être méchant. Les Ephores ayant ouï son avertissement, le bannirent dès le même jour.
p. 220 (verso) [LEOTYCHIDAS] On lui demanda quelquefois, que c'était que les jeunes enfants de noble maison devaient apprendre : ce qui leur doit bien profiter, dit-il, quand ils seront grands. Et à un autre qui l'enquerrait, pour quelle raison les Spartiates buvaient si peu : afin, dit-il, que les autres ne délibèrent de nous, mais nous des autres.
p. 221 LEON fils d'Eucratidas étant enquis, en quelle ville on pourrait habiter sûrement : En celle-là, dit-il, dont les habitants ne seraient ni plus riches ni plus pauvres les uns que les autres :& là où la justice ait vigueur, l'injustice n'ait point de force.
p. 221 [LEON] Etant enquis pourquoi les gens de bien préféraient une mort honorable à une vie honteuse : pource, dit-il, qu'ils estiment le mourir commun à la nature, mais le bien mourir propre à eux.
p. 221 (verso) D'où vint que la femme de Léonidas nommée Gorgo, ainsi que l'on trouve par écrit, répondit à quelques Dames étrangères qui lui disaient : Il n'y a que vous autres femmes Laconiennes qui commandiez à vos maris : aussi n'y a t-il que nous qui portions des hommes.
p. 222 (verso) [LYCURGUE] Il priva aussi & bannit ceux qui n'étaient point mariés de la vue des danses où les jeunes filles dansaient nues, & qui plus est leur imposa encore note d'infamie, en les privant notamment de l'honneur & du service que les jeunes étaient tenus de porter & de faire aux vieux. En quoy faisant, il eut grande prévoyance à inciter les citoyens à se marier pour engendrer des enfants : à l'occasion de quoi il n'y eut onc personne qui trouvât mauvais, ni qui blamât ce qui fut dit à Dercillidas, combien qu'il fût au demeurant bon & vaillant capitaine : car lui entrant en quelque lieu, il y eut un des jeunes gens qui ne se daigna lever de son siège par honneur au-devant de lui : pource, lui dit-il, que tu n'as point engendré qui se levât au-devant de moi.
p. 223 [LYCURGUE] & était en ce temps-là l'honnêteté & la pudicité des Dames si grande & si éloignée de la facilité que l'on dit avoir été depuis parmi elles, que l'on tenait l'adultère pour une chose impossible & incroyable. Auquel propos on récite d'un fort ancien Spartiate nommé Gerardas, à qui un étranger demanda quelle punition on faisait souffrir aux adultères en la ville de Sparte, pource qu'il voyait que Lycurgus n'en avait fait aucune ordonnance : & qu'il lui répondit, Il n'y a point d'adultère parmi nous : l'autre lui répliqua, Voire mais s'il y en avait ? il répondit toujours de même. Car comment, dit-il y aurait-il des adultères à Sparte, vu que toutes richesses, toutes délices, tous fards, & tous embellissements extérieurs y sont déprisés & deshonorés ? & vu que honte de mal faire, honnêteté , & révérence, & obéissance envers ses supérieurs, y ont toute autorité ?
p. 223 [LYCURGUE] Il leur commanda aussi qu'en leurs guerres, quand ils auraient vaincu & rompu leurs ennemis, qu'ils les chassassent jusqu'à assurer leur victoire toute certaine, & puis qu'ils se retirassent tout court, disant que cela n'était acte ni de gentil cœur, ni de nation généreuse comme la Grecque, de tuer ceux qui leur quittaient la place : & cela encore leur était utile, pource que ceux qui savaient leur coutume, qui était de mettre à mort ceux qui s'opiniâtraient à leur faire tête, & laissaient aller ceux qui fuyaient devant eux, trouvaient le fuir plus utile que l'attendre.
P. 224 (verso) PAUSANIAS fils de Plistonax à un qui l'interrogeait : pourquoi il n'était pas loisible en leur pays de remuer aucune des lois anciennes : c'est, dit-il, pource qu'il faut que les lois soient maîtresses des hommes, & non pas les hommes maîtres des lois.
p. 224 (verso) PLISTONAX fils de Pausanias, comme un certain orateur Athénien appelant les Lacédémoniens ignorants : Tu dis vrai, lui répondit-il, car nous sommes seuls entre tous les Grecs, qui n'avons rien appris de mal de vous.
p. 225 [POLYDORUS, fils d'Alcamenes] Etant enquis pourquoi les Lacédémoniens s'exposaient ainsi hardiment aux périls de la guerre : pource, dit-il, qu'ils ont appris à avoir honte, & non pas crainte de leurs supérieurs.
