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Le Fil d'Ariane

lettres

In memoriam Hubert Graf von Waldburg zu Wolfegg und Waldsee et Manfred, roi de Sicile (1232 - 26 février 1266)

8 Juin 2025 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Hubert Graf von Waldburg Wolfegg, #Allemagne, #Frédéric II de Hohenstaufen, #Histoire, #Sicile, #Manfred, roi de Sicile, #Lettres, #Europe, #Chevalerie

In memoriam Hubert Graf von Waldburg zu Wolfegg und Waldsee et Manfred, roi de Sicile (1232 - 26 février 1266)

Hier fiel
Um nicht mehr aufzustehen
Wie in Dantes Vision
Die feine Blume
des Heiligen Deutschen Reiches,
Und auf diesen Trümmern
Von Zeit zu Zeit blitzen
Flüchtige Erinnerungen
Die warnen und drohen,
Wie die Wellen des Meeres
Auftauchen und vergehen...

 

Inschrift der Stele zum Gedenken an Manfred, König von Sizilien (1232-26. Februar 1266), in Benevento. 
Zitiert nach Hubert Graf von Waldburg Wolfegg: „Vom Sudreich der Hohenstaufen“, München, 1954.

https://trauer.schwaebische.de/traueranzeige/hubert-grafvonwaldburg-wolfegg-waldsee/gedenkkerzen

 

Ici tomba
Pour ne plus se relever
Comme dans la vision du Dante
La fine fleur
Du Saint-Empire germanique,
Et sur ces ruines
De temps à autre fulgurent
Des souvenirs éphémères
Qui préviennent et menacent,
Comme les vagues de la mer
Surgissent et s'effacent...

 

Inscription de la stèle à la mémoire de Manfred, roi de Sicile (1232-26 février 1266), à Bénévent (Italie).
Citée par Hubert Graf von Waldburg Wolfegg dans son ouvrage Vom Sudreich der Hohenstaufen (Munich, 1954) et rapportée par Jacques Benoist-Méchin dans son livre: Frédéric de Hohenstaufen ou le rêve excommunié (1194-2050).

In memoriam Hubert Graf von Waldburg zu Wolfegg und Waldsee et Manfred, roi de Sicile (1232 - 26 février 1266)
  Hubert Graf von Waldburg-Wolfegg-Waldsee est  l'auteur de ces deux ouvrages consacrés à l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen.

Hubert Graf von Waldburg-Wolfegg-Waldsee est l'auteur de ces deux ouvrages consacrés à l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen.

Les von Tanne - Waldburg sont attestés depuis 1192 comme Truchsessen à la cour des Staufer. Les von Waldburg avaient probablement déjà occupé cette fonction chez les Guelfes.

En tant qu'intendants, ils avaient des tâches cérémonielles importantes. Ainsi, on retrouve les Truchsessen de Tanne et de Waldburg en tant que conseillers du pouvoir des Staufer ainsi qu'en tant que représentants de biens impériaux et tuteurs des fils du roi.

Après la chute des Hohenstaufen par Conradin en 1220 et suite à son exécution à Naples, les armoiries des Hohenstaufen passèrent à la famille Waldburg, qui ne s'appela plus dès lors que Truchsessen von Waldburg.

Au XVIe siècle, les représentants les plus connus de la famille Waldburg de Haute-Souabe étaient Georg III (1488- 1531), également appelé « der Bauernjörg », qui a vaincu les paysans révoltés pendant la guerre des paysans, ainsi que Gebhard (1547- 1601), archevêque et prince électeur de Cologne.

Aujourd'hui, il existe encore deux lignées familiales : l'ancienne Waldburg-Wolfegg et Waldsee et la plus jeune Waldburg- Zeil et Trauchburg. En 1803, la famille Waldburg a reçu le titre de prince d'Empire, que les deux lignées ont conservé jusqu'à aujourd'hui.

En 1937, Hubert comte von Waldburg zu Wolfegg und Waldsee* est arrivé dans l'Unterland et a acheté le château d'Assumstadt à la famille des barons d'Ellrichshausen, qui est maintenant dirigé par la troisième génération du petit-fils Hubertus comte von Waldburg zu Wolfegg und Waldsee.

https://www.assumstadt.com/historie

Traduit de l'allemand par Le Fil d'Ariane.

* NDT: Auteur des deux ouvrages cités.

Portrait de Manfred dans un manuscrit du "De arte venandi cum avibus" (XIIIe siècle). Manfred était le fils naturel de Frédéric II de Hohenstaufen et de Bianca Lancia.

Portrait de Manfred dans un manuscrit du "De arte venandi cum avibus" (XIIIe siècle). Manfred était le fils naturel de Frédéric II de Hohenstaufen et de Bianca Lancia.

