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Youri Poliakov : Nous serons immunisés non seulement contre la covidémie, mais aussi contre la voracité de l'Occident et d'autres contagions (Club d'Izborsk, 4 janvier 2021)
Youri Poliakov : Nous serons immunisés non seulement contre la covidémie, mais aussi contre la voracité de l'Occident et d'autres contagions
4 janvier 2021
- Bonjour Youri, le "contre-espionnage" m'a dit que vous avez écouté le carillon du Kremlin à minuit, étiez-vous sur la Place Rouge ?
- Oui. D'abord, j'ai écrit... "Adieu à l'année du Rat". Je peux le lire. (Le texte du poème se trouve ci-dessous)
- Alors, qu'avez-vous entendu, Yuri, dans le carillon ? Comme un écrivain de trois époques qui les a écoutées dans les décennies précédentes ? Vous n'en avez encore parlé à personne, mais maintenant nous sommes les premiers à le savoir...
- Lorsque nous avons célébré le millénaire, j'ai en fait écouté le carillon de la Place Rouge. Et même avant cela, quand nous étions jeunes, sous le régime soviétique, nous y sommes allés un jour, peut-être en 1980 ou 1979.
Et cette fois, on nous a tous demandé à six heures du soir de quitter la Place Rouge.
Mais j'ai entendu cette dispute à la maison, à la télévision. Et j'y ai entendu les mots du classique "Russie, lève-toi et brille !"
Je pense que 2021 sera l'année des réalisations sérieuses, des victoires et des dépassements. J'ai ce sentiment. Je l'ai entendue, c'est sûr.
- Et ceci - avec quel rythme de la cloche principale a-t-elle sonné ?
- Je n'ai pas entendu la musique de la révolution, que certains de nos hooligans attendent peut-être avec impatience, quand le carillon retentit.
Et puis je ne connais pas grand chose aux sonneries de cloches. J'ai en quelque sorte compris ce que je viens de vous dire - disons le comme ça.
- Est-ce que cela correspond d'une manière ou d'une autre à votre pronostic, à votre pressentiment, qui se réalise toujours ?
- Il me semble - et je l'ai écrit dans mes articles l'année dernière et, d'ailleurs, j'ai aussi parlé de ce sujet plus d'une fois dans la Komsomolskaya Pravda - que cette expérience - les tâches difficiles et douloureuses auxquelles le gouvernement et le peuple seront confrontés en 2020 - nous aidera à résoudre les tâches qui sont en suspens depuis longtemps. Elle nous aidera surtout à surmonter la défaillance de l'État, lorsque les bons ordres de notre président ne sont pas respectés ou sont exécutés avec les manches retroussées, comme on disait autrefois.
Elle nous aidera également à combler le fossé profond entre une poignée de riches et la masse de pauvres inexplicables, qui sont durement touchés par le Covid, soit dit en passant, sur le budget de ces familles de travailleurs ordinaires.
Je pense qu'à partir de 2021 - l'année du Taureau, c'est-à-dire d'un animal aussi grave et déterminé - nous commencerons à répondre sérieusement à ce comportement grossier, que le collectif occidental s'est permis par rapport à nous l'année dernière.
Et surtout, nous obtiendrons une immunité collective de la population, non seulement contre le Covid, mais aussi contre tous les autres problèmes que je pense que nous pourrions avoir.
Parce que la Terre entre, me semble-t-il, dans une sorte de turbulence.
Chaque écrivain a cette "marge" avec laquelle il ressent la tempête, même si elle est à des milliers de kilomètres. Et avec mon écriture "en marge", je sens qu'il va y avoir des turbulences. Mais je le répète, nous sommes immunisés contre elle et contre toutes sortes d'autres infections.
- Vos félicitations et vos souhaits à vos lecteurs qui ont l'habitude de vous voir et de vous entendre dans la Komsomolskaya Pravda.
- Je voudrais avant tout vous souhaiter la santé et vous souhaiter de surmonter les difficultés qui nous ont frappés en cette année du Rat. Je vous souhaite de continuer à lire le Komsomolskaya Pravda, un grand journal, avec lequel je coopère depuis 1975 ou 1974.
Et d'ailleurs, j'ai parlé de cette collaboration dans un livre qui vient de paraître et qui est consacré à mon modeste travail de création. J'espère que les Gamov et moi allons écrire de nombreuses et joyeuses interviews dans le journal et les publier dans un livre, comme c'était le cas il y a un an et demi.
