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Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

nature

Les tribus amérindiennes s'unissent pour défendre les grizzlys du Parc national de Yellowstone (USA)

18 Novembre 2015 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Environnement, #Nature, #USA

The Crow Tribe supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingSisseton Wahpeton Oyate Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingSantee Sioux Nation Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingThe Ponca Tribe of Nebraska Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingCrow Creek Sioux Tribe Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingThe Flandreau Sioux tribe Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingSpirit Lake tribe supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingThe Pawnee Nation of OklahomaChippewa Cree Tribes Support GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingSeal of the Chickasaw NationBlackfeet Nation Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingNorthern Cheyenne Nation Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingMandan Hidatsa Arikara tribes Support GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingMontana-Wyoming Tribal Leader's Council Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingThe Ho Chunk tribe supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingNorthern Arapaho supports MT-WYTLC and the GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingSalish Kootenai Tribes Support GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingYankton Sioux tribe supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingThe Kiowa Tribe of Oklahoma Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingCheyenne River Sioux Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingEastern Shoshone Tribe Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingThe Great Plains Tribal Chairman's Association supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingThe Rosebud Sioux Tribe Support GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delistingOglala Sioux Tribe Supports GOAL TRIBAL Coalition's fight to save sacred grizzly bears from delisting

 

GOAL - a coalition of 39 tribes (and counting) to protect sacred, endangered grizzly bears

http://www.goaltribal.org/#!yellowstone-prayer-ceremony-goes-ahead/c7xj

http://www.heybear.com/

 

Merci à Alain Sennepin pour l'information extraite de son blog: http://europe-tigre.over-blog.com/

"Après la décision du Gouvernement fédéral américain de retirer le grizzly de Yellowstone, dont les effectifs atteignent désormais 700 individus de la liste des espèces protégées, les représentants de plus de 40 nations amérindiennes lui demandent instamment de faire exactement le contraire. RawStory, hier. Dépêche Reuters. "More than 40 Native American Nations push fed to keep grizzly bears listed as endangered species."

Native American tribes on Wednesday called for the U.S. government to halt plans to strip grizzly bears in and around Yellowstone of Endangered Species Act protection because it would open the way for trophy hunting in Idaho and two other states bordering the national park.

Government bear managers have said the 700-plus grizzlies in the Yellowstone area have exceeded their recovery goal of 500 bears and no longer need federal protection.

But more than 40 American Indian nations have formed a coalition called GOAL to oppose delisting an animal they consider sacred and central to their religious and cultural traditions. They are arguing that allowing hunters to kill them and either make them into rugs or mount their carcasses for display is abhorrent.

Grizzlies in the Lower 48 states were formally listed as threatened under the law in 1975 after being hunted, trapped and poisoned to the edge of extinction. The law broadly bans killing of protected creatures.

The U.S. Fish and Wildlife Service may float a proposal in coming weeks that would allow Idaho, Wyoming and Montana to manage bears that wander from Yellowstone into those states.

Ranchers and sportsmen in the Northern Rocky Mountain states support removing grizzlies from the federal list of endangered and threatened species, or delisting, claiming the growing numbers of bears in and around Yellowstone poses a threat to humans, livestock and prized big-game animals like elk.

The U.S. Fish and Wildlife Service, an Interior Department agency, has been negotiating with the three states about management of the bears should they be delisted. Tribes say that required consultation with them has been minimal or nonexistent, infringing on their sovereignty and violating federal trust responsibilities. They called for an indefinite halt to delisting.

“The Department of the Interior needs to institute a moratorium on the delisting of the grizzly bear until proper consultation is addressed with each affected tribal nation respectively, so we can get better solutions for the future of the grizzly bear and for our people,” Lee Juan Tyler, vice chairman of the Shoshone-Bannock Tribes of Idaho, said in a statement.

Fish and Wildlife Service officials could not immediately be reached for comment on Wednesday, a federal holiday. But a spokesman said last week that the agency had consulted with five tribes at that point and planned a webinar and conference call on Friday."

Sur le même sujet et sur le même blog de Pierre-Olivier Combelles:

De la chasse à l'ours http://pocombelles.over-blog.com/article-l-ours-ou-de-la-chasse-82186700.html

De la chasse à l'ours

22 Août 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

ours noir La Romaine 1993

 

Cadavre d'ours noir (couché sur le flanc gauche, la tête à droite, gueule ouverte montrant les crocs blancs, les cuisses et pattes arrière sont à gauche. La tache grise au milieu entre les pattes avant et arrière est une masse grouillante de vers. La Romaine, Basse Côte-Nord du Québec, août 1993. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

En août 1993, en arrière du village de La Romaine, sur la Basse Côte-Nord du Québec, au bord du chemin qui mène aux chutes de la rivière Olomane, j'ai trouvé deux ours noirs qui avaient été tués au fusil par un Blanc du village (le village se partage en deux secteurs: celui des Blancs et celui des Indiens Montagnais) sur la décharge. Ils avaient été laissés là et leurs cadavres gisaient sur la toundra, déjà envahis par les vers.

Je me suis demandé comment on pouvait abandonner ainsi un animal aussi considérable, après l'avoir tué. Sa chair est très bonne à manger, certaines parties de son corps sont médicinales et sa fourrure est précieuse et fait une couverture très chaude en hiver.

Mais surtout, l'ours est l'animal le plus respectable de la forêt. Son nom en montagnais est "mask" mais les Indiens l'appellent encore "grand-père". Il sait tout du monde de la forêt, il entend tout, il comprend tout ce que disent les hommes et les autres animaux l'informent de ce qui se passe: le castor, la martre, l'écureuil, le porc-épic, la bernache, etc.

