Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Fil d'Ariane

inrap

Fouilles d'Abbeville : fenêtre sur la vie des premiers hommes d'il y a 600 000 ans (INRAP)

27 Février 2025 , Rédigé par Le Fil d'Ariane Publié dans #France, #INRAP, #Préhistoire

Voici mon commentaire à cette vidéo, un poème:

Il y a une quinzaine d'années, j'ai découvert les vestiges d'un camp mésolithique dans un champ d'Ile de France. L'ayant signalé aux Antiquités nationales, une archéologue m'y accompagna un jour pour l'inspecter et l'inventorier. Mais je crois qu'il n'a jamais été fouillé depuis.

J'y suis retourné par une après-midi d'hiver, froide et pluvieuse. Le champ n'avait pas changé; traversé par le même chemin herbu et creusé d'ornières, encadré par les mêmes bois touffus. En marchant sur la terre argileuse, détrempée, couverte de mares d'eau et sillonnée d'empreintes de cerfs, de chevreuils et de sangliers, j'ai retrouvé plusieurs outils de pierre, tous du même silex brun-rouge, inconnu dans les environs. Ce sont en général des grattoirs, faits à partir d'éclats et retouchés de très fines dentelures du côté arrondi, qui servaient sans doute à préparer les peaux pour faire des vêtements.

En ramassant ces objets, je pensais à ceux qui les avaient fabriqués et s'en étaient servi, il y a plus de 12000 ans.

Le camp se trouvait peut-être dans une clairière au milieu de la forêt (ils ne pratiquaient pas encore l'agriculture) peuplée sans doute de chênes, de frênes, de charmes et de hêtres séculaires, énormes, de bouleaux et de noisetiers. Ces hommes vivaient de la chasse, de la pêche et de la cueillette.

En ce temps-là:

pas de maisons chaudes et confortables

pas d'autos ni d'avions

pas de routes, de villes ni même de villages

pas de champs cultivés ni de pâturages remplis d'animaux; vaches, chevaux, cochons, moutons

pas de journaux, pas de télévision, pas d'ordinateurs

pas d'écriture: la parole, la musique, la peinture, la sculpture y suppléaient avec la mémoire prodigieuse des peuples de culture orale

pas de montres ni d'horloges: ils vivaient à l'heure du soleil

pas d'eau incolore au robinet ou dans la bouteille de plastique pour boire: l'eau vive et ambrée des sources et des cours d'eau

pas de magasins ni de supermarchés où acheter la nourriture venant de régions ou de pays lointains: la chasse, la pêche, la cueillette

pas de bruits de moteurs, de radios, de musiques diffusées par hauts-parleurs: le silence et les bruits de la nature

pas d'électricité, pas de lumières artificielles pour cacher, la nuit, le ciel noir rempli d'étoiles et la Lune...

C'est comme cela que vivaient les hommes depuis toujours, depuis la création du monde.

Les livres des préhistoriens, André Leroi-Gourhan par exemple, essaient d'expliquer le mode de vie, la culture et la pensée des hommes de la Préhistoire, mais ils sont décevants.

C'est comme si un homme aveugle et ignorant essayait de nous décrire le Louvre.

Si lointains et si proches, si mystérieux, les chasseurs mésolithiques, mes ancêtres par le sang.

 

Un silex taillé dans ma main, je m'interrogeais donc:

 

Comment étaient ces hommes: grands ou petits, bruns ou blonds, aux yeux bleus ou marrons ? 

Comment s'appelait leur peuple ?

Quels étaient leurs noms ?

Quelle langue parlaient-ils?

Quel était leur caractère et quels étaient leurs vertus et leurs vices ?

Comment étaient-ils vêtus ?

Comment étaient leurs habitations ?

Comment préparaient-ils leurs aliments ?

Quelles étaient leurs mœurs, leurs coutumes, leur histoire ?

Quelles étaient leurs danses, leurs chants ?

Quelle était leur organisation sociale, politique?

Qui étaient leurs ennemis ?

Quelle était leur religion?

Comment expliquaient-ils la terre, le ciel, le soleil, la lune, les étoiles ?

Voyageaient-ils ? Jusqu'où ? Comment ?

 

Mieux vaut reconnaître que nous ne le savons pas et que nous ne le saurons jamais. Sagesse qui n'est guère compatible avec le souci d'écrire un livre, de soutenir une thèse ou de mener une carrière scientifique ou administrative, qui se nourrissent d'affirmations. Restent le rêve et la poésie, comme ce texte qu'écrivit un jour Thoreau sur la pointe de flèche indienne, qui, intacte, poursuit sa course immuable dans le temps. Ou comme celui de Tacite sur les Fennes, un peuple nomade de l'antique Germanie...

 

Pierre-Olivier Combelles

https://pocombelles.over-blog.com/2017/10/grattoir-mesolithique-visage-enigmatique.html

Lire la suite