nature
Les Belles de Mai: la Platanthère (Platanthera chlorantha, Orchidaceae)
Comme Linné l'avait compris et démontré*, la botanique est une science amoureuse. A un certain degré, elle devient poésie.
Pierre-Olivier Combelles
* Carl von Linné: Voyage en Laponie https://www.ladifference.fr/media/feuilleteuse/extrait-978-2-7291-1412-1.pdf
Pierre de Ronsard: Sonnet à Marie
Je vous envoie un bouquet que main
Vient de trier de ces fleurs épanouies ;
Qui ne les eût à ce vêpres cueillies,
Chutes à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries,
En peu de temps cherront, toutes flétries,
Et, comme fleurs, périront tout soudain.
Le temps s’en va, le temps s’en va, ma dame
Las ! le temps, non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame ;
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle.
Pour c’aimez-moi cependant qu’êtes belle.
Pierre de Ronsard
Second livre des Amours
La timidité des branches des arbres
Le botaniste tropicaliste Francis Hallé, spécialiste de l'architecture des arbres, parle de la "timidité" des arbres: une faculté mystérieuse qui leur permet de ne pas mélanger et heurter leurs canopées (Plaidoyer pour l'arbre, Actes sud, (2005) 2012, p. 40). Mais il ne parle pas de la "timidité" de l'arbre lui-même, dont les branches, rameaux et ramilles, évitent de se toucher, comme on peut le constater sur ces photos d'un chêne rouvre d'Ile-de-France au commencement du Printemps. Dans sa ramure pourtant extrêmement fournie, toutes les branches, depuis le tronc jusqu'à la plus fine extrémité des dernières ramilles, s'évitent délicatement en se contournant par le haut, par le bas, ou latéralement.
Charité bien ordonnée commence par soi-même.
On se prend à rêver de la politesse des arbres.
Pierre-Olivier Combelles
Aidan Rankin: Careful action
"Careful action is more than merely abstaining from abusive and harmful behavior. It involves considering the consequences of—and crucially, the intention behind—all forms of action. In Jainism, the concept of action encompasses thought. Thoughts and ideas can harm or uplift the thinker as they are the starting point for all acts of himsa or injury, as well as all beautiful, creative, loving actions. Iryasamiti is closely associated with the spiritual ideal of ahimsa: non-violence or non-injury to life. This, too, is far more than simple abstinence. It is about cultivating an attitude of calm and a state of equanimity through the practice of maitri (friendship with all beings) and recognizing that worldly entanglements, including material gain, political power, or academic success are but transient trifles of no ultimate significance.
Careful action is based on recognition of the four following ideas:
- Each life—and this includes all forms of life—is individual, unique, and precious.
- All life is interconnected and interdependent.
- Human beings and their concerns are but one small part of the earth and the cosmos; therefore, we should approach the rest of existence with humility and modesty.
- Human intelligence has evolved to give men and women the capacity for spiritual development and the possibility of liberation. However, this intelligence is a double-edged sword for it confers the possibility of choosing destructive over creative power, gross materialism over spiritual insight, himsa over ahimsa.
Careful action is therefore a form of conscious choice to minimize harm and act in ways that benefit others, both human and non-human."
Aidan Rankin
http://pocombelles.over-blog.com/2014/07/aidan-rankin-green-karma.html
Pieds nus sur la terre sacrée
Porcupine (Cheyenne). Photographie par Edward Curtis. Source: http://curtis.library.northwestern.edu/curtis/toc.cgi
Le Lakota était rempli de compassion et d'amour pour la nature. Il aimait la terre et toutes les choses de la terre, et son attachement grandissait avec l'âge. Les vieillards étaient littéralement épris du sol et ne s'asseyaient ni ne se reposaient à même la terre sans le sentiment de s'approcher des forces maternelles. La terre était douce sous la peau et ils aimaient à ôter leurs mocassins et à marcher pieds nus sur la terre sacrée. Leurs tipis s'élevaient sur cette terre dont leurs autels étaient faits. L'oiseau qui volait dans les airs venait s'y reposer et la terre portait, sans défaillance, tout ce qui vivait et poussait. Le sol apaisait, fortifiait, lavait et guérissait.