C'est pour cette raison qu'il ne faut jamais parler mal de l'ours ni se moquer de lui. Il le saura et le moment venu, il viendra par derrière pour écraser l'homme entre ses pattes.

Les Indiens ne le chassent pas ou très rarement et quand ils le faisaient, ils plaçaient son crâne sur une plate-forme surélevée en troncs d'abres (sheshepitan), lui mettaient une pipe avec du tabac dans la gueule et peignaient son crâne avec des ronds d'ocre rouge.

Les Indiens Montagnais du Québec partagaient ce culte de l'ours avec tous les peuples du Subarctique, depuis les Lapons jusqu'aux Aïnous en passant par tous ceux de la Russie et de la Sibérie.

Dans son ouvrage: Les rites de chasse chez les peuples sibériens (NRF Gallimard, collection L'espèce humaine N°9, Paris, 1953), Eveline Lot-Falck, après avoir énuméré les multiples surnoms de l'ours chez ces peuples, cite le Kalevala, recueil des traditions orales de la Finlande par Elias Lönnrot au XIXe siècle, rédigé sous la forme d'une épopée:

"Il suffit d'ouvrir le Kalevala, au chapitre du meurtre par Wäinämöinen de l'ours, déchaïné contre lui par la vieille de Pohjola, et des cérémonies qui s'ensuivent, pour rencontrer une richesse d'épithètes inouïe, dont voici quelques exemples: Otso (le front, à cause du large front de l'ours), le beau des bois, la pomme des bois, le rond pied de miel, l'orgueil des bois, l'oiseau ou le coucou d'or de la forêt, le pied léger, le célèbre, le manteau de fourrure, la longue toison, l'homme antique, l'illustre, le bel enroulé kääröseni (parce qu'il se met en boule dans sa tanière), le bas noir, le héros, l'homme superbe, etc."

Aujourd'hui, comme on peut le constater en regardant les stupides et révoltantes vidéos de chasse sur internet, n'importe quel chasseur armé d'une carabine ou d'un arc peut abattre un ours, même une femme*. Les règlements n'imposent aucun rite, aucune prière, aucune cérémonie. Le chasseur est libre de faire ce qui lui plaît de la dépouille. La chasse de l'ours est un sport, en général dépourvu de tout risque. On pourrait mieux parler de meurtre. Et sur le plan symbolique et religieux, un meurtre parricide. Mort, l'ours devient une chose, un objet. Il en va de même de tous les autres animaux.

En enlevant à la chasse et à l'animal chassé leur valeur religieuse, en la "sécularisant", l'homme moderne s'est rabaissé à n'être plus qu'un vil ignorant, un fou dangereux et irresponsable, mettant en péril l'ordre du monde.

Pierre-Olivier Combelles

 

* Chez les peuples chasseurs, le monde de la chasse est prohibé à la femme, qui est considérée comme un être impur et dont le domaine est la maison ou la tente. Chez les Samoyèdes de Sibérie, elle ne peut pas manger de la viande d'ours, l'animal sacré. Sa présence même en certaines occasions peut créer une infortune, qui doit être conjurée par une fumigation de graisse d'ours (Arthur Montefiore: Notes on the Samoyeds of the Great Tundra, collected from the journals of F.G. Jackson, F.R.G.S. The Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, 1895).

Dans son ouvrage Les Lapons, peuple du renne (Armand Colin [1978] 1985), Arthur Spencer  écrit (chapitre La chasse, p. 95): "Il existait de nombreux tabous chez les pêcheurs et les chasseurs lapons, dont certains persistent encore secrètement, comme dans beaucoup de pays. Il y avait des jours de chance et des jours de malchance. Les femmes ne devaient pas croiser les hommes quand ils partaient, ce qui explique qu'ils sortaient par "la porte arrière sacrée" de la tente, systématiquement interdite aux femmes". Et plus loin, p. 117: "Le sanctuaire familial était un espace à l'arrière de la tente, interdit aux femmes. On y entrait par une entrée particulière, "la porte arrière sacrée". Le chef de famille y gardait ses pénates, son tambour magique et ses armes et il y offrait les prières et les sacrifices de la famille. Sous ce sanctuaire, se trouvait la demeure d'une déesse secondaire de la chasse." 

La chasse à l'ours moderne pratiquée par les femmes, à la carabine ou à l'arc, est donc un double sacrilège (exemples: link, link)

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Jean-Henri Fabre: nomenclature scientifique

6 Août 2015 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Forêt, #France, #Lettres, #Nature, #Jean-Henri Fabre, #Jon Fjeldså, #Pierre-Olivier Combelles, #Photographie

Cover from Birds of the High Andes.

Jon Fjeldså

Jon Fjeldså

http://snm.ku.dk/english/staffsnm/staff/profile/?id=75192

 

J'ai eu il y a quelques années un échange passionné avec l'ornithologue et (extrêmement talentueux) peintre animalier danois Jon Fjeldså, du Muséum d'Histoire naturelle de Copenhague, auteur avec Niels Krabbe du magnifique ouvrage Birds of the High Andes . Je me révoltais contre la laideur et le caractère inapproprié des noms scientifiques des oiseaux des Andes, alors que leurs noms vernaculaires en quechua ou en aymara sont si beaux et si précis (ils expriment généralement la caractéristique principale de l'oiseau). Et il est vrai que dans Birds of the High Andes, il n'y a pas un seul nom local... Jon Fjeldså croyait que je mettais en doute l'utilité et la nécessité de la nomenclature scientifique en latin. Absolument pas, évidemment. Mais, comme j'ai tâché de le lui expliquer, je souhaitais que les scientifiques utilisassent plus souvent les noms vernaculaires pour composer les noms scientifiques, au lieu de les ignorer.

