philosophie
La vocation de la France
Observez les lis des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
(Mt 6,28-29). Devise des Grandes Armes de France, avec "Montjoie Saint-Denis".
La vocation de la France n'est pas industrielle, ni financière, ni marchande ni même guerrière. Elle est spirituelle, intellectuelle, humaine, artistique, culturelle, généreuse et pacifique.
Pacifique veut dire aussi qu'elle se fait respecter par les armes lorsque c'est nécessaire.
La vocation de la France n'est pas de conquérir, d'asservir ou d'exterminer les autres peuples, puisqu'elle est synonyme de liberté.
La vocation de la France n'est pas non plus de piller ou de détruire les richesses naturelles, que ce soit sur son territoire métropolitain et d'outremer comme ailleurs dans le monde.
Car les fleurs de ses armes, trois lis d'or sur champ d'azur, protégés par un liséré rouge comme l'oriflamme de Saint Denis, nous disent que la France doit aimer et respecter et faire aimer et faire respecter partout Dieu, les hommes, les peuples et la nature, dans toute leur vérité, leur richesse et leur diversité.
Pierre-Olivier Combelles
Jean Rostand: La civilisation
"Outre que la civilisation ne constitue point par elle-même un facteur de progrès biologique, elle peut, indirectement, devenir un facteur de régression. Nous avons dit maintes fois que les éléments héréditaires, ou gènes, des individus humains sont de qualité fort inégale, pour les caractères intellectuels comme pour les caractères physiques. Partant, le niveau moyen de l’espèce, à tout moment, dépend de la proportion existant entre les bons et les mauvais gènes. D’une part, le nombre des mauvais gènes tend à s’accroître sans cesse par le seul effet de la mutation, qui se fait beaucoup plus souvent vers le pire que vers le meilleur ; d’autre part la sélection naturelle tend à éliminer les mauvais gènes, lesquels, d’ordinaire, réduisent plus ou moins la capacité reproductrice des individus qui les portent, soit en restreignant leur fécondité, soit en diminuant leur vigueur globale ou leur faculté d’adaptation. Au début de l’histoire humaine, dans les conditions de la vie sauvage, la sélection naturelle jouait avec assez peu de rigueur pour que, malgré l’abondance des mutations délétères, l’espèce maintint son niveau, ou même peut-être marquât quelque amélioration génétique. Les individus chétifs, mal venus, n’arrivaient pas à l’âge reproducteur, et leurs mauvais gènes s’éteignaient avec eux. Henri Vallois a constaté que, parmi les squelettes préhistoriques, on n’en trouve presque pas de vieillards. Si les conditions de l’existence étaient jadis trop rudes pour la vieillesse, à plus forte raison l’étaient-elles sans doute pour la débilité. Le débile, comme le vieillard, est un produit de la civilisation.
De surcroît, la sélection s’exerçait non seulement à l’intérieur de chaque groupe humain, mais aussi de groupe à groupe ; et, dans ce cas, elle favorisait souvent le progrès des caractères intellectuels et sociaux : les tribus courageuses, animées de sentiments collectifs, commandées par des chefs héroïques et astucieux, l’emportaient sur les autres.
La situation changea du tout au tout à mesure que se formèrent les vastes collectivités organisées qui caractérisent la civilisation moderne.
D’abord, la sélection de groupe à groupe se fit inopérante, les guerres entre nations n’ayant d’autre résultat que d’évincer, de part et d’autre, les plus braves et les plus robustes. Et, surtout, la médecine, la chirurgie, l’hygiène, l’assistance, le développement des idées philanthropiques devaient concourir à gêner toujours davantage la fonction épuratrice de la sélection naturelle.
Nos sociétés actuelles donnent la possibilité de survivre et de reproduire à des milliers d’êtres qui eussent été autrefois implacablement éliminés dès le jeune âge. La diminution de la mortalité infantile, les vaccinations généralisées entraînent un affaiblissement de la résistance moyenne de l’espèce. Grâce à l’obstétrique, des femmes deviennent mères en dépit d’un bassin trop étroit, et, grâce au lait stérilisé, nourrices, en dépit de glandes mammaires insuffisantes. Il n’y a plus de sanction naturelle pour les petites tares physiologiques, comme la mauvaise denture ou la myopie.
Il n’est pas jusqu’à la sélection sexuelle, fondée sur le choix réciproque des procréateurs, qui n’ait perdu de son efficace dans nos sociétés inégalitaires. Les avantages sociaux ou financiers priment les naturels, et la situation ou les « espérances » font plus pour unir les humains que la beauté des corps ou que la finesse des esprits.
En bref, défaut général de sélection, et même, en certain cas, contre-sélection ou sélection à rebours : voilà le lot de nos sociétés actuelles. Aucun frein n’y contrariant la multiplication des mauvais gènes qui se produisent constamment par mutation, il s’ensuit un avilissement progressif de l’espèce.
Cet avilissement doit dater de loin ; il ne fera que s’accentuer toujours davantage". (…)
Jean Rostand, L’Homme (Gallimard, 1940/1961)
Plutarque: Les dicts des Lacédémoniens (traduction par Amyot)
LES
ŒVVRES MORALES
ET MESLEES DE
PLVTARQUE,
Tranflatées de Grec en François, reueuës & corrigees en plusieurs paffasages par le Tranflateur.
Comprifes en deux Tomes, & enrichies en cefte edition de Prefaces generales, de Somaires au comencement d'vn chafcun des Traitez, & d'Annotations en marge, qui moftrent l'artifice & la fuite des disccours de l'autheur.
Auec quatre Indices : le premier, des autheurs alleguez & expofez : le fecond, des Similitudes : le troifiefme, des Apophtegmes : & le dernier des chofes memorables mentionnees efdites œuures.
De l'Imprimerie de François Eftienne
M.D.L.XXXII
Dédicace au Roy tres-chrestien Charles IX. de ce nom
Iacques Amyot E. d'Auxerre, voftre grand Aumofnier
Choix de textes, recomposition et mise en page par
Pierre-Olivier Combelles
Juin 2009
LES DICTS NOTABLES DES LACEDEMONIENS
SOMMAIRE
Plutarque a meslé dedans le recueil precedent quelques dicts notables d'Agesilaus & autres Lacedaemoniens, parmi ceux des hommes illuftres Grecs. Mais maintenant il donne un traité à part aux Lacedaemoniens, qui le meritent bien auffi, pour avoir efté gens qui ont le moins mal ufé de leur langue entre les peuples deftituez de la conoiffance de Dieu. Il fait auffi une plus ample defcription de leurs apophtegmes, monftrant affez par tant de belles & viues rencontres que ce n'eft pas de merueilles qu'une si petite Republique que celle de Sparte ait flori fi longtemps, eftant gouuernee & peuplee d'hommes tant adroits de corps & d'efprit, & qui favoient encores mieux faire que dire. Au demeurant, ce recueil-ci eft diftingué en quatre parties principales, dont la premiere reprefente les dicts remarquables des Rois, Capitaine, Seigneurs & gens de nom en Lacedaemone : la feconde, font les apophtegmes des Lacedaemoniens dont les noms font inconnus : la troifiefme defcrit briefuement quelques couftumes & ordonnances feruans à la manutention de leur eftat : la quatriefme contient quelques propos d'aucunes de leurs femmes, où l'on void tant plus la valeur & magnanimité de ce peuple. Quant au profit qu'on peut tirer de ces apophtegmes, il eft grand en toutes forte, & n'y a perfonne de quelque aage ou condition qu'elle foit, qui ne puiffe y aprendre beaucoup, notamment à peu parler, bien dire, & fe porter vertueufement : comme la lecture en fait foy, fans que nous aions voulu efclaircir les chofes en marge, pource que c'euft efté un labeur ennuyeux au lecteur & de trop grande eftendue.
p. 212 [AGESILAS] Comme il était encore jeune enfant, en une fête publique où les jeunes gens, fils & filles, dansaient tous nus, le superintendant de la danse lui donna un lieu qui n'était pas fort honorable, duquel néanmoins il se contenta, combien qu'il fût déjà déclaré Roi, & dit : Voilà qui va bien, car je montrerai que ce ne sont pas les lieux qui honorent les hommes, mais les hommes les lieux .
p. 212 [AGESILAS] Voulant entreprendre la guerre contre le Roi de Perse pour la délivrance des peuples Grecs habitans en l'Asie, il en alla demander conseil à l'oracle de Jupiter, qui est en la forêt de Dodone : & comme l'oracle lui eût répondu ainsi qu'il désirait, qu'il entreprît le voyage, il en communiqua la réponse aux Ephores, qui sont les contrôleurs : lesquels lui ordonnèrent qu'en passant il en demandât aussi le conseil à celui d'Apollo en la ville de Delphes. Il s'en alla au temple où se rendaient les oracles, & fit ainsi sa demande, O Apollo, es-tu pas de même avis que ton père ? Et comme il lui eût répondu, qu'oui : il fut élu pour conducteur de cette guerre, & s'y en alla.
p. 212 (verso) [AGESILAS] Tel était Agésilas en la plupart des affaires de ses amis : toute fois il efcheoit bien des occasions, qu'il regardait plutôt à l'utilité publique : comme il montra un jour à quelque partement qu'il fut contraint de faire à la halte & en trouble, tellement qu'il lui fut force d'abandonner un qu'il aimait étant malade : & comme l'autre l'appelait par son nom ainsi comme il partait, & le suppliait de ne le vouloir point abandonner, Agesilas en se retournant dit, O qu'il est malaisé d'aimer et d'être sage en même temps !
p. 213 [AGESILAS] Comme quelqu'un demandait en sa présence, Qu'est ce que les lois de Lycurgue ont apporté de bon à la ville de Sparte ? Il répondit, Ne faire compte des voluptés : & à un autre qui s'émerveillait de voir la simplicité grande, tant du vivre que du vêtir de lui & des autres Lacédémoniens : Le fruit que nous recueillons, dit-il, de cette si étroite manière de vivre, est la liberté.