C'est pourquoi les vieux Indiens se tenaient à même le sol plutôt que de rester séparés des forces de vie. S'asseoir ou s'allonger ainsi leur permettait de penser plus profondément, de sentir plus vivement ; ils contemplaient alors avec une plus grande clarté les mystères de la vie et ils se sentaient plus proches de toutes les forces vivantes qui les entouraient...
Ces relations qu'ils entretenaient avec tous les êtres de la terre, dans le ciel ou au fond des rivières étaient un des traits de leur existence. Ils avaient le sentiment de fraternité envers le monde des oiseaux et des animaux qui leur gardaient leur confiance. La familiarité était si étroite entre certains Lakotas et leurs amis à plume et à fourrure, que, tels des frères, ils parlaient le même langage.
Le vieux Lakota était un sage. Il savait que le cœur de l'homme éloigné de la nature devient dur ; il savait que l'oubli du respect dû à ce qui pousse et à ce qui vit amène également à ne plus respecter l'homme. Aussi maintenait-il les jeunes gens sous la douce influence de la nature.
Chef Luther Standing Bear.
Pieds nus sur la terre sacrée.Textes rassemblés par Teri McLuhan. Photos de Edward S. Curtis. Denoël, Paris, 1974.
Edward S. Curtis: The North American Indian: http://curtis.library.northwestern.edu/curtis/toc.cgi
Pieds nus sur la terre sacrée.Textes rassemblés par Teri McLuhan. Photos de Edward S. Curtis. Denoël, Paris, 1974.
Tente de la famille de Mathieu Mark de La Romaine (Unamen Shipu) et de Pierre-Olivier Combelles au lac Monger (Québec-Labrador) en octobre 1992 lors du rassemblement de protestation des Indiens Montagnais (Innuat) de la Côte-Nord du Québec contre le projet de harnachement du lac Robertson par Hydro-Québec. Photo: Pierre-Olivier Combelles.
Camp de Pierre-Olivier Combelles au havre du Petit Mécatina, dans l'île du Petit-Mécatina, lors d'une expédition de 3 mois en bateau le long de la Basse Côte-Nord du Québec.
"La vie dans un tipi est bien meilleure. Il est toujours propre, chaud en hiver, frais en été, facile à déplacer. L'homme blanc construit une grande maison, qui coûte beaucoup d'argent, ressemble à une grande cage, ne laisse pas entrer le soleil et ne peut être déplacée; elle est toujours malsaine. Les Indiens et les animaux savent mieux vivre que l'homme blanc, personne ne peut être en bonne santé sans avoir en permanence de l'air frais, du soleil, de la bonne eau. Si le Grand Esprit avait voulu que les hommes restassent dans un endroit, il aurait fait le monde immobile; mais il a fait qu'il change toujours, afin que les oiseaux et les animaux puissent se déplacer et trouver toujours de l'herbe verte et des baies mûres; la lumière du soleil permet de travailler et de jouer,la nuit de dormir; l'été, les fleurs s'épanouissent et l'hiver elles dorment; tout est changement; chaque chose amène un bien; il n'est rien qui n'apporte rien.
L'homme blanc n'obéit pas au Grand Esprit. C'est pourquoi les Indiens ne peuvent être d'accord avec lui."
Flying Hawk, chef Sioux du clan des Oglalas
Des fourmis et des hommes
La Fourmi n'est pas prêteuse, c'est là son moindre défaut.
La Fontaine, Fables: La Cigale et la Fourmi (1e fable du Livre I, 1668)
Les Fables de La Fontaine sont un chef-d'oeuvre de la littérature et de l'esprit français, mais certainement pas des sciences naturelles et de l'éthologie (science du comportement animal).
Les fourmis existent depuis plus de 100 millions d'années et on on connaît actuellement 12000 espèces. Vivant en colonies de parfois plusieurs millions d'individus, elles frappent, outre par leurs capacités physiques sans aucune mesure avec celles de l'homme*, par le haut degré d'organisation de leurs sociétés, où l'intérêt de l'individu se subordonne toujours à celui de la collectivité. C'est ce qu'on appelle l'"altruisme". Chez certaines espèces, les fourmis font un pont vivant pour traverser une étendue d'eau, celles d'en bas se noyant pour permettre aux autres de passer sur leurs corps. Chez certaines termites, les gardiennes de la colonie font exploser leur abdomen sur l'agresseur venu de l'extérieur, le couvrant du contenu visqueux et toxique de leur corps qui se coagule au contact de l'air et le paralyse. Ces fourmis kamikazes** agissent selon la nature et l'instinct, programmées pour la survie de leur communauté et de l'espèce.