Alors - bonne chance dans l'année du Taureau*. Le Taureau est notre animal, aussi bien que l'ours.
- Merci beaucoup, Youri. Prenez soin de vous et de vos lecteurs.
- Et maintenant, pour vos poèmes...
* * *
Au revoir, année bissextile,
Je vous donne la note la plus basse.
♪ Va-t'en, année du Rat, tu es mortelle ♪
Vous avez mis tout le monde dans le pétrin !
La peur et la trépidation sont saisies.
Oh, si seulement nous savions avec certitude
Que nous ne serons pas pris dans les cornes
De l'année 21 - l'année du Taureau !
Et pourtant, nous avons été envoyés pour faire grandir
Un veau, une bête bon enfant.
Mais s'il y a quelque chose, Dieu ne nous trahira pas :
Il est dans la Constitution !
Bonne année, mes amis !
Youri Poliakov
http://yuripolyakov.ru
Poliakov Youri Mikhailovich (né en 1954) est un éminent écrivain russe, publiciste. Il est le rédacteur en chef de Literaturnaya Gazeta. Membre régulier du club d’Izborsk.
Traduit du russe par Le Rouge et le Blanc.
* NdT: Le taureau russe est l'équivalent du buffle chinois. En Chine, 2021 est l'année du Buffle.
Léon Tolstoï (1909): la religion
"La religion n’est pas une croyance établie une fois pour toutes, une croyance aux phénomènes surnaturels qui soi-disant se produisirent autrefois, ni la croyance à la nécessité de certaines prières et de certains rites. Elle n’est pas non plus, comme le pensent les savants, le reste des superstitions et de l’ignorance antiques, qu’il n’est, dans notre temps, d’aucune nécessité d’adapter dans la vie. La religion, c’est le rapport de l’Homme envers la vie éternelle, envers Dieu, rapport établi en accord avec la raison et la science contemporaine et qui seules poussent l’humanité en avant vers le but qui lui est assigné. 'L’âme humaine, c’est la lampe de Dieu', dit une sage expression hébraïque. L’homme est un animal faible, misérable, tant que dans son âme ne brûle pas la lumière de Dieu. Et quand cette lumière s’enflamme, et elle ne s’enflamme que dans l’âme éclairée par la religion, l’homme devient l’être le plus puissant au monde. Et il n’en peut être autrement, parce qu’alors ce n’est plus sa force qui agit en lui, mais celle de Dieu. Voilà ce qu’est la religion et en quoi consiste son essence."
Texte d'un enregistrement de Tolstoï, en français, en 1909, un an avant sa mort en 1910. Tolstoï maîtrisait le russe, l'anglais, l'allemand et le français.
Ecoutez ici la voix de Tolstoï:
https://www.franceculture.fr/litterature/archive-exceptionnelle-leon-tolstoi-sur-dieu-en-1909
Le Persan, langue diplomatique reliant deux grands pays: l'Iran et la France (IRNA)
"La gloire de l'Iran a toujours été sa culture."
Richard Nelson Frye, Greater Iran, xi.
Selon le rapport du mardi 22 décembre de l'IRNA, le Centre Franco-Iranien en partenariat avec le Centre Universitaire d’Etudes et de Recherches Iraniennes d’Alsace et l'Institut Culturel Negarestan-e Andicheh vient d'organiser le webinaire international "La langue persane, instrument du dialogue interculturel" en présence des experts iraniens et français et un nombre de passionnés des deux langues et des deux cultures.
Lors de son discours inaugural, Seyyed Alireza Khalili, président du Centre franco-iranien, tout en remerciant les participants et les conférenciers, a brossé un bref tableau sur les activités du centre et ses activités passées.
Le programme se poursuit avec une introduction à la langue de Ferdowsi (grand poète classique et épique iranien), ce grand patrimoine littéraire et culturel iranien.
Intervenant, Seyyed Vahid Yaghoubi, chercheur dans le domaine de la culture et de la littérature françaises et secrétaire scientifique de la réunion s’attarde à cette occasion sur l'importance de la langue et de la littérature persanes en tant que l’un des outils du dialogue interculturel.
Le persan en tant que langue diplomatique joue un rôle de premier plan dans les relations Irano-françaises
Le professeur Francis Richard, iranologue, éminent spécialiste des manuscrits français et ancien directeur du département d'art islamique du musée du Louvre à Paris, en réponse à une question sur les caractéristiques de la langue persane et la connaissance de la France avec cette langue se focalise sur l’histoire et les antécédents du persan en France.