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Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan, à Livry, le jeudi saint 26 mars 1671

16 Mai 2025 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Madame de Sévigné, #France, #Lettres, #Histoire, #Abbaye Notre-Dame de Livry

Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (Paris 5 février 1626 - château de Grignan, 17 avril 1796)

Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (Paris 5 février 1626 - château de Grignan, 17 avril 1796)

Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan, à Livry, le jeudi saint 26 mars 1671
L'Abbaye Notre-Dame de Livry en 1642 (aquarelle)

L'Abbaye Notre-Dame de Livry en 1642 (aquarelle)

Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan, à Livry, le jeudi saint 26 mars 1671
Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan, à Livry, le jeudi saint 26 mars 1671
Christophe de Coulanges (le "Bien Bon"), abbé commendataire de Notre-Dame de Livry et oncle de Madame de Sévigné

Christophe de Coulanges (le "Bien Bon"), abbé commendataire de Notre-Dame de Livry et oncle de Madame de Sévigné

Lisez, sur le site de la mairie de Livry-Gargan (Seine Saint-Denis), la lamentable histoire de l'abbaye Notre-Dame de Livry depuis la Révolution de 1789: vendue comme bien national puis vandalisée et détruite sous la République:

https://www.livry-gargan.fr/86/decouvrir-livry-gargan/histoire-et-patrimoine/l-abbaye-de-livry.htm

Source des illustrations de N.-D. de Livry:

https://patrimoine.seinesaintdenis.fr/abbaye-de-Livry

La République n'a fait que détruire ou profaner ce que la Monarchie et la Noblesse françaises ont construit.

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Albert Camus: Ce dont l'homme a besoin

3 Mai 2025 , Rédigé par Le Fil d'Ariane Publié dans #Albert Camus, #France, #Lettres

Albert Camus: Ce dont l'homme a besoin

« L’homme a besoin de pain et de justice, et s’il faut faire ce qu’il faut pour satisfaire ce besoin, il a besoin aussi de la beauté pure, qui est le pain  de son cœur. Le reste n’est pas sérieux. »

Albert Camus, Carnets II.

Merci à M.

Albert Camus: Ce dont l'homme a besoin
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François de Montcorbier dit Villon: Ballade des dames du temps jadis

28 Avril 2025 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #François Villon, #Lettres, #Poésie

François de Montcorbier dit Villon: Ballade des dames du temps jadis

Dictes moy ou, n'en quel pays
Est Flora, la belle Rommaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Écho parlant quand bruyt on maine
Dessus riviere ou sus estan,
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d'antan ?

Ou est la très sage Hellois
Pour qui chastré fut et puis moyne
Pierre Esbaillart a Saint Denis ?
Pour son amour ot ceste essoyne.
Semblablement, ou est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust geté en ung sac en Saine ?
Mais ou sont les neiges d'antan ?

La royne Blanche comme lis
Qui chantoit a voix de seraine,
Berte au grant pié, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jehanne la bonne Lorraine,
Qu'Englois brulerent a Rouan,
Ou sont ilz, Vierge souveraine ?
Mais ou sont les neiges d'antan ?

ENVOI
Princes, n'enquerez de sepmaine
Ou elles sont, ne de cest an,
Qu'a ce reffrain ne vous remaine :
Mais ou sont les neiges d'antan ?

Facsimile du manuscrit de Stockholm, dont l'original est daté 1475.

Facsimile du manuscrit de Stockholm, dont l'original est daté 1475.

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Madame de Sévigné (1671): "Le roi... honora l'assemblée de trois ou quatre courantes"

28 Avril 2025 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Madame de Sévigné, #France, #Histoire, #Danse, #Louis XIV, #Lettres, #Musique

Louis XIV vers 1670

Louis XIV vers 1670

Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (5 février 1626 - 17 avril 1696)

Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (5 février 1626 - 17 avril 1696)

L'hôtel de Soubise (ancien hôtel de Guise) et l'hôtel de Strasbourg (actuel hôtel de Rohan) selon le plan de Turgot vers 1737.

L'hôtel de Soubise (ancien hôtel de Guise) et l'hôtel de Strasbourg (actuel hôtel de Rohan) selon le plan de Turgot vers 1737.

Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan, sa fille (Paris, février 1671)

 

Lundi au soir.

Avant que d'aller au faubourg je fais mon paquet, et je l'adresse à M. l'intendant à Lyon. La distinction de vos lettres m'a charmée: hélas! je la méritais bien par la distinction de mon amitié pour vous.

Madame de Fontevrault fut bénite hier; MM. les prélats furent un peu fâchés de n'y avoir que des tabourets.

Voici ce que j'ai su de la fête d'hier: toutes les cours de l'hôtel de Guise étaient éclairées de deux mille lanternes. La reine entra d'abord dans l'appartement de mademoiselle de Guise, fort éclairé, fort paré; toutes les dames se mirent à genoux autour de la reine, sans distinction de tabourets: on soupa dans cet appartement. Il y avait quarante dames à table; le souper fut magnifique; le roi vint, et fort gravement regarda tout sans se mettre à table; on monta plus haut, où tout était préparé pour le bal. Le roi mena la reine, et honora l'assemblée de trois ou quatre courantes, et puis s'en alla au Louvre avec sa compagnie ordinaire. Mademoiselle ne voulut point venir à l'hôtel de Guise. Voilà tout ce que je sais.

