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UNE TRAGIQUE MÉPRISE
25 Février 2022 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Amérique du sud, #Exploration, #Histoire, #Pérou, #Mexique
"Le peintre russe, Louis Choris, embarqua le 17 juillet 1815 à bord du Rurick en compagnie du botaniste Aldebert von Chamisso pour un voyage dans le Pacifique, initié en Russie par le comte de Romanzov. Au cours d’une expédition à but scientifique qui passa par le Chili, les îles Sandwich, Radak et Aléoutiennes, le Kamtchatka, la Californie et Sainte-Hélène où était alors emprisonné Napoléon Bonaparte, il ne cessa de peindre les paysages tropicaux ou enneigés de ces contrées, la faune et la flore et « les traits caractéristiques, la couleur, en un mot, la physionomie de ces peuples » alors encore méconnus". https://booknode.com/voyage_dans_le_pacifique_03387389
Ariki maori. Les ariki etaient les Anciens et les chefs des Maori et des peuples du Pacifique. https://teara.govt.nz/en/tribal-organisation/page-5
« Il faut se souvenir de la proclamation au peuple toltèque de Quetzalcoatl, dieu et roi, en l’an mille de l’ère chrétienne: « Lorsque les temps seront accomplis, je reviendrai au milieu de vous par la mer orientale, accompagné d’homme blancs et barbus… » C’est la raison pour laquelle l’arrivée des Espagnols fut tenue pour miraculeuse, et Hernan Cortes salué comme le dieu en personne. »
Jacques Soustelle, Album de la vie quotidienne des Aztèques. Hachette, Paris, 1959, p. 6.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Soustelle
On raconte la même chose à propos des Incas du Pérou (appelé en quechua Tawantinsuyu: l’Empire des quatre côtés): une prophétie annonçait que le dieu Viracocha arriverait un jour sous la forme d’un homme blanc et barbu, marquant la fin d’un cycle et le commencement d’une nouvelle ère.
Comme au Mexique, « on » a expliqué la conquête espagnole comme la réalisation de ces prophéties. C’est ce que nous disent les chroniqueurs et les historiens, qui étaient des Blancs ou des métis (comme l’Inca Garcilaso de la Vega, auteur des Commentaires royaux sur le Pérou des Incas). De même que le dieu Viracocha a été présenté comme le messager du Christ chez les peuples précolombiens.
Cette interprétation justifiait à merveille la domination politique espagnole et le messianisme religieux de l’Église catholique. Aujourd’hui encore, elle sert les intérêts de la suprématie occidentale sur l’Amérique autochtone, c’est pourquoi elle est véhiculée par la recherche officielle. La vérité me semble être toute autre.
D’abord, comment les Européens pourraient-ils incarner Quetzalcoatl ou Viracocha et « revenir » alors qu’avant la Conquête, ils n’étaient jamais venus? Comme il s’agissait de temps anciens, fabuleux, les Mexicains et les Incas, tout à leur surprise devant l’apparition de ces hommes et animaux (les chevaux de guerre) extraordinaires, n’ont certainement pas eu le temps d’y réfléchir.
L’utilisation de cette prophétie par l’idéologie européenne a masqué la réalité: les « hommes blancs et barbus » dont parlaient les prophéties n’étaient pas les Européens, mais d’autres peuples qui, eux, étaient déjà venus en Amérique centrale et du sud, par la mer: les habitants des îles du Pacifique, qui avaient colonisé ces régions d’Amérique il y a très longtemps. Comme les Européens, ils avaient le teint clair, comme les Maori et leurs chefs portaient la barbe.
Ce retour aux origines, comme l’atterrissage de pirogues océaniennes sur les côtes du Pérou, avait sans doute motivé l’expédition aux Îles de l’Ouest de l’Inca Tupac Yupanki au XVe siècle, qui quitta le nord du Pérou à la tête d’une armada d’un millier de radeaux à destination de l’île de Pâques, où il laissa une garnison et un temple, et de l’île Mangareva. De retour dans son pays, il fit agrandir et embellir le temple de Pachacamac, au bord du Pacifique, au sud de Lima, et se lança à la conquête du Collasuyu (Bolivie actuelle).