p. 213 [AGESILAS] On lui demanda une fois jusqu'où s'étendaient les confins de Lacédémone : en brandissant une javeline qu'il tenait en la main il répondit, Voilà les murailles des Lacédémoniens.
p. 213 (verso) [AGESILAS] On lui demanda comment il avait acquis une si grande réputation, En méprisant la mort, dit-il.
p.213 (verso) [AGESILAS] Enquis aussi, pourquoi les Spartiates combattaient au son des flûtes : afin, dit-il, que marchant en bataille à la cadence et mesure on connaisse ceux qui sont vaillants d'avec ceux qui sont couards.
p. 213 (verso) [AGESILAS] fut contraint de partir de l'Asie, disant, qu'un bon prince se doit laisser commander par les lois.
p. 214 [AGESILAS] Entendant qu'il y avait eu une bataille donnée auprès de Corinthe, en laquelle il était demeuré bien peu des Lacédémoniens, mais des Athéniens, des Argiens, des Corinthiens, & de leurs alliés un bien grand nombre : on ne le vit oncques faire bonne chère, ni s'enfler de joie pour la nouvelle de cette victoire, ains soupirant du profond du cœur, dit, O malheureuse Grèce, qui de ses propres mains a défait tant de gens, qu'ils seraient suffisants pour défaire en un jour de bataille tous les Barbares ensemble !
p. 214 [AGESILAS] Il avait autour de lui Xénophon le philosophe qu'il aimait et qu'il estimait beaucoup, il le pria d'envoyer quérir ses enfants pour les faire nourrir en Lacédémone, & y apprendre la plus belle discipline du monde, de savoir obéir & commander. Une autre fois lui étant demandé, pourquoi il estimait les Lacédémoniens les plus heureuses gens du monde : c'est, dit-il, pour ce qu'ils font profession et exercice, plus que tous les hommes du monde, d'apprendre à bien commander, & à bien obéir.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Un autre lui montrait les murailles de sa ville fortes à merveille et magnifiquement bâties, en lui demandant si elles ne lui semblaient pas bien belles : oui certes pour y loger des femmes, mais non pas des hommes.
p. 214 (verso) [AGESILAS] On le convia un jour à ouïr un qui contrefaisait naïvement bien le rossignol : il n'en voulut rien faire, disant, J'ai ouï le rossignol lui-même par plusieurs fois.
p. 214 (verso) [AGESILAS] On lui demanda quelquefois, laquelle des deux vertus était la meilleure à son jugement, la force, ou la justice : Il répondit, que la force ne sert de rien là où règne la justice : & que si nous étions tous justes & gens de bien, il ne serait point besoin de la force.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Les peuples Grecs habitant en Asie avaient accoutumé d'appeler le Roi de Perse, le grand Roi : Pourquoi, dit-il, est-il plus grand que moi, s'il n'est plus tempérant et plus juste ? Aussi, disait-il, que les habitants de l'Asie étaient bons esclaves, & mauvais hommes libres.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Etant enquis Comment un homme se pourrait bien faire valoir & acquérir très grande réputation, il répondit : En disant tout bien, & en faisant encore mieux.
p. 214 (verso) [AGESILAS] Quelqu'autre demandait, Que doivent apprendre les enfants en leur jeunesse ? Il répondit, Ce qu'ils doivent faire quand ils sont devenus grands.
p. 215 [AGESILAS] Il aimait fort tendrement ses petits enfants, de sorte qu'il jouait avec eux parmi la maison, se mettant une canne entre les jambes comme un cheval : & comme quelqu'un de ses amis l'eût vu & trouvé en cet état, il le pria de n'en dire jamais rien à personne jusqu'à ce que lui-même eût des enfants aussi.
p. 215 [AGESILAS] Mais en faisant continuellement la guerre aux Thébains, il y fut fort grièvement blessé en une bataille. Ce que voyant Antalcidas, lui dit : Certainement tu reçois bien des Thébains le salaire que tu mérites, pour leur avoir enseigné malgré eux à combattre, ce qu'ils ne savaient ni ne voulaient apprendre à faire. Car à la vérité l'on dit, que les Thébains devinrent alors plus belliqueux que jamais ils n'avaient été auparavant, s'étant adressés et exercés aux armes par les continuelles inuafions des Lacédémoniens : aussi était-ce la raison pour laquelle l'ancien Lycurgue en ses lois, que l'on appelait Retres, leur défendait de faire souvent la guerre contre une même nation, de peur qu'ils ne la contraignissent en ce faisant d'apprendre à la faire.
p. 216 [AGIS, fils d'Archidamus] On lui demanda quelle science on exerçait principalement en la ville de Sparte : à savoir, dit-il, obéir et commander. Aussi, disait-il, que les Lacédémoniens ne demandaient jamais combien étaient les ennemis, mais où ils étaient.
p. 216 [AGIS, fils d'Archidamus] Un Ambassadeur de la ville d'Abdere était venu à Sparte, qui avait fort longuement parlé, & après qu'il se fut tu, à la fin il lui demanda, Sire, quelle réponse veux-tu que je rapporte à nos citoyens ? Tu leur diras, dit-il, que je t'ai laissé dire tout ce que tu as voulu, & tant que tu as voulu, & que je t'ai toujours écouté sans jamais dire mot.
p. 216 (verso) [AGIS, fils d'Archidamus] Quelqu'un lui demanda, comment il pourrait demeurer franc & libre toute sa vie : En méprisant la mort, dit-il.
p. 216 (verso) [ALEXANDRIDAS, fils de Leon] Quelque autre lui demandait, pourquoi ils donnaient la charge de leurs terres à leurs Ilotes, & qu'ils ne les prenaient à labourer & cultiver eux-mêmes : Pour ce, dit-il, que nous les avons acquises, non en les cultivant elles, mais en nous cultivant nous mêmes.
p. 217 [ALEXANDRIDAS, fils de Leon] Il répondit aussi à quelque autre qui lui demandait pourquoi les Lacédémoniens étaient si hardis & si assurés aux périls de la guerre : Pource, dit-il, que nous apprenons à avoir honte, & non pas peur de notre vie, comme les autres.
p. 217 [ANTALCIDAS] Et à un Athénien, qui appelait les Lacédémoniens grossiers & ignorants : Nous sommes vraiment seuls en toute la Grèce qui n'avons appris de vous rien de mal.
p. 217 [ANTALCIDAS] Lui-même disait que les murailles de Sparte étaient les jeunes hommes, & les confins étaient les fers de leurs piques. Et à un autre qui demandait, pourquoi les Lacédémoniens combattaient de si courtes épées : à fin, dit-il, que nous joignons nos ennemis de plus près.
p. 217 (verso) Un autre reprenait Hecateus, le maître de Rhétorique, de ce qu'ayant été convié à manger avec eux en leurs convives qu'ils appellent, il ne dit jamais mot tout le long du dîner : il lui répondit, Il semble que tu ignores, que celui qui sait bien parler, sait aussi le temps quand il faut parler.
p. 217 (verso) ARCHIDAMUS, fils de Zeuxidamus dit à un qui lui demandait, qui c'était qui gouvernait la ville de Sparte, Ce sont les lois, & puis les magistrats suivant les lois. Entendant un qui louait grandement un joueur de cithre, & avait en singulière admiration l'excellence de son art : O mon ami, quel loyer d'honneur auront envers toi les preux & vaillants hommes, puisque tu loues si hautement un joueur de cithre ?
p. 217 (verso) [ARCHIDAMUS, fils de Zeuxidamus] Dionysus le tyran de la Sicile avait envoyé à ses filles des robes, il ne les voulut pas recevoir disant, j'aurais peur que quand elles les auraient vêtues, elles ne m'en semblassent plus laides. Et voyant son fils encore jeune en une bataille combattre désespérément à l'encontre des Athéniens, il lui dit, Ou augmente ta force, ou diminue ton courage.
p. 217 (verso) ARCHIDAMUS, le fils d'Agesilaus, comme le roi Philippe après la bataille qu'il gagna contre les Grecs auprès de Chéronée, lui eût écrit une missive fort âpre & rigoureuse, il lui récrivit, Si tu mesures ton ombre, tu trouveras qu'elle ne sera pas devenue plus grande depuis que tu as vaincu.
p. 218 [BRASIDAS] Se partant pour aller à la guerre, il écrivit aux Ephores, Ce que vous m'écrivez touchant la guerre, je le ferai, ou j'y mourrai. Et après qu'il fût mort en délivrant de servitude les Grecs habitants au pays de Thrace, les Ambassadeurs qui furent envoyés de la part du pays, pour rendre grâce aux Lacédémoniens allèrent visiter sa mère Archiléonide : laquelle leur demanda premièrement, si son fils Brasidas était mort vaillamment : & comme ces ambassadeurs Thraciens le louaient si hautement, qu'ils disaient qu'ils n'avaient point laissé son pareil : Vous vous abusez, dit-elle, mes amis, car Brasidas était bien homme de bien, mais il y en a plusieurs en Sparte qui sont encore meilleurs que lui.
p. 218 DAMIS fit réponse aux lettres qui leur avaient été écrites de la part d'Alexandre le grand, qu'ils eussent à déclarer par leurs suffrages, Alexandre être Dieu : Nous concédons à Alexandre de se faire appeler Dieu s'il veut.
p. 218 (verso) EMEREPES étant Ephore coupa avec une hachette deux cordes des neuf que le musicien Phrynis avait en sa lyre, disant, Ne viole point la Musique.
p. 219 [EUDAMIDAS, fils d'Archidamus et frère d'Agis] Et comme un autre louait hautement la ville d'Athènes devant lui : Et qui pourrait, dit-il, assez, louer cette ville, que jamais homme n'aima pour y être devenu meilleur ?