p. 225 CHARILLUS enquis, pourquoi Lycurgus leur avait fait si peu de lois : pource, dit-il, qu'il ne faut pas beaucoup de lois à ceux qui ne parlent guère. Un autre lui demandait, pourquoi ils faisaient sortir les filles en public à visage découvert, & les femmes voilées : pource, dit-il, qu'il faut que les filles trouvent mari, & que les femmes gardent celui qu'elles ont. Un des Ilotes se portant quelquefois par trop audacieusement envers lui, il lui dit, Si je n'étais courroucé je te tuerais tout à cette heure.
p. 226 Deux frères avaient querelle et de débattaient ensemble : les Ephores condamnèrent leur père à l'amende, de ce qu'il endurait que ses enfants eussent querelle ensemble.
p. 226 (verso) On demanda quelquefois à un Laconien, ce qu'il savait faire : il répondit, être libre.
p. 226 (verso) Un Laconien avait sur sa rondelle pour son enseigne une mouche peinte, non point plus grande que le naturel, & quelques-uns s'en moquant de lui, disaient qu'il avait pris cette enseigne-là, afin de n'être point connu : mais au contraire, dit-il, c'est afin d'être mieux remarqué : car je m'approche si près des ennemis, qu'ils peuvent bien voir combien ma marque est grande. Un autre, comme on lui eût présenté à la fin d'un banquet une lyre pour en sonner, selon la coutume de toute la Grèce : les Laconiens, dit-il, n'ont point appris de folâtrer.
p. 226 (verso) Un autre étant blessé d'un coup de flèche à travers le corps, sur le point qu'il rendait son âme, Il ne me fâche point de mourir, dit-il, mais bien de que je meurs par la main d'un archer efféminé, avant que d'avoir rien fait de ma main.
p. 226 (verso) Tynnichus Laconien, son fils lui ayant été tué à la guerre, supporta sa mort vertueusement, & en fut fait un tel Epigramme :
On rapporta, Trasibulus, ton corps
Dans ton pavois étant l'âme dehors,
Que ceux d'Argos en avaient déchassée
Avec sept coups de mortelle saussée,
Tous par devant : Et ton père constant
Vieillard nommé Tynnichus, le mettant
Dedans le feu, plein de sang, le visage
Tout sec, usa de ce mâle langage :
C'est de ces couards qu'il faut pleurer la mort,
Non pas de toi, mon enfant, qui es mort
Comme mon fils, en vrai homme de bien,
Et comme vrai Lacédémonien.
p. 227 Un bélître demanda quelquefois l'aumône à un Laconien, qui lui dit, Voire mais si je te la donne, tu mendieras encore plus : & le premier qui te la donna a été cause de cette vilaine vie que tu mènes maintenant, t'ayant rendu paresseux & truand.
p. 227 (verso) On demanda quelquefois à un Spartiate, quel poète était Tyrtaeus : bon, dit-il, pour aiguiser les courages des jeunes gens.
p. 228 Il leur était permis d'aimer les enfants de bonne & gentille nature, mais abuser de leurs personnes était tenu pour chose très infâme, comme de gens qui en aimaient le corps & non pas l'âme : de sorte que qui en était accusé, en demeurait noté d'infâmie pour toute sa vie. La coutume était que les vieux demandaient aux jeunes quand ils les rencontraient, où ils allaient, & quoi faire, & les tançaient qu'ils faillaient à répondre, ou s'ils allaient bâtissant des excuses : & qui ne tançait celui qui commettait quelque faute en sa présence, était sujet à la même réprehension que celui qui avait failli, même celui qui se courrouçait ou montrait de prendre à mal quand on le reprenait, en était reproché et désestimé.
p. 228 Et fallait que les jeunes hommes révérassent non seulement leurs propres pères, & se rendissent sujets à eux, mais aussi qu'ils portassent révérence à tous autres vielles gens, en leur cédant le dessus, & se détournant d'eux par les chemins, en se levant de leurs sièges au-devant d'eux, & s'arrêtant quand ils passaient : & pourtant un chacun commandait non seulement comme aux autres villes à ses propres enfants, à ses propres serviteurs, & disposait de ses propres biens, ains aussi à ceux de son voisin, ne plus ne moins que aux siens propres, & s'en servait comme de choses communes entre eux, afin qu'ils en eussent soin chacun comme de leurs propres. Et pourtant si un enfant ayant été châtié par un autre l'allai rapporter à son père, c'était honte au père s'il ne lui donnait encore d'autres coups : car par la commune discipline de leur pays, ils s'assuraient, que un autre n'avait rien commandé qui ne fût honnête à leurs enfants.