Pour Francis Richard qui a été conservateur, de 1974 à 2003, au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, le persan en tant que langue diplomatique joue également un rôle de premier plan dans les relations entre les deux pays.
Présent au rendez-vous, l'éminent professeur Bayk Baghban, professeur émérite à l'Université de Strasbourg en France et directeur du Centre universitaire alsacien d'études et de recherches iraniennes toujours en France, a souligné l'importance de découvrir les réalités de l’Iran avant de s’attarder sur la place de l’Iran et ses échanges avec l’Europe sur divers plans culturel, artistique, littéraire, religieux, scientifique et … et cela dans diverses époques et périodes.
Autre invité de marque, Farideh Alavi, Professeur de langue et de la littérature françaises à l'Université de Téhéran, a pris la parole en s’intéressant à l'importance de la traduction dans le domaine du dialogue interculturel. Elle évoque les poèmes d’un autre géant de la poésie persane, le sage Saadi*, maître de la poésie et de la prose moralisante qui plaident dans ses vers pour la compassion et la solidarité.
Autre invité d’honneur, Mohammad Ziar, poète, traducteur, professeur de la langue et de la littérature françaises et chef de la Faculté des langues étrangères de l'Université Azad de Téhéran, se penche dans son discours sur l'importance toujours de la traduction et en particulier des œuvres du grand poète classique iranien Hafez.
La réunion en ligne se termine avec une séance de questions-réponses.
Le Centre Franco-Iranien est une association créée en France en août 2016, ayant pour objectif d’approfondir et développer les relations franco-iraniennes dans l’ensemble des domaines (institutionnel, économique et commercial, culturel et artistique, sportif, universitaire, …) et d’œuvrer pour le renforcement des liens d’amitié entre les deux peuples iranien et français.
Le Centre Franco-Iranien a déjà organisé plusieurs webinaires axés sur la langue et la culture persanes mais aussi le cinéma iranien.
Source: https://fr.irna.ir/news/84158347/Le-Persan-la-langue-diplomatique-reliant-l-Iran-et-la-France
* Ndlr: https://fr.wikipedia.org/wiki/Saadi
Le Centre Franco-Iranien: https://www.france-iran.org/new-index
Pour en savoir plus sur la Perse et l'Iran, écoutez le professeur de philosophie Pierre Dortiguier:
1: De la Perse à l'Iran
https://www.youtube.com/watch?v=DJnbc7CcDtM
2: L'Iran- 1e partie
https://www.youtube.com/watch?v=RUJTEuWYtwE
3: L'Iran, suite et fin
https://www.youtube.com/watch?v=CzoZfE0g1mQ
http://pocombelles.over-blog.com/2020/03/pierre-dortiguier-le-modele-iranien.html
etc.
"C'EST la science qui augmente le mérite de l'homme, et non le faste, les honneurs, les biens, les richesses. Il faut se consumer à sa poursuite comme la bougie, car sans la science on ne peut connaître Dieu. S'appliquer à acquérir de l'instruction, c'est être prédestiné au bonheur. Le sage ambitionne la science dont le bazar est toujours fréquenté. Le devoir de t'instruire est pour toi un précepte obligatoire que Dieu t'a imposé, quand même, pour l'exécuter, il faudrait parcourir le monde. La science t'est nécessaire, tant pour le spirituel, que pour le temporel. Par elle, tout ce qui te concerne sera dans le plus heureux arrangement. Si tu te laisses diriger par l'intelligence, ne t'appliques qu'à étudier. C'est une négligence impardonnable que de ne rien savoir. Va, et tiens-toi fortement attaché au pan du manteau de la science ; tu seras conduit au palais de la stabilité."
Saadi (Muslih-ud-Din Mushrif ibn Abdullah): Pend-Nameh ou le Livre des Conseils, chapitre VII: De l'excellence de la science.)
"PUISQUE Dieu a comblé tous les désirs que tu as formés, pourquoi ton unique but n'est-il pas de rendre la justice ? Elle est l'ornement de la royauté ; pourquoi par elle ne pas fixer les incertitudes de ton cœur ? Ah ! si elle s'unit à toi pour gouverner ton empire, elle donnera à ton trône une stabilité que les efforts réunis de tes ennemis ne pourront détruire. Nouchirva exerça la justice ; aujourd'hui encore les peuples répètent son nom avec enthousiasme. Rends le monde heureux par les bienfaits de l'équité ; répands toutes tes faveurs sur les gens qui pratiquent cette vertu. La tranquillité d'un royaume est le résultat de la justice; c'est elle qui comble les vœux des sujets. Il n'y a pas de meilleur architecte au monde que la justice, car rien n'est au-dessus d'elle. Que peut-il t'arriver de plus heureux que d'avoir le nom de roi juste? Si tu veux la décoration du bonheur, ferme la porte de la tyrannie sur les habitants du monde. Ne refuse point tes bonnes grâces à tes sujets ; remplis les vœux de ceux qui veulent la justice."