P.-O.C.

 

Voici ce qu'écrit heureusement Jean-Henri Fabre à ce sujet:

 

"L'Aranéide qui m'a fait assister à la pleine magnificence de l'exode s'appelle, d'après la nomenclature officielle, Thomisus onustus Walck. S'il n'éveille rien dans l'esprit du lecteur, ce nom a du moins l'avantage de ne pas offenser le larynx et l'oreille, comme le font trop souvent les dénominations savantes, plus voisines de l'éternuement que du langage articulé. Puisqu'il est de règle d'honorer bêtes et plantes d'une étiquette latine, respectons au moins l'antique euphonie ; abstenons-nous des expectorations rocailleuses, qui crachent le nom au lieu de le prononcer.

 

Que fera l'avenir devant la marée montante d'un vocabulaire barbare qui, sous prétexte de progrès, étouffe le réel savoir ? Il relèguera le tout dans les bas-fonds de l'oubli. Mais ne disparaîtra jamais le terme vulgaire, qui sonne bien, fait image et renseigne de son mieux. Telle est la dénomination d'Araignée-Crabe appliquée par les anciens au groupe dont fait partie le Thomise, dénomination assez juste car il y a dans ce cas analogue manifeste entre l'Aranéide et le Crustacé." (...)

 

Jean-Henri Fabre: L'araignée-crabe in: Souvenirs entomologiques, 1905, IXème Série, Chapitre 5.

http://www.e-fabre.com/biographie/souvenirs_sommaire.htm

 

Sur la Thomise variable (Misumena vatia) et sur le même sujet, sur ce même blog: http://pocombelles.over-blog.com/2015/06/misumena-vatia-une-araignee-en-kimono-dans-une-orchidee.html

 

Jean-Henri Fabre chez lui, à l'Harmas.

 

Il y a toujours des exceptions... Ici, une autre Araignée-crabe (Thomisidae), la Thomise variable, au beau nom scientifique "japonais" Misumena vatia. Cette belle geisha en kimono nacré, blanc et vert, guette ses proies sur une marguerite semblable au soleil du drapeau japonais... Photo: Pierre-Olivier Combelles (2015). Appareil: APN Fujifilm X100T.

Il y a toujours des exceptions... Ici, une autre Araignée-crabe (Thomisidae), la Thomise variable, au beau nom scientifique "japonais" Misumena vatia. Cette belle geisha en kimono nacré, blanc et vert, guette ses proies sur une marguerite semblable au soleil du drapeau japonais... Photo: Pierre-Olivier Combelles (2015). Appareil: APN Fujifilm X100T.

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Misumena vatia, une araignée en kimono dans une orchidée

24 Juin 2015 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Forêt, #France, #Nature, #Photographie, #Pierre-Olivier Combelles

Photo: Pierre.Olivier Combelles 2015

C'est une spectaculaire orchidée*, un orchis-bouc (Himantoglossum hircinum) haut de 1m30 qui poussait à la lisière d'une petite route de la forêt de Rambouillet. En m'approchant pour la photographier de près, j'ai découvert qu'elle était habitée par une petite araignée de la même couleur que les fleurs: blanc nacré avec deux rayures vert d'eau sur le thorax. Quelques fils étaient visibles, ici et là, où étaient accrochés de petits insectes qu'elle avait capturés. Cette belle en kimono porte un étrange nom japonais: Misumena vatia. C'est une Thomisidae**, une araignée-crabe. L'orchis-bouc est son univers, aussi haut et aussi vaste pour elle qu'un gratte-ciel pour un être humain. Un gratte-ciel vivant et parfumé, qui se balance avec le vent, dans le Tokyo végétal de la lisière de la forêt...

P.-O.C

* Les Orchidées comptent 779 genres et 22500 espèces (160 en France métropolitaine).

** La famille des Thomisidae compte 174 genres et 2151 espèces: https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomisidae

Merci à Solenne Hembert et à son passionant site Arachnolove qui m'a permis d'identifier cette élégante geisha: https://arachnolove.wordpress.com/2010/12/30/photos-misumena-vatia/

 

Photo: Pierre-Olivier Combelles 2015

 

Fūryū 風流

J'ai retrouvé Misumena vatia sur une marguerite pareille au soleil du drapeau japonais. Photo: Pierre-Olivier Combelles (Fujifilm X100T)

J'ai retrouvé Misumena vatia sur une marguerite pareille au soleil du drapeau japonais. Photo: Pierre-Olivier Combelles (Fujifilm X100T)

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La forêt magique

13 Juin 2015 , Rédigé par POC Publié dans #Economie, #Environnement, #Europe, #France, #Nature, #Philosophie, #Société

Le centre commercial du Bel-Air, à Rambouillet. Son architecture veut rappeler la forêt qui l'environne. Photo: Pierre-Olivier Combelles (2015)

Le centre commercial du Bel-Air, à Rambouillet. Son architecture veut rappeler la forêt qui l'environne. Photo: Pierre-Olivier Combelles (2015)

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Le Progrès se réduit finalement à voler à l’homme ce qui l’ennoblit, pour lui vendre au rabais ce qui l’avilit. Nicolás Gómez Dávila (1993-Bogotá 1994)

 

L'hypermarché, de conception américaine, est le cosmos artificiel. Autrefois, l'homme trouvait tout autour de lui et gratuitement dans la nature: nourriture, eau, chaleur et lumière du soleil le jour, lumière de la lune et lueur des étoiles la nuit, le bois pour se chauffer, se sécher et cuire les aliments, vêtements, parures, médicaments, outils, logement. Tous ces biens, limités à l'essentiel, chacun se les procurait lui-même, en famille, et les partageait ou les échangeait avec les autres.