p. 228 Ils étudiaient aussi à composer de belles chansons, & non pas moins à les chanter, & y avait toujours en leurs compositions ne sait quel aiguillon qui excitait le courage, & inspirait aux cœurs des écoutants un propos délibéré & une ardente volonté de faire quelque belle chose. Le langage était simple, sans fard ni affèterie quelconque, qui ne contenait autre chose que les louanges de ceux qui avaient vécu vertueusement, & qui étaient morts en la guerre pour la défense de Sparte, comme étant bienheureux, & le blâme de ceux qui par lâcheté de cœur avaient résisté à mourir comme vivant une vie misérable & malheureuse : ou bien c'étaient promesses d'être à l'avenir, ou bien vanteries d'être présentement gens de bien, selon la diversité des âges de ceux qui les chantaient : car y ayant ès fêtes solennelles & publiques toujours trois danses, celle des vieillards commençant disait,
Nous avons été jadis
Jeunes, vaillants, & hardis.
Nous le sommes maintenant,
A l'épreuve à tout venant.
Et nous un jour le serons,
Qui bien vous surpasserons.
Les chants mêmes, à la cadence desquels ils ballaient, & marchaient en bataille au son des flûtes quand ils allaient choquer l'ennemi, étaient appropriés à inciter les cœurs à la vaillance, à l'assurance, & au mépris de la mort : car Lycurgus s'étudia à conjoindre l'exercice de la discipline militaire avec le plaisir de la musique : afin que cette véhémence beliqueuse mêlée avec la douceur de la musique, en fut tempérée de bon accord & harmonie, & pourtant ès batailles, avant le choc de la charge, le Roi avait accoutumé de sacrifier aux Muses, afin que les combattants eussent la grâce de faire des choses glorieuses & dignes de mémoire. Mais si quelqu'un voulait outrepasser un seul point de la musique ancienne, ils ne le supportaient pas : tellement que les Ephores condamnèrent à l'amende Terpander, assez grossier à l'antique, mais le meilleur joueur de cithre de son temps, & qui plus prenait de plaisir à louer les faits héroïques
p. 229 (verso) Mais une des plus belles & des plus heureuses choses dont Lycurgus ait fait provision à ses citoyens, c'est l'abondance de loisir : car il ne leur est aucunement permis de se mêler d'aucun art mécanique : & de trafiquer laborieusement & péniblement pour amasser des biens, il n'en était point de nouvelle, parce qu'ils avaient tant fait, qu'il leur avait rendu la richesse ni honorable ni désirable : & les Ilotes leur labouraient leurs terres, leur en rendant ce qui était d'ancienneté établi & ordonné : & leur était défendu d'en exiger plus de louage, afin que les Ilotes pour le gain qu'ils y faisaient en servissent plus volontiers, & qu'eux ne convoitassent point à en avoir davantage. Il leur était aussi défendu d'être mariniers, d'aller sur mer, ni d'y combattre : mais depuis pourtant ils combattirent par mer, & se rendirent Seigneurs de la marine : toutefois ils s'en déportèrent bientôt, d'autant qu'ils voyaient que les mœurs de leurs citoyens s'en gâtaient et s'en corrompaient : mais depuis encore se changèrent-ils en cela comme en toutes autres choses. Car les premiers qui amassèrent de l'argent aux Lacédémoniens, furent condamnés à mort, d'autant qu'un ancien oracle avait été répondu aux Rois Alcamenes & Theopompus.
Avarice fera la ruine de Sparte.
Et néanmoins après que Lysander eût pris la ville d'Athènes, il en emmena à Sparte grande quantité d'or & d'argent qu'ils reçurent, & en honorèrent le personnage qui la leur avait apportée. Mais tant que la cité de Sparte a gardé les lois de Lycurgus, & observé le serment qu'elle avait juré, elle a été toujours la première de toute la Grèce en gloire & en bonté de son gouvernement, l'espace de plus de cinq cents ans : & venant à les transgresser, l'avarice et la convoitise d'avoir se coula petit à petit parmi eux, & aussi en diminua leur autorité & leur puissance : car leurs alliés & confédérés commencèrent à leur en mal vouloir. Mais toutefois encore qu'ils fussent en tel état, après que Philippus eût gagné la bataille contre les Grecs, auprès de Chéronée, & que toutes les autres villes de la Grèce l'eussent de commun consentement élu pour capitaine général de toute la Grèce, tant par mer comme par terre, & depuis Alexandre son fils après la destruction de la ville de Thèbes, les Lacédémoniens seuls, encore qu'ils eussent leur ville toute ouverte, sans aucunes murailles, & qu'ils fussent en bien petit nombre, pour les continuelles guerres qu'ils avaient eues, & qu'ils fussent beaucoup plus faibles, & par conséquent plus aisés à prendre et à défaire, qu'ils n'avaient appris d'être, néanmoins pour avoir retenu encore quelques petites reliques du gouvernement établi par Lycurgue, ils ne voulurent jamais se soumettre à aller à la guerre sous ces deux grands Rois là, ni aux autres Rois de Macédoine qui vinrent après, ni ne se voulurent trouver ès communes assemblées avec eux, ni ne contribuèrent aucun argent, jusqu'à qu'ayant de tout point mis à nonchaloir les lois de Lycurgus, ils furent réduits en tyrannie par leurs propres citoyens, quand ils ne retinrent du tout plus rien de leur ancienne institution & discipline, & qu'étant devenus tous semblables aux autres peuples, ils perdirent entièrement toute leur ancienne réputation & gloire, & leur franchise de parler : & furent finalement redigez en servitude, comme ils sont encore de présent sujets aux Romains, aussi bien comme tous les autres peuples & villes de la Grèce.