Saadi (Muslih-ud-Din Mushrif ibn Abdullah): Pend-Nameh ou le Livre des Conseils, chapitre IX: de la justice
"LA tyrannie dévaste le monde, comme le vent destructeur de l'automne ravage un jardin délicieux. N'opprime jamais tes sujets, si tu veux que le soleil de ton empire ne décline point. Celui qui allume dans le monde le feu de l'oppression, arrachera aux hommes des plaintes et des gémissements. Ne tyrannise point le pauvre, car l'enfer sera, sans doute, la demeure des tyrans.
Si l'opprimé élève un soupir de son cœur, l'ardeur de ce soupir brûlant enflammera l'eau et la terre. Ne fais point d'injustice à l'infortuné privé de toute ressource, et pense enfin au réduit étroit du sépulcre. N'outrage point l'opprimé et ne méprise pas la vapeur des soupirs qui s'élèvent vers le ciel. Ne sois ni méchant ni sévère, de peur que la punition de Dieu ne vienne fondre sur toi à l'improviste.
Saadi (Muslih-ud-Din Mushrif ibn Abdullah): Pend-Nameh ou le Livre des Conseils, chapitre X: Censure de la tyrannie)."
"SI tu te diriges d'après la droiture, les hommes seront tes amis. Le sage ne détourne point la tête de la pratique de cette vertu qui donne à la réputation je ne sais quoi de sublime. Si ton naturel est la droiture, puissent mille éloges être consacrés à ton heureux penchant ! Si tu aides la barque de ton esprit du souffle de la droiture, semblable au zéphyr du matin, tu atteindras le rivage loin des ténèbres de l'ignorance. Garde-toi de ne rien faire que selon la droiture ; car la main droite a la prééminence sur la gauche. Rien au monde n'est meilleur que la droiture ; il n'y a pas d'épines à son rosier. Comment celui qui n'agit pas conformément aux règles qu'elle prescrit sera-t-il acquitté au jour du jugement? Rien de plus préjudiciable que de manquer de droiture; c'est par-là que la réputation la mieux établie perd tout son prix."
Saadi (Muslih-ud-Din Mushrif ibn Abdullah): Pend-Nameh ou le Livre des Conseils, chapitre XVII: De la droiture).
Source: http://remacle.org/bloodwolf/arabe/sadi/conseils.htm
http://remacle.org/bloodwolf/arabe/sadi/table.htm
Le 18 juillet 1994 (journal de bord de Pierre-Olivier Combelles)
18 juillet 1994.
Orages. Averses violentes toute l’après-midi. Jupiter toujours bombardé par les fragments de la comète Shoemaker-Levy. Exode au Rwanda. Victoire du Brésil contre l’Italie dans la coupe mondiale de football à Los Angeles. Tour de France. le président Mitterrand annonce qu’il ne se présentera pas aux prochaines élections en 1995.
Toujours les martinets dans le ciel: eux seront encore là l’année prochaine et dans cent ans encore. Dans mille ans, dix mille ans, il y aura encore des orages, des averses, les plantes et la terre se gorgeront d’eau et on n’entendra plus parler ni du Tour de France ni du football ni du Rwanda.
Instant précieux, magique, du cri du martinet dans le ciel de Paris.
Le bleu des lobélies le long des chemins de la forêt de Rambouillet, le rose vif des bruyères cendrées au soleil, le rose plus secret, rêveur, oriental, des Petites centaurées, le cri de la buse variable qui décrit des cercles devant la cohorte des nuages.
Journal de bord de Pierre-Olivier Combelles.
"Chez soi, c’est où on a laissé son cœur." (Euripide)
Mon camp sur l'île du Petit-Mécatina, sur la Basse Côte-Nord du Québec. J'y étais retourné en 1990 après être venu une première fois en voilier en 1989, dans cette même anse où Audubon avait mouillé en 1833 avec sa goélette "Ripley". Photo: Pierre-Olivier Combelles (1990)
(Pierre-Olivier Combelles, journal de bord, mardi 15 novembre 1994).