p. 219 [EUDAMIDAS, fils d'Archidamus et frère d'Agis] Un citoyen de la ville d'Argos disait un jour en sa présence, que les Lacédémoniens sortant de leur pays, & de l'obéissance de leurs lois, devenaient pires en voyageant par le monde : mais au contraire, vous autres Argiens venant en notre ville de Sparte n'en empirez pas, mais en devenez plus gens de bien.
p. 219 ZEUXIDAMUS répondit aussi à un qui lui demandait, pourquoi ils ne rédigeaient par écrit les statuts et les ordonnances de la prouesse, & qu'ils ne les baillaient écrits à lire à leurs jeunes gens : pource, dit-il, que nous voulons qu'ils s'accoutument aux faits, & non pas aux écritures. Un Étolien disait, que la guerre était meilleure que la paix, à ceux qui se voulaient montrer gens de bien : non pas cela seulement, dit-il, par les Dieux, mais meilleure est la mort que la vie.
p. 219 HERONDAS se trouva d'aventure à Athènes, quand il eut un des citoyens qui fut condamné d'oisiveté : & en entendant le bruit, il pria qu'on lui montrât celui qui avait été condamné en cause de gentillesse.
p. 219 THEARIDAS aiguisait la pointe de son épée, quelqu'un lui demanda si elle était bien aiguë : Plus aiguë, que n'est une calomnie.
p. 219 [THEOPOMPUS] A un étranger qui lui disait qu'en son pays on le surnommait Philolacon, c'est à dire, aimant les Lacédémoniens : Il vaudrait mieux, dit-il, qu'on te surnommât aimant tes citoyens, qu'aimant les Lacédémoniens.
p. 219 (verso) [THEOPOMPUS] quelqu'un disait devant lui, que la ville de Sparte se maintenait en son entier, pour ce que les Rois y savaient bien commander : non pas tant, dit-il, que pour ce que les citoyens y savent bien obéir.
p. 219 (verso) [HIPPOCRATIDAS] Il rencontra quelquefois en son chemin un jeune garçon, après lequel venait un qui l'aimait: le jeune garçon en eut honte: & lors il lui dit, Il te faut aller en compagnie de ceux, avec lesquels quand on te verra, tu n'en changes point de couleur.
p. 220 CLEOMENES fils d'Anaxandrides avait l'habitude de dire, qu'Homère était le poète des Lacédémoniens, pour ce qu'il enseigne comment il faut faire la guerre : & Hésiode celui des Ilotes, pour ce qu'il écrit de l'agriculture.
p. 220 (verso) [CLEOMENES] Meander le tyran de Samos, pour la descente des Perses s'enfuit dans la ville de Sparte là où il montra à Cleomenes tout l'or & l'argent qu'il avait apporté quand & lui, & si le pria d'en prendre tant qu'il lui plairait. Il n'en voulut rien prendre, mais craignant qu'il n'en donnât à d'autres de la ville, il s'en alla devers les Ephores, & leur dit, il vaudra mieux pour le bien de Sparte, que l'on fasse sortir hors du Péloponnèse mon hôte Samien, de peur qu'il n'induise quelqu'un des Spartiates à être méchant. Les Ephores ayant ouï son avertissement, le bannirent dès le même jour.
p. 220 (verso) [LEOTYCHIDAS] On lui demanda quelquefois, que c'était que les jeunes enfants de noble maison devaient apprendre : ce qui leur doit bien profiter, dit-il, quand ils seront grands. Et à un autre qui l'enquerrait, pour quelle raison les Spartiates buvaient si peu : afin, dit-il, que les autres ne délibèrent de nous, mais nous des autres.
p. 221 LEON fils d'Eucratidas étant enquis, en quelle ville on pourrait habiter sûrement : En celle-là, dit-il, dont les habitants ne seraient ni plus riches ni plus pauvres les uns que les autres :& là où la justice ait vigueur, l'injustice n'ait point de force.
p. 221 [LEON] Etant enquis pourquoi les gens de bien préféraient une mort honorable à une vie honteuse : pource, dit-il, qu'ils estiment le mourir commun à la nature, mais le bien mourir propre à eux.
p. 221 (verso) D'où vint que la femme de Léonidas nommée Gorgo, ainsi que l'on trouve par écrit, répondit à quelques Dames étrangères qui lui disaient : Il n'y a que vous autres femmes Laconiennes qui commandiez à vos maris : aussi n'y a t-il que nous qui portions des hommes.
p. 222 (verso) [LYCURGUE] Il priva aussi & bannit ceux qui n'étaient point mariés de la vue des danses où les jeunes filles dansaient nues, & qui plus est leur imposa encore note d'infamie, en les privant notamment de l'honneur & du service que les jeunes étaient tenus de porter & de faire aux vieux. En quoy faisant, il eut grande prévoyance à inciter les citoyens à se marier pour engendrer des enfants : à l'occasion de quoi il n'y eut onc personne qui trouvât mauvais, ni qui blamât ce qui fut dit à Dercillidas, combien qu'il fût au demeurant bon & vaillant capitaine : car lui entrant en quelque lieu, il y eut un des jeunes gens qui ne se daigna lever de son siège par honneur au-devant de lui : pource, lui dit-il, que tu n'as point engendré qui se levât au-devant de moi.
p. 223 [LYCURGUE] & était en ce temps-là l'honnêteté & la pudicité des Dames si grande & si éloignée de la facilité que l'on dit avoir été depuis parmi elles, que l'on tenait l'adultère pour une chose impossible & incroyable. Auquel propos on récite d'un fort ancien Spartiate nommé Gerardas, à qui un étranger demanda quelle punition on faisait souffrir aux adultères en la ville de Sparte, pource qu'il voyait que Lycurgus n'en avait fait aucune ordonnance : & qu'il lui répondit, Il n'y a point d'adultère parmi nous : l'autre lui répliqua, Voire mais s'il y en avait ? il répondit toujours de même. Car comment, dit-il y aurait-il des adultères à Sparte, vu que toutes richesses, toutes délices, tous fards, & tous embellissements extérieurs y sont déprisés & deshonorés ? & vu que honte de mal faire, honnêteté , & révérence, & obéissance envers ses supérieurs, y ont toute autorité ?
p. 223 [LYCURGUE] Il leur commanda aussi qu'en leurs guerres, quand ils auraient vaincu & rompu leurs ennemis, qu'ils les chassassent jusqu'à assurer leur victoire toute certaine, & puis qu'ils se retirassent tout court, disant que cela n'était acte ni de gentil cœur, ni de nation généreuse comme la Grecque, de tuer ceux qui leur quittaient la place : & cela encore leur était utile, pource que ceux qui savaient leur coutume, qui était de mettre à mort ceux qui s'opiniâtraient à leur faire tête, & laissaient aller ceux qui fuyaient devant eux, trouvaient le fuir plus utile que l'attendre.
P. 224 (verso) PAUSANIAS fils de Plistonax à un qui l'interrogeait : pourquoi il n'était pas loisible en leur pays de remuer aucune des lois anciennes : c'est, dit-il, pource qu'il faut que les lois soient maîtresses des hommes, & non pas les hommes maîtres des lois.
p. 224 (verso) PLISTONAX fils de Pausanias, comme un certain orateur Athénien appelant les Lacédémoniens ignorants : Tu dis vrai, lui répondit-il, car nous sommes seuls entre tous les Grecs, qui n'avons rien appris de mal de vous.
p. 225 [POLYDORUS, fils d'Alcamenes] Etant enquis pourquoi les Lacédémoniens s'exposaient ainsi hardiment aux périls de la guerre : pource, dit-il, qu'ils ont appris à avoir honte, & non pas crainte de leurs supérieurs.
p. 225 CHARILLUS enquis, pourquoi Lycurgus leur avait fait si peu de lois : pource, dit-il, qu'il ne faut pas beaucoup de lois à ceux qui ne parlent guère. Un autre lui demandait, pourquoi ils faisaient sortir les filles en public à visage découvert, & les femmes voilées : pource, dit-il, qu'il faut que les filles trouvent mari, & que les femmes gardent celui qu'elles ont. Un des Ilotes se portant quelquefois par trop audacieusement envers lui, il lui dit, Si je n'étais courroucé je te tuerais tout à cette heure.
p. 226 Deux frères avaient querelle et de débattaient ensemble : les Ephores condamnèrent leur père à l'amende, de ce qu'il endurait que ses enfants eussent querelle ensemble.
p. 226 (verso) On demanda quelquefois à un Laconien, ce qu'il savait faire : il répondit, être libre.
p. 226 (verso) Un Laconien avait sur sa rondelle pour son enseigne une mouche peinte, non point plus grande que le naturel, & quelques-uns s'en moquant de lui, disaient qu'il avait pris cette enseigne-là, afin de n'être point connu : mais au contraire, dit-il, c'est afin d'être mieux remarqué : car je m'approche si près des ennemis, qu'ils peuvent bien voir combien ma marque est grande. Un autre, comme on lui eût présenté à la fin d'un banquet une lyre pour en sonner, selon la coutume de toute la Grèce : les Laconiens, dit-il, n'ont point appris de folâtrer.
p. 226 (verso) Un autre étant blessé d'un coup de flèche à travers le corps, sur le point qu'il rendait son âme, Il ne me fâche point de mourir, dit-il, mais bien de que je meurs par la main d'un archer efféminé, avant que d'avoir rien fait de ma main.
p. 226 (verso) Tynnichus Laconien, son fils lui ayant été tué à la guerre, supporta sa mort vertueusement, & en fut fait un tel Epigramme :
On rapporta, Trasibulus, ton corps
Dans ton pavois étant l'âme dehors,
Que ceux d'Argos en avaient déchassée
Avec sept coups de mortelle saussée,
Tous par devant : Et ton père constant
Vieillard nommé Tynnichus, le mettant
Dedans le feu, plein de sang, le visage
Tout sec, usa de ce mâle langage :
C'est de ces couards qu'il faut pleurer la mort,
Non pas de toi, mon enfant, qui es mort
Comme mon fils, en vrai homme de bien,
Et comme vrai Lacédémonien.