Ω
Rouge et Blanc ou d'argent à la fasce de gueules
A mon, aïeule Anne de Béthune (✞ 6 janvier 1875).
A mes amis Amérindiens d'Amérique du nord et d'Amérique du sud, les "Hommes rouges"
A mes amis russes, espagnols carlistes, suisses et d'ailleurs
A tous ceux d'autrefois, d'aujourd'hui et de demain
A tous ceux qui combattent pour leur liberté et pour la dignité de l'homme
Ati kula e hina Tagaloa ne alito aki e fonua qalo.
Rouge et blanc vous êtes, ô Tangaroa, notre joyau qui venez de la contrée perdue.
Chant polynésien. Eric de Bisschop: Vers Nousantara.
Cosmogonie saame (Laponie)
"(...) Etendard rouge et uni et avec quelques houppes, donc de la couleur du sang des martyrs, mais aussi de la guerre, car, depuis les Carolingiens, la dialectique du rouge et du blanc, de la rose et du lis, de la guerre et de la paix, était bien connue. Encore, en fin 1789, Louis XVI promulga la loi sur la loi martiale pour disperser les attroupements. On annonçait l'application de la loi martiale (avec possible ouverture du feu) en hissant un drapeau rouge sur la mairie et, pour en signaler la fin, on hissait un drapeau blanc."
(Hervé Pinoteau, Notre-Dame de Chartres et de France - Le voile de la Vierge et autres merveilles. François-Xavier de Guibert, Paris, 2008)
Les armes de la Maison de Béthune, "D'argent à la fasce de gueules" illustrent remarquablement cette symbolique.
Bannière de "Bonnie" Charles Edward Stewart (Stuart)
Jeanne de Béthune et Jeanne de Luxembourg, protectrices de Ste Jeanne d’Arc durant sa captivité au château de Beaurevoir (1430)
" Juin commençait à peine quand Jean de Luxembourg communiqua à Philippe le Bon, son souverain, l’intention qu’il avait de transférer la jeune fille du château de Beaulieu à la forteresse de Beaurevoir. Le duc de Bourgogne ne vit probablement aucun motif pour s’opposer au projet du comte de Ligny ; il lui fit toutefois remarquer que la duchesse, sa femme, venant de Noyon le 6 de ce même mois, tiendrait à connaître celle dont on parlait dans toute l’Europe. Luxembourg, lui, n’avait qu’à accéder au désir de son prince ; aussi est-ce vraisemblablement dans la journée du 6 juin que l’héroïne fut enlevée clandestinement de Beaulieu pour être transférée à Noyon, où elle passa la nuit dans une prison d’Etat, circonstance que les bourgeois de cette ville ignorèrent complètement. Le lendemain, après que la duchesse de Bourgogne eût satisfait sa curiosité, une escorte conduisit la Pucelle, toujours avec le même mystère, au château de Ham, propriété des Luxembourg ; de là, sans que l’on sache où se fit l’étape intermédiaire, la captive semble avoir été dirigée vers le château de Wiège, dont le comte de Ligny s’était emparé en 1424. Enfin, la petite troupe atteignit Beaurevoir.
La demeure de Jean de Luxembourg était une forteresse, dont les tours massives, construites suivant les règles de l’architecture militaire des Anglais, se dressaient au sommet d’une colline située au milieu des forêts ; de puissants ouvrages de défense, capables d’arrêter l’effort d’une armée, en protégeaient les approches.
Au pied du terrible manoir, entre les haies embroussaillées, chantent des sources aux eaux limpides. L’Escaut, le grand fleuve flamand, prend là son point de départ vers la mer du Nord.