« Euripide dit que chez soi, c’est où on a laissé son cœur », même la Grèce, ce tas de rochers usés par les nuages, ouvre les bras à ses enfants prodigues. Les Crétois vous rappelleront que le style ne dépend pas de la richesse; en vérité, si vous saviez sur quel maigre revenu personnel survit le vieux monsieur genre Zeus que vous avez rencontré au café et qui insiste pour payer vos consommations, vous vous sentiriez humilié par ce qu’il affirme avec véhémence, à savoir que pour les Grecs, les étrangers sont plus proches que des frères, et qu’il faut prendre la vie aristocratiquement, par les cornes. »
Lawrence Durrell, Les îles grecques.
Nicomède, de Corneille
Jean Dutourd. Préface au Théâtre de Pierre Corneille. Tome III. Éditions Gallimard- Le Livre de Poche (1966). Bibliothèque et photos de P.O. Combelles.
Corneille: Nicomède, acte II, scène III. Théâtre de Pierre Corneille. Tome III. Éditions Gallimard- Le Livre de Poche (1966). Bibliothèque et photos de P.O. Combelles.
"Le problème du héros est au centre de l'oeuvre de Corneille. Du Cid à Suréna, l'objet essentiel de son théâtre n'est-il pas de mettre à nu, à travers des personnages ou des situations historiques ou inspirées par l'histoire, les problèmes souvent difficiles des rapports du héros et du pouvoir, du peuple et des rois. Le héros cornélien étant l'expression magnifiée de ce peuple." (Pierre Barrat, metteur en scène de Nicomède):
Pierre Barrat, metteur en scène de Nicomède de Corneille à la Maison de la Culture de Caen (1964). Entretien avec Pierre Gavarry:
Pierre Corneille par Jean Dutourd (et Pierre Barrat, à propos de Nicomède)
"Corneille est un soldat, un maréchal des lettres couvert de blessures. Racine un politicien, un ministre couvert d'honneurs. C'est évidemment le vieux soldat, le Sertorius de la poésie, qui enflamme l'imagination des âmes vraiment sensibles."
Jean Dutourd.
Jean Dutourd. Préface au Théâtre de Pierre Corneille. Tome III. Éditions Gallimard- Le Livre de Poche (1966). Bibliothèque et photos de P.O. Combelles.
"Le problème du héros est au centre de l'oeuvre de Corneille. Du Cid à Suréna, l'objet essentiel de son théâtre n'est-il pas de mettre à nu, à travers des personnages ou des situations historiques ou inspirées par l'histoire, les problèmes souvent difficiles des rapports du héros et du pouvoir, du peuple et des rois. Le héros cornélien étant l'expression magnifiée de ce peuple." (Pierre Barrat, metteur en scène de Nicomède):
Pierre Barrat, metteur en scène de Nicomède de Corneille à la Maison de la Culture de Caen (1964). Entretien avec Pierre Gavarry:
Ernst Jünger: Heidegger
Témoignage de Ernst Jünger sur Heidegger
Pendant la seconde guerre mondiale, alors qu'il occupait un poste militaire à Paris, Ernst Jünger a rencontré de jeunes français qui se penchaient sur Heidegger. «J'y ai vu, dit-il, un bon signe de la force d'attraction d'un penseur. En dépit des granves bouleversements et conflits qui nous divisaient, subsistaient quand même des ponts spirituels, qui tenaient bon.»
Jünger devait prolonger sa réflexion sur la force d'attraction de Heidegger dans le cadre du texte qu'il écrivit à l'occasion du 80e anniversaire du philosophe.
«Comment se fait-il que le magnétisme de ce penseur puisse triompher d'aussi fortes résistances ? Au cours de ces rencontres, j'ai pris conscience que ce n'est pas la langue seulement qui pouvait avoir produit un tel effet. Peut-être vaudrait-il d'ailleurs mieux parler d'influence que d'effet - parler du passage à un niveau supérieur, fort mais anonyme. Ainsi, dans les écluses, les bateaux s'élèvent insensiblement selon l'étiage. On entre dans le champ de force d'un esprit et l'on s'en trouve modifié. Ici, il fallait présupposer encore autre chose que la persuasion au moyen des vocables, des idées, voire peut-être de l'originalité de la pensée même. Des éléments informulés devaient, en outre, entrer en jeu, une force d'attraction sous-jacente aux mots et aux pensées.