p. 227 Un bélître demanda quelquefois l'aumône à un Laconien, qui lui dit, Voire mais si je te la donne, tu mendieras encore plus : & le premier qui te la donna a été cause de cette vilaine vie que tu mènes maintenant, t'ayant rendu paresseux & truand.
p. 227 (verso) On demanda quelquefois à un Spartiate, quel poète était Tyrtaeus : bon, dit-il, pour aiguiser les courages des jeunes gens.
p. 228 Il leur était permis d'aimer les enfants de bonne & gentille nature, mais abuser de leurs personnes était tenu pour chose très infâme, comme de gens qui en aimaient le corps & non pas l'âme : de sorte que qui en était accusé, en demeurait noté d'infâmie pour toute sa vie. La coutume était que les vieux demandaient aux jeunes quand ils les rencontraient, où ils allaient, & quoi faire, & les tançaient qu'ils faillaient à répondre, ou s'ils allaient bâtissant des excuses : & qui ne tançait celui qui commettait quelque faute en sa présence, était sujet à la même réprehension que celui qui avait failli, même celui qui se courrouçait ou montrait de prendre à mal quand on le reprenait, en était reproché et désestimé.
p. 228 Et fallait que les jeunes hommes révérassent non seulement leurs propres pères, & se rendissent sujets à eux, mais aussi qu'ils portassent révérence à tous autres vielles gens, en leur cédant le dessus, & se détournant d'eux par les chemins, en se levant de leurs sièges au-devant d'eux, & s'arrêtant quand ils passaient : & pourtant un chacun commandait non seulement comme aux autres villes à ses propres enfants, à ses propres serviteurs, & disposait de ses propres biens, ains aussi à ceux de son voisin, ne plus ne moins que aux siens propres, & s'en servait comme de choses communes entre eux, afin qu'ils en eussent soin chacun comme de leurs propres. Et pourtant si un enfant ayant été châtié par un autre l'allai rapporter à son père, c'était honte au père s'il ne lui donnait encore d'autres coups : car par la commune discipline de leur pays, ils s'assuraient, que un autre n'avait rien commandé qui ne fût honnête à leurs enfants.
p. 228 Ils étudiaient aussi à composer de belles chansons, & non pas moins à les chanter, & y avait toujours en leurs compositions ne sait quel aiguillon qui excitait le courage, & inspirait aux cœurs des écoutants un propos délibéré & une ardente volonté de faire quelque belle chose. Le langage était simple, sans fard ni affèterie quelconque, qui ne contenait autre chose que les louanges de ceux qui avaient vécu vertueusement, & qui étaient morts en la guerre pour la défense de Sparte, comme étant bienheureux, & le blâme de ceux qui par lâcheté de cœur avaient résisté à mourir comme vivant une vie misérable & malheureuse : ou bien c'étaient promesses d'être à l'avenir, ou bien vanteries d'être présentement gens de bien, selon la diversité des âges de ceux qui les chantaient : car y ayant ès fêtes solennelles & publiques toujours trois danses, celle des vieillards commençant disait,
Nous avons été jadis
Jeunes, vaillants, & hardis.
Nous le sommes maintenant,
A l'épreuve à tout venant.
Et nous un jour le serons,
Qui bien vous surpasserons.
Les chants mêmes, à la cadence desquels ils ballaient, & marchaient en bataille au son des flûtes quand ils allaient choquer l'ennemi, étaient appropriés à inciter les cœurs à la vaillance, à l'assurance, & au mépris de la mort : car Lycurgus s'étudia à conjoindre l'exercice de la discipline militaire avec le plaisir de la musique : afin que cette véhémence beliqueuse mêlée avec la douceur de la musique, en fut tempérée de bon accord & harmonie, & pourtant ès batailles, avant le choc de la charge, le Roi avait accoutumé de sacrifier aux Muses, afin que les combattants eussent la grâce de faire des choses glorieuses & dignes de mémoire. Mais si quelqu'un voulait outrepasser un seul point de la musique ancienne, ils ne le supportaient pas : tellement que les Ephores condamnèrent à l'amende Terpander, assez grossier à l'antique, mais le meilleur joueur de cithre de son temps, & qui plus prenait de plaisir à louer les faits héroïques
p. 229 (verso) Mais une des plus belles & des plus heureuses choses dont Lycurgus ait fait provision à ses citoyens, c'est l'abondance de loisir : car il ne leur est aucunement permis de se mêler d'aucun art mécanique : & de trafiquer laborieusement & péniblement pour amasser des biens, il n'en était point de nouvelle, parce qu'ils avaient tant fait, qu'il leur avait rendu la richesse ni honorable ni désirable : & les Ilotes leur labouraient leurs terres, leur en rendant ce qui était d'ancienneté établi & ordonné : & leur était défendu d'en exiger plus de louage, afin que les Ilotes pour le gain qu'ils y faisaient en servissent plus volontiers, & qu'eux ne convoitassent point à en avoir davantage. Il leur était aussi défendu d'être mariniers, d'aller sur mer, ni d'y combattre : mais depuis pourtant ils combattirent par mer, & se rendirent Seigneurs de la marine : toutefois ils s'en déportèrent bientôt, d'autant qu'ils voyaient que les mœurs de leurs citoyens s'en gâtaient et s'en corrompaient : mais depuis encore se changèrent-ils en cela comme en toutes autres choses. Car les premiers qui amassèrent de l'argent aux Lacédémoniens, furent condamnés à mort, d'autant qu'un ancien oracle avait été répondu aux Rois Alcamenes & Theopompus.
Avarice fera la ruine de Sparte.
Et néanmoins après que Lysander eût pris la ville d'Athènes, il en emmena à Sparte grande quantité d'or & d'argent qu'ils reçurent, & en honorèrent le personnage qui la leur avait apportée. Mais tant que la cité de Sparte a gardé les lois de Lycurgus, & observé le serment qu'elle avait juré, elle a été toujours la première de toute la Grèce en gloire & en bonté de son gouvernement, l'espace de plus de cinq cents ans : & venant à les transgresser, l'avarice et la convoitise d'avoir se coula petit à petit parmi eux, & aussi en diminua leur autorité & leur puissance : car leurs alliés & confédérés commencèrent à leur en mal vouloir. Mais toutefois encore qu'ils fussent en tel état, après que Philippus eût gagné la bataille contre les Grecs, auprès de Chéronée, & que toutes les autres villes de la Grèce l'eussent de commun consentement élu pour capitaine général de toute la Grèce, tant par mer comme par terre, & depuis Alexandre son fils après la destruction de la ville de Thèbes, les Lacédémoniens seuls, encore qu'ils eussent leur ville toute ouverte, sans aucunes murailles, & qu'ils fussent en bien petit nombre, pour les continuelles guerres qu'ils avaient eues, & qu'ils fussent beaucoup plus faibles, & par conséquent plus aisés à prendre et à défaire, qu'ils n'avaient appris d'être, néanmoins pour avoir retenu encore quelques petites reliques du gouvernement établi par Lycurgue, ils ne voulurent jamais se soumettre à aller à la guerre sous ces deux grands Rois là, ni aux autres Rois de Macédoine qui vinrent après, ni ne se voulurent trouver ès communes assemblées avec eux, ni ne contribuèrent aucun argent, jusqu'à qu'ayant de tout point mis à nonchaloir les lois de Lycurgus, ils furent réduits en tyrannie par leurs propres citoyens, quand ils ne retinrent du tout plus rien de leur ancienne institution & discipline, & qu'étant devenus tous semblables aux autres peuples, ils perdirent entièrement toute leur ancienne réputation & gloire, & leur franchise de parler : & furent finalement redigez en servitude, comme ils sont encore de présent sujets aux Romains, aussi bien comme tous les autres peuples & villes de la Grèce.
Ω
Igor Chafarevitch s'entretenait avec Gennady Starostenko
As a schoolboy, he took exams at the mechanics and mathematics department of Moscow State University. And after graduating from school in 17 years, he was taken immediately to the last course of this faculty. In 19 years he defended his thesis, in 23 of the year - a doctoral thesis ... Then scientific and teaching activities, titles, awards. However, at the same time there is continuous internal work going on in it, prompted by the awareness of imperfection, injustice, falsehood of the surrounding life.
The desire to understand the causes of what is happening leads him to the circle of dissidents. He opposes the persecution of dissidents, the use of psychiatry as a means of political repression, becoming a member of the Human Rights Committee. Especially a lot of power gives protection of freedom of religion and the rights of believers in the USSR. And this is despite the fact that his father once admitted: during the years of the Civil War, he saw and experienced something that deprived him of faith in some good God for a man, God, with whom personal contact is possible.
But he himself felt differently: “It seems to me that faith helped me to experience despair throughout my life. Religious experience gives a person, the people the opportunity to perceive their life as something meaningful, to take it out of the category of the theater of the absurd. ”
Such an attitude to faith, to the love of Russian literature brought up since childhood, stories could not but tell, and his paths with liberal dissident circles diverge sharply. Because the main theme of his philosophical and journalistic reflections becomes the fate of the Russian people, the insulting and humiliated state in which he found himself.
Shafarevich comes to the conclusion that the most important thing for modern Russia is to defend the right to comprehend its history, its historical experience. And contribute to the change of national consciousness, crushed by blocks of lies and deception. It is necessary for the Russians to be ready for the inevitable turn of history, which otherwise could be disastrous for them.
The most recent scandals in society connected with the Victory Day only confirm the loyalty of his words: “But while looking at Russia as a mistake of history is considered advanced, cultural, intelligent, even the only decent one, until then, of course, no healthy development can be . Either the country will perish, or this spiritual illness can be overcome. ”
During the meeting with the journalist, Igor Shafarevich was cheerful, open and friendly. These days he completely immersed himself in the editing of his book on mathematics, published in Germany, but he did not refuse from a difficult conversation about the present and future of our country, our people.