(…)
" Son angélique pitié fut remarquée par les nobles dames du château et lui attira toute leur bienveillance. Celles-ci habitaient ensemble l’antique demeure. La plus âgée, née en 1365, ne s’était jamais engagée dans les liens du mariage. Sœur du bienheureux Pierre de Luxembourg, évêque de Metz et cardinal, elle fut demoiselle d’honneur d’Isabeau de Bavière et l’une des marraines de l’enfant royal que devint Charles VII. Vivant au foyer de son neveu, aimée et respectée de tous, elle gardait néanmoins au fond de son cœur des sentiments français. Sa nièce par alliance, Jeanne de Béthune, vicomtesse de Meaux, avait aussi l’âme attachée au parti national ; elle soignait et écoutait comme une mère sa vénérable tante.
D’abord épouse de Robert de Bar, tué à Azincourt en 1415, la jeune femme était restée veuve à la fleur de l’âge, puis, sur les instances du duc de Bourgogne, elle avait contracté de nouveaux liens avec Jean de Luxembourg, le 23 novembre 1418. Cette seconde union ne lui avait pas donné d’enfants, mais de la première était née une fille, la même année que Jeanne d’Arc (1412). De race lorraine comme l’héroïne, elle portait avec sa tante adoptive et sa mère le même prénom que la Libératrice. Peut-on s’étonner, dans ces conditions, qu’un courant de profonde sympathie ait rapproché les grandes dames de leur prisonnière ?
Les termes dont la Pucelle se servira plus tard en parlant de ses aimables hôtesses ne laissent aucun doute sur ses sentiments à leur égard. Elle affirmera, en effet, qu’à l’exception de la reine de France, personne au monde n’eut plus d’empire sur son cœur que les dames de Luxembourg.
Il n’est point d’adoucissement que, dans leur sollicitude, les châtelaines n’aient apporté au sort de la pauvre enfant. Si elles ne pouvaient lui enlever ses gardes, du moins lui permirent-elles de jouir, sous leur surveillance, d’une liberté relative. Une tradition locale prétend même que, sans la dispenser, bien entendu, de cette surveillance obligatoire, elles emmenaient Jeanne au château de la Mothe, résidence d’été située dans le vallon, près des sources de l’Escaut, à un quart de lieue de la forteresse. "
Mgr. Henri Debout, Prélat de la Maison de Sa Sainteté, Lauréat de l’Académie française. Histoire admirable de la Bienheureuse Jeanne d’Arc. Paris, Maison de la Bonne Presse, 5 rue Bayard, 1909.
"Le moment où Jeanne est livrée aux Anglais [NDLR : 21 novembre 1430] coïncide avec la mort de la "dame de Luxembourg", que sans doute son neveu, Jean, comte de Luxembourg-Ligny, hésitait à mécontenter."
Régine Pernoud: Jeanne d'Arc par elle-même et par ses témoins. Seuil, 1962.
Consulter aussi:
Colonel de Liocourt: La mission de Jeanne d'Arc (chapitre: la captivité à Beaurevoir). Nouvelles Editions Latines.
Sur Jeanne de Marle, fille de Jeanne de Béthune et de Robert de Bar, qui épousa plus tard Louis de Luxembourg:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_de_Marle
" Tant qu’une aristocratie pure, c’est-à-dire professant jusqu’à l’exaltation les dogmes nationaux, environne le trône, il est inébranlable, quand même la faiblesse ou l’erreur viendrait à s’y asseoir ; mais si le baronnage apostasie, il n’y a plus de salut pour le trône, quand même il porterait saint Louis ou Charlemagne ; ce qui est plus vrai en France qu’ailleurs. Par sa monstrueuse alliance avec le mauvais principe, pendant le dernier siècle, la noblesse française a tout perdu ; c’est à elle qu’il appartient de tout réparer. Sa destinée est sûre, pourvu qu’elle n’en doute pas, pourvu qu’elle soit bien persuadée de l’alliance naturelle, essentielle, nécessaire, française du sacerdoce et de la noblesse. "
Joseph de Maistre, Du pape (1817)
Les Béthune de mon coeur: Jeanne de Béthune et Jeanne de Luxembourg, protectrices de Ste Jeanne d’Arc durant sa captivité au château de Beaurevoir (1430)
"Cependant, Jean de Luxembourg, prévenu de la tentative [d'évasion de Jeanne du château de Beaulieu], comprit que, pour conserver sa proie, il fallait trouver mieux qu'une prison banale, aux soins d'une garnison quelconque. D'ailleurs, la démarche faite au nom de l'Inquisiteur de France auprès du duc de Bourgogne ainsi que les dépêches du chancelier son frère, lui avaient ouvert les yeux, s'il en était besoin, sur le prix que les Anglais attachaient à la possession de la Pucelle et sur les efforts qui seraient tentés sous prétexte ecclésiastique, c'est-à-dire à titre gratuit, pour la lui arracher. Or, toujours à court d'argent, ce guerroyeur n'avait nulle envie de renoncer à la large aubaine qu'il escomptait depuis que le sort des armes avait fait tomber Jeanne en son pouvoir.. Il songea alors à la demeure où résidait sa famille. Cette imprenable forteresse, perdue dans les forêts du Cambrésis, à l'abri d'un coup de main des Anglais comme d'une expédition française, serait la meilleure retraite pour cacher son trésor. Il faut remarquer, en effet, que, à partir de ce moment, le secret entourant la prisonnière devient de plus en plus profond et que des circonstances providentielles ont pu seules permettre qu'un coin du voile épais, qui six mois durant va se dérober à notre regard, fût soulevé de temps à autre.