Je veux voir le paysan de Sully, qui m'apporta hier votre lettre; je lui donnerai de quoi boire: je le trouve bien heureux de vous avoir vue. Hélas! comme un moment me paraîtrait, et que j'ai de regret à tous ceux que j'ai perdus! Je me fais des dragons aussi bien que les autres. Adieu, ma chère enfant, l'unique passion de mon cœur, le plaisir et la douleur de ma vie. Aimez-moi toujours, c'est la seule chose qui me peut donner de la consolation.

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Hugo von Hoffmannstahl : « le grand seigneur de ceux qui “ pensent avec le cœur ” ».

14 Avril 2025 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Allemagne, #Hugo von Hoffmannstahl, #Lettres, #Philosophie

Hugo von Hoffmannstahl : « le grand seigneur de ceux qui “ pensent avec le cœur ” ».

Si l’on en croit cette loi de l’histoire formulée par Klages -qu’une réalité humaine, avant de disparaître, s’incarne pour briller une dernière fois dans un chef d’œuvre -, alors l’œuvre entière de Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) brille comme une épitaphe de l’Autriche impériale et royale. Dans ses Instants grecs, il raconte comment vers 1913 le gardien du musée de l’Acropole l’avait accueilli à l’instant de la fermeture, le laissant seul, libre de ses pas pour regarder, toucher même, ayant bien compris que son visiteur était « français et artiste, et non allemand et archéologue [sic] ». C’était parler d’or, et définir par contraste l’ancienne Autriche, que la catastrophe de 1914-1918 allait détruire – et Hofmannsthal ne survivra guère à cette destruction qui signait le suicide de l’Europe.

La langue au service de la nation

Européen, quel poète de sa génération l’a été davantage ? Après la guerre, il s’épuisera en discours, en conférences, en messages, pour conjurer la croyance à « l’exclusive validité du présent », cette table rase des esprits et des cœurs, condition du pire, il en appellera aux Suchenden, à ceux qui cherchent, à « quelques individus » – il nomme Keyserling, Ortega y Gasset, Valéry, et même « le citoyen Alain » : « Une époque très dure, très sombre et très dangereuse est descendue sur nous. Elle est certes descendue sur toute l’Europe, mais nul parmi les autres peuples n’offre, dans son armure, un si grand nombre de jointures par lesquelles le danger peut s’introduire, et se forer un chemin jusqu’au cœur. » Cet avertissement date de 1927, d’un texte qui a pour titre : Wert und Ehre deutscher Sprache Prix et Honneur de la langue allemande. La même année, il prononce une conférence sur l’« écriture comme espace spirituel d’une nation ». Qu’en est-il pour nous autres, près d’un siècle plus tard ? Est-il encore permis de parler du prix et de l’honneur d’une langue, et rappeler qu’une nation est avant tout un espace spirituel ?

Charles Du Bos – à coup sûr l’un de ces Suchenden, si douloureusement fraternel – était le mieux à même de présenter Hofmannsthal au public français. C’est en 1927 qu’il réunit cette anthologie ; elle s’ouvre par la Lettre de lord Chandos, testament du jeune prodige qui, au même âge que Rimbaud, a fait entendre dans la poésie allemande un accent, un Klang, inouï jusqu’alors ; comme Rimbaud – à qui il rendra un poignant hommage, sans le nommer, dans les Instants grecs -, il connaît la tentation du silence, à laquelle il ne succombera pas, même s’il s’en tiendra désormais au théâtre, à l’opéra et à la prose. M. Jean-Yves Masson se veut pour cette édition le continuateur de Charles Du Bos, et c’est à son tour de nous faire sentir « la noblesse » de Hofmannsthal, « le grand seigneur de ceux qui “ pensent avec le cœur ” ».

“ Paysages de l’âme, écrits en prose ”, de Hugo von Hofmannsthal, La Coopérative, 192 pages, 20 €.

Source: https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/culture/hugo-von-hofmannsthal-le-poete-grand-seigneur

Hugo von Hoffmannstahl : « le grand seigneur de ceux qui “ pensent avec le cœur ” ».
Hugo von Hoffmannstahl : « le grand seigneur de ceux qui “ pensent avec le cœur ” ».