Aujourd'hui, l'hypermarché a remplacé la nature: dans un espace clos, immense, les spots qui éclairent jour et nuit ont remplacé les astres; le chauffage toute l'année a remplacé la chaleur du soleil et du feu; les arbres et les plantes artificiels ont remplacé la forêt primitive, la forêt originelle, Silva; la musique industrielle en anglais a remplacé le chant des oiseaux et le bourdonnement des insectes, les cris des animaux, la musique du vent et de la pluie dans les arbres; le sol lisse, nu, propre et brillant a remplacé le sol de terre, de feuilles, de plantes, d'herbes, de sable ou de cailloux, sec, froid ou tiède, humide ou couvert de neige, et on y trouve tout ce qui est nécessaire  pour vivre ainsi qu'une foule d'autres choses totalement superflues et même dangereuses à l'usage ou après l'usage. Tout est fabriqué par d'autres hommes inconnus et des machines, ailleurs, très loin: en Chine ou en Inde par exemple. On est dépossédé de son savoir-faire et de sa culture.

Mais en sortant du magasin, il faut payer pour emporter les choses que l'on a prises. C'est à dire les échanger contre de l'argent. Opération mystérieuse qui se fait de plus en plus souvent avec une petite carte que l'on glisse dans un petit appareil en tapant un code. Car on ne peut s'approvisionner dans cette forêt magique que si l'on a une carte, et qui fonctionne. C'est l'arme magique qui a remplacé l'arc et la sarbacane qui permettaient à l'homme archaïque, le Ñaupa machu* de vivre et de se nourrir dans la forêt.

Mais comment se procure-t-on une carte bancaire approvisionnée? En travaillant? Même pas, car le travail**, qui a remplacé le nécessaire et honnête labeur, est le résultat de la loi du marché, de l'offre et de la demande, de la politique du Pouvoir. Il y en a d'ailleurs de moins en moins et il est de plus en plus pénible et souvent odieux car on est obligé de faire des choses contre sa conscience...

En volant alors, en spéculant et en mentant comme font les-riches-qui-ne-partagent-pas et les politiciens escrocs ? ou bien faut-il se laisser mourir de faim et de désespoir ?

Pierre-Olivier Combelles

* Mot quechua, préhispanique, des Amérindiens cultivateurs des Andes qui veut dire: "les ancêtres vérérables", en désignant les tribus amazoniennes de chasseurs-pêcheurs cueilleurs.

** Du latin et byzantin tripalium, le pal, un instrument de torture. Synonyme de souffrance. D'où l'expression en travail pour désigner l'accouchement.

Consulter aussi:

https://reporterre.net/L-Etat-laisse-les-grandes-surfaces-tuer-les-centres-villes

La forêt magique
La forêt magique

L'indienne kayapo Tuira menace de sa machete l'envoyé du gouvernement brésilien José Antonio Muniz Lopes dans une réunion sur le projet du barrage Belo Monte : « Nous n’avons pas besoin de votre barrage. Nous n’avons pas besoin d’électricité, elle ne nous donnera pas notre nourriture. Vous êtes un menteur ! » (1989). Les Indiens d'Amazonie ne travaillaient pas et ne connaissaient que le labeur ; quelques heures seulement dans la journée (chasse, récolte des fruits ou légumes), le reste du temps étant consacré au repos ou aux loisirs et à la fabrication des flèches, des hamacs, des ustensiles...

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Jean Dorst: Avant que nature meure

13 Février 2014 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #Jean Dorst, #Muséum national d'histoire naturelle, #Nature, #Philosophie, #Sciences

Jean Dorst consultant l'ouvrage de John James Audubon, "The Birds of America" à la Bibliothèque centrale du Muséum national d'Histoire naturelle, à Paris (1989)

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Magazine de Pierre ichac (22 mai 1965). Document audio de l'INA:

http://www.ina.fr/audio/PHD94029036

"Magazine de Pierre ICHAC. Aujourd'hui, les conséquences nocives du progrès sur la Nature à l'occasion de la sortie du livre de Jean DORST "Avant que nature meure". Avec Jean DORST, auteur de l'ouvrage, vice-président de l'Union Internationale de Conservation de la Nature, et professeur de Zoologie au muséum d'Histoire Naturelle et le Professeur Roger HEIM, directeur du Muséum National d'Histoire Naturelle, auteur de la préface. - A 1'47 : Roger HEIM présente ce livre qu'il qualifie de "grand livre". Pour lui nous sommes à l'aube de cette prédiction dramatique. Il espère que ce livre permettra de stopper ce "naufrage de la nature". Enumère les problèmes posés par ce livre : surpopulation, destruction de la biodiversité, abus des produits chimiques, conservation des sols. - A 3'12 : Jean DORST explique ce qui l'a amené à écrire cet ouvrage. Tout d'abord la constatation de la dévastation de la nature à travers son expérience personnelle : la régression des espèces animales ou végétales. Le problème des habitats inadaptés aux besoins, de la surpopulation, de la pénurie alimentaire. Globalement c'est le problème de la conservation des ressources naturelles et de leur exploitation rationnelle. La nécessité de préserver l'équilibre naturel. Evoque le déséquilibre profond du psychisme humain comme responsable du non respect des lois naturelles. - A 4'52 : Jean DORST donne des exemples concrets de problèmes : usure des sols, de l'abus des produits chimiques contre les insectes, danger de leur accumulation dans les sols, pollutions diverses et traitement des déchets (risques de cancers). - A 9'20 : Conclusion de Pierre ICHAC (citation d'une phrase de Jean DORST) dépendance de l'homme à son milieu. Homme et création forment un tout."