Juin commençait à peine quand Jean de Luxembourg communiqua à Philippe le Bon, son souverain, l’intention qu’il avait de transférer la jeune fille du château de Beaulieu à la forteresse de Beaurevoir. Le duc de Bourgogne ne vit probablement aucun motif pour s’opposer au projet du comte de Ligny ; il lui fit toutefois remarquer que la duchesse, sa femme, venant de Noyon le 6 de ce même mois, tiendrait à connaître celle dont on parlait dans toute l’Europe. Luxembourg, lui, n’avait qu’à accéder au désir de son prince ; aussi est-ce vraisemblablement dans la journée du 6 juin que l’héroïne fut enlevée clandestinement de Beaulieu pour être transférée à Noyon, où elle passa la nuit dans une prison d’Etat, circonstance que les bourgeois de cette ville ignorèrent complètement. Le lendemain, après que la duchesse de Bourgogne eût satisfait sa curiosité, une escorte conduisit la Pucelle, toujours avec le même mystère, au château de Ham, propriété des Luxembourg ; de là, sans que l’on sache où se fit l’étape intermédiaire, la captive semble avoir été dirigée vers le château de Wiège, dont le comte de Ligny s’était emparé en 1424. Enfin, la petite troupe atteignit Beaurevoir.
L'habitation de Jean de Luxembourg était une forteresse, dont les tours massives, construites suivant les règles de l’architecture militaire des Anglais, se dressaient au sommet d’une colline située au milieu des forêts ; de puissants ouvrages de défense, capables d’arrêter l’effort d’une armée, en protégeaient les approches.
Au pied du terrible manoir, entre les haies embroussaillées, chantent des sources aux eaux limpides. L’Escaut, le grand fleuve flamand, prend là son point de départ vers la mer du Nord.
Au moment de l'arrivée de la Pucelle, les arbres des bois venaient de revêtir leur plus belle parure, et leurs feuilles d'un vert tendre formaient un fond clair sur lequel ressortait d'une façon plus impressionnante encore le gris terreux et uniforme des hautes murailles du château. En franchissant la voûte d'entrée, Jeanne, qu'une longue journée d'été avait mise en moiteur, frissonna sous l'humidité qui se dégageait de ces amas de pierres. Son âme ressentit l'effroi qu'éprouverait un vivant pénétrant dans un séjour de mort. Elle cherchait à réagir contre ces lugubres pensées, lorsque, contraste gracieux avec la sévérité de la demeure, trois têtes de femmes, penchées aux fenêtres de la salle d'honneur, attirèrent et charmèrent son regard. C'était d'abord une jeune fille de son âge, dont les traits lui rappelaient ceux de ses fraîches compagnes de Domremy, puis une dame qui paraissait être la mère de la "gente demoiselle"; enfin, entre elles deux, partageant leur désir d'apercevoir la nouvelle venue, s'avançait une figure à la fois énergique et pieuse, auréolée de cheveux blancs...
Ce ne fut qu'une vision, car déjà les soldats, pressés de se reposer, dirigeaient la prisonnière vers le réduit qu'on leur avait désigné, et Jeanne se trouva seule sur les dalles froides de son cachot.
Peut-être songea-t-elle alors aux trois personnes entrevues un instant, les premières qui depuis sa captivité eussent réchauffé son coeur souffrant par leur expression sympathique.
Dieu voulait que sa servante repris des forces sur le chemin de son calvaire. Le culte, au château de Beaurevoir, avait une organisation importante. dès 1314, Valeran de Luxembourg y avait établi par fondation quatre chapelains; leur nombre ultérieurement s'éleva jusqu'à sept. Plusieurs fois par jour le Saint Sacrifice se célébrait dans le sanctuaire féodal; on y chantait quotidiennement, à heure fixe, une messe votive du Saint-Esprit, qu'on remplaçait le vendredi par celle de la Passion, et le samedi par une messe de la sainte Vierge. La Pucelle put donc satisfaire ses plus chères dévotions.