À une époque de crise des valeurs, un poète, un grand poète, se détourne de la poésie pour se transformer en penseur politique de la noble « révolution conservatrice », un phénomène européen et un mouvement de rébellion spirituelle qui comptait parmi ses porte-drapeaux Nietzsche et Dostoïevski. Une « philosophie politique » d'Europe centrale en conflit avec le rationalisme occidental. Où se rejoignent l'esprit de la nation au-delà du nationalisme, la Tradition, le rôle fondateur de la langue et de la littérature, les créateurs et surtout les poètes, les plus hauts exemplaires de l'humanité que Hofmannsthal lui-même qualifiait de « gens d'esprit ». Ces écrits du poète autrichien révèlent le visage d'un monde en ruine et la résistance de ceux qui se sont attelés à la tâche ardue d'imaginer un nouveau destin. L'écho de ces paroles inspirées résonne encore aujourd'hui. Nous sommes confrontés à l'urgence d'une même tâche : celle de repenser l'Europe.

https://www.ibs.it/letteratura-come-spazio-spirituale-della-libro-hugo-von-hofmannsthal/e/9788893800440

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James Fenimore Cooper ("Les Pionniers"): Devoir religieux et formes extérieures de la religion

13 Avril 2025 , Rédigé par Le Fil d'Ariane Publié dans #James Fenimore Cooper, #Lettres, #Religion, #USA

Portrait by John Wesley Jarvis of James Fenimore Cooper in naval uniform

Portrait by John Wesley Jarvis of James Fenimore Cooper in naval uniform

James Fenimore Cooper: "Les pionniers".

James Fenimore Cooper: "Les pionniers".

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Quelques scolies de Nicólas Gómez Dávila (1913-1994)

8 Avril 2025 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Lettres, #Nicolás Gómez Dávila

 

La résistance est inutile quand tout se conjure dans le monde pour détruire ce que nous admirons.

 Il nous reste toujours, cependant, une âme intègre pour contempler, pour juger, et pour mépriser.

Nicólas Gómez Dávila

 

Quand le monde suit la Voie, le sage prospère. Quand le monde s'écarte de la Voie, le sage survit.

Précepte taoïste

 

Quelques scolies de Nicólas Gómez Dávila (1913-1994)

On ne s'en lasse pas...

 