Sacrifier sa vie personnelle pour celle de la collectivité à laquelle on appartient; voilà une chose qui n'est pas naturelle chez l'homme, cette espèce atypique de la planète Terre. On constate même que dans son évolution au sein de ce que les imposteurs appellent le "Progrès", il agit de plus en plus en sens inverse: l'individu sacrifiant les autres et son milieu naturel à son appétit de pouvoir et de richesse ou, plus simplement, comme prix de sa tranquillité.
Le sacrifice altruiste a existé néanmoins chez nous en Europe au temps de la chevalerie, au Japon d'autrefois, au temps des samouraï, dans l'Antiquité à Sparte, et parmi sans doute bien d'autres peuples de la terre***.
"Chacun chez soi, chacun pour soi": c'est la triste devise des sociétés humaines gouvernées par et pour les riches. Misère des autres, misère de la nature, solitude des hommes séparés des dieux protecteurs (les Kami du shintoïsme, cette religion des origines) qui veillaient sur l'ordre et l'équilibre du monde.
Les monstrueuses guerres et le terrorisme d'État modernes, l'exploitation suicidaire des richesses naturelles sont l'expression de l'hybris de cet animal fou qui se croit homme.
Pierre-Olivier Combelles
* On s'en rend compte en observant par exemple les fourmis traîner ou porter des fardeaux d'une taille considérable par rapport à la leur sur un sol forestier ou d'une prairie encombrés de végétation qu'elles escaladent sans même ralentir, ou parcourir en tous sens et en courant une roche verticale ou bien le tronc et les branches d'un arbre.
** De kami (divinité, esprit) et kazé (vent) en japonais.
*** Mahâkapi-Jâtaka (Jâtaka du singe magnanime): http://pocombelles.over-blog.com/article-mahakapijataka-79202909.html
Pour en savoir plus sur les fourmis:
Sciences en liberté. Une émission animée par Thierry Lode sur Radio Libertaire, lundi 23 novembre 2015 à 18H: http://www.radio-libertaire.net/
Vincent Perrichot (spécialiste de l'ambre du Crétacé, département de Géosciences/UMR 611 - Université de Rennes I): conférence sur l'origine et l'essor des fourmis: http://www.espace-sciences.org/conferences/mardis-de-l-espace-des-sciences/l-origine-et-l-essor-des-fourmis
et son article (parmi beaucoup d'autres) : https://geosciences.univ-rennes1.fr/spip.php?article1346
Article de La Recherche sur la sociabilité des fourmis: http://www.larecherche.fr/savoirs/dossier/fourmis-sont-elles-encore-froid-darwin-01-03-1997-89376
Fourmis dans un ambre fossile.
Source de l'illustration et page de Vincent Perrichot sur le site de Geosciences de l'université Rennes I: https://geosciences.univ-rennes1.fr/spip.php?article1130&lang=en
Les tribus amérindiennes s'unissent pour défendre les grizzlys du Parc national de Yellowstone (USA)
http://www.goaltribal.org/#!yellowstone-prayer-ceremony-goes-ahead/c7xj
Merci à Alain Sennepin pour l'information extraite de son blog: http://europe-tigre.over-blog.com/
"Après la décision du Gouvernement fédéral américain de retirer le grizzly de Yellowstone, dont les effectifs atteignent désormais 700 individus de la liste des espèces protégées, les représentants de plus de 40 nations amérindiennes lui demandent instamment de faire exactement le contraire. RawStory, hier. Dépêche Reuters. "More than 40 Native American Nations push fed to keep grizzly bears listed as endangered species."
Native American tribes on Wednesday called for the U.S. government to halt plans to strip grizzly bears in and around Yellowstone of Endangered Species Act protection because it would open the way for trophy hunting in Idaho and two other states bordering the national park.
Government bear managers have said the 700-plus grizzlies in the Yellowstone area have exceeded their recovery goal of 500 bears and no longer need federal protection.