Son angélique pitié fut remarquée par les nobles dames du château et lui attira toute leur bienveillance. Celles-ci habitaient ensemble l’antique demeure. La plus âgée, née en 1365, ne s’était jamais engagée dans les liens du mariage. Sœur du bienheureux Pierre de Luxembourg, évêque de Metz et cardinal, elle fut demoiselle d’honneur d’Isabeau de Bavière et l’une des marraines de l’enfant royal que devint Charles VII. Vivant au foyer de son neveu, aimée et respectée de tous, elle gardait néanmoins au fond de son cœur des sentiments français. Sa nièce par alliance, Jeanne de Béthune*, vicomtesse de Meaux, avait aussi l’âme attachée au parti national ; elle soignait et écoutait comme une mère sa vénérable tante.
D’abord épouse de Robert de Bar, tué à Azincourt en 1415, la jeune femme était restée veuve à la fleur de l’âge, puis, sur les instances du duc de Bourgogne, elle avait contracté de nouveaux liens avec Jean de Luxembourg, le 23 novembre 1418. Cette seconde union ne lui avait pas donné d’enfants, mais de la première était née une fille, la même année que Jeanne d’Arc (1412). De race lorraine comme l’héroïne, elle portait avec sa tante adoptive et sa mère le même prénom que la Libératrice. Peut-on s’étonner, dans ces conditions, qu’un courant de profonde sympathie ait rapproché les grandes dames de leur prisonnière ?
Les termes dont la Pucelle se servira plus tard en parlant de ses aimables hôtesses ne laissent aucun doute sur ses sentiments à leur égard. Elle affirmera, en effet, qu’à l’exception de la reine de France, personne au monde n’eut plus d’empire sur son cœur que les dames de Luxembourg.
Il n’est point d’adoucissement que, dans leur sollicitude, les châtelaines n’aient apporté au sort de la pauvre enfant. Si elles ne pouvaient lui enlever ses gardes, du moins lui permirent-elles de jouir, sous leur surveillance, d’une liberté relative. Une tradition locale prétend même que, sans la dispenser, bien entendu, de cette surveillance obligatoire, elles emmenaient Jeanne au château de la Mothe, résidence d’été située dans le vallon, près des sources de l’Escaut, à un quart de lieue de la forteresse. "
(...)
Jeanne d'Arc tente de s'évader par la fenêtre de la tour de Beaurevoir où elle est gardée prisonnière. La corde qu'elle s'était fabriquée rompt et elle tombe d'une hauteur de soixante pieds dans la courtine. Elle guérit.
"Cependant, un courrier avait volé vers Compiègne pour annoncer à Luxembourg ce qui s'était passé à Beaurevoir. L'avide geôlier de la Libératrice de la France éprouva à cette nouvelle une terrible émotion: il entrevit comme possible l'effondrement de ses espérances: les monceaux d'or anglais qu'il escomptait déjà avaient été si près de lui échapper...
Décidément, sa captive n'était pas facile à garder, et il lui tardait de l'échanger contre les dix mille livres que lui avait promis l'évêque de Beauvais. Mû par un sentiment d'avarice, Luxembourg n'hésita plus et signa l'acte de vente de la prisonnière. Son consentement était parvenu à Rouen le 2 septembre, car les Anglais, qui voulaient en finir promptement, donnèrent ce jour-là l'ordre de lever sur le duché de Normandie un impôt de cent vingt mille livres tournois, dont dix mille étaient affectés "au payement de l'achat de Jeanne la Pucelle, que l'on dit être sorcière, personne de guerre, conduisant les armées du Dauphin".
Dans l'intervalle, les dames de Luxembourg étaient rentrées à Beaurevoir: elles avaient trouvé leur jeune amie pâle et affaiblie et lui avaient reproché avec douceur sa tentative inconsidérée. Apprenant de sa bouche les motifs qui l'avaient déterminée à agir ainsi. Les châtelaines la calmèrent et lui promirent d'intervenir en sa faveur auprès du sire de Ligny.
En effet, celui-ci ne tarda pas à recevoir des dépêches de sa tante, qui l'avait choisi comme unique héritier, de préférence à son aîné, le comte de Saint-Pol. La noble demoiselle le suppliait de ne pas livrer Jeanne d'Arc à ses pires ennemis. Elle était si désireuse d'être écoutée, que, dans un codicille ajouté à son testament le 10 septembre, elle renouvelait cette recommandation à son neveu, en même temps qu'elle lui léguait les comtés de Saint-Pol et de Ligny, recueillis par elle trois semaines auparavant.