Choix de « scolies » par P.O. Combelles

  • Les statistiques sont l’instrument de celui qui renonce à comprendre pour manipuler.
  • L’intelligence est une race à laquelle n’appartiennent pas toutes les intelligences.
  • L’intelligence ne consiste pas à manier des idées intelligentes, mais à manier intelligemment n’importe quelle idée.
  • La ferveur du culte que le démocrate rend à l’humanité n’a d’égale que la froideur par laquelle il manifeste son manque de respect pour l’individu. Le réactionnaire, lui, dédaigne l’homme, sans trouver aucun individu méprisable.
  • L’absence de vie contemplative fait de la vie active d’une société un grouillement de rats pestilentiels.
  • Plus seront complexes les fonctions assumées par l’Etat, plus le sort du citoyen dépendra de fonctionnaires chaque fois plus subalternes.
  • L’unique régime politique qui n’incline pas spontanément au despotisme, c’est la féodalité.
  • Rien n’attendrit plus le bourgeois que le révolutionnaire d’un pays étranger.
  • Le christianisme dépasse toute éthique, parce qu’il ne demande pas d’être sans péchés, mais avides de pardon.
  • L’indépendance intellectuelle est aujourd’hui inaccessible à qui choisit une profession libérale. La société moderne déprave l’intelligence qui se donne à elle, fût-ce en location.
  • L’historien authentique est un érudit qui écoute la rumeur de l’histoire avec l’imagination d’un enfant.
  •  La phrase doit émerger de son habillement verbal, pulpeuse, limpide et fraîche, comme une adolescente qui se met nue.
  •  La ferveur d'une âme noble peut se tromper d'objet sans se tromper de direction.
  •  Sans latin ni grec, il est possible d'éduquer les mouvements de l'intelligence, mais pas l'intelligence elle-même.
  • Comment maintenir une tradition ? - En n'en parlant pas.
  • Il n'est pas de vérité que nous n'ayons le droit d'étouffer si elle doit blesser quelqu'un que nous aimons.
  • Il n'est jamais trop tard pour rien de vraiment important.
  • Le degré de civilisation d'une société se mesure au nombre de gestes usuels de politesse dans la vie quotidienne.
  • On est venu à bout des analphabètes, pour multiplier les illettrés.
  • Les conservateurs actuels ne sont que des libéraux malmenés par la démocratie
  • "La société libre n'est pas celle qui a le droit d'élire ceux qui la gouvernent, mais celle qui élit ceux qui ont le droit de la gouverner."
  • "Être aristocrate, c'est se refuser à croire que tout dépend de la volonté."
  • Sympathie et antipathie sont les antennes de l'intelligence. L'intelligence étudie les raisons de ce qui la repousse ou l'attire.
  • Les pronostics de Marx se sont révélés erronés, ceux de Burke véridique. C'est pourquoi fort peu de gens lisent Burke, et que la plupart des gens vénèrent Marx.
  • Prier est le seul acte dont l'efficacité m'inspire une totale confiance.
  • La prose de César est la voix même du patriciat: dure, simple, lucide. L'aristocratie n'est pas un ramassis de titres clinquants, mais une voix coupante.
  • L'ordre paralyse. Le désordre convulsionne.  Inclure un désordre institué dans un ordre qui l'englobe, voilà ce que fut le miracle de la féodalité.
  • La modernité tente d'élaborer avec la luxure, la violence et l'infamie l'innocence d'un paradis infernal.
  • Le gauchiste ne vilipende que des simulacres de pouvoir.
  • Le gauchiste évite avec un tact méticuleux de marcher sur les pieds des véritables puissants.
  • Le gauchisme est la bannière sous laquelle la mentalité bourgeoise du XIXe maintient son pouvoir au XXe.
  • L'anarchie menaçant une société qui s'avilit n'est pas un châtiment, mais un remède.
  • La gauche et la droite ont signé, contre le réactionnaire, un pacte secret d'agression perpétuelle.
  • L'église a pu évangéliser la société médiévale parce que c'était une société de pécheurs, mais son avenir n'est pas prometteur dans la société moderne où tous se croient innocents.
  • Le suffrage universel ne reconnaît finalement à l'individu qu'un seul droit: celui d'être alternativement oppresseur et opprimé.
  • L'Etat moderne réalisera son essence lorsque la police, comme Dieu, sera témoin de tous les actes des hommes.
  • Celui qui se respecte ne peut vivre aujourd'hui que dans les interstices de la société.
  • Ne pas sentir la putréfaction du monde moderne est un indice de contamination.
  • La société libre n'est pas celle qui a le droit d'élire ceux qui la gouvernent, mais celle qui élit ceux qui ont le droit de la gouverner.
  • Le bourgeois est à gauche par nature et à droite par pure lâcheté.
  • Éduquer les jeunes gens ne consiste pas à les familiariser avec leur époque, mais à faire en sorte qu’ils l’ignorent le plus longtemps possible.  
  • Chez le contemplatif, et chez lui seul, l'âme ne meurt pas avant le corps.
  • L'authentique grandeur, au XXe siècle, est si radicalement individuelle que nous devons nous méfier de ceux qui laissent des successeurs.
  • La charité, pour un égalitariste, est un vice féodal.
  • Les deux ailes de l’intelligence sont l’érudition et l’amour.
  • Le triangle : bourg, château, monastère n’est pas une miniature médiévale, mais un paradigme éternel.
  • L’intelligence littéraire est l’intelligence du concret.
  • Le génie d’un La Rochefoucauld ou d’un Saint-Simon annule le caractère représentatif de leurs œuvres. Celles d’autres écrivains, en revanche, comme sir William Temple, par exemple, doivent leur intérêt à la classe sociale de leur auteur. Des textes délicieux comme seul en produit un certain style de vie, et dont la pompe discrète éveille la nostalgie d’une existence aisée, noble, silencieuse, fine et ordonnée.
  • La postérité n’est pas l‘ensemble des générations futures. C’est un petit groupe d’hommes de goût, bien élevés, érudits, dans chaque génération.
  • L’intelligence est spontanément aristocratique, car c’est la faculté de distinguer les différences et de fixer les rangs.
  • Les concessions sont les marches de l’échafaud.
  • Nous ne devons pas émigrer mais conspirer.
  • Le peuple n’est pas nécessairement vulgaire. Pas même dans une démocratie. Par contre, les classes supérieures d’une démocratie le sont nécessairement, parce que si ses membres ne l’étaient pas, ils ne se seraient pas élevés dans une démocratie.
  • Les riches ne sont inoffensifs que là où ils sont exposés au dédain d’une aristocratie.
  • Tout ce qui peut interrompre une tradition oblige à repartir de l’origine. Et toute origine est sanglante.
  • Est cultivé l’homme qui ne fait pas de la culture une profession.
  • Le rôle du christianisme dans le monde est la plus grande préoccupation du nouveau théologien. Singulière préoccupation, attendu que le christianisme enseigne que le chrétien n’a pas de rôle à jouer dans le monde.
  • Qu’est la philosophie pour le catholique sinon la manière dont son intelligence vit sa foi ?
  • La poésie n’a pas de place dans le monde. C’est un flamboiement qui s’infiltre par ses failles.
  • Respecter les gens qui nous sont supérieurs est d’abord une preuve de bon goût.
  • Le raciste s’exaspère, parce qu’il soupçonne en secret que les races sont égales ; l’anti-raciste aussi, parce qu’en secret, il soupçonne qu’elles ne le sont pas.
  • Les journalistes sont les courtisans de la plèbe.
  • La concussion démocratique est inexcusable parce qu'elle est hypocrite, sournoise, honteuse. J'aime mieux Vaux-le-Vicomte que les comptes bancaires en Suisse des ministres démocratiques.
  • Les guerres intellectuelles ne sont pas gagnées par les armées régulières mais par des francs-tireurs.
  • L'individu obéissant à une vocation authentique est réactionnaire. Quelles que soient les opinions qu'il nourrit. Est démocrate celui qui attend du monde la définition de ses objectifs.