- Igor Rostislavovich, what contributed to the awakening of civil and national feelings in you in your younger years? After all, it was necessary to overcome the instinct of self-preservation, elementary fear?
- Once I met a man who spent a lot of time in camps - more than thirty years. He was a nobleman and deeply Russian man. I remember, I asked him: apparently, the feeling of being a Russian person is still being laid since childhood, when you listen to folk tales and epics? He smiled: as a child I listened to Contes de Perrault (Perro's tales) ... But as a child I listened to real Russian tales. I think this was the reason for my awareness of myself as a Russian person.
I remember that in my room, in the communal apartment where we lived, there was a round rotating shelf. And there was a book of Russian epics, which I constantly re-read. On the other hand, I think that the national feeling should be innate, it is embedded in your genes. I remember what a great impression the film “Alexander Nevsky” made on all of us - especially in those places where high words about the Motherland were spoken.
Then I began to awaken the realization that in the surrounding life a lot of ostentatious, false, that the Russian people are being manipulated. The authorities are still acting the same way - with suspicion of Russians, ready to manipulate their feelings, often believing that Russian self-consciousness is already extremism and that it is necessary to fight it. At the same time, we live in a country where eighty percent of the Russian population ... This is a tremendous force, which is why the efforts of our opponents to subordinate us to our will are so great.
- Your talent in the field of accurate knowledge manifested itself very early. A person who has gained fame at an early age can indulge in self-delusion, feel elected, believe in his superiority over others ...
- Election? I think that this is not in Russian heredity, not in our roots. On the contrary, many of us have in our blood a readiness for self-sacrifice. I was told how once, during the Great Patriotic War, the enemy tank the attack was repulsed, and the turning point in it was when one of the fighters shouted "... so is your mother!" threw himself with a grenade under the tank. Namely - without swearing allegiance to some lofty ideals, but like that, under rude scolding, giving his soul "for his own." They always appeal to this feeling of Russians - to their patriotism - whenever they want to use them in their own interests.
The likelihood that people will start their own interests and rights to defend is great, so the authorities somehow have to deal with this, they feel the danger ...
I do not remember how in the current, but in the so-called Brezhnev constitution, even before perestroika, the attitude to the word “Russian” was as if it were indecent. Then the government began to remove some verbal prohibitions - but these were only minor external concessions. Nevertheless, there was a sharp reaction to attempts to regain old-fashioned, pre-revolutionary symbols and meanings. A meeting of historians was even organized in the Central Committee of the CPSU, which emphasized the ideological character, its materials were later published in the journal Voprosy istorii. It said that unacceptable revisionist deviations are beginning - that tsarist Russia, for example, is no longer viewed as a “prison of nations” ...
- The ancients said: Errare humanum est. That is, it is human to err. Time passes and you have to admit that any actions you have committed are erroneous. So, for example, the writer Leonid Borodin spoke a year or two before his death: yes, they say, imprisoned — and right, in general, they did ... The subtext is understandable — in the words of Zinoviev, dissidents were tagged into communism, and got into Russia. At that time, many thinking people went from “red” to an understanding of the national, and some of the nationalists began to understand what genuine values were lost with the Soviet era. And you yourself wrote that the epoch of socialism was not a single monolith of seventy years in our country. What it divides, if simplified, into two parts - in many respects opposite to each other. Where do people come from that can explain to others all the truths and iniquities of life? All its difficulties and contradictions?
- There was a time when this question was painfully experienced by me ... Even now it is not clear to me whether people thinking not only of themselves, but also of the fate of the people, are part of the same people? Or is it some kind of separate people that need to be studied separately? I think that people who are capable of thinking about the fate of the people simply do not separate themselves from their interests, from the interests of the country. But many who are in a position to think about people think mostly about their own interests. They are strangers to him. And they simply lead people away from their awareness of their higher goals. And this, in my opinion, Danilevsky realized ... There are two different cultures that live an unknown life.
- In your book “The Three Thousand-Year Enigma” there is a phrase: “Carefully, gradually it will not be possible to make Russia non-Russian”. How strong is this conviction in you now, after many years. After all, it has now become clear what powerful forces are being used as instruments of de-Russification. In 90, I would agree with you, but now ...
- But in my opinion, no - after all, it cannot be done. We are very difficult to change. Of course, television today is largely anti-Russian. Very many programs that I watch are either simply Russophobic, or with Russophobic overtones. For this and captured television. Of course, it is difficult for a Russian person to be optimistic today, but still ... Although we still have Yeltsin terminology in use - Russians. It was suggested to him once that this is the old Russian word. And he had just the psychology of that kind of kings ... Russian is not characterized by aggressive nationalism, some kind of hostile perception of other nations, but the word “Russians” dissolves the Russian dominant in itself.
I know many people who are trying to actively counteract the evil of de-Russification. I read with interest the patriotic journalism - especially such that is supported by significant information, operates with facts. But I do not agree with some of the authors. Others, for example, are already talking about some form of "guerrilla war", about tough actions that today's young people are capable of, while we, the older generations, are mired in chatter. There are some moments that give them away as extreme people, but at the same time sincere and honest.
- Several years ago, at the joint collegium of the Prosecutor General’s Office, with the participation of other weighty structures, it was stated that the number one political enemy now is Russian nationalism. In total, more than three million crimes were committed in the country that year, and only three hundred and a few, that is, one hundredth percent, were crimes related to ethnic conflicts. But it was this one hundredth percent that was presented as the main danger.
- Yes, as we have already spoken to you, the authorities are afraid of the Russian national feelings. But we should be aware that we have enough reasons for new cataclysms and it is easy to rock the boat. I must note that in an attempt to suppress Russian nationalism, the authorities may have not only vicious approaches, but also quite natural fears. Recently, I read an article by a well-known propagandist of the national idea - that the government is pushing national protest forms underground. Perhaps it is so, but, on the other hand, a hard line on such a protest may give off adventurism and lead to destruction. This kind of "guerrilla war" can develop unpredictably. Therefore, we must be realistic. Still, recently life has turned a little bit for the better, some kind of stability has appeared, people have some kind of work that feeds them. And the opinion that life under construction is now to be destroyed, even if it is bad from a moral point of view, is too harsh a view on things.
- Actually, those who have been robbed are difficult to reconcile with robbers, just like those who were slandered with slanderers ... But let's talk about something else - tell me, are there any social topics that you would undertake to explain to people? What do you think today?
- You know, it is interesting to think about what hands for some reason have not reached yet. Interest enthralls and gives strength. When such an interest arises, it stimulates both activity and thought.
- You wrote that the 21st century will witness the destruction of that civilization type that has taken shape in Western Europe and the USA ...
- Yes, and I do not refuse this thought. Only this process is slower than I imagined ... And I would like to. But this process is slow, but it is going on. Already it is clear that Western society is losing its strength.
- Indeed, the historical elasticity is lost there. It seems to me, first of all, in connection with the introduction of multicultural approaches and flows of migrants. It changes Europe. Latin America is going on in America ...
- I must say that in these processes there is some historical justice. Thanks to them, she is recovering. Recall that the land on which Mexicans live today was once rejected by America, which is about half of Texas and California. Everything is not so hopeless, so let's hope.
Interviewed by Gennady Starostenko.
Source: https://en.topwar.ru/28988-igor-shafarevich-sdelat-rossiyu-nerusskoy-ne-udastsya.html
Commentaire de Slaventi (5 juin 2013):
Shafarevich finished his main work - titled "Russophobia" in 1982. It was, of course, impossible to publish it. Only a few years later, when the air smelled of Gorbachev's liberalism, Shafarevich decided to let him into samizdat. And in 1989 - it happened: "Russophobia" appeared on the pages of the magazine "Our Contemporary". Shafarevich could not put up with the communist system of power and in the 70s was among the leading dissidents. But among the dissidents Shafarevich also soon became a dissident. While most of them, fighting for human rights, were guided by Western values of democracy and free enterprise, for Shafarevich the bright future of Russia lay in its autocratic Orthodox past. In his opinion, rapprochement with the West can only "dilute" its national identity. This is contraindicated for Russia, but a small group of intellectuals, dominated by Jews, pushes it down this disastrous path.
According to Shafarevich, the "small people", as he called such an intelligentsia, does not understand the aspirations of the "big" people, does not respect its traditions and original culture, considers it a cattle, suitable only to serve as material for irresponsible social experiments.
Shafarevich a terminé son œuvre principale - intitulée "Russophobie" - en 1982. Il était, bien sûr, impossible de la publier. Quelques années plus tard seulement, lorsque l'air sentait le libéralisme de Gorbatchev, Shafarevich décida de le faire en samizdat. Et en 1989 - c'est arrivé : La "russophobie" est apparue dans les pages du magazine "Notre contemporain". Shafarevich ne pouvait pas supporter le système de pouvoir communiste et dans les années 70, il faisait partie des principaux dissidents. Mais parmi les dissidents, Shafarevich est aussi devenu rapidement un dissident. Alors que la plupart d'entre eux, luttant pour les droits de l'homme, étaient guidés par les valeurs occidentales de démocratie et de libre entreprise, pour Shafarevich, le brillant avenir de la Russie résidait dans son passé orthodoxe autocratique. Selon lui, le rapprochement avec l'Occident ne peut que "diluer" son identité nationale. C'est contre-indiqué pour la Russie, mais un petit groupe d'intellectuels, dominé par les Juifs, la pousse sur cette voie désastreuse.
Selon Shafarevich, le "petit peuple", comme il appelle une telle intelligentsia, ne comprend pas les aspirations du "grand" peuple, ne respecte pas ses traditions et sa culture originelle, le considère comme un bétail, apte à servir uniquement de matériel pour des expériences sociales irresponsables.
(Traduction: Le Rouge et le Blanc)
Le film documentaire "Igor Shafarevich "Je vis en Russie" réalisé par Nikolai Melnikov.