La philosophie de Jean Dorst, par Serge Clavero: http://dtwin.org/WordDD/2012/07/24/la-philosophie-de-jean-dorts/

Remarquable article qui contient un long extrait en PDF du livre La force du vivant (1979) de Jean Dorst.

Jean Dorst: Avant que nature meure
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Lettre du botaniste Stephan Beck au Président de Bolivie Evo Morales

26 Novembre 2013 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Bolivie, #Environnement, #Nature, #Stephan Beck, #Botanique, #Evo Morales

D'origine allemande, le botaniste Stephan Beck a été pendant trente ans le directeur de l'Herbier national de Bolivie, à Cotacota, près de La Paz. C'est là que nous avons fait connaissance, car j'étais arrivé en Bolivie pour étudier une racine alimentaire et thérapeutique des Hautes Andes, la maca (Lepidium meyenii Walpers) et j'y étais resté, avec mon épouse et nos deux enfants, pour réaliser notre projet de jardin botanique andin à Sorata (province de Larecaja, département de La Paz), sur les hauteurs du versant amazonien de la cordillère orientale des Andes, malheureusement avorté dans les révoltes violentes qui précédèrent le départ du Président Gonzalo Sanchez de Lozada et l'arrivée au pouvoir d'Evo Morales. Travailleur infatigable, amoureux de la flore merveilleuse de la Bolivie et ami des peuples indigènes de ce beau pays, il avait lancé le grand projet de la Flore de Bolivie, aujourd'hui très ralenti (sinon stoppé?), faute d'intérêt de la part du gouvernement bolivien. C'est pourtant avec sympathie, comme beaucoup d'autres, qu'il avait accueilli la candidature et salué l'élection d'Evo Morales, qui devait signifier un changement véritable dans la politique du pays, dans le respect de sa diversité naturelle et humaine. A la suite des projets d'aménagement en Amazonie, qui ont suscité la colère des aborigènes que le gouvernement n'a pas consultés, voici la lettre que Stephan Beck a adressée à Evo Morales, Président de Bolivie, le 19 août 2010.

Pierre-Olivier Combelles

Stephan BECK

Stephan BECK

 

19 Agosto del 2010

Carta al Señor Presidente del Estado Plurinacional de Bolivia Evo Morales Ayma

 

Construir el vivir bien como paradigma de respeto a la vida

Quien escribe es un ciudadano bolivianizado que llegó a Bolivia para estudiar la flora diversa y maravillosa que existe en el país hace más de 30 años esperando que algo de sus sueños se haga realidad: un mundo en armonía con la naturaleza.

En el país existe tanta diversidad de ecosistemas, plantas y animales, conjunto con este potencial la gran diversidad cultural de Bolivia parece ser una base ideal para construir un mundo sano, evitando los errores del continente viejo! Los viajes desde el altiplano hasta el oriente en la exploración de la flora, las plantas y la gente me enseñaron mucho. Lo que he captado, plasmando con mis conocimientos y mis sueños el respeto a la Madre Tierra , he tratado de transmitir a los alumnos de la UMSA y mis colegas en el Instituto de Ecología durante las diferentes épocas políticas.

Con la elección de Evo Morales se abrió la visión y esperanza de entrar en un camino de desarrollo en armonía con nuestro planeta. Sus múltiples mensajes sobre la Pachamama y el cambio climático, la Conferencia Mundial sobre Cambio Climático y los Derechos de la Madre Tierra y las lindas palabras del Presidente en el prefacio de dos libros rojos de la fauna de vertebrados y de los parientes silvestres, recién editados por el Ministerio de Medio Ambiente y Agua, expresan el deseo del Presidente y de la gran mayoría del pueblo: Conservar este planeta para las futuras generaciones de seres y construir alternativas reales.

Evo Morales también logró un gran éxito en las Naciones Unidas, gracias a su iniciativa se promulgó el derecho básico al Agua.

Pero lo que salió de la reunión del Gabinete al borde del lago Titicaca parece un fracaso para su política alternativa, inversiones nuevas para una marcha hacia el consumo, gasto de energía, explotación de los recursos y destrucción de la Madre Tierra parecen las metas actuales …¡Qué decepción! ¡No quiero creer que estas propuestas serían el interés del Presidente! La filosofía aspirada del crecimiento ilimitado es irreal en cualquier parte de mundo.

Los gobiernos del hemisferio norte se callan en vez de decir la verdad, Evo ya se pronunció en los foros internacionales, pero parece que a nivel nacional quiere seguir la vieja tradición de explotación de los recursos sin pensar en el futuro. ¡Desarrollar sin destruir!

La explotación de los yacimientos de hidrocarburos, la construcción de megarrepresas, la apertura de caminos de interconexión, lastiman a la Madre Tierra gravemente -son heridas de muerte Sr. Presidente.

Cualquier acción debe ser equilibrada, bien pensada y controlada, considerando las consecuencias a corto y largo plazo. Los campos de acción e inversión no se encuentran en terrenos baldíos o lugares alterados hace cientos de años: Estamos en varios de estos lugares en los Hot spots, lugares de alta biodiversidad de nuestro planeta y Bolivia, pero también con presencia de grupos indígenas excluidos que apostaron por otra forma de desarrollo, y que ahora serán invadidos en sus territorios por el “Desarrollo”, el narcotráfico o codiciosos que aplaudirán la decisión.