Cette supposition se trouva confirmée dès ma première rencontre personnelle avec le philosophe, là-haut dans la Forêt-Noire, à Todtnauberg. Dès l'abord, il y eut là quelque chose - non seulement de plus fort que le mot et la pensée, mais plus fort que la personne même. Simple comme un paysan, mais un paysan de conte qui peut à son gré se métamorphoser en e gardien du trésor, dans la profonde forêt de sapins », il avait aussi quelque chose d'un trappeur.
C'était celui qui sait, celui que le savoir ne se borne pas à enrichir, mais égaye comme Nietzsche l'exigeait de la science. Il était, dans sa richesse, inattaquable - voire insaisissable, et l'eût été même si les huissiers étaient venus saisir ses vêtements - un regard madré, en coulisse, le révélait. Il aurait plu à un Aristophane.
Il ne m'a été donné de ressentir une impression de force aussi directe qu'une seule fois encore, bien que j'aie rencontré de nombreux contemporains qui portaient, à bon droit ou non, un nom illustre. Dans ce second cas, je pense à Picasso. En ce qui concerne sa création aussi, je suis moins connaisseur qu'amateur. Dans les deux cas, j'ai senti la force spirituelle indéterminée qui produit l'objet particulier, que ce soit dans les pensées, les actes ou les images - bref, l'oeuvre.
Un mot simple comme l' être » (le Sein) a des profondeurs plus grandes qu'on ne saurait l'exprimer, ni même le penser. Par un mot comme e sésame », l'un entend une poignée de graines oléagineuses, alors que l'autre, en le prononçant, ouvre d'un coup la porte d'une caverne aux trésors. Celui-là possède la clef. Il a dérobé au pivert le secret de faire s'ouvrir la balsamine.
La patrie de Martin Heidegger est l'Allemagne avec sa langue. Le pays familier de Heidegger est la forêt. Il y est chez lui, là où on n'est jamais passé et sur les chemins sylvestres. L'arbre est son frère.
Lorsque Heidegger approfondit le langage, se plonge clans l'enchevêtrement de ses racines, il fait plus que ce qui, selon l'expression de Nietzsche, est « exigé de nous autres philologues u.
L'exégèse de Heidegger est plus que philologique, plus qu'étymologique. Il saisit le mot là où, encore frais, celui-ci somnole dans le silence, en pleine force germinative, et il le sort de l'humus sylvestre.
Non pas que, dans le vocable, Heidegger découvre le sens nouveau et inconnu. Bien plutôt, à la manière d'un mineur, il projette sur lui une intention nouvelle. Le mot, tout proche de l'informulé, devient ductile, il commence à répondre, du fond de la matière silencieuse. Et pas seulement le mot, les pensées, les idées, les images aussi. La surprise sur le plan philologique n'est qu'une de nos nombreuses surprises. Elle confirme qu'il a saisi le mot au bon endroit, qu'il a eu la main heureuse.»
Ernst Jünger, Rivarol et autres essais, Grasset, Paris 1974 p.129-131
Ernst Jünger (à gauche) et Carl Schmitt (droite) en barque sur le lac devant le château de Rambouillet (1941).
SUR LE BLOG "LE ROUGE ET LE BLANC":
Entre forêts et sentiers, quelques pensées d'Ernst Jünger:
Rivarol par Ernst Jünger: "Sans la bonté, l'élitisme ne vaut rien"
Ernst Jünger (à gauche) et Carl Schmitt (droite) en barque sur le lac devant le château de Rambouillet (France), 1941.
1989 (Cotta´s Bibliothek der Moderne), gebunden
127 Seiten,
ISBN: 978-3-608-95695-5
Jedenfalls hat Rivarol nicht, wie so mancher andere, auf Kosten seines Namens gelebt, sondern er hat seinen Namen zu Ehren gebracht. Das ist weit seltener.
(En tout cas, Rivarol n'a pas vécu aux dépens de son nom, comme beaucoup d'autres, mais il a porté son nom pour l'honorer. C'est beaucoup plus rare.)
Ernst Jünger: Rivarol et autres essais.
2
Antoine Comte de Rivarol, wie er sich nannte, wurde am 26. Juni 1753 zu Bagnols im Languedoc als ältestes Kind von sechzehn Geschwistern geboren; die Familie lebte in beschränkten Verhältnissen. Der Vater, Jean-Baptiste Rivarol, übte verschiedene Berufe aus, darunter den eines Schulmeisters, eines Steuereinnehmers und eines Gastwirtes.