Le film explore la personnalité du grand scientifique russe, mathématicien, que le monde entier connaît, et dont les travaux, tant scientifiques que philosophiques et journalistiques, passionnent plus d'une génération. La tentative de montrer I. Shafarevich sans préjugés ni fausses évaluations et constitue la tâche principale du film.
Le film comprend des images uniques, des interviews.
Scénariste et réalisateur - Nikolay Melnikov.
Caméraman - Alexander Orlov.
Producteur - Alexander Dubovitsky.
Année 1994.
Igor Chafarevitch: Le phénomène socialiste
"(I.Schafarevich) dresse une critique du socialisme dans son livre Le Phénomène socialiste, écrivant que « le dépérissement, et à la limite, la mort de l'humanité ne sont pas la conséquence fortuite, extérieure, de l'incarnation de l'idéal socialiste, mais en constituent au contraire l'élément organique essentiel. Cet élément inspire les propagandistes de l'idéologie socialiste qui le perçoivent d'ailleurs plus ou moins consciemment. La mort de l'humanité n'est pas seulement le résultat du triomphe du socialisme, elle constitue le but du socialisme. »
Dans son livre, il analyse de nombreuses formes de socialisme, depuis les temps anciens en passant par les hérésies médiévales et jusqu'aux penseurs modernes et aux états socialistes, il en résulte selon lui que l'idéologie socialiste découle d'une volonté de supprimer l'individualité humaine. Le livre comporte trois parties principales :
- Socialisme millénariste: il identifie des idées socialistes parmi les anciens grecs, spécialement Platon et parmi de nombreux hérésiaques médiévaux comme les Cathares, Libre-Esprit, Taborites, Anabaptistes, de nombreux groupes durant la Première Révolution anglaise, et des écrivains modernes comme Thomas More, Campanella, et de nombreux auteurs des Lumières en France au XVIIIe siècle.
- l'État socialiste : il décrit le socialisme des Incas, des États jésuites au Paraguay, en Mésopotamie, Egypte, et Chine.
- Analyses : il identifie trois thèmes persistants d'abolition dans le socialisme: l'abolition de la propriété privée, l'abolition de la famille et l'abolition de la religion, principalement mais pas seulement le christianisme.
Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Igor_Chafarevitch
Igor Shafarevich: The socialist phenomenon. Texte complet traduit en anglais:
http://robertlstephens.com/essays/shafarevich/001SocialistPhenomenon.html
Antoine de Rivarol (1753-1801)
"Être conservateur, selon Jünger, ce n'est pas essayer de restaurer à tout prix des formes ou des situations impossibles à maintenir. À ce moment, fait-il remarquer, les idées de 1789, depuis longtemps inappliquées, feraient partie des choses à restaurer. Ce n'est pas non plus se figer, comme les romantiques, dans le regret d'un passé révolu. C'est tout simplement refuser de nager dans le sens du courant (quel est le créateur qui s'insurgerait contre une telle définition ? ). C'est viser à l'intemporel."
Jean-Louis de Rambures, Rivarol vu par Ernst Jünger
Le Monde, 8 février 1974
https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/02/08/rivarol-vu-par-ernst-junger_2532504_1819218.html
Le temps est le rivage de l'esprit ; tout passe devant lui, et nous croyons que c'est lui qui passe.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.8, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'homme, dans sa maison, n'habite pas l'escalier, mais il s'en sert pour monter et pénétrer partout ; ainsi l'esprit humain ne séjourne pas dans les nombres, mais il arrive par eux à la science et à tous les arts.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.9, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'esprit est le côté partiel de l'homme ; le coeur est tout.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.13, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'homme qui dort, l'homme ivre, c'est l'homme diminué.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.13, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Il y aura toujours deux mondes soumis aux spéculations des philosophes : celui de leur imagination, où tout est vraisemblable et rien n'est vrai, et celui de la nature où tout est vrai sans que rien paraisse vraisemblable.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.14, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Les corps politiques recommencent sans cesse ; ils ne vivent que de remèdes.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.24, Le Livre Club du Libraire, 1962)
La raison se compose de vérités qu'il faut dire et de vérités qu'il faut taire.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.27, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'imprimerie est l'artillerie de la pensée.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.29, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Les peuples les plus civilisés sont aussi voisins de la barbarie que le fer le plus poli l'est de la rouille. Les peuples, comme les métaux, n'ont de brillant que les surfaces.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.30, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Il faut attaquer l'opinion avec ses armes : on ne tire pas des coups de fusil aux idées.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.34, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Dieu est la plus haute mesure de notre incapacité : l'univers, l'espace lui-même, ne sont pas si inaccessibles.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.36, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Un peu de philosophie écarte de la religion, et beaucoup y ramène.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.36, Le Livre Club du Libraire, 1962)
La philosophie ne répond que des individus, mais la religion répond des masses.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.37, Le Livre Club du Libraire, 1962)
C'est un terrible luxe que l'incrédulité.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.38, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Celui qui n'a qu'un désir ou qu'une opinion est un homme à caractère.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.40, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'orgueil est toujours plus près du suicide que du repentir.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.41, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Il y a quelque chose de plus haut que l'orgueil, et de plus noble que la vanité, c'est la modestie ; et quelque chose de plus rare que la modestie, c'est la simplicité.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.41, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'avare est le pauvre par excellence : c'est l'homme le plus sûr de n'être pas aimé pour lui-même.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.42, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Le mépris doit être le plus mystérieux de nos sentiments.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.42, Le Livre Club du Libraire, 1962)
On ne pleure jamais tant que dans l'âge des espérances ; mais, quand on n'a plus d'espoir, on voit tout d'un oeil sec, et le calme naît de l'impuissance.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.42, Le Livre Club du Libraire, 1962)
En général, l'indulgence pour ceux qu'on connaît est bien plus rare que la pitié pour ceux qu'on ne connaît pas.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.43, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'envie qui parle et qui crie est toujours maladroite ; c'est l'envie qui se tait qu'on doit craindre.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.44, Le Livre Club du Libraire, 1962)
" Quand je me demande, dit Montaigne, d'où vient cette joie, cet aise, ce repos que je sens lorsque je vois mon ami, c'est que c'est lui, c'est que c'est moi ; c'est tout ce que je puis dire. " Et Pythagore n'a-t-il pas dit très excellemment encore : " Quand je suis avec mon ami, je ne suis pas seul, et nous ne sommes pas deux. " Enfin Cicéron, en parlant de l'amitié, l'appelle une nécessité, et Aristote une âme en deux corps.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.44, Le Livre Club du Libraire, 1962)
On sait par quelle fatalité les grands talents sont, pour l'ordinaire, plus rivaux qu'amis ; ils croissent et brillent séparés, de peur de se faire ombrage : les moutons s'attroupent et les lions s'isolent.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.45, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Si la pauvreté fait gémir l'homme, il bâille dans l'opulence. Quand la fortune nous exempte du travail, la nature nous accable du temps.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.46, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Un bon esprit paraît souvent heureux, comme un homme bien fait paraît souvent adroit.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.47, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Pour le riche ignorant, le loisir est sans repos, le repos sans charmes, et le temps, trésor de l'homme occupé, tombe comme un impôt sur le désoeuvrement. Le savant se cherche, et le riche s'évite.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.47, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'homme passe sa vie à raisonner sur le passé, à se plaindre du présent, à trembler pour l'avenir.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.48, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Les opinions, les théories, les systèmes, passent tour à tour sur la meule du temps, qui leur donne d'abord du tranchant et de l'éclat, et qui finit par les user.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.49, Le Livre Club du Libraire, 1962)
La parole est la pensée extérieure, et la pensée est la parole intérieure.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.50, Le Livre Club du Libraire, 1962)
La grammaire étant l'art de lever les difficultés d'une langue, il ne faut pas que le levier soit plus lourd que le fardeau.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.51, Le Livre Club du Libraire, 1962)
L'imprimerie est à l'écriture ce que l'écriture avait été aux hiéroglyphes : elle a fait faire un second pas à la pensée ; ce n'est vraiment qu'à l'époque de cette invention que l'art a pu dire à la nature : " Ton exubérance et tes destructions ne m'épouvantent plus. J'égalerai le nombre de livres au nombre des hommes, mes éditions à tes générations, et mes bibliothèques, semées sur toute la surface du globe, triompheront de l'ignorance des barbares et du temps. "
(Maximes, pensées et paradoxes, p.54, Le Livre Club du Libraire, 1962)
[...] par sa nature, l'homme ne veut que deux choses, ou des idées neuves ou de nouvelles tournures : il exprime l'inconnu clairement pour se faire entendre, et il relève le connu par l'expression pour se faire remarquer.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.56, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Le talent est un art mêlé d'enthousiasme. S'il n'était qu'art, il serait froid ; s'il n'était qu'enthousiasme, il serait déréglé : le goût leur sert de lien.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.58, Le Livre Club du Libraire, 1962)
La parole est le vêtement de la pensée, et l'expression en est l'armure.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.59, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Les idées sont comme les hommes : elles dépendent de l'état et de la place qu'on leur donne.
(Maximes, pensées et paradoxes, p.59, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Le genre humain est comme un fleuve qui coule du nord au midi ; rien ne peut le faire rebrousser contre sa source.
(De l'universalité de la langue française, p.76, Le Livre Club du Libraire, 1962)
[...] c'est la prose qui donne l'empire à une langue, parce qu'elle est tout usuelle : la poésie n'est qu'un objet de luxe.
(De l'universalité de la langue française, p.86, Le Livre Club du Libraire, 1962)
[...] sensation et raisonnement, voilà de quoi tout l'homme se compose : l'enfant doit sentir avant de parler, mais il faut qu'il parle avant de penser. [...] si la parole est une pensée qui se manifeste, il faut que la pensée soit une parole intérieure et cachée. L'homme qui parle est donc l'homme qui pense tout haut et, si on peut juger un homme par ses paroles, on peut aussi juger une nation par son langage.