Por eso se han establecido Áreas Protegidas en conjunto con territorios indígenas, donde Bolivia se ha comprometido con sus habitantes originarios a resguardar su diversidad.

Lo poco que conocemos de estos espacios de conservación y territorios indígenas (TIPNIS, Pilón Lajas, Madidi, etc.) nos confirma que contienen una riqueza en especies de plantas y animales numerosos y únicos en Bolivia y nuestro planeta.

¡Pero qué sabemos nosotros y los estudiosos en el exterior de sus propiedades, su valor para combatir enfermedades en los humanos, para adaptar nuestros cultivos y animales domesticados a los desafíos futuros!

¡Ni pensar en las consecuencias desastrosas de la pérdida de la cobertura vegetal en las faldas de los Andes para las tierras en zonas bajas! Ya hay suficientes experiencias negativas en la región del Río Grande!

¿Para qué necesitamos producir más azúcar, frutas, si los mercados internacionales están saturados y los precios que reciben los productores están por debajo de la rentabilidad? ¿Para qué? ¿Hay interés en el negocio de acceder a la tecnología, probar estas tecnologías en el país?… ¿Para qué? Hay suficientes experiencias en el exterior, ¡no debemos gastar nuestros recursos en tecnología de vida corta! Miramos hasta el futuro, ¿por qué no trabajamos en tecnologías alternativas nuevas? ¿Qué tenemos? Mucho sol con calentamiento temporal, gran amplitud térmica diurna. ¿Qué nos falta? Desarrollar una cultura del cuidado del agua.

¡Los problemas actuales se enfocan en el cambio climático! ¿Para qué confiar en la seguridad de los mercados externos? Recetas que vienen desde un mundo endógeno:

Escuchar a los ancianos sabios de los pueblos en las diferentes regiones del país que han sobrevivido extremas situaciones, como sequías, inundaciones, heladas perpetuas, con la consecuencia de falta de alimento para ellos y su ganado. Preguntarse: ¿Qué es la felicidad? Producir, trabajar, realizar algo constructivo. ¡VIVIR BIEN!

Mantener la diversidad de la madre naturaleza, el agua, el suelo, las plantitas y los animales con sus recursos genéticos, de la cultura, que garantizan la sobrevivencia -en vez de las cuentas en el banco o fábricas de producción cuestionable.

Motivar a cada ciudadano de este nuevo Estado Plurinacional refundado a que viva en armonía con la naturaleza y el cosmos, pues la Tierra es nuestra madre y un organismo vivo, ¿no es así Presidente?

Reflexiones finales para el Presidente:

Piense en el nuevo Estado que está construyendo…. ¡Pare unos minutos de decisiones equívocas que nos hacen ir por el derrotero del desarrollo que vienen exactamente desde el mundo occidental capitalista que usted está queriendo cambiar! Piense en los que aún creyeron en su palabra de cambio, en su origen indígena que recogió el poder de los ciudadanos más pobres y excluidos-los indígenas- ¡escúchelos!

No perdemos la esperanza de creer que fue algo especial y diferente en la historia de Bolivia, ocurrido con su llegada a dirigir el Estado Plurinacional incorporando a las naciones originarias y ¡sólo la historia juzgará si estos actos fueron sólo un engaño más para este país biocultural!

Señor Presidente, por favor, no se olvide de sus raíces indígenas, no se olvide mirar a las estrellas en el altiplano y su mensaje al mundo: La Tierra no nos pertenece, nosotros pertenecemos a la Tierra.

STEPHAN BECK

 

Fuente: Agencia Intercultural de Noticias Indígenas de Bolivia: http://www.aininoticias.org/2010/08/iirsa-stephen-beck-ecologo-aleman-pide-a-evo-no-destruir-el-parque-isiboro-secure/

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Jean Dorst: Avant que Nature meure (1965)

15 Octobre 2013 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #Nature, #Jean Dorst, #Philosophie, #Sciences

Jean Dorst: Avant que Nature meure (1965)

Extraits:

1/4) Le déséquilibre du monde moderne (Avant-propos, le 23 mars 1964)

Si l’on envisage l’histoire du globe, l’apparition de l’homme prend aux yeux des biologistes la même signification que les grands cataclysmes à l’échelle du temps géologique. A l’époque contemporaine la situation atteint un niveau de gravité inégalé. Tous les phénomènes auxquels l’homme est mêlé se déroulent à une vitesse accélérée et à un rythme qui les rend presque incontrôlables. L’homme dilapide d’un cœur léger les ressources non renouvelables, ce qui risque de provoquer la ruine de la civilisation actuelle. Les ressources renouvelables, celles que nous tirons du monde vivant, sont gaspillées avec une prodigalité déconcertante, ce qui est encore plus grave : l’homme peut se passer de tout, sauf de manger. Il manifeste un véritable culte à l’égard de la technique que nous croyons dorénavant capable de résoudre tous nos problèmes sans le secours du milieu dans lequel ont vécu des générations nombreuses. Beaucoup de nos contemporains estiment de ce fait qu’ils sont en droit de couper les ponts avec le passé. Le vieux pacte qui unissait l’homme à la nature a été brisé. Nous sommes néanmoins en droit de nous interroger sur la valeur universelle d’une civilisation technique appliquant aux esprits et à la matière des lois dont le bien-fondé n’a été vérifié que dans des cas particuliers.