But more than 40 American Indian nations have formed a coalition called GOAL to oppose delisting an animal they consider sacred and central to their religious and cultural traditions. They are arguing that allowing hunters to kill them and either make them into rugs or mount their carcasses for display is abhorrent.
Grizzlies in the Lower 48 states were formally listed as threatened under the law in 1975 after being hunted, trapped and poisoned to the edge of extinction. The law broadly bans killing of protected creatures.
The U.S. Fish and Wildlife Service may float a proposal in coming weeks that would allow Idaho, Wyoming and Montana to manage bears that wander from Yellowstone into those states.
Ranchers and sportsmen in the Northern Rocky Mountain states support removing grizzlies from the federal list of endangered and threatened species, or delisting, claiming the growing numbers of bears in and around Yellowstone poses a threat to humans, livestock and prized big-game animals like elk.
The U.S. Fish and Wildlife Service, an Interior Department agency, has been negotiating with the three states about management of the bears should they be delisted. Tribes say that required consultation with them has been minimal or nonexistent, infringing on their sovereignty and violating federal trust responsibilities. They called for an indefinite halt to delisting.
“The Department of the Interior needs to institute a moratorium on the delisting of the grizzly bear until proper consultation is addressed with each affected tribal nation respectively, so we can get better solutions for the future of the grizzly bear and for our people,” Lee Juan Tyler, vice chairman of the Shoshone-Bannock Tribes of Idaho, said in a statement.
Fish and Wildlife Service officials could not immediately be reached for comment on Wednesday, a federal holiday. But a spokesman said last week that the agency had consulted with five tribes at that point and planned a webinar and conference call on Friday."
Sur le même sujet et sur le même blog de Pierre-Olivier Combelles:
De la chasse à l'ours http://pocombelles.over-blog.com/article-l-ours-ou-de-la-chasse-82186700.html
Cadavre d'ours noir (couché sur le flanc gauche, la tête à droite, gueule ouverte montrant les crocs blancs, les cuisses et pattes arrière sont à gauche. La tache grise au milieu entre les pattes avant et arrière est une masse grouillante de vers. La Romaine, Basse Côte-Nord du Québec, août 1993. Photo: Pierre-Olivier Combelles.
En août 1993, en arrière du village de La Romaine, sur la Basse Côte-Nord du Québec, au bord du chemin qui mène aux chutes de la rivière Olomane, j'ai trouvé deux ours noirs qui avaient été tués au fusil par un Blanc du village (le village se partage en deux secteurs: celui des Blancs et celui des Indiens Montagnais) sur la décharge. Ils avaient été laissés là et leurs cadavres gisaient sur la toundra, déjà envahis par les vers.
Je me suis demandé comment on pouvait abandonner ainsi un animal aussi considérable, après l'avoir tué. Sa chair est très bonne à manger, certaines parties de son corps sont médicinales et sa fourrure est précieuse et fait une couverture très chaude en hiver.
Mais surtout, l'ours est l'animal le plus respectable de la forêt. Son nom en montagnais est "mask" mais les Indiens l'appellent encore "grand-père". Il sait tout du monde de la forêt, il entend tout, il comprend tout ce que disent les hommes et les autres animaux l'informent de ce qui se passe: le castor, la martre, l'écureuil, le porc-épic, la bernache, etc.
C'est pour cette raison qu'il ne faut jamais parler mal de l'ours ni se moquer de lui. Il le saura et le moment venu, il viendra par derrière pour écraser l'homme entre ses pattes.
Les Indiens ne le chassent pas ou très rarement et quand ils le faisaient, ils plaçaient son crâne sur une plate-forme surélevée en troncs d'abres (sheshepitan), lui mettaient une pipe avec du tabac dans la gueule et peignaient son crâne avec des ronds d'ocre rouge.
Les Indiens Montagnais du Québec partagaient ce culte de l'ours avec tous les peuples du Subarctique, depuis les Lapons jusqu'aux Aïnous en passant par tous ceux de la Russie et de la Sibérie.