  • Nous ne blâmons pas le capitalisme parce qu'il fomente l'inégalité, mais pour favoriser l'ascension de types humains inférieurs.
  • La féodalité a été fondée sur des sentiments nobles : loyauté, protection, service. Les autres systèmes politiques se fondent sur des sentiments méprisables : égoïsme, convoitise, jalousie, lâcheté.
  • La vérité n'est pas relative. Ce sont les opinions sur la vérité qui sont relatives.
  • Le pourcentage d’électeurs qui s’abstiennent de voter mesure le degré de liberté concrète dans une démocratie. Là où la liberté est fictive, là où elle est menacée, ce pourcentage tend vers zéro.
  • La courtoisie nous donne la faculté de respecter nos interlocuteurs sans avoir besoin de croire à leur importance.
  • La décadence d'une littérature commence quand ses lecteurs ne savent pas écrire.
  • Toute rébellion contre l'ordre de l'homme est noble, tant qu'elle ne masque pas une rébellion contre l'ordre du monde.
  • L’Introduction à la vie dévote de saint François de Sales et les Chroniques de Froissart nous ouvrent à des façons de vivre étrangères à notre époque : la vie comme " dévotion ", la vie comme " prouesse ". Deux façons de sentir la vie comme une exaltation virile et délicieuse, comme un claquement d’oriflammes dans l’aurore.
  • Les idéologies ont été inventées pour que celui qui ne pense pas puisse donner son opinion.
  • L'opinion publique n'est pas aujourd'hui une somme d'opinions personnelles. Les opinions personnelles sont au contraire l'écho de l'opinion publique.
  • Les activités supérieures de l’esprit paraissent toujours parasitaires aux yeux du sot. Le degré de civilisation d’une société se mesure au nombre de parasites qu’elle tolère.
  • Quand la patrie n’est pas le territoire des temples et des tombes, mais une simple somme d’intérêts, le patriotisme est déshonorant.
  • Au lieu de la noblesse héréditaire, d'abord la ploutocratie bourgeoise, puis la police socialiste. L'histoire nous sert des plats peu ragoûtants, quand nous commandons des réalités à la place des vieilles fictions.
  • La plus grande faute du monde moderne n'est pas d'avoir incendié les châteaux, mais d'avoir rasé les chaumières. Ce qu'on voit s'effacer, au fil du XIXe siècle, c'est la dignité des humbles.
  • Les musées sont l'invention d'une humanité qui n'a pas de place pour les œuvres d'art, ni dans ses maisons, ni dans sa vie.
  • Le Progrès se réduit finalement à voler à l’homme ce qui l’ennoblit, pour lui vendre au rabais ce qui l’avilit.
  • Aussi longtemps qu’on ne le prend pas au sérieux, celui qui dit la vérité peut survivre dans une démocratie.
  • L’égalitariste considère que la courtoisie est un aveu d’infériorité. Entre égalitaristes, c’est la grossièreté qui marque le rang.
  • Le communiste hait le capitalisme par complexe d’Œdipe. Le réactionnaire le considère simplement avec xénophobie.
  • Ce que le moderne déteste dans l’Église catholique, c’est son triple héritage : chrétien, romain et hellénique.
  • Celui qui réclame l’égalité des chances finit par exiger que l’on pénalise celui qui est doué.
  • Si l’on aspire seulement à doter d’un nombre croissant de biens un nombre croissant d’êtres, sans se soucier de la qualité des êtres ni de celle des biens, alors le capitalisme est la solution parfaite.
  • Dans les époques aristocratiques, ce qui a de la valeur n’a pas de prix. Dans les époques démocratiques, ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur.
  • L’homme ne communique avec son semblable que quand l’un écrit dans sa solitude, et que l’autre le lit dans la sienne. Les conversations sont divertissement, escroquerie, ou escrime.
  • Après avoir discrédité la vertu, ce siècle est parvenu à discréditer les vices. Les perversions sont devenues des parcs suburbains que fréquentent en famille les foules dominicales.
  • La paresse de l’intellect est bien souvent le seul contrepoids à la démence humaine.
  • Notre société tient à avoir des dirigeants élus pour que le hasard de la naissance ou le caprice du monarque ne viennent pas tout à coup livrer le pouvoir à un homme intelligent. 
  • La démocratie n'est pas tant l'empire des mots que celui des mensonges.
  • Nous pouvons dépeindre la décadence d'une société, mais il est impossible de la définir. Comme la folie qui grandit dans un regard.
  • Devant les esprits vraiment grands, nous ne nous sentons pas humiliés, mais mystérieusement en accord.
  • La littérature ne périt pas parce que personne n’écrit, mais quand tout le monde écrit. 
  • Les phrases sont des petits cailloux que jette l’écrivain dans l’âme du lecteur. Le diamètre des ondes concentriques dépend des dimensions du bassin.
  • La science nous trompe de trois manières : en transformant ses propositions en normes, en divulguant ses résultats plutôt que ses méthodes, en passant sous silence ses limitations épistémologiques.
  • Dans la société médiévale la société est l’Etat ; dans la société bourgeoise Etat et société s’affrontent ; dans la société communiste l’Etat est la société.
  • Il n’est pas vrai que la valeur des choses soit due à l’importance de la vie. Au contraire, la vie est importante parce que les choses ont une valeur.
  • La vérité, c’est le bonheur de l’intelligence.
  • Dans une certaine prose française la sécheresse et la passion se combinent en une déflagration admirable.
  • La vie de l’intelligence est un dialogue entre la personnalité de l’esprit et l’impersonnalité de la raison.
  • Mépriser ou être méprisé, c’est l’alternative plébéienne des relations humaines.
  • Penser comme nos contemporains, c’est la recette de la prospérité et de la bêtise.
  • La culture n’occupera jamais les loisirs des travailleurs, parce qu’elle est le travail exclusif de l’homme de loisir.
  • Eduquer est aujourd’hui une tâche spécialisée et ardue. En revanche, une société hiérarchisée éduque spontanément.
  • Les vertus de pauvreté ne fleurissent guère que chez le riche qui se dépouille de ses biens.
  • Ecrire serait facile si la même phrase ne paraissait alternativement, selon le jour et l’heure, médiocre ou excellente.
  • Entre adversaires intelligents il existe une secrète sympathie, car nous devons tous notre intelligence et nos qualités aux qualités et à l’intelligence de notre ennemi.
  • La mort de Dieu est une nouvelle annoncée par le diable, lequel mieux que quiconque sait qu’elle est fausse.
  • Seules les éducations austères forment des âmes fines et délicates.
  • La tyrannie d’un individu est préférable au despotisme de la loi, parce que le tyran est vulnérable et la loi incorporelle.
  • Ce qui était populaire est devenu vulgaire quand le peuple a renoncé à copier naïvement la culture aristocratique pour acheter la culture " populaire " que lui fabrique la bourgeoisie.
  • Les jugements injustes d’un homme intelligent sont le plus souvent des vérités drapées dans la mauvaise humeur.
  • La loi est l’embryon de la terreur.
  • Les préjugés ont ceci de bon, qu’ils préservent des idées stupides.
  • Le goût littéraire de la classe dominante ne domina pas parce que la classe et dominante, mais parce que dominer permet de choisir ce qu’il y a de mieux.
  • Les hommes se répartissent en deux groupes : ceux qui croient au péché originel et les crétins.
  • Sceptique ou catholique : tout le reste se décompose avec le temps.
  • Seul est un catholique accompli celui qui élève la cathédrale de son âme sur des cryptes païennes.
  • L’historien démocratique enseigne que la démocratie ne tue que parce que ses victimes l’obligent à les tuer.
  • L’orgueil nous suffit pour pardonner à qui nous injurie, mais la la charité elle-même n’est pas suffisante pour que nous pardonnions à qui injurie ceux que nous aimons.
  • Je ne connais pas de péché qui ne soit, pour une âme noble, son propre châtiment.