Il est d’ailleurs symptomatique de constater que l’homme dépense de plus en plus de son énergie et de ses ressources pour se protéger contre ses propres activités et contre leurs effets pernicieux, à se protéger contre lui-même au fond ; l’Homo sapiens a besoin d’être protégé contre l’Homo faber. L’homme doit respecter un certain équilibre et se soumettre à certaines lois écologiques qui font véritablement partie de la constitution de la matière vivante elle-même.

2/4) L’homme contre la nature

Une large partie du globe demeurait pratiquement intacte à l’époque des grandes découvertes. L’équilibre primitif se trouve compromis dès que l’homme dispose de moyens techniques quelques peu perfectionnée et dès que la densité de ses populations dépasse un certain seuil. Au cours de l’expansion accélérée des peuples européens à travers le globe, des vagues d’hommes se succédèrent à la conquête des richesses mondiales, exploitant à outrance les terres demeurées vierges ou presque. Si la destruction quasi totale du bison est sans nul doute l’épisode le plus tragique de toute l’histoire des rapports de l’homme avec la faune dans le Nouveau Monde, elle ne fut hélas pas la seule.

La survie et la prospérité de l’ensemble des communautés biotiques terrestres dépendent en définitive de la mince strate qui forme la couche la plus superficielle des terres. Il existe une érosion accélérée consécutive à une mauvaise gestion du sol dont l’homme est l’unique responsable. La morphogenèse anthropique affecte gravement la fertilité par perte de substances et par transformation de la structure physique, chimique et biologique des sols. L’homme a même empiété sur des terres marginales, sans vocation agricole, et dont l’équilibre ne peut être assuré que par le maintien des biocénoses naturelles. Il y a eu déboisement, perturbations dans le régime des fleuves, destruction des habitats aquatiques, abus des insecticides, déchets de la civilisation technique à l’assaut de la planète, pollution des mers et de l’atmosphère, pollution radioactive, pillage des ressources des mers…

Même si l’homme décide de suivre aveuglément les bergers modernes, il a le devoir de prendre une assurance et de ne pas rompre tous les liens avec le milieu dans lequel il est né. Il faut chasser de notre  esprit les concepts selon lesquels la seule manière de tirer profit de la surface du globe est une transformation complète des habitats et le remplacement des espèces sauvages par quelques végétaux et animaux domestiques. La conservation de la nature sauvage doit être défendue par d’autres arguments que la raison et notre intérêt immédiat. Un homme indigne de la condition humaine n’a pas à envisager uniquement le côté utilitariste des choses.

3/4) L’explosion démographique du XXe siècle

Le Seigneur a dit : « croissez et multipliez… » - Oui, mais il n’a pas dit par combien ! L’humanité a réussi à se débarrasser de la plupart des freins à sa prolifération. La poussée démographique, tempête qui modifie entièrement l’équilibre des forces et qui menace nos moyens même de subsistance, dépasse tous les autres problèmes qui paraissent de ce fait mineurs. Comme le souligne un rapport des Nations unies (1958), si le rythme actuel d’accroissement se poursuivait encore pendant 600 ans « le nombre des êtres humains serait tel que chacun d’aurait plus qu’un mètre carré à sa disposition. » Il faut reconnaître qu’en dépit de quelques erreurs, provenant notamment du développement du machinisme qu’il n’avait pas prévu, Malthus (Essay on the Principle of Population, 1798) avait raison. Pour le naturaliste, l’accroissement actuel des populations humaines a les caractères d’une véritable pullulation. Etres humains doués de raison, proportionnant leur expansion aux moyens de subsistance, ou créatures proliférantes, dégradant leur propre habitat, il nous appartient de choisir ce que nous voulons être.

Nous sommes parfaitement conscients du fait que les rendements agricoles ont été considérablement augmentés depuis les premières ères de l’humanité. Mais il faut tenir compte du fait que les difficultés de répartition des denrées entre les différentes fractions de population ne disparaîtront pas facilement, sans doute même jamais. S’il n’y a qu’un monde à beaucoup de points de vue, notamment celui du biologiste, il y en a plusieurs sur le plan économique. Aussi est-il sage que chacune des fractions de l’humanité proportionne son expansion démographique à ses ressources propres.

L’extension des villes se fait souvent au détriment d’excellentes terres agricoles. Aucune des grandes agglomérations ne peut, et ne pourra jamais plus constituer une communauté humaine. La vie des citadins est devenue une vie en commun, puis une existence concentrationnaire. Les hommes ont dorénavant à choisir entre un encasernement dans des « boîtes à loger » ou l’hébergement dans de petites maisons individuelles implantées de plus en plus loin de leur lieu de travail. L’énergie dilapidée en pure perte dépasse toute évaluation. Même si l’homme arrive à se sustenter, les problèmes psychologiques posés par son grouillement demeureront entiers. Le bien-être matériel de l’humanité, mais aussi sa dignité et sa culture, sont compromis dans leurs fondements.

Un premier moyen de régulation est l’émigration. Or cela n’est plus guère possible à l’heure actuelle car toute la planète est strictement compartimentée et coupée de barrière. Un deuxième procédé est l’augmentation du taux de mortalité. Certaines sociétés primitives éliminent les vieillards, tandis que d’autres préconisent l’infanticide. C’est impossible à envisager dans le cas de l’humanité évoluée. Le troisième procédé consiste à une diminution du taux de natalité. Aucune religion, aucune morale et aucun préjugé ne doivent nous en empêcher. Le jour où les peuples se jetteront les uns contre les autres, poussés par des motifs en définitive écologiques, cela serait-il plus hautement moral que d’avoir maintenu les populations humaines en harmonie avec leur milieu ?