Schon Sainte-Beuve bezeichnete die Ursprunge Rivarols als »inextricable« und meinte damit wohl vor allem den Anspruch auf den Adels- und Grafentitel, der durch das Taufregister nicht gerechtfertigt wird. Es mag sein, daß Rivarol sich diese Qualitäten auf die gleiche Weise zuschrieb wie der Chevalier de Seingalt, der, als er nach der Berechtigung gefragt wurde, sich darauf berief, daß er Herr über die vierundzwanzig Buchstaben des Alphabetes sei. Es mag aber auch sein, daß die Familie, wie Rivarol behauptet, ihre Herkunft dem ausgewanderten Zweige eines alten Genueser Geschlechtes verdankt. Jedenfalls hat Rivarol nicht, wie so mancher andere, auf Kosten seines Namens gelebt, sondern er hat seinen Namen zu Ehren gebracht. Das ist weit seltener. Gegen Ende des 18. Jahrhunderts, in dem der Adel eine so große Rolle spielte, war man solchen Korrekturen der Visitenkarte gegenüber liberaler als bald danach und als selbst heute noch. Das gab der Gesellschaft jene Flüssigkeit und leichte Eleganz, die seitdem nie wieder erreicht werden sollten und die man einerseits als eines der Vorzeichen ihres Unterganges, andererseits als eine Lockerung der ständischen Fesseln betrachten kann, die nicht nur den persönlichen Umgang vergeistigte, sondern aus der auch die Kunst bedeutenden Nutzen zog.
In dieser Gesellschaft gab der Ruf eines feinen Kopfes oder einer glänzenden Begabung nicht nur unfehlbar Zutritt, sondern auch einen guten Platz in den Salons. Man hat sogar den Eindruck, daß oft der Ruf genügte; und auf solche Beobachtungen mag sich der Ausspruch Rivarols beziehen, daß nichts geleistet zu haben ein gewaltiger Vorteil ist, doch daß man ihn nicht mißbrauchen soll.
Neben Tagesgrößen, Glücksrittern und Abenteurern, die zum Teil glänzend auftraten, begegnete man in dieser vorrevolutionären Gesellschaft auch Trägern von Namen, die noch heute ihren Klang halten. Zu ihnen gehört Rivarol. Innerhalb seiner Zeit gesehen, ist er kein Einzelfall, sondern eine ihrer typischen Erscheinungen.
Nicht minder typisch ist seine Vorgeschichte bis zum ersten Auftreten in Paris, wo er sogleich Beachtung fand. Wie vieler begabter Söhne aus mittellosen Familien nahm sich die Kirche seiner an. Nachdem er verschiedene geistliche Schulen durchlaufen hatte, überall als glänzender Schüler angesehen, beende te er unter der Protektion des Bischofs von Uzès seine Studien im Priesterseminar Sainte-Garde zu Avignon, das er als Abbé verließ. Er bewegte sich damit, wie gesagt, auf einer der üblichen Laufbahnen: auf der des mittellosen Schülers, der früh durch seine Begabung hervorleuchtet. Das ist ein Schlag, aus dem der Klerus sich zu relautieren sucht, selbst wenn er in Kauf nehmen muß, daß mancher seiner Stipendiaten, wie es auch Rivarol tat und wohl tun mußte, in das Weltleben überspringt. Auf gleiche Weise debutierte, um ein Beispiel zu nennen, Chamfort, der häufig mit Rivarol genannt und auch verglichen wird. Stendhal hat daraus ein romantisches Muster gebildet; seine Helden leiden und reifen in der Askese und den Intrigen der geistlichen Vorschule, ehe sie sich dem Heere, der Politik oder der Literatur zuwenden. Die strenge Zucht, verbunden mit Elementarkraft, bringt explosive Wirkungen hervor.
Von Rivarol kann man wenigstens nicht sagen, daß er, wie so mancher andere, die Förderung mit Undank vergolten hat, weshalb man auch Zynismen in dieser Hinsicht, wie man sie bei Chamfort findet, bei ihm vergeblich suchen wird. Hinter seinen Gedanken, wie frei und leicht sie auch geführt werden, verbirgt sich eine solide Ausbildung, sowohl was die Sprache, als auch, was allgemeine Kenntnisse betrifft. Ihr verdankt er seine Vertrautheit mit der antiken Literatur, Geschichte und Mythologie, seine grammatikalischen und etymologischen Neigungen, seine Vorliebe für Geister wie Dante, Pascal und Augustin.
Extrait
Rivarol
(Antoine Comte de Rivarol, comme il s'appelait lui-même, est né le 26 juin 1753 à Bagnols dans le Languedoc comme l'aîné de seize frères et soeurs ; la famille vivait dans des circonstances limitées. Son père, Jean-Baptiste Rivarol, était instituteur, collecteur d'impôts et aubergiste.
Sainte-Beuve décrivait déjà les origines de Rivarol comme "inextricables" et signifiait probablement avant tout la revendication du titre de noblesse et de comte, qui n'est pas justifiée par le registre des baptêmes. Il se peut que Rivarol se soit attribué ces qualités de la même manière que le Chevalier de Seingalt qui, lorsqu'on lui demandait de se justifier, prétendait être maître des vingt-quatre lettres de l'alphabet. Mais il se peut aussi que la famille doive son origine, comme le prétend Rivarol, à la branche émigrée d'une vieille famille génoise. En tout cas, Rivarol n'a pas vécu aux dépens de son nom, comme beaucoup d'autres, mais il a apporté son nom pour l'honorer. C'est beaucoup plus rare. Vers la fin du XVIIIe siècle, lorsque la noblesse jouait un rôle si important, les corrections apportées à la carte de visite étaient plus libérales que peu de temps après et encore aujourd'hui. Cela a donné à la société cette fluidité et cette élégance légère qui n'ont plus jamais été atteintes depuis lors et qui peuvent être considérées d'une part comme l'un des signes de sa disparition, et d'autre part comme un relâchement des chaînes des domaines, qui non seulement spiritualisait les relations personnelles, mais dont l'art tirait également un bénéfice important.
Dans cette société, la réputation d'une bonne tête ou d'un talent brillant donnait non seulement un accès infaillible mais aussi une bonne place dans les salons. On a même l'impression que la réputation était souvent suffisante ; et à de telles observations, le mot de Rivarol peut faire référence, que "le fait de n'avoir rien accompli est un grand avantage, mais qu'il ne faut pas en abuser."
Dans cette société pré-révolutionnaire, outre les grands de l'époque, les chevaliers de la fortune et les aventuriers, dont certains ont fait de brillantes apparitions, nous avons également rencontré des porteurs de noms qui sonnent encore vrai aujourd'hui. L'un d'eux est Rivarol. Vu dans son temps, ce n'est pas un cas isolé, mais une de ses manifestations typiques.
Son histoire n'est pas moins typique jusqu'à sa première apparition à Paris, où il a immédiatement attiré l'attention. Comme beaucoup de fils doués issus de familles démunies, l'Eglise s'est occupée de lui. Après avoir passé par diverses écoles religieuses, partout considérées comme de brillants élèves, il termine ses études au séminaire de Sainte-Garde en Avignon sous la protection de l'évêque d'Uzès, qu'il quitte comme abbé. Il s'oriente ainsi, comme je l'ai dit, vers l'une des carrières habituelles : celle de l'élève sans le sou qui brille tôt par son talent. C'est un coup dont le clergé tente de se défaire, même s'il doit accepter que certains de ses boursiers, comme Rivarol l'a fait et a probablement dû le faire, passent à la vie mondiale. De la même manière, pour donner un exemple, Chamfort a fait ses débuts, qu'on a souvent nommé et comparé à Rivarol. Stendhal en a fait un modèle romantique ; ses héros souffrent et mûrissent dans l'ascèse et les intrigues de l'Alma Mater avant de se tourner vers l'armée, la politique ou la littérature. Une discipline rigoureuse, combinée à une force élémentaire, produit des effets explosifs.
Rivarol, du moins, comme beaucoup d'autres, n'a pas été récompensé par l'ingratitude de ses encouragements, c'est pourquoi on cherchera en vain le cynisme à cet égard, tel qu'on le trouve à Chamfort. Derrière ses pensées, même si elles sont menées librement et facilement, il y a une solide formation, tant en langue qu'en connaissances générales. C'est à elle qu'il doit sa familiarité avec la littérature ancienne, l'histoire et la mythologie, ses penchants grammaticaux et étymologiques, son goût pour les esprits comme Dante, Pascal et Augustin.)
Source: https://www.klett-cotta.de/buch/Juenger/Rivarol/4429#buch_leseprobe
Source: Pierre-Étienne Pagès: Le cœur aventureux d'Ernst Jünger
La Revue des Deux Mondes
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/10e3a591bb0966ad3640ba0997f835bb.pdf
RIVAROL SUR LE BLOG LE ROUGE ET LE BLANC
http://pocombelles.over-blog.com/antoine-de-rivarol-1753-1801.html