La surprise et la radicalisation de la conquête, le caractère totalitaire de la domination occidentale, autant sur le plan politique que religieux, si contraire à la mentalité indigène, peuvent expliquer cette interprétation, devenue dogmatique. Elle a été renforcée, de plus, par un autre dogme: celui du peuplement de l’Amérique par des peuples venus du Nord et d’Eurasie, par le détroit de Béring. Celui-ci n’a pu être que marginal en comparaison du peuplement en provenance d’Asie et des îles du Pacifique, comme le prouve la multiplicité des similitudes culturelles, religieuses, linguistiques et techniques des deux côtés du Pacifique (1). Multiplicité tellement générale, que par son ampleur et sa profondeur, elle échappe au regard myope des « intellectuels » occidentaux spécialisés, qu’ils soient d’Europe ou d’Amérique, à l’exception de rares esprits indépendants comme le savant Paul Rivet (2) ou le marin et historien naval Éric de Bisschop (3). Un proverbe japonais dit: « Il ne faut pas parler de la mer à un crapaud ».
La méprise des peuples américains a été tragique et fatale. Ils ont confondu les Européens destructeurs avec les ancêtres civilisateurs. Des civilisations américaines, ils ne reste plus rien ou presque rien.
Cette destruction en trois temps, d’abord par la Conquête, puis par la Révolution et l’instauration de républiques franc-maçonnes, et aujourd’hui par le globalisme, semble obéir à une loi de la physique: dans l’Univers, la destruction est sans commune mesure plus rapide que la création. Un exemple: il ne faut que quelques dizaines de minutes à un employé ignorant et irresponsable équipé d’une tronçonneuse pour abattre un arbre géant de la forêt primaire amazonienne âgé de 700 ans et dont la canopée, à 70 m du sol, abrite une faune et une flore d’une extrême richesse, totalement inconnues de la science et même des peuples aborigènes qui vivent en bas depuis des siècles (4).
Si les peuples américains avaient compris que ces arrivants n’étaient pas les Anciens dont parlaient leurs prophéties, mais des imposteurs, ils auraient chassés et sans doute combattus à mort, et le résultat n’aurait pas été le même. Il semble en effet que la victoire des Conquistadores a été moins due à leur supériorité militaire ou autre qu’à cette ancienne croyance et à la confiance avec laquelle les Amérindiens les avaient accueillis à leur arrivée, ne se doutant pas que ces étrangers ne respecteraient rien, en particulier la protection traditionnelle pour les vassaux ou les vaincus, ne laissant derrière eux que mensonge, mort, destruction et corruption.
Pierre-Olivier Combelles
Hacienda Pitunilla (Parinacochas, Ayacucho, Pérou)
24 février 2022
1 « Na wai taua ? » Conférence de Pierre-Olivier Combelles au Muséum d’histoire naturelle de Lima pour le 461e anniversaire de l’Université Nationale Majeure de San Marcos, le 15 mai 2012.
2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Rivet
3 https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_de_Bisschop
4 Voir les travaux du botaniste Francis Hallé et du « Radeau des cimes ».
Note. Un ami lecteur, Alain Sennepin https://europe-tigre.over-blog.com/ me signale avec raison l'adjectif "orientale" au sujet de la mer dans la prophétie de Quetzalcoatl et qui semble être en contradiction avec mon analyse. Je ne connais pas le texte espagnol original de cette prophétie rapportée par Soustelle, sans doute un chroniqueur espagnol. Il peut s'agir, de la part de ce chroniqueur ou historien, d'une erreur de compréhension et d'interprétation, involontaire ou volontaire. Les prophéties incaïques, elles, parlent simplement de "la mer" sans préciser laquelle. La question ne se posait guère d'ailleurs pour les habitants de la côte Pacifique de l'Amérique du sud. En revanche, ce que l'on peut à juste titre se demander, c'est si les peuples du Pacifique qui ont atterri sur les côtes d'Amérique (en pirogues de haute mer d'exploration et en radeaux de colonisation comme Tahiti Nui I et II, ceux qu'a construit Eric de Bisschop) avant la conquête espagnole avaient découvert et exploré les côtes atlantiques de l'Amérique et en particulier celles du Mexique. Tout cela est très intéressant mais ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel qui est ceci: le peuplement ancien des Amériques et surtout de l'Amérique du sud et de l'Amérique centrale s'est fait principalement par le Pacifique, par la mer. D'Ouest en Est. Et ce que les peuples autochtones riverains du Pacifique ont en commun compte beaucoup plus que ce qui les sépare. L'Européisme est un puissant projecteur électrique qui voudrait nous faire oublier la lumière du Soleil. Avant la Conquête, les origines des habitants de l'Amérique étaient à l'ouest et c'est ce savait à mon avis l'Inca Tupac Yupanki.
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