Dans son ouvrage: Les rites de chasse chez les peuples sibériens (NRF Gallimard, collection L'espèce humaine N°9, Paris, 1953), Eveline Lot-Falck, après avoir énuméré les multiples surnoms de l'ours chez ces peuples, cite le Kalevala, recueil des traditions orales de la Finlande par Elias Lönnrot au XIXe siècle, rédigé sous la forme d'une épopée:
"Il suffit d'ouvrir le Kalevala, au chapitre du meurtre par Wäinämöinen de l'ours, déchaïné contre lui par la vieille de Pohjola, et des cérémonies qui s'ensuivent, pour rencontrer une richesse d'épithètes inouïe, dont voici quelques exemples: Otso (le front, à cause du large front de l'ours), le beau des bois, la pomme des bois, le rond pied de miel, l'orgueil des bois, l'oiseau ou le coucou d'or de la forêt, le pied léger, le célèbre, le manteau de fourrure, la longue toison, l'homme antique, l'illustre, le bel enroulé kääröseni (parce qu'il se met en boule dans sa tanière), le bas noir, le héros, l'homme superbe, etc."
Aujourd'hui, comme on peut le constater en regardant les stupides et révoltantes vidéos de chasse sur internet, n'importe quel chasseur armé d'une carabine ou d'un arc peut abattre un ours, même une femme*. Les règlements n'imposent aucun rite, aucune prière, aucune cérémonie. Le chasseur est libre de faire ce qui lui plaît de la dépouille. La chasse de l'ours est un sport, en général dépourvu de tout risque. On pourrait mieux parler de meurtre. Et sur le plan symbolique et religieux, un meurtre parricide. Mort, l'ours devient une chose, un objet. Il en va de même de tous les autres animaux.
En enlevant à la chasse et à l'animal chassé leur valeur religieuse, en la "sécularisant", l'homme moderne s'est rabaissé à n'être plus qu'un vil ignorant, un fou dangereux et irresponsable, mettant en péril l'ordre du monde.
Pierre-Olivier Combelles
* Chez les peuples chasseurs, le monde de la chasse est prohibé à la femme, qui est considérée comme un être impur et dont le domaine est la maison ou la tente. Chez les Samoyèdes de Sibérie, elle ne peut pas manger de la viande d'ours, l'animal sacré. Sa présence même en certaines occasions peut créer une infortune, qui doit être conjurée par une fumigation de graisse d'ours (Arthur Montefiore: Notes on the Samoyeds of the Great Tundra, collected from the journals of F.G. Jackson, F.R.G.S. The Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, 1895).
Dans son ouvrage Les Lapons, peuple du renne (Armand Colin [1978] 1985), Arthur Spencer écrit (chapitre La chasse, p. 95): "Il existait de nombreux tabous chez les pêcheurs et les chasseurs lapons, dont certains persistent encore secrètement, comme dans beaucoup de pays. Il y avait des jours de chance et des jours de malchance. Les femmes ne devaient pas croiser les hommes quand ils partaient, ce qui explique qu'ils sortaient par "la porte arrière sacrée" de la tente, systématiquement interdite aux femmes". Et plus loin, p. 117: "Le sanctuaire familial était un espace à l'arrière de la tente, interdit aux femmes. On y entrait par une entrée particulière, "la porte arrière sacrée". Le chef de famille y gardait ses pénates, son tambour magique et ses armes et il y offrait les prières et les sacrifices de la famille. Sous ce sanctuaire, se trouvait la demeure d'une déesse secondaire de la chasse."
La chasse à l'ours moderne pratiquée par les femmes, à la carabine ou à l'arc, est donc un double sacrilège (exemples: link, link)
Jean-Henri Fabre: nomenclature scientifique
Jon Fjeldså
http://snm.ku.dk/english/staffsnm/staff/profile/?id=75192
J'ai eu il y a quelques années un échange passionné avec l'ornithologue et (extrêmement talentueux) peintre animalier danois Jon Fjeldså, du Muséum d'Histoire naturelle de Copenhague, auteur avec Niels Krabbe du magnifique ouvrage Birds of the High Andes . Je me révoltais contre la laideur et le caractère inapproprié des noms scientifiques des oiseaux des Andes, alors que leurs noms vernaculaires en quechua ou en aymara sont si beaux et si précis (ils expriment généralement la caractéristique principale de l'oiseau). Et il est vrai que dans Birds of the High Andes, il n'y a pas un seul nom local... Jon Fjeldså croyait que je mettais en doute l'utilité et la nécessité de la nomenclature scientifique en latin. Absolument pas, évidemment. Mais, comme j'ai tâché de le lui expliquer, je souhaitais que les scientifiques utilisassent plus souvent les noms vernaculaires pour composer les noms scientifiques, au lieu de les ignorer.