(De l'universalité de la langue française, p.87, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Ce qui n'est pas clair n'est pas français.
(De l'universalité de la langue française, p.113, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Il est bon de ne pas donner trop de vêtements à sa pensée ; il faut, pour ainsi dire, voyager dans les langues, et, après avoir savouré le goût des plus célèbres, se renfermer dans la sienne.
(De l'universalité de la langue française, p.121, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Le langage est la peinture de nos idées [...]
(De l'universalité de la langue française, p.122, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Pour Ernst Jünger, Rivarol, le moraliste es Maximes, l'avocat tranchant de la monarchie contre la Révolution, progressa toujours "sur la ligne de la saine raison humaine, en renonçant aux hors-d'oeuvre mystiques".
Sa pensée filtre "dans les idées conservatrices ce qui mérite d'être préservé, et ce qu'elles on de superflu et de nuisible". Aux barbaries qui menacent aujourd'hui, Jünger, dans les traces d'un génie de la langue française qu'il a lui-même traduit en allemand, oppose la raison comme instrument de résistance, de libération. La suite du recueil rassemble une étude sur l'amiral Nelson, un échange avec Heidegger, des propos sur la bibliophilie, l'entomologie...
Plus singulier encore de la part de Jünger ; deux discours rivalisant d'amour et de complicité intellectuelle dédiés à son frère, le poète Friedrich George Jünger, complètent ce puissant kaléidoscope.
(4e de couverture)
Ernst Jünger: Rivarol et autres essais (Grasset, Paris)
http://patrickguignot.free.fr/divers/junger.html
Consulter aussi:
Molard-Riocreux Ingrid, « L'autocitation rivarolienne, une héritière bâtarde de l'apophtegme à la fin du XVIIIe siècle », Littératures classiques, 2014/2 (N° 84), p. 237-252. DOI : 10.3917/licla.084.0237.
https://www.cairn-int.info/revue-litteratures-classiques1-2014-2-page-237.htm
Noblesse oblige
Ces réflexions sur la noblesse pourront paraître désuètes ou complètement hors de la réalité et même de l'histoire contemporaine - voire moderne- à certains, et ils auront raison. Mais ce qui m'intéresse, ici, ce n'est pas ce que les choses sont devenues, mais ce qu'elles doivent être: ce n'est pas parce qu'il fait nuit qu'on ne doit pas parler du soleil et attendre son retour.
Pierre-Olivier Combelles
"La noblesse est, aux yeux du peuple, une espèce de religion dont les gentilshommes sont les prêtres; et, parmi les bourgeois, il y a bien plus d'impies que d'incrédules."
Rivarol
"Quiconque laboure le matin chevauche le soir vers la place des tournois". Dicton du Moyen-Âge. Cité par Oswald Spengler: Le Déclin de l'Occident - Esquisse d'une morphologie de l'histoire universelle, Vol. II, p. 308.
" On a exagéré les vices ou les défauts dont les nobles ne sont pas plus exempts que les autres hommes ; jamais, que je sache, on n’a donné la véritable raison de la noblesse.
Les uns ont fait de la noblesse un meuble de la couronne, comme le sceptre ou le manteau royal ; les autres en ont fait une illusion de la vanité, ou une usurpation des temps féodaux. La noblesse n’est ni un ornement, ni une décoration, ni un préjugé, ni une usurpation : elle est une institution naturelle et nécessaire de la société publique, aussi nécessaire, aussi ancienne que le pouvoir lui-même ; et c’est par cette raison qu’elle existe, comme le pouvoir, sous une forme ou sous une autre, dans tout état de la société, et sous toutes les formes de gouvernement. " (...)
" Ainsi, le nobles sont les serviteurs de l’Etat, et ne sont pas autre chose : ils n’exercent pas un droit, ils remplissent un devoir ; ils ne jouissent pas d’une prérogative, ils s’acquittent d’un service. Le mot service, employé à désigner les fonctions publiques, a passé de l’Evangile dans toutes les langues des peuples chrétiens, où l’on dit le service, faire son service, servir, pour exprimer que l’on est occupé dans la magistrature ou dans l’armée. Quand Jésus-Christ dit à ses disciples : " Que le plus grand d’entre vous ne soit que le serviteur des autres ; - quel est le plus grand de celui qui sert ou de celui qui est servi ? " Il ne fait que révéler le principe de toute société, ou plutôt de toute sociabilité, et nous apprendre que tout dans le gouvernement de l’Etat, pouvoir et ministère, se rapporte à l’utilité des sujets, comme tout dans la famille, se rapporte au soin des enfants ; que les grands ne sont réellement que les serviteurs des petits, soit qu’ils les servent en jugeant leurs différends, en réprimant leurs passions, en défendant, les armes à la main, leurs propriétés, ou qu’ils les servent encore en instruisant leur ignorance, en redressant leurs erreurs, en aidant leur faiblesse : le pouvoir le plus éminent de la société chrétienne ne prend d’autre titre que serviteur des serviteurs ; et si la vanité s’offense des distinctions, la raison ne saurait méconnaître les services. " (...)
"Sans doute les talents naturels se trouvent en plus grand nombre dans la classe la plus nombreuse, je le crois; et néanmoins on peut remarquer que ce sont, en général, les nobles qui ont le mieux écrit sur la politique et l'art militaire, comme les magistrats sur la jurisprudence, et les évêques sur les matières religieuses. Aux Etats-Généraux, où tant de forts esprits se trouvèrent en présence, la noblesse ne parut pas inférieure en talent aux autres ordres, et, s'il faut en juger par l'expérience, elle se montra supérieure à tous en connaissances politiques. Tous les autres arts, toutes les autres sciences, appartiennent à l'homme privé plus qu'à l'homme public, et meublent plutôt les académies qu'elles ne défendent la société; elles peuvent être pour la noblesse un délassement, mais elles sont hors du cercle de ses devoirs.
Excudent alii spirantia mollius era,
Credo equidem, etc, etc.
(Enéide, I, IV)
Je le répète: la noblesse héréditaire n'est que le dévouement de la famille exclusivement au service de l'Etat. Ce qu'on appelle la naissance, une haute naissance, n'est que l'ancienneté de ce dévouement; et si la noblesse n'était que cela, elle ne serait rien, et le nom même n'en serait pas dans notre langue. Toutes les familles pouvaient, devaient même parvenir, avec le temps, à cet honorable engagement. La société les y invitait, et aucune loi n'excluait aucune famille française même du trône, en cas d'extinction de la famille régnante."
Louis-Gabriel-Ambroise, vicomte de Bonald (1754-1840), Considérations sur la noblesse.
La noblesse
La noblesse est - et surtout était - un groupe social auquel la loi reconnaît des privilèges, faits de devoirs et de droits, se transmettant par le seul fait de la naissance.
Cette classe hors du commun se rencontre dans toutes les civilisations. Elle est tantôt guerrière ainsi que chez les Germains et les Scandinaves, tantôt administrative comme chez les Romains. Elle est encore religieuse, après la loi mosaïque, avec la descendance d'Aaron et les lévites.
Par son universalité, ce phénomène social a requis une explication. La première qui vient à l'esprit est qu'il ne reste que trop naturel de voir l'homme revêtu d'un commandement, d'une charge, d'un sacerdoce, d'une importance publique pour tout dire, tenter, et réussir à transmettre sa qualité à sa descendance héréditairement et à l'infini. Ce népotisme sera encore plus dans la nature des choses quand, dans la civilisation chrétienne de l'Europe occidentale, la noblesse sera liée à un bien immeuble, le fief.
A cette explication toute matérielle, mais qui a son poids, répond une explication morale. Nul doute que, l'une et l'autre mêlées et éclairées par un commentaire que nous nous permettons de renvoyer au chapitre consacré à la fausse noblesse, cernent d'assez près la source profonde, autrefois abondante et aujourd'hui proche d'être tarie, de cet état social que l'on a appelé, en France, la noblesse.
Longtemps, jusqu'à hier, l'autorité a été considérée comme sacrée aussi bien par son possesseur que par celui qui lui était soumis. Le chef tient son pouvoir des dieux ou de Dieu. Sa race est élue. Il est l'oint du Seigneur. Il procède à ce point du surnaturel que, souvent, les rois ont été des thaumaturges.
Ce roi, délégué de Dieu, délègue, à son tour, à son chef de guerre ou à l'administrateur d'une de ses provinces, à son conseiller ou à celui qui juge en son nom, une part de ses pouvoirs. Qui possède une parcelle de pouvoir divin, ne peut être que d'une nature exceptionnelle. le chef prendra donc ses représentants dans des races hors du commun (noblesse immémoriale faite d'abord de la parentèle) ou des races qui le deviendront d'avoir été choisies par lui (anoblissement).
La noblesse, alors, suivra, dans sa croissance, son épanouissement et sa décadence, le mouvement même de la notion d'autorité et, à travers cette dernière, la plus ou moins grande imprégnation des moeurs par le sens du sacré. Pour en rester à l'Europe occidentale, le pouvoir - moral et temporel - de la noblesse croîtra pendant qu'un christianisme intégral gagnera tout l'Occident. Sa puissance atteindra son extrême pointe avec les XIIIe-XIVe siècles, alors que l'Europe vit avec et en Dieu. Puis, lentement, la noblesse perdra son sens profond en même temps que ce monde occidental se désacralisera. La Réforme, prolongée par la Renaissance, fait de la foi une affaire purement individuelle et non plus de communauté, de peuple (même si les calvinistes créent, à Genève, une théocratie). Le noble alors, n'ayant plus que ses qualités propres, est à la mesure des autres hommes. Il n'est plus désigné par Dieu mais par un roi qui, lui-même, n'est désormais plus que l'héritier tout matériel d'un chef de bande jadis heureux.