(Escolios a un texto implícito, traduit de l'espagnol par Michel Bibard, Anatolia-Editions du Rocher)

https://pocombelles.over-blog.com/page-5215767.html

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Alexandre Soljenitsyne: Avant-propos à: Igor Shafarevitch: Lephénomène socialiste.

4 Mars 2025 , Rédigé par Le Fil d'Ariane Publié dans #Soljenitsyne, #Igor Schafarevich, #Lettres, #Philosophie, #Politique, #Russie, #Socialisme, #Société

Alexandre Soljenitsyne: Avant-propos à: Igor Shafarevitch: Lephénomène socialiste.

La mort de l'humanité n'est pas seulement le résultat du triomphe du socialisme, elle constitue le but du socialisme. 

Igor Shafarevitch

https://pocombelles.over-blog.com/2021/02/igor-chafarevitch-le-phenomene-socialiste.html

 

Avant-propos

Il semble que certaines choses dans ce monde ne puissent être découvertes sans une expérience approfondie, qu'elle soit personnelle ou collective. C'est le cas du présent ouvrage, qui jette un regard neuf et révélateur sur les tendances millénaires du socialisme. S'il s'appuie sur une littérature volumineuse connue des spécialistes du monde entier, il y a une logique indéniable à ce qu'il émane du pays qui a connu (et connaît) l'expérience socialiste la plus dure et la plus longue de l'histoire moderne. Il n'est pas non plus incongru que, dans ce pays, ce livre n'ait pas été écrit par un humaniste, car les chercheurs en sciences humaines ont été les plus méthodiquement écrasés de toutes les couches sociales de l'Union soviétique depuis la révolution d'octobre. Il a été écrit par un mathématicien de renommée mondiale : dans le monde communiste, les praticiens des sciences exactes doivent remplacer leurs frères anéantis.

Mais cette circonstance a ses compensations. Elle nous offre l'occasion rare de recevoir une analyse systématique de la théorie et de la pratique du socialisme sous la plume d'un mathématicien hors pair, rompu à la méthodologie rigoureuse de sa science. (On peut attacher un poids particulier, par exemple, à son jugement selon lequel le marxisme n'a même pas le climat de la recherche scientifique).