Le sire de Beaurevoir ne voulait à aucu prix contrister sa riche parente, mais il tenait également à gagner les dix mille livres offertes en échange de sa prisonnière. Il confia donc son embarras à son frère le chancelier d'Angleterre; celui-ci imagina un compromis fort adroit.. Les Anglais, d'ailleurs, se défiaient eux aussi d'un geôlier si malhabile, et tellement cupide, qu'une proposition plus avantageuse que la leur, venant des Français, aurait eu des chances d'être acceptée par lui.
Ils voulaient que leur ennemie fût brûlée comme hérétique et sorcière, ainsi que venait de l'être pour le même motif l'humble servante de la Pucelle, Pierronne la Bretonne. Pour avoir soutenu sans vouloir en démordre que "Jeanne était bonne, agissait bien et selon Dieu", elle était montée sur le bûcher, le dimanche 3 septembre, en plein Paris.
La combinaison de Louis de Luxembourg consistait à remettre la captive entre les mains du duc de Bourgogne. Ce dernier était là comme un intermédiaire naturel et très opportun; il gardait au coeur sa haine non encore assouvie contre Charles VII; sa foi était à l'Angleterre; il exerçait sur Jean de Luxembourg une suzeraineté incontestée et fort appréciée pour l'heure, puisque le comte lui devait le commandement de l'armée bourguignonne sous les murs de Compiègne. Philippe le Bon fut donc prié, à la satisfaction commune des parties contractantes, de conserver dans ses prisons Jeanne d'Arc, jusqu'au jour où, la rançon étant touchée par Luxembourg, celui-ci autoriserait son suzerain à livrer la victime à ses ennemis.
Grâce à ce stratagème, le sire de Ligny pouvait cacher à sa tante et à sa femme le marché honteux qu'il venait de conclure avec l'envahisseur. La remise de la Pucelle à Philippe le Bon s'expliquait suffisamment pour elles par des raisons de politique générale.
Il semble bien que la nouvelle du transfert de l'héroïne fut annoncée sous cette forme au château de Beaurevoir. Le pressentiment d'un séjour interminable dans les cachots traversa sans doute l'esprit de la malheureuse jeune fille, et c'est dans ce sens qu'elle commença à interpréter la phrse mystérieuse que ses Voix du Ciel murmuraient déjà à son oreille: "Ne t'inquiète pas de ton martyre; tu viendras enfin au royaume du Paradis."
Un fait positif nous confirme dans cette supposition. Dans le courant de septembre, Jeanne, avec l'aide des dames de Beaurevoir, fit passer une lettre aux magistrats de Tournai. Quelques jours plus tard, le receveur général des finances tournaisiennes écrivait dans son livre de comptes que ses compatriotes avaient reçu un "sûr message" de la Pucelle, enchaînée pourtant et bien gardée.
Les lignes où se trouve résumée cette lettre font pleurer: la pauvre enfant abandonnée demande, "en la faveur du roi notre sire et des bons services qu'elle lui avait faits, que ladite ville lui voulut envoyer de vingt à trente escus d'or pour employer à ses nécessités....." (...)
Mgr. Henri Debout, Prélat de la Maison de Sa Sainteté, Lauréat de l’Académie française. Histoire admirable de la Bienheureuse Jeanne d’Arc. Paris, Maison de la Bonne Presse, 5 rue Bayard, 1909.
* Jeanne de Béthune († 1450), fille de Robert VIII de Béthune, vicomte de Meaux, et d'Isabelle de Ghistelles. De son mariage en 1409 avec Robert de Bar, comte de Marle puis de Soissons, était née une fille : Jeanne (1415 † 1462), comtesse de Marle et de Soissons, mariée en 1435 à Louis de Luxembourg (1418 † 1475), comte de Saint-Pol et de Ligny.
Note:
"Le moment où Jeanne est livrée aux Anglais [NDLR : 21 novembre 1430] coïncide avec la mort de la "dame de Luxembourg", que sans doute son neveu, Jean, comte de Luxembourg-Ligny, hésitait à mécontenter."
Régine Pernoud: Jeanne d'Arc par elle-même et par ses témoins. Seuil, 1962.
Jeanne de Béthune, vicomtesse de Meaux (1397-1450): link
Jeanne de Luxembourg-Saint-Pol: link
Beaurevoir, par Charles Poëtte: link
Sur la vraisemblable origine royale de Jeanne d'Arc:
https://www.histoire-et-secrets.com/jeanne-darc-etait-elle-de-sang-royal/
***
Site stejeannedarc.net: link
Les arbres de Sully, par Terry Brown et présenté par Pierre-Olivier Combelles
Le Courrier de la Nature N°305, septembre-octobre 2017
https://www.snpn.com/produit/le-courrier-de-la-nature-n305-septembre-octobre-2017/?cn-reloaded=1