Après le XVIIIe siècle, l'idée de noblesse se désagrège aussi universellement qu'elle s'était imposée. Le sacré, même dans les pays traditionnellement morarchiques, a cédé le pas à l'électoral; Dieu, au peuple. Il n'y a plus, dans les pays qui la reconnaissent encore, que des simulacres de la noblesse. Le lord anglais, le comte belge ou le baron scandinave ne sont supérieurs à leurs concitoyens que par leur fortune, leur intelligence ou leur force physique. En aucun cas, ils ne sont encore d'une autre race qu'eux.
Alors peut naître, avce la civilisation américaine (on l'appellerait volontiers atlantique par opposition à la mourante civilisation méditerranéenne), une civilisation sans classe noble et surtout sans nostalgie d'une noblesse. Désormais, l'homme, s'il a faim d'une envie spirituelle, ne rompt le pain qu'en tête à tête avec son Dieu; il n'y a plus de table commune, non plus que de droite du Seigneur, où, à tort ou à raison, la noblesse croyait avoir sa place.
La noblesse, par Philippe du Puy de Clinchamps (introduction). PUF, 1962.
Défenseur de l’Etat et de la religion nationale, la noblesse était encore, sous l’Ancien Régime, le rempart du pouvoir politique contre les juifs. Après les Révolutions anglaise et française, ces derniers s’infiltrèrent dans l’aristocratie européenne par mariages, particulièrement en Angleterre. Le concile Vatican II et les lois mémorielles après la 2e Guerre mondiale achevèrent la soumission de l’Occident chrétien et des catholiques.
Maurice Pinay*, auteur du fameux ouvrage « Complot contre l’Eglise » publié à Rome en 1962 à l’intention des Pères conciliaires pour les avertir des dangers de Vatican II, a consacré un passage à la « barrière de sang » que constituaient la monarchie et la noblesse héréditaire. En raison de son importance particulière dans cet exposé, nous le reproduisons intégralement :
« Ce pouvoir occulte se heurtait cependant à de sérieux obstacles dans l’établissement de sa domination sur le monde chrétien. En premier lieu, la monarchie et la noblesse héréditaire, où le titre était l’apanage de l’aîné, rendait difficile aux juifs secrets une escalade rapide du poste de chef de l’Etat. Ils pouvaient gagner la confiance des Rois, parvenir à être ministres, mais il leur était pratiquement impossibles de devenir Rois. En second lieu, leur position dans le gouvernement royal était peu sûre : ils y étaient exposés à être destitués d’un jour à l’autre par le monarque qui les nommait, et à perdre ainsi le pouvoir obtenu par de longues années de préparation et d’efforts.
En outre, seuls des princes de sang royal pouvaient épouser des princesses de sang royal, de sorte que les trônes étaient protégés par une sorte de muraille de sang, qui rendait impossible ou quasiment impossible l’accès du trône pour des plébéiens. Dans ces conditions, si les israélites pouvaient s’infiltrer tout au plus dans les postes dirigeants, cette muraille de sang royal les empêchait d’accéder aux trônes. Il en fut de même pendant plusieurs siècles avec la noblesse. Mais, comme nous l’avons vu, les juifs dans quelques cas d’exception parvinrent à franchir le mur de sang aristocratique, ce qui constitua un désastre pour la société chrétienne, car, par ces mariages mixtes avec des personnes de la noblesse, ils purent accéder à d’importantes positions, grâce auxquelles ils favorisèrent leurs schismes ou leurs révolutions.
Mais l’aristocratie du sang restait encore dans certains pays une caste fermée et difficile à pénétrer pour les plébéiens, et c’est pourquoi il leur fallut un travail de plusieurs siècles avant d’arriver à l’infiltrer et à en prendre le contrôle comme en Angleterre. Dans d’autres pays en revanche, comme l’Italie, l’Espagne et la France, ils firent à certaines époques de grands progrès dans cette pénétration de l’aristocratie, mais l’Inquisition leur fit ensuite perdre leurs conquêtes ou du moins les réduisirent beaucoup. Ils finirent cependant par acquérir suffisamment de force au XVIIIème et au XIXème siècles pour faciliter le triomphe des révolutions maçonnico-libérales qui renversèrent les monarchies.
Reste qu’en quelque manière la noblesse héréditaire représentait une barrière de sang, qui, dans de nombreux pays gêna l’infiltration des juifs dans les hautes sphères de la société, et que la monarchie héréditaire était l’obstacle majeur qui empêchait les juifs masqués en chrétiens de s’emparer de la direction de l’Etat. C’est pourquoi dans toutes les occasions où ils tentèrent de s’infiltrer, ils échouèrent pratiquement chaque fois, à l’exception de l’Ethiopie, où ils réussirent à installer une dynastie juive, et de l’Angleterre où ils affirment avoir judaïsé la monarchie.
Il est donc bien compréhensible que les Israélites du XIIème siècle cessèrent alors d’espérer que finisse par porter fruit le long et désespérant travail d’infiltration progressive des dynasties royales et aristocratiques ; c’est pourquoi, sans pourtant jamais cesser de le poursuivre, ils eurent cependant l’idée d’une voie plus rapide pour atteindre l’objet de leurs désirs, celle consistant à détruire par la révolution les monarchies héréditaires et les aristocraties de sang, et de remplacer ces régimes par des républiques, dans lesquelles les juifs pouvaient s’emparer plus facilement et rapidement du poste de chef de l’Etat.
C’est pour cela qu’est si importante la révolution organisée à Rome par Giordano Pierleoni, qui s’empara avec rapidité du plus haut poste de direction de la petite république. Bien que cette révolte n’ait pas été dirigée contre un roi, ce coup de force de placer en quelques jours au sommet du pouvoir le frère de l’antipape juif avait été un exemple démonstratif pour le Judaïsme universel, lui enseignant ainsi comment transpercer et détruire cette barrière de sang constituée par les monarchies héréditaires.
Lors de certaines hérésies du Moyen-Âge et ensuite de la Réforme, il fut déjà projeté de renverser les monarques et d’exterminer la noblesse, mais c’est aux temps modernes qu’ils y sont parvenus, en brandissent l’arme de la démocratie et de l’abolition des castes privilégiées.
Cependant au Moyen-Âge, le fait de chercher à atteindre autant d’objectifs à la fois ne réussit qu’à unir davantage le Roi, la noblesse et le clergé, qui, aussi longtemps qu’ils restèrent unis, firent échouer les tentatives révolutionnaires du Judaïsme. Devant ces échecs, ils finirent par comprendre qu’il n’était pas possible d’atteindre d’un seul coup des objectifs aussi ambitieux. Aussi, les juifs ayant le talent de retenir et d’appliquer les leçons du passé, dans la nouvelle révolution qu’ils feront éclater au XVIème siècle, ils ne s’attaqueront pas alors à la fois aux rois, à la noblesse et au clergé, mais tout au contraire ils essaieront de subjuguer et de transformer l’Eglise avec l’aide des monarques et des aristocrates, pour ensuite par de mouvements révolutionnaires renverser ces derniers ».
* Pseudonyme du jésuite mexicain Joaquin Saenz y Arriaga.
Noblesse oblige
"Dans cette haute ou basse gentilhommerie, il persistait des penchants généreux, venus du sacrifice sanglant et de la gloire militaire. C'était ce qu'on désignait d'un mot vague mais correspondant à quelquechose de précis: l'honneur. L'honneur défendait à un gentilhomme de mettre l'intérêt au premier plan: le code de l'honneur était plus rigoureux que le code civil; que la loi religieuse elle-même; ce code de l'honneur était tellement strict qu'il descendait jusqu'à la surveillance des moyens, ce qui est une garantie singulièrement forte. Monsieur de Chartres avait failli au code de l'honneur en chargeant des religieuses de trahir Mme Guyon: ces moyens ignobles avaient vicié sa réussite, et pour beaucoup, l'avaient avili.
Car l'honneur était encore en France un dieu révéré: il n'y avait plus d'autels comme au temps de la chevalerie, ni de commandements numérotés ou enseignés à l'enfance, mais, dès la plus petite faute commise contre lui; son autorité resurgissait. Il est indéniable que l'obéissance à ce dieu jaloux était plus fréquente dans la noblesse que dans la bourgeoisie, que dans le peuple: c'est un fait.La noblesse elle-même était un fait. Les exploits militaires avaient créé cette caste si pratique pour la défense du royaume, pour son renom et pour sa gloire. Qu'il était utile de posséder des gens capables de mettre leur orgueil à courir des risques, des gens pour qui cela resterait un plaisir spécial d'affronter la mort, une sorte de prérogative, au point même de souhaiter un beau trépas! Tout le pays s'en rendait compte. Si la noblesse était jalousée dans ses privilèges, elle était infiniment moins enviée dans ses devoirs. Le peuple de France ne disputait point à l'héroïsme le pas sur l'intellectualité. Aucune finesse ne pouvait prévaloir devant le sacrifice" (...)
La Varende, M. le duc de Saint-Simon et sa Comédie Humaine
" Tant qu’une aristocratie pure, c’est-à-dire professant jusqu’à l’exaltation les dogmes nationaux, environne le trône, il est inébranlable, quand même la faiblesse ou l’erreur viendrait à s’y asseoir ; mais si le baronnage apostasie, il n’y a plus de salut pour le trône, quand même il porterait saint Louis ou Charlemagne ; ce qui est plus vrai en France qu’ailleurs. Par sa monstrueuse alliance avec le mauvais principe, pendant le dernier siècle, la noblesse française a tout perdu ; c’est à elle qu’il appartient de tout réparer. Sa destinée est sûre, pourvu qu’elle n’en doute pas, pourvu qu’elle soit bien persuadée de l’alliance naturelle, essentielle, nécessaire, française du sacerdoce et de la noblesse. "
Joseph de Maistre, Du pape (1817)
Noblesse oblige (à propos de la Maison de la Trémoille)
https://pocombelles.over-blog.com/2021/02/les-peres-n-oublient-pas-tacite.html