P.-O.C.
Voici ce qu'écrit heureusement Jean-Henri Fabre à ce sujet:
"L'Aranéide qui m'a fait assister à la pleine magnificence de l'exode s'appelle, d'après la nomenclature officielle, Thomisus onustus Walck. S'il n'éveille rien dans l'esprit du lecteur, ce nom a du moins l'avantage de ne pas offenser le larynx et l'oreille, comme le font trop souvent les dénominations savantes, plus voisines de l'éternuement que du langage articulé. Puisqu'il est de règle d'honorer bêtes et plantes d'une étiquette latine, respectons au moins l'antique euphonie ; abstenons-nous des expectorations rocailleuses, qui crachent le nom au lieu de le prononcer.
Que fera l'avenir devant la marée montante d'un vocabulaire barbare qui, sous prétexte de progrès, étouffe le réel savoir ? Il relèguera le tout dans les bas-fonds de l'oubli. Mais ne disparaîtra jamais le terme vulgaire, qui sonne bien, fait image et renseigne de son mieux. Telle est la dénomination d'Araignée-Crabe appliquée par les anciens au groupe dont fait partie le Thomise, dénomination assez juste car il y a dans ce cas analogue manifeste entre l'Aranéide et le Crustacé." (...)
Jean-Henri Fabre: L'araignée-crabe in: Souvenirs entomologiques, 1905, IXème Série, Chapitre 5.
http://www.e-fabre.com/biographie/souvenirs_sommaire.htm
Sur la Thomise variable (Misumena vatia) et sur le même sujet, sur ce même blog: http://pocombelles.over-blog.com/2015/06/misumena-vatia-une-araignee-en-kimono-dans-une-orchidee.html
Jean-Henri Fabre chez lui, à l'Harmas.
Il y a toujours des exceptions... Ici, une autre Araignée-crabe (Thomisidae), la Thomise variable, au beau nom scientifique "japonais" Misumena vatia. Cette belle geisha en kimono nacré, blanc et vert, guette ses proies sur une marguerite semblable au soleil du drapeau japonais... Photo: Pierre-Olivier Combelles (2015). Appareil: APN Fujifilm X100T.
Misumena vatia, une araignée en kimono dans une orchidée
Photo: Pierre.Olivier Combelles 2015
C'est une spectaculaire orchidée*, un orchis-bouc (Himantoglossum hircinum) haut de 1m30 qui poussait à la lisière d'une petite route de la forêt de Rambouillet. En m'approchant pour la photographier de près, j'ai découvert qu'elle était habitée par une petite araignée de la même couleur que les fleurs: blanc nacré avec deux rayures vert d'eau sur le thorax. Quelques fils étaient visibles, ici et là, où étaient accrochés de petits insectes qu'elle avait capturés. Cette belle en kimono porte un étrange nom japonais: Misumena vatia. C'est une Thomisidae**, une araignée-crabe. L'orchis-bouc est son univers, aussi haut et aussi vaste pour elle qu'un gratte-ciel pour un être humain. Un gratte-ciel vivant et parfumé, qui se balance avec le vent, dans le Tokyo végétal de la lisière de la forêt...
P.-O.C
* Les Orchidées comptent 779 genres et 22500 espèces (160 en France métropolitaine).
** La famille des Thomisidae compte 174 genres et 2151 espèces: https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomisidae
Merci à Solenne Hembert et à son passionant site Arachnolove qui m'a permis d'identifier cette élégante geisha: https://arachnolove.wordpress.com/2010/12/30/photos-misumena-vatia/
Photo: Pierre-Olivier Combelles 2015
Fūryū 風流
La forêt magique
Le centre commercial du Bel-Air, à Rambouillet. Son architecture veut rappeler la forêt qui l'environne. Photo: Pierre-Olivier Combelles (2015)
Le Progrès se réduit finalement à voler à l’homme ce qui l’ennoblit, pour lui vendre au rabais ce qui l’avilit. Nicolás Gómez Dