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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

lettres

Les 40 règles de vie de Shams de Tabriz ou “Les 40 règles de l’amour”.

24 Septembre 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Iran, #Lettres, #Philosophie, #Poésie, #Religion

Shams Tabrizi dans une copie d'environ 1503 des poèmes de son disciple Rumi, le Diwan-e Shams-e Tabrizi.

Shams Tabrizi dans une copie d'environ 1503 des poèmes de son disciple Rumi, le Diwan-e Shams-e Tabrizi.

Shams ed Dîn Tabrîzî, Chamseddine Tabrizi ou Shams-e Tabrîzî  (en persan : شمس تبریزی).

 

Mystique iranien soufi né à Tabriz en Azerbaïdjan iranien et mort en 1248. Il est responsable de l'initiation de Jalâl ud Dîn Rûmî, aussi connu sous le nom de Rûmî, Mevlana ou Molana au mysticisme islamique, et a été immortalisé par le recueil de poèmes de Rumi intitulé Diwan-e Shams-e Tabrîzî (« Les travaux de Shams de Tabriz »). Shams et Rûmî vécurent ensemble à Konya, aujourd'hui en Turquie, pendant plusieurs années, et on sait aussi qu'il a voyagé à Damas, actuellement en Syrie. Certains pensent qu'il serait mort assassiné par des disciples de Rûmî. (Wikipedia).

 

(…) Dès son enfance, Shams commence à manifester un comportement étrange, qui va creuser un véritable fossé entre lui et sa famille. Il ne participe pas aux jeux des autres enfants. Le père est inquiet de cette particularité, le fils est soucieux de cette inquiétude : « J’étais étranger dans ma ville, mon père était étranger à moi, mon cœur l’évitait. » [4] Mowlavi aussi se plaint, dans Fih mâ Fih, du même sentiment d’éloignement et d’étrangeté qu’il éprouvait lui-même par rapport à son entourage : « Rien n’était, dans notre pays, plus honteux que la poésie. » [5] Shams ne tolère pas cette dissemblance. Il se considère comme un canard dont l’œuf a été donné par mégarde à un autre oiseau. Et maintenant, le fils veut rejoindre l’élément liquide, l’eau, comme l’oiseau marin qu’il est, et le père doit accepter cette vérité, même si elle lui est douloureuse. Shams s’adresse ainsi à son père : « Ô père ! Je vois la mer qui vient de devenir mon véhicule, et c’est mon pays et c’est ma présence. Si tu es de moi, ou que je t’appartiens, entre dans la mer, sinon, va rejoindre les poules. » [6] Shams, initié à la dissemblance, commence alors le voyage ; un voyage intérieur d’abord. Il est toujours jeune. Il cherche quelqu’un pour apprendre ce qu’il doit. Aurait-il trouvé son alter égo en Mowlavi ? (…)

 

Shams ed-Din Mohammad Tabrizi - Le rêveur muet*,

 

par Saeed Sadeghian

 

http://www.teheran.ir/spip.php?article1536#gsc.tab=0

 

 

 

Les 40 règles de vie de Shams de Tabriz ou “Les 40 règles de l’amour”

 

 

1– La manière dont tu vois DIEU est le reflet direct de celle dont tu te vois. Si Dieu fait venir surtout de la peur et des reproches à l’esprit, cela signifie qu’il y a trop de peur et de culpabilité en nous. Si nous voyons Dieu plein d’amour et de compassion, c’est ainsi que nous sommes.

 

2– La voie de la vérité est un travail de cœur, pas de la tête. Faites de votre cœur votre principal guide ! Pas votre esprit. Affrontez, défiez et dépassez votre nafs avec votre cœur. Connaître votre ego vous conduira à la connaissance de Dieu.

 

3– Chaque lecteur comprend le Saint Coran à un niveau différent, parallèle à la profondeur de sa compréhension. Il y a quatre niveaux de discernement. Le premier est la signification apparente, et c’est celle dont la majorité des gens se contentent. Ensuite, c’est le batin le niveau intérieur. Le troisième niveau est l’intérieur de l’intérieur. Le quatrième est si profond qu’on ne peut le mettre en mots. Il est donc condamné à rester indescriptible.

 

4– Tu peux étudier Dieu à travers toute chose et toute personne dans l’univers parce que Dieu n’est pas confiné dans une mosquée, une synagogue ou une église. Mais si tu as encore besoin de savoir précisément où Il réside, il n’y a qu’une place ou Le chercher : dans le cœur d’un amoureux sincère.

 

5– L’intellect relie les gens par des nœuds et ne risque rien, mais l’amour dissout tous les enchevêtrements et risque tout. L’intellect est toujours précautionneux et conseille : “ Méfie-toi de trop d’extase ! ” Alors que l’amour dit : “Oh, peu importe ! Plonge!”

 

6– La plupart des problèmes du monde viennent d’erreurs linguistiques et de simples incompréhensions. Ne prenez jamais les mots dans leur sens premier. Quand vous entrez dans la zone de l’amour, le langage tel que nous le connaissons devient obsolète. Ce qui ne peut être dit avec des mots ne peut être compris qu’à travers le silence.

 

7– L’esseulement et la solitude sont deux choses différentes Quand on est esseulé, il est facile de croire qu’on est sur la bonne voie La solitude est meilleure pour nous, car elle signifie être seul sans se sentir esseulé Mais en fin de compte, le mieux est de trouver une personne, la personne qui sera votre miroir N’oubliez pas que ce n’est que dans le cœur d’une autre personne qu’on peut réellement se trouver et trouver la présence de DIEU en soi.

 

8– Quoi qu’il arrive dans la vie, si troublant que tout te semble, n’entre pas dans les faubourgs du désespoir. Même quand toutes les portes restent fermées, DIEU t’ouvrira une nouvelle voie. Sois reconnaissant ! Il est facile d’être reconnaissant quand tout va bien. Un Soufi est reconnaissant non pas pour ce qu’on lui a donné, mais aussi pour ce qu’on lui a refusé.

 

9– La patience, ce n’est pas endurer passivement. C’est voir assez loin pour avoir confiance en l’aboutissement d’un processus. L’impatience signifie une courte vue, qui ne permet pas d’envisager l’issue. Ceux qui aiment Dieu n’épuisent jamais leur patience, car ils savent qu’il faut du temps pour que le croissant de lune devienne une lune pleine.

 

10 – Est, Ouest, Sud, ou Nord, il n’y a pas de différence. Peu importe votre destination assurez-vous seulement de faire de chaque voyage un voyage intérieur. Si vous voyagez intérieurement, vous parcourez le monde entier et au-delà.

 

11 – Les sages-femmes savent que lorsqu’il n’y a pas de douleur, la voie ne peut être ouverte pour le bébé et la mère ne peut donner naissance. De même pour qu’un nouveau Soi naisse, les difficultés sont nécessaires. Comme l’argile doit subir une chaleur intense pour durcir, l’amour ne peut être perfectionné que dans la douleur.

 

12 – La quête de l’Amour nous change. Tous ceux qui sont partis à la recherche de l’Amour ont mûri en chemin. Dès l’instant ou vous commencez à chercher l’Amour, vous commencez à changer intérieurement et extérieurement.

 

13 –Il y a plus de faux gourous et de faux maîtres dans ce monde que d’étoiles dans l’univers. Ne confonds pas les gens animés par un désir de pouvoir et égocentrique avec les vrais mentors. Un maître spirituel authentique n’attirera pas l’attention sur lui ou sur elle, et n’attendra de toi ni obéissance absolue ni admiration inconditionnelle, mais t’aidera à apprécier et à admirer ton moi intérieur. Les vrais mentors sont aussi transparents que le verre. Ils laissent la Lumière de Dieu les traverser.

 

14 – Ne tente pas de résister aux changements qui s’imposent à toi. Au contraire, laisse la vie continuer en toi. Et ne t’inquiète pas que ta vie soit sens dessus dessous. Comment sais-tu que le sens auquel tu es habitué est meilleur que celui à venir ?

 

15 – Dieu s’occupe d’achever ton travail, intérieurement et extérieurement. Il est entièrement absorbé par toi. Chaque être humain est une œuvre en devenir qui, lentement mais inexorablement, progresse vers la perfection. Chacun de nous est une œuvre d’art incomplète qui s’efforce de s’achever.

 

16 – Il est facile d’aimer le Dieu parfait, sans tache et infaillible qu’il est. Il est beaucoup plus difficile d’aimer nos frères humains avec leurs imperfections et leurs défauts. Sans aimer les créations de Dieu on ne peut sincèrement aimer Dieu.

 

17 – La seule vraie crasse est celle qui emplit nos cœurs. Les autres se lavent. Il n’y a qu’une chose qu’on ne peut laver à l’eau pure : les taches de la haine et du fanatisme qui contaminent notre âme. On peut tenter de purifier son corps par l’abstinence et le jeune, mais seul l’amour purifiera le cœur.

 

18 – Tout l’univers est contenu dans un seul être humain : toi. Tout ce que tu vois autour de toi, y compris les choses que tu n’aimes guère, y compris les gens que tu méprises ou détestes, est présent en toi à divers degrés. Ne cherche donc pas non plus ton Sheitan hors de toi. Le diable n’est pas une force extraordinaire qui t’attaque du dehors. C’est une voix ordinaire en toi.

 

19 – Si tu veux changer la manière dont les autres te traitent, tu dois d’abord changer la manière dont tu te traites, Tant que tu n’apprends pas à aimer, pleinement et sincèrement, tu ne pourras jamais être aimée. Quand tu arriveras à ce stade, sois pourtant reconnaissante de chaque épine que les autres pourront jeter sur toi. C’est le signe que, bientôt, tu recevras une pluie de roses.

 

20 – Ne te demande pas ou la route va te conduire. Concentre-toi sur le premier pas. C’est le plus difficile à faire.

 

21 – Nous avons tous été créés à son image, et pourtant nous avons tous été créés différences et uniques. Il n’y a jamais deux personnes semblables. Deux cœurs ne battent jamais à l’unisson. Si DIEU avait voulu que tous les hommes soient semblables, Il les aurait faits ainsi. Ne pas respecter les différences équivaut donc à ne pas respecter le Saint Projet de DIEU.

 

22 – Quand un homme qui aime sincèrement DIEU entre dans une taverne, la taverne devient sa salle de prière, mais quand un ivrogne entre dans la même salle, elle devient sa taverne. Dans tout ce que nous faisons, c’est notre cœur qui fait la différence, pas les apparences. Les soufis ne jugent pas les autres à leur aspect ou en fonction de qui ils sont. Quand un soufi regarde quelqu’un, il ferme ses deux yeux et ouvre le troisième – l’œil qui voit le royaume intérieur.

 

23 – La vie est un prêt temporaire et ce monde n’est qu’une imitation rudimentaire de la Réalité. Seuls les enfants peuvent prendre un jouet pour ce qu’il représente. Pourtant les êtres humains, soit s’entichent du jouet, soit, irrespectueux, le brisent et le jettent. Dans cette vie, gardez-vous de tous les extrêmes, car ils détruisent votre équilibre intérieur. Les Soufis ne vont pas aux extrêmes. Un Soufi reste toujours clément et modéré.

 

24 – L’être humain occupe une place unique dans la création de DIEU. « J’ai insufflé Mon esprit en lui », dit DIEU. Chacun d’entre nous sans exception est conçu pour être l’envoyé de DIEU sur terre. Demandez-vous combien de fois vous vous comportez comme un envoyé, si cela vous arrive jamais ? Souvenez-vous qu’il incombe à chacun de nous de découvrir l’esprit divin en nous et de vivre par lui.

 

25 – L’enfer est dans l’ici et maintenant. De même que le ciel. Cesse de t’inquiéter de l’enfer ou de rêver du ciel, car ils sont tous deux présents dans cet instant précis. Chaque fois que nous tombons amoureux, nous montons au ciel. Chaque fois que nous haïssons, que nous envions ou que nous battons quelqu’un, nous tombons tout droit dans le feu de l’enfer.

 

26 – « L’univers est un seul être. Tout et tous sont liés par des cordes invisibles et une conversation silencieuse. La douleur d’un homme nous blessera tous. La joie d’un homme fera sourire tout le monde. Ne fais pas de mal. Pratique la compassion. Ne parle pas dans le dos des gens, évite même une remarque innocente ! Les mots qui sortent de nos bouches ne disparaissent pas, ils sont éternellement engrangés dans l’espace infini et ils nous reviendront en temps voulu.

 

27 – Ce monde est comme une montagne enneigée qui renvoie votre voix et écho. Quoi que vous disiez, bon ou mauvais, cela vous reviendra. En conséquence, quand une personne nourrit des pensées négatives à votre propos, dire des choses aussi mauvaises sur lui ne pourra qu’empirer la situation. Vous vous retrouverez enfermé dans un cercle vicieux d’énergie néfaste. Au lieu de cela, pendant quarante jours et quarante nuits, dites des choses gentilles sur cette personne. Tout sera diffèrent, au bout de ces quarante jours, parce que vous serez différents intérieurement.

 

28 – Le passé est une interprétation. L’avenir est une illusion. Le monde ne passe pas à travers le temps comme s’il était une ligne droite allant du passé à l’avenir. Non, le temps progresse à travers nous, en nous, en spirales sans fin. L’éternité ne signifie pas le temps infini mais simplement l’absence de temps. Si tu veux faire l’expérience de l’illumination éternelle, ignore le passé et l’avenir, concentre ton esprit et reste dans le moment présent.

 

29 – Le destin ne signifie pas que ta vie a été strictement prédéterminée. En conséquence, tout laisser au sort et ne pas contribuer activement à la musique de l’univers est un signe de profonde ignorance. Il existe une harmonie parfaite entre notre volonté et l’Ordre de DIEU.

 

30 – Le vrai Soufi est ainsi fait que, même quand il est accusé, attaqué et condamné injustement de tous côtés, il subit avec patience, sans jamais prononcer une mauvaise parole à l’encontre de ses critiques. Le Soufi ne choisit jamais le blâme. Comment pourrait-il y avoir des adversaires, des rivaux, voire des « autres » alors qu’il n’y a pas de « moi » pour lui ?

 

31 – Si tu veux renforcer ta foi, il te faudra adoucir ton cœur. A cause d’une maladie, d’un accident, d’une perte ou d’une frayeur, d’une manière ou d’une autre, nous sommes tous confrontés à des incidents qui nous apprennent à devenir moins égoïstes, à moins juger les autres, à montrer plus de compassion et de générosité. Pourtant, certains apprennent la leçon et réussissent à être plus doux, alors que d’autres deviennent plus durs encore. Le seul moyen d’approcher la Vérité est d’ouvrir son cœur afin qu’il englobe toute l’humanité et qu’il reste encore de la place pour plus d’amour.

 

32 – Rien ne devrait se dresser entre toi et DIEU. Ni imam, ni prête, ni maître spirituel, pas même ta foi. Crois en tes valeurs et tes règles, mais ne les impose jamais à d’autres. Sois ferme dans ta foi, mais garde ton cœur aussi doux qu’une plume. « Apprends la Vérité, mon ami, mais ne transforme pas tes vérités en fétiches ».

 

33 – Tandis que chacun, en ce monde, lutte pour arriver quelque part et devenir quelqu’un, alors que tout cela restera derrière eux quand ils mourront, toi, tu vises l’étape ultime de la vacuité. Vis cette vie comme si elle était aussi légère et vide que le chiffre zéro. Nous ne sommes pas différents de pots : ce ne sont pas les décorations au-dehors, mais la vie à l’intérieur qui nous fait tenir droits.

 

34 – La soumission ne signifie pas qu’on est faible ou passif. Elle ne conduit ni au fatalisme ni à la capitulation. A l’inverse, le vrai pouvoir réside dans la soumission, un pouvoir qui vient de l’intérieur. Ceux qui se soumettent à l’essence divine de la vie vivront sans que leur tranquillité ou leur paix intérieure soit perturbée, même quand le vaste monde va de turbulence en turbulence.

 

35 – Les opposés nous permettent d’avancer. Ce ne sont pas le similitudes ou les régularités qui nous font progresser dans la vie, mais les contraires. Tous les contraires de l’univers sont présents en chacun de nous Le croyant doit donc rencontrer l’incroyant qui réside en lui. Et l’incroyant devrait apprendre à connaitre le fidèle silencieux en lui Jusqu’au jour où l’on atteint l’étape d’Insan-i Kamil, l’être humain parfait, la foi est un processus graduel qui nécessite son contraire apparent : l’incrédulité.

 

36 – Ce monde est érigé sur le principe de la réciprocité. Ni une goutte de bonté ni un grain de méchanceté ne resteront sans réciprocité. Ne crains pas les complots, les traîtrises ou les mauvais tours des autres. Si quelqu’un tend un piège, souviens-toi, DIEU aussi. C’est Lui le plus grand des comploteurs. Pas une feuille ne frémit que DIEU le sache. Crois cela simplement et pleinement. Quoi que DIEU fasse. Il le fait merveilleusement.

 

37 – DIEU est un horloger méticuleux. Son ordre est si précis que tout sur terre se produit en temps voulu. Pas une minute trop tôt, pas une minute trop tard. Et pour tous, sans exception, l’horloge est d’une remarquable exactitude. Il y a pour chacun un temps pour aimer et un temps pour mourir.

 

38 – Il n’est jamais trop tard pour se demander : « Suis-je prêt à changer de vie ? Suis-je prêt à changer intérieurement ? » Si un jour de votre vie est le même que le jour précédent, c’est sûrement bien dommage. A chaque instant, à chaque nouvelle inspiration on devrait se renouveler, se renouveler encore. Il n’y a qu’un moyen de naître à une nouvelle vie : mourir avant la mort.

 

39 – Alors que les parties changent, l’ensemble reste toujours identique. Pour chaque voleur qui quitte ce monde, un autre naît. Et chaque personne honnête qui s’éteint est remplacé par une autre. De cette manière, non seulement rien ne reste identique, mais rien ne change vraiment. Pour chaque Soufi qui meurt, un autre naît, quelque part.

 

40 – Une vie sans amour ne compte pas. Ne vous demandez pas quel genre d’amour vous devriez rechercher, spirituel ou matériel, divin ou terrestre, oriental ou occidental… L’amour n’a pas d’étiquettes, pas de définitions. Il est ce qu’il est, pur et simple. « L’amour est l’eau de vie. Et un être aimé est une âme de feu ! « L’univers tourne différemment quand le feu aime l’eau”.

Calligraphie du nom de Shams ed-Dîn Mohammad Tabrizi

Calligraphie du nom de Shams ed-Dîn Mohammad Tabrizi

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"Moi, rêveur muet..." (Shams de Tabriz)

24 Septembre 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Asie, #Iran, #Lettres, #Poésie, #Religion

 

"Moi, rêveur muet, et le monde, sourd

Incapable, moi, de le dire, le monde, de l'entendre."

 

Shams ed-Dîn Mohammad Tabrizi

Calligraphie du nom de Shams ed-Dîn Mohammad Tabrizi

Calligraphie du nom de Shams ed-Dîn Mohammad Tabrizi

Source: Shams ed-Dîn Mohammad Tabrizi, le "rêveur muet" par Saeed Sadeghian, La Revue de Téhéran/Iran

http://www.teheran.ir/spip.php?article1536#gsc.tab=0

 

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Quelques pensées de Bonald

22 Août 2020 , Rédigé par 幽谷石树 Publié dans #Lettres, #Philosophie, #France

Dans toutes les révolutions il y a un dessous de cartes, qui n'est pas toujours connu, parce que les meneurs périssent souvent dans les troubles inséparables de la révolution, et emportent avec eux leur secret que des événements ultérieurs auraient dévoilé. Cependant les effets arrivent, parce que l'impulsion est donnée ; mais le voile reste sur les causes, et la foule imbécile, qui ne les soupçonne pas, imagine du merveilleux pour expliquer les effets.

 Bonald

 

Quelques pensées de Bonald trouvées aussi sur le site http://royalartillerie.blogspot.com/2007/10/bonald-lautre-monarchiste.html  qui lui consacre un bon article :

 

L'homme pense sa parole avant de penser sa pensée.

 

L'homme a plus de prévoyance à mesure qu'il a moins de mémoire.

 

Un recueil de pensées ressemble à ces lignes militaires trop étendues que l'ennemi peut percer en mille endroits.

 

Dans une société bien réglée, les bons doivent servir de modèle et les méchants d'exemple.

 

L'homme n'est riche que de la modération de ses désirs.

 

A un homme d'esprit, il ne faut qu'une femme de sens ; c'est trop de deux esprits dans une maison.

 

Les bibliothèques, ces cimetières de l’esprit humain, où dorment tant de morts qu’on n’évoquera plus.

 

Il y a des gens qui ne savent pas perdre leur temps tout seuls : ils sont le fléau des gens occupés.

 

Il faut, quand on gouverne, voir les hommes tels qu'ils sont, et les choses telles qu'elles devraient être.

 

Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître.

 

L'irréligion sied mal aux femmes; il y a trop d'orgueil pour leur faiblesse.

 

La littérature est l'expression de la société, comme la parole est l'expression de l'homme.

 

Les hommes qui, par leurs sentiments, appartiennent au passé et, par leurs pensées à l'avenir, trouvent difficilement place dans le présent.

 

On ne devrait assembler les hommes qu'à l'église ou sous les armes; parce que là, ils ne délibèrent point, ils écoutent et obéissent.

 

Depuis l'Evangile jusqu'au Contrat Social, ce sont les livres qui ont fait les révolutions.

 

Dieu commande à l'homme de pardonner, mais en prescrivant à la société de punir.

 

Premiers sentiments, secondes pensées, c'est, dans les deux genres, ce qu'il y a de meilleur.

 

L'obéissance doit être active pour être entière, et la résistance passive pour être insurmontable.

 

L'homme n'existe que par la société et la société ne le forme que pour elle.

 

Les gens qui aiment la dispute devraient ne disputer que sur ce qu'ils ne peuvent jamais éclaircir ; alors la dispute serait intéressante, parce qu'elle serait interminable. Mais disputer sur l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme, la vie future, etc., ce n'est pas la peine. Il n'y a qu'à attendre.

 

L'homme naît perfectible, l'animal naît parfait.

 

Une vérité incontestable est que toutes les républiques, anciennes ou modernes, grandes ou petites, ont dû leur naissance à l'ambition du pouvoir. L'oppression n'a jamais été qu'un prétexte. En Amérique, quelques droits modiques sur le thé servirent de prétexte, à défaut d'un motif plus grave ; et pour payer cette boisson malsaine quelques sous de moins, l'Amérique fut dépeuplée, fut ruinée, la guerre s'alluma dans les deux mondes, le sang humain coula à grands flots ; et le grand homme, qui n'exposait sa vie qu'au danger des indigestions des dîners de Paris, s'applaudissait des progrès de l'incendie qu'il avait allumé ; et tandis qu'il riait en secret de la sottise des peuples, il s'extasiait en public sur l'énergie républicaine et les progrès de l'esprit humain. On ne contestera pas sans doute que la démocratie française ne doive sa naissance à l'ambition réduite à inventer les prétextes les plus absurdes, lorsque les intentions bien connues du malheureux Louis XVI, et les dispositions non équivoques de tous les ordres de l'État ne permettaient pas d'alléguer des motifs.

 

Louis-Gabriel-Amboise, vicomte de Bonald

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Déclaration de l’Académie française sur l'écriture dite "inclusive"

3 Août 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #Lettres, #Politique

DÉCLARATION de l’ACADÉMIE FRANÇAISE
sur l'ÉCRITURE dite « INCLUSIVE »

adoptée à l’unanimité de ses membres
dans la séance du jeudi 26 octobre 2017

Prenant acte de la diffusion d’une « écriture inclusive » qui prétend s’imposer comme norme, l’Académie française élève à l’unanimité une solennelle mise en garde. La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs. 

Plus que toute autre institution, l’Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c’est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme : devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures. 

Il est déjà difficile d’acquérir une langue, qu’en sera-t-il si l’usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète.

Source: http://www.academie-francaise.fr/actualites/declaration-de-lacademie-francaise-sur-lecriture-dite-inclusive

Actualité

Cultura pratique l'écriture inclusive:

https://francais.rt.com/france/77446-boycottcultura-enseigne-fait-polemique-sur-twitter-a-propos-ecriture-inclusive

Proposition de loi contre l'écriture inclusive

https://francais.rt.com/france/77340-plusieurs-deputes-dont-marine-pen-deposent-proposition-loi-contre-ecriture-inclusive

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Tradition, par Ernst Jünger

26 Juin 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Lettres

Ernst Jünger et Carl Schmitt, en barque, devant le château de Rambouillet (1941).

Ernst Jünger et Carl Schmitt, en barque, devant le château de Rambouillet (1941).

Tradition

 

par Ernst Jünger

 

 

Tradition : pour une lignée dotée de la volonté de remettre en valeur le royaume du sang, c'est un mot féroce et beau. Que la personne singulière ne vit pas simplement dans l'espace. Qu'il fasse, au contraire, partie d'une communauté pour laquelle il doit vivre et, si l'occasion se présente, se sacrifier ; c'est une conviction que possède tout homme ayant le sens des responsabilités, et qu'il défend à sa manière avec ses moyens particuliers. L'individu n'est cependant pas lié à une communauté supérieure uniquement dans l'espace, mais, de manière plus significative mais invisible, également dans le temps. Le sang des parents bat fusionné avec le sien ; il vit au sein de royaumes et de liens qu'ils ont créés, gardés et défendus. Créer, garder et défendre : c'est l'œuvre qu'il recueille de leurs mains dans les siennes, et qu'il doit transmettre avec dignité. L'homme du présent représente le point d'appui ardent entre l'homme du passé et l'homme du futur. La vie clignote comme l'éclair ardent qui court le long de la mèche qui lie, unit, les générations, bien sûr, mais les maintient liées entre elles, du début à la fin. Bientôt, l'homme actuel sera également un homme du passé, mais pour lui conférer calme et sécurité, il faudra continuer à penser que ses actions et ses gestes ne disparaîtront pas avec lui, mais constitueront le terrain sur lequel les prochains, les héritiers, se réfugieront avec leurs armes et leurs instruments.

 

Cela transforme une action en un geste historique qui ne peut jamais être absolu ou complet comme une fin en soi, et qui, au contraire, s'articule toujours au milieu d'un complexe doté de sens et d'orientation par les actes des prédécesseurs et pointant vers le domaine énigmatique de ceux qui sont là et qui sont encore à venir. Sombres sont les deux versants, et on les retrouve ici et au-delà de l'action ; leurs racines disparaissent dans la pénombre du passé, leurs fruits tombent dans la terre des héritiers qui ne pourra jamais entrevoir qui agit, et qui est encore nourrie et déterminée par ces deux versants dans lesquels précisément se fondent leur splendeur intemporelle et leur suprême fortune. C'est ce qui distingue le héros et le guerrier du lansquenet et de l'aventurier : et c'est le fait que le héros puise sa propre force dans des réserves plus élevées que celles qui sont simplement personnelles, et que la flamme brûlante de son action ne correspond pas à l'éclair ivre d'un instant, mais au feu étincelant qui fusionne le futur avec le passé. Dans la grandeur de l'aventurier, il y a quelque chose de charnel, d'irruption sauvage, et certainement pas de privé de beauté, dans des paysages variés mais dans le héros se réalise ce qui est fatalement nécessaire, fatalement conditionné: il est l'homme authentiquement moral, et son sens ne repose pas seulement en lui-même, ni seulement dans son présent, mais il est pour tous et pour tous les temps.

 

Quel que soit le champ de bataille ou la position perdue sur laquelle il se trouve, quel que soit l'endroit où un passé est préservé et un avenir doit être combattu, aucune action n'est perdue. La personne singulière peut certes s'égarer, mais son destin, sa fortune et son épanouissement valent en vérité comme le coucher de soleil qui favorise un objectif plus élevé et plus vaste. L'homme privé de liens meurt, et son travail meurt avec lui, car la proportion de ce travail n'était mesurée qu'à lui-même. Le héros connaît son coucher de soleil, mais son coucher de soleil ressemble à ce rouge sang du soleil qui promet un matin plus beau et plus nouveau. Ainsi, nous devons également nous souvenir de la Grande Guerre : comme un crépuscule brûlant dont les couleurs déterminent déjà une aube somptueuse. Ainsi, nous devons penser à nos amis tombés au combat et voir dans leur crépuscule le signe de la réalisation, le plus dur assentiment dirigé vers la vie. Et nous devons rejeter, avec un mépris crasseux, le jugement des commerçants, de ceux qui soutiennent que tout cela a été absolument inutile, si nous voulons trouver notre fortune en vivant dans l'espace du destin et en coulant dans le mystérieux courant de sang, si nous voulons agir dans un paysage doté de sens et de signification, et ne pas végéter dans le temps et l'espace où, étant nés, nous sommes arrivés par hasard.

 

Non : notre naissance ne doit pas être une coïncidence pour nous ! Cette naissance est l'acte qui nous enracine dans notre royaume terrestre, qui, avec des milliers de liens symboliques, détermine notre place dans le monde. Avec elle, nous devenons membres d'une nation, au sein d'une communauté étroite de liens autochtones. Et à partir de là, nous allons à la rencontre de la vie, en partant d'un point solide, mais en poursuivant un mouvement qui a commencé bien avant nous et qui trouvera sa fin bien après nous. Nous ne parcourons qu'un fragment de cette gigantesque avenue ; sur ce tronçon, cependant, nous ne devons pas seulement transporter tout un héritage, mais être à la hauteur de toutes les exigences du temps.

 

 Et maintenant, certains esprits abjects, dévastés par la saleté de nos villes, se lèvent pour dire que notre naissance est un jeu de hasard, et que nous aurions pu naître, parfaitement, français comme allemands. Il est vrai que cet argument s'applique précisément à ceux qui pensent ainsi. Ce sont des hommes de hasard et de chance. Il est étrange pour eux que la chance réside dans le fait de se sentir nés par nécessité au sein d'un grand destin, et de constater les tensions et les luttes d'un tel destin qui est le leur, et avec lequel ils grandissent ou même périssent. De telles mentalités surgissent toujours lorsque le mauvais sort pèse sur une communauté sanctionnée par les liens de la croissance, et cela est typique d'elles (on attire ici l'attention sur la récente et tout à fait appropriée inclination de l'intellect à s'insinuer de façon parasitaire et nuisible dans la communauté de sang, et à y falsifier l'essence selon le raisonnement, c'est-à-dire par le concept à première vue correct de communauté de destin. Mais le Noir qui a été pris en flagrant délit de souffrance en Allemagne au début de la guerre, et qui a été enveloppé dans les cartes de pain rationné, fera également partie de la communauté de destin. Une communauté de destin, en ce sens, est constituée de passagers sur un navire à vapeur qui coule, très différemment de la communauté de sang : elle est constituée d'hommes sur un navire de guerre qui descend au fond avec le drapeau au vent.

 

L'homme national attribue une valeur au fait d'être né dans des frontières bien définies : il y voit avant tout un motif de fierté. Lorsqu'il franchit ces frontières, il ne s'écoule jamais sans forme au-delà de celles-ci, mais plutôt de manière à prolonger l'extension dans le futur et dans le passé. Sa force réside dans le fait qu'il possède une direction, et donc une sécurité instinctive, une orientation de base qui lui est conférée dans la dot avec le sang, et qui n'a pas besoin des lanternes mutables et vacillantes des concepts compliqués. Ainsi, la vie se développe dans une plus grande unité, et devient donc elle-même une, car chacun de ses instants renoue avec un lien doté de sens.

 

 Clairement défini par ses frontières, par des rivières sacrées, par des pentes fertiles, par de vastes mers : tel est le monde dans lequel la vie d'une lignée nationale s'imprime dans l'espace. Fondé sur une tradition et orienté vers un avenir lointain : c'est ainsi qu'il s'imprime dans le temps. Malheur à celui qui se coupe ses propres racines ! il deviendra un homme inutile et un parasite. Nier le passé, c'est aussi nier l'avenir et disparaître parmi les vagues fugaces du présent.

 

Pour l'homme national, en revanche, il reste un grand danger : celui d'oublier l'avenir. Posséder une tradition implique le devoir de vivre la tradition. La nation n'est pas une maison dans laquelle chaque génération, comme s'il s'agissait d'une nouvelle strate de corail, doit ajouter un plan de plus, ou dans laquelle, au milieu d'un espace prédisposé une fois pour toutes, il ne sert à rien de continuer à exister ni mal ni bien. On dira qu'un château, un palais bourgeois, a été construit une fois pour toutes. Mais bientôt, une nouvelle génération, poussée par de nouveaux besoins, voit l'obligation d'apporter des changements importants. D'autre part, le bâtiment peut finir par brûler dans un incendie ou être détruit, et un bâtiment rénové et transformé vient alors s'édifier sur les anciennes fondations. La façade change, chaque pierre est remplacée, et pourtant, lié à la lignée telle qu'elle est, il reste un sens de l'ensemble : la même réalité qu'au début. Peut-être peut-on dire que même pendant la Renaissance ou l'époque baroque, il y a eu une construction parfaite, et qu'un langage de formes valable pour tous les temps s'est arrêté là ? Non, mais ce qui existait alors reste en quelque sorte caché dans ce qui existe aujourd'hui. Et aujourd'hui, cela s'articule peut-être avec audace comme l'expression d'un sentiment dans les évaluations des énergies productives suprêmes, même si malgré tout une telle expression n'est pensable que sur le terrain stratifié de la tradition. Dans chaque ligne, dans chaque unité de mesure, vibre secrètement ce qui a été, et pourtant c'est le présent qui détermine le visage de l'ensemble, au point de nous élever et de nous entraîner dans le sentiment ainsi exprimé : voilà ce que nous sommes, voilà ce que nous sommes nous-mêmes ! Et il doit en être ainsi. De même, le sang de la personne singulière est mélangé par des milliers de courants de sang mystérieux, même si cette personne singulière n'est pas, pour cette raison, la somme de ses prédécesseurs, elle n'est pas seulement le porteur de leur volonté et de leur qualité, mais, selon une particularité claire et bien définie, elle est aussi elle-même. Et c'est également le cas pour ceux qui contemplent la forme que prennent la nation et l'État. Hier nous avions un empire, aujourd'hui nous avons une république, demain nous aurons peut-être encore un empire, et après-demain une dictature. Chacune de ces figures garde, comme un héritage invisible, plus ou moins caché dans la profondeur de son langage des formes, le contenu de ce qui est passé ; chacune d'elles a au contraire le devoir d'être en tout et pour tout elle-même, car ce n'est qu'ainsi que la force prendra toute sa valeur.

 

Cela est également vrai en ce moment, pour chacun d'entre nous. Être héritier ne signifie pas être épigone. Et vivre dans une tradition ne signifie pas se limiter à cette tradition. Hériter d'une maison implique le devoir de l'administrer, et certainement pas d'en faire un musée. Les conseils des ancêtres seront ainsi préservés : Le royaume doit rester pour nous, (1) dit Luther, en déposant la pierre pour construire une église ; il savait bien qu'un royaume et un bâtiment, une force et son expression temporelle, ne sont pas la même chose. En vérité, le royaume doit rester pour nous, et c'est aussi vrai pour ce qui nous concerne, et une telle volonté de l'essentiel concerne aussi notre tradition royale : que nous puissions compter sur lui sous le toit d'une république avec la même sécurité que celle dont il peut bénéficier sous un empire. Ce qui importe vraiment, c'est que le grand courant de sang utilise tous les moyens et tous les dispositifs offerts par le temps. Si une confrontation est consommée avec les moyens d'une république ou avec ceux de l'annuaire, dans chaque cas, un seul et même résultat sera obtenu, à condition qu'un tel résultat soit atteint. À l'époque de l'arme blanche, il fallait vaincre à l'épée au temps des machines, avec des mitrailleuses, des chars, des essaims de bombes et des assauts au gaz. À l'époque patriarcale, une armée devait avoir foi dans la lutte pour son propre souverain et seigneur... à l'époque des masses, on peut se bercer d'illusions en affrontant la mort au nom de tout progrès de nature civile ou économique. Ses propres idées, sa propre foi et sa propre moralité sembleront changer en fonction de l'illumination des réflexions des âges. Précisément : il faudra les changer, et cela ne dépendra pas, bien sûr, de ses propres opinions particulières, de ses questions singulières ou de ses objectifs contingents, mais du fait que toute la force de ces idées, la foi et la morale, devra être réalisée dans le royaume du Reich.

 

Nous avons nous aussi le devoir de viser une telle réalisation. Nous devons nous aussi chercher à mettre au service du Reich les expériences effrayantes léguées à l'État moderne, à nous débarrasser de l'étreinte de l'intellect qui pense selon des calculs et à lui superposer, à l'extrême degré d'oscillation, jusqu'au dernier fragment de fer, les lois du sang. Ce n'est qu'alors que nous vivrons la tradition. Nous en sommes encore loin. Et c'est précisément l'ostentation des formes extérieures de la tradition, typique de la jeunesse d'aujourd'hui, qui constitue le signe d'un manque de force intérieure. Ne vivons pas dans un musée, mais dans un monde actif et hostile. Ce n'est pas une tradition renaissante que le vieux célibataire se montre peint sur son propre paquet de cigarettes, ou ce qui est exposé dans la décoration en noir et blanc imprimée sur chaque cendrier et sur les bretelles. Ce n'est rien d'autre que de la propagande au sens détérioré du terme, car, de même, les formes de propagande de mauvais goût sont en grande partie nos défilés, les fêtes commémoratives et les journées d'honneur : du kitsch clownesque, bon seulement pour conquérir quelque sympathisant.

 

Préparez-vous à une nouvelle bataille de Rosbach (2), qui sera menée selon les formes les plus authentiques de notre époque, et alors l'ancienne, de là-haut, sera à nouveau ressentie et extrêmement joyeuse. N'écrivez pas un nouveau roman de Frédéric [le Grand], mais le roman national de notre époque, pour lequel vous avez de la matière qui se déroule sous vos yeux, aussi variée que la vie elle-même. Ne vivez pas comme des rêveurs dans un temps perdu, mais cherchez à créer pour la République une force de choc et une puissance orientée selon le courant du sang ; ou bien, si cette République ne se laisse pas endurcir, brisez-la. Ne pas mijoter dans le souvenir de la baguette de Frédéric Guillaume Ier (3), qui était en effet indispensable en son temps, mais se rendre compte que les méthodes sociales dépendent du temps et qu'aujourd'hui tout est régi par la possibilité de trouver une cause capable d'impliquer le travailleur également sur le front national, comme cela s'est déjà produit dans d'autres pays.

 

Soyez dans tout et pour tout ce que vous êtes ; alors votre avenir et votre passé vivront au point d'appui, au point de combustion du présent et dans la joie la plus authentique de l'action. Vous aurez alors la véritable tradition vivante et non pas seulement son reflet scintillant, qui pourrait être projeté dans n'importe quel cinéma de la ville.

 

 

* * *

 

La Tradition a été publiée à l'origine dans le magazine Die Standarte (L'Étalon), une publication de l'organisation des anciens combattants appelée les Stahlhelm (Casques d'acier) : Die Standarte. Beiträge zur geistigen Vertiefung des Frontgedankens. Sonderbeilage des Stahlhelm. Wochenschrift des Frontsoldaten. Contribution à l'approfondissement de la réflexion du front. Supplément extraordinaire de l'hebdomadaire des soldats du front) Magdebourg, année 1, Nº 10 du 8 novembre 1925, p.2.

 

NOTES :

 

1) la quatrième strophe du célèbre chant ecclésiastique de Luther, intitulée Ein feste Burg, dit : "Une solide forteresse est notre Dieu, / une bonne défense et une arme. / Elle nous libère de tout besoin / qui nous frappe maintenant. / L'ennemi ancien et cruel aura de sérieuses raisons de le craindre ; / grande est sa puissance, et si grande sa ruse, / si redoutable son armure. / Vous n'aurez rien de semblable sur terre.
2)  : Le 5 novembre 1757, la victoire de l'armée prussienne, remportée sous le commandement de Frédéric le Grand sur les forces de combat unies des Français et de la marine impériale, largement supérieures en nombre, marque à Rosbach un tournant décisif dans la guerre de Sept Ans.
(3) : Frédéric Guillaume Ier (1688-1740), roi de Prusse de 1713 à 1740, exigeait de ses sujets la discipline et la soumission les plus rigoureuses, et il prit lui-même soin de les imposer personnellement au corps des officiers en utilisant la canne.

 

Les notes du texte appartiennent à Sven Olaf Berggötz, compilateur et éditeur de l'édition définitive du Politische Publizistik d'Ernst Jünger, 1919-1933 (2001, maison d'édition Klett-Cotta, Stoccarda, Allemagne).

Sven Olaf Berggötz, né en 1965 à Karlsruhe, enseigne les sciences politiques et l'histoire des idées au département de sciences politiques de l'université de Bonn

 

Traduction: Pierre-Olivier Combelles

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Alexander Dugin, Noomakhia: The French Logos – Orpheus and Melusine 

10 Juin 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Lettres

Alexander Dugin, Noomakhia: The French Logos – Orpheus and Melusine 

Alexander Dugin, Noomakhia: The French Logos – Orpheus and Melusine 

(Moscow: Academic Project, 2015)

“Noomakhia: The French Logos – Orpheus and Melusine presents a description of French identity and studies various aspects of the French and, more broadly, Celtic Dasein as manifest in mythology, history, philosophy, cultural, and mysticism. 

Since the Middle Ages, France and Germany have acted as the two main poles of the dialectical formation of European civilization, thereby determining the historical, political, and cultural semantics of the most important processes in the history of Western Europe over the past half millennium. In studying the structures of the French Logos, the author arrives at the conclusion that this Logos’ main components are the two fundamental figures (Gestalts) of the Singer of the Sanctified, Orpheus, and the semi-female dragon, Melusine. According to the author, the paradigm of Modernity, in its mythological and cultural roots, can be traced back to the Gestalt of Melusine.”

 

http://paideuma.tv/en/book/french-logos-orpheus-and-melusine

La fée Mélusine sous la forme d'un dragon, à droite, tourne autour des toits du château de Lusignan. Les Très riches Heures du duc de Berry  (Mars). Détail.

La fée Mélusine sous la forme d'un dragon, à droite, tourne autour des toits du château de Lusignan. Les Très riches Heures du duc de Berry (Mars). Détail.

Alexander Dugin, Noomakhia: The French Logos – Orpheus and Melusine 
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Poème à la Terre (Carmen Nottrelet)

14 Avril 2020 , Rédigé par Carmen Nottrelet - Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Carmen Nottrelet, #France, #Martinique, #Caraïbes, #Art, #Lettres, #Poésie

Poème à la Terre (Carmen Nottrelet)
Poème à la Terre (Carmen Nottrelet)
Dessins de Carmen Nottrelet, montrant une maîtrise parfaite de la forme et de la couleur, couleur qui est musique.

Dessins de Carmen Nottrelet, montrant une maîtrise parfaite de la forme et de la couleur, couleur qui est musique.

Carmen Nottrelet est Martiniquaise et vit en France. Elle appartient à une famille d'artistes au grand cœur. Sa sœur Chantal Nottrelet, en plus de s'occuper d'enfants aveugles ou sourds, est sculptrice:

https://www.youtube.com/watch?v=wbelRWQFk08

Chantal Nottrelet

Chantal Nottrelet

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Frère arbre

31 Mars 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Environnement, #Lettres, #Philosophie, #Poésie

Ernst Jünger (à gauche, en uniforme de l'armée allemande) et Carl Schmitt, en barque, sur le lac, devant le château de Rambouillet, en 1941.

Ernst Jünger (à gauche, en uniforme de l'armée allemande) et Carl Schmitt, en barque, sur le lac, devant le château de Rambouillet, en 1941.

"Bruder Mensch hatun schon oft verlassen, Bruder Baum nie."

("Frère homme nous a souvent abandonné, frère arbre jamais").

Ernst Jünger

Chêne pédonculé. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

Chêne pédonculé. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

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Ella Maillart et l'"unité du monde".

27 Octobre 2019 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Ella Maillart, #Bharat, #Asie, #Inde, #Lettres, #Sikhisme

Ella Maillart et l'"unité du monde".

"On n'arrive pas à exprimer les choses les plus importantes et qui demeurent insaisissables."

"1940-1945. Ella Maillart passe les années de guerre en Inde, vivant chichement de ses droits d'auteur. En 1942, elle publie à Londres deux livres écrits en anglais: Gypsy Afloat (La vagabonde des mers) et Cruises and Caravans (Croisières et caravanes). Elle s'installe dans le sud de l'Inde et suit à Tiruvannamalai l'enseignement de Râmana Maharshi, un sage "libéré du vivant" qui lui fera comprendre l'"unité du monde". Elle résume bien cette expérience en disant qu'elle voyageait pour se réjouir des différences et, désormais, pour se féliciter des ressemblances.

"Faute de parler, elle se retire au Liban pour écrire Oasis interdites. Je tiens pour un chef-d'oeuvre ce livre dont les protagonistes sont l'espace, le silence et une forme de bonheur dont on ne guérit jamais."

Ella Maillart - La vie immédiate. Photographies. Textes de Nicolas Bouvier. Voyageurs Payot, 1991.

Ella Maillart et l'"unité du monde".
Ella Maillart et l'"unité du monde".
Ella Maillart et l'"unité du monde".
Ella Maillart et l'"unité du monde".

Photographies de passages du livre:

Ella Maillart - La vie immédiate. Photographies. Textes de Nicolas Bouvier. Voyageurs Payot, 1991.

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Entre forêts et sentiers, quelques pensées d'Ernst Jünger.

27 Mai 2018 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Ernst Jünger, #Allemagne, #Lettres, #Sciences, #Nature

Ginkgo biloba L. Depuis 300 millions d'années, il verdit et reverdit sous le Soleil. Derrière, un ailante, l'arbre "inutile" de Tchoueng-tseu (http://pocombelles.over-blog.com/2015/07/the-use-of-the-useless-chuang-tzu.html) Photo: P-O. Combelles

Ginkgo biloba L. Depuis 300 millions d'années, il verdit et reverdit sous le Soleil. Derrière, un ailante, l'arbre "inutile" de Tchoueng-tseu (http://pocombelles.over-blog.com/2015/07/the-use-of-the-useless-chuang-tzu.html) Photo: P-O. Combelles

Parole, esprit et liberté sont sous trois aspects une seule et même chose.

Sur les falaises de marbre (1942),trad. Henri Thomas, éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 93

 

A notre époque il faut jouir d'un calme de salamandre si l'on veut parvenir à ses fins.

Jardins et routes (1942), trad. Maurice Betz (revue par Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1979, p. 247

 

Une pensée qui nous échappe ressemble au poisson qui se détache de l'hameçon. Nous ne devrions pas le pourchasser ; il continue à se nourrir dans les profondeurs pour nous revenir ensuite, plus lourd.

Jardins et routes (1942), trad. Maurice Betz (revue par Henri Plard), éd. Christian Bourgois, coll. « Livre de poche biblio », 1979, p. 249

 

C'est en effet un privilège de l'homme d'ignorer le futur. C'est un diamant dans le diadème de liberté qu'il porte en lui. S'il perdait cela, il deviendrait un automate dans un monde d'automates.

Premier Journal parisien, 1941-1943

 

J'ai été simple, et je vais tendre à toujours plus de simplicité.

Premier Journal parisien (1949), trad. Frédérick de Towarnicki (revue par Henri Plard), éd. Christian Bourgois, 1995, p. 172

 

Notre situation entre deux femmes a quelque ressemblance avec un jugement de Salomon - où nous serions tout à la fois le juge et l'enfant. Il faut nous donner à celle qui ne veut pas nous partager.

Second Journal parisien, Journaux de guerre 1939-1948 (1979), trad. Frédérick de Towarnicki (revue par Henri Plard puis Julien Hervier), éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2008, p. 608

 

Quand le monde nous semble vaciller sur ses bases, un regard jeté sur une fleur peut rétablir l'ordre.

Second Journal de Paris, Journaux de guerre 1939-1948 (1965), trad. Frédérick de Towarnicki, éd. Julliard, 1965, p. 209

 

… De même que c'est le héros sur qui repose la sécurité du lieu, sa qualité d'habitation, de même, le poète parvient à ce qu'on le reconnaisse, à ce qu'on se souvienne de lui — en devenant pays natal.
Ce sont les poètes qui ouvrent le grand refuge, la grande demeure. Donc, là où ils sont absents, il se répand aussitôt un vide terrible. Ces lieux sont assurément encore habitables, mais deviennent inhospitaliers, dépourvus de sens, et leur face secrète inconnue.

 La cabane dans la vigne, in: Ernst Jünger, dossier conçu et dirigé par Philippe Barthelet, éd. L'âge d'Homme, coll. « Les dossiers H », 2000  (ISBN 2-8251-1425-1), p. 13

 

Le recours aux forêts — ce n'est pas une idylle qui se cache sous ce mot. Le lecteur doit plutôt se préparer à une marche hasardeuse, qui ne mène pas seulement hors des sentiers battus, mais au-delà des frontières de la méditation.

Traité du rebelle (1951), trad. Henri Plard), éd. Christian Bourgois, 1981, p. 9

 

Je ne veux pas croiser le fer avec la société, et surtout pas pour l'améliorer, par exemple, mais la tenir à distance, quoi qu'il advienne. Je supprime mes services, mais aussi mes exigences.

Eumeswil (1977), trad. Henri Plard, éd. La Table ronde, coll. « Folio », 1998, p. 202

Coreus marginatus L. Photo: Pierre-Olivier Combelles

Coreus marginatus L. Photo: Pierre-Olivier Combelles

Frontispice des "Livres de nature", la célèbre collection créée par Jacques Delamain chez Stock, dans les années 1920.

Frontispice des "Livres de nature", la célèbre collection créée par Jacques Delamain chez Stock, dans les années 1920.

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