Le socialisme mondial dans son ensemble, et toutes les figures qui lui sont associées, sont entourés de légende ; ses contradictions sont oubliées ou dissimulées ; il ne répond pas aux arguments mais les ignore continuellement - tout cela provient du brouillard d'irrationalité qui entoure le socialisme et de son aversion instinctive pour l'analyse scientifique, caractéristiques que l'on retrouve dans la plupart des pays de l'Union européenne. L'auteur de ce volume le souligne à maintes reprises et dans de nombreux contextes. Les doctrines du socialisme bouillonnent de contradictions, ses théories sont en désaccord constant avec sa pratique, et pourtant, grâce à un puissant instinct - également mis à nu par Shafarevich - ces contradictions n'entravent en rien la propagande incessante du socialisme. En effet, il n'existe même pas de socialisme précis et distinct, mais seulement une vague idée de quelque chose de noble et de bon, d'égalité, de propriété collective et de justice : l'avènement de ces choses apportera une euphorie instantanée et un ordre social irréprochable.

Le vingtième siècle marque l'une des plus grandes poussées de succès du socialisme, et concomitamment de ses manifestations pratiques répugnantes. Pourtant, en raison de la même irrationalité passionnée, les tentatives d'examen de ces résultats sont repoussées : ils sont soit complètement ignorés, soit expliqués de manière invraisemblable par certaines aberrations « asiatiques » ou « russes » ou par la personnalité de tel ou tel dictateur, soit encore attribués au « capitalisme d'État ». Le présent ouvrage couvre de vastes étendues de temps et d'espace. En décrivant et en analysant soigneusement des dizaines de doctrines socialistes et de nombreux États construits sur des principes socialistes, l'auteur ne laisse aucune place aux arguments évasifs fondés sur de soi-disant « exceptions insignifiantes » (qui ne ressembleraient en rien à l'avenir glorieux). Qu'il s'agisse de la centralisation de la Chine au premier millénaire avant J.-C., des expériences européennes sanglantes de l'époque de la Réforme, des utopies effrayantes (bien qu'universellement estimées) des penseurs européens, des intrigues de Marx et Engels, ou des mesures communistes radicales de l'époque de Lénine (pas plus humaines que les méthodes musclées de Staline), l'auteur, dans ses dizaines d'exemples, démontre la constance inébranlable du phénomène étudié.

Shafarevich a mis en évidence les invariants du socialisme, ses éléments fondamentaux et immuables, qui ne dépendent ni du temps ni du lieu, et qui, hélas, se profilent de façon inquiétante sur le monde d'aujourd'hui qui vacille. Si l'on considère l'histoire de l'humanité dans son ensemble, le socialisme peut se targuer d'une plus grande longévité et durabilité, d'une plus grande diffusion et d'un contrôle sur des masses plus importantes que la civilisation occidentale contemporaine. Il est donc difficile de se défaire de sombres pressentiments en contemplant la gueule dans laquelle - avant la fin du siècle - nous pourrions tous plonger : cette « formation asiatique » que Marx s'est empressé de contourner dans sa classification, et devant laquelle la pensée marxiste contemporaine se trouve déconcertée, ayant discerné son propre visage hideux dans le miroir des millénaires. On pourrait probablement dire que la majorité des États dans l'histoire de l'humanité ont été « socialistes ». Mais il est également vrai qu'il ne s'agissait en aucun cas de périodes ou de lieux de bonheur ou de créativité humaine.

Shafarevich souligne avec une grande précision la cause et la genèse des premières doctrines socialistes, qu'il caractérise comme des réactions : Platon en réaction à la culture grecque et les gnostiques en réaction au christianisme. Ils ont cherché à contrecarrer l'effort de l'esprit humain pour se tenir droit et se sont efforcés de revenir à l'existence terrestre des états primitifs de l'antiquité. L'auteur démontre également de manière convaincante l'opposition diamétrale entre les conceptions de l'homme défendues par la religion et par le socialisme. Le socialisme cherche à réduire la personnalité humaine à ses niveaux les plus primitifs et à éteindre les aspects les plus élevés, les plus complexes et les plus « divins » de l'individualité humaine. Et même l'égalité elle-même, cet appel puissant et cette grande promesse des socialistes à travers les âges, s'avère signifier non pas l'égalité des droits, des opportunités et des conditions extérieures, mais l'égalité en tant qu'identité, l'égalité vue comme le mouvement de la variété vers l'uniformité.

Même si, comme le montre ce livre, le socialisme a toujours réussi à éviter les analyses véritablement scientifiques de son essence, l'étude de Shafarevich met au défi les théoriciens actuels du socialisme de démontrer leurs arguments dans une discussion publique de type professionnel.

ALEKSANDR I. SOLZHENITSYN

Traduit de l'anglais par Le Fil d'Ariane

http://robertlstephens.com/essays/shafarevich/001SocialistPhenomenon.html

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