4/4) Vers une réconciliation de l’homme et de la planète

Une confiance aveugle en notre technicité nous a poussés à détruire volontairement tout ce qui est encore sauvage dans le monde, et à convertir tous les hommes au même culte de la mécanique. Notre ambition est de faire des Pygmées et des Papous des adeptes de notre civilisation « occidentale », convaincus que la seule manière de concevoir la vie est celle des habitants de Chicago, de Moscou ou de Paris. Les historiens du futur décriront peut-être la civilisation technique du XXe siècle comme un cancer monstrueux qui a failli entraîner l’humanité à sa perte totale. L’homme est apparu comme un ver dans un fruit, comme une mite dans une balle de laine, il a rongé son habitat en sécrétant des théories pour justifier son action.

Certains philosophes ne craignent pas d’affirmer que l’humanité fait fausse route. S’il ne nous appartient pas de les suivre, nous pouvons néanmoins affirmer avec tous les biologistes que l’homme a fait une erreur capitale en croyant pouvoir s’isoler de la nature et ne plus respecter certaines lois de portée générale. Il y a depuis longtemps divorce entre l’homme et son milieu. Il convient, même si cela coûte à notre orgueil, de signer un nouveau pacte avec la nature nous permettant de vivre en harmonie avec elle. Quelle que soit la position métaphysique adoptée et la place accordée à l’espèce humaine, l’homme n’a pas le droit de détruire les autres espèces.

Il faut avant tout que l’homme se persuade qu’il n’a pas le droit moral de mener une espèce animale ou végétale à son extinction, sous prétexte qu’elle ne sert à rien. Nous n’avons pas le droit d’exterminer ce que nous n’avons pas créé. Un humble végétal, un insecte minuscule, contiennent plus de splendeurs et de mystères que la plus merveilleuse de nos constructions. Le Parthénon ne sert à rien, Notre-Dame de Paris est complément inutile, en tout cas mal placé. On demeure confondu devant la négligence des technocrates qui laissent subsister des monuments aussi désuets et anachroniques alors qu’on pourrait faciliter la circulation et aménager des parkings. L’homme pourrait refaire dix fois le Parthénon, mais il ne pourra jamais recréer un seul canyon, façonné par des millénaires d’érosion patiente, ou reconstituer les innombrables animaux des savanes africaines, issues d’une évolution qui a déroulé ses méandres sinueux au cours de millions d’années, avant que l’homme ne commence à poindre dans un obscur phylum de Primates minuscules.

La nature ne sera en définitive sauvée que par notre cœur.

 

Jean Dorst

Avant que Nature meure, Pour que Nature vive. Réédition par Robert Barbault. Hommage d'Yves Coppens (Delachaux et Niestlé/Muséum national d'Histoire naturelle)

 

Jean Dorst (1924-2001), ornithologue, naturaliste et écologue, ancien Directeur du Muséum national d'Histoire naturelle puis du Laboratoire Mammifères-Oiseaux du Muséum, membre de l'Institut, devant le fameux ouvrage "The Birds of America" de John James Audubon, à la Bibliothèque centrale du Muséum. Capture d'écran du film "Grandeur Nature" de l'expédition en voilier de Pierre-Olivier Combelles dans le sillage de J.J. Audubon sur la Côte-Nord du Québec en 1989. Jean Dorst présida la soutenance du Diplôme d'Etudes Doctorales de Pierre-Olivier Combelles sur "Le Voyage de John James Audubon au Labrador en 1833 et sa contribution à l'histoire naturelle de la Côte-Nord du Québec" en 1997, au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris.

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Et quelque part au monde où le silence éclaire un songe de mélèze ...

20 Octobre 2010 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Canada, #Forêt, #Labrador, #Lettres, #Marine, #Mer, #Nature, #Pierre-Olivier Combelles, #Voyage

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"Confortablement allongés au soleil sur la toundra parsemée de conifères prostrés, les Montagnais savourent la viande noire et parfumée, enveloppée de graisse fondante, des jeunes shikaunish*. Tout en mangeant, ils contemplent le spectacle magnifique des îles et de la côte, couleur vert-de-gris, qui s'étend autour d'eux entre le ciel bleu et la mer irisée par une brise légère. Le silence est seulement troublé par les cris des sternes et des goélands et par le bruit lointain du ressac sur des récifs, au large. L'un d'entre eux se lèvera peut-être pour aller ramasser quelques poignées de chicoutés (Rubus chamaemorus L.), juteuses et sucrées à souhait, qu'il partagera avec ses compagnons en guise de dessert. Leur repas terminé, les Montagnais vont allumer une bonne pipe et la fumer béatement tout en discutant et en plaisantant. Puis ils plieront bagage et remonteront dans leur chaloupe, pour continuer la chasse et établir leur campement pour la nuit dans une anse retirée de la côte."

* Guillemot à miroir (Cepphus grylle), un Alcidé.

 

Pierre-Olivier Combelles. Le voyage de John James Audubon au Labrador (1833) et sa contribution à l'histoire naturelle de la Côte-Nord du Québec. Mémoire de Diplôme d'Etudes Doctorales. Muséum national d'Histoire Naturelle, Laboratoire d'Ethnobiologie-Biogéographie, Paris, 1997.

Rédigé à partir du journal de bord de Pierre-Olivier Combelles (environs de La Romaine, en compagnie du Montagnais Etienne Mollen, sur la Basse Côte-Nord du Québec, le 4 août 1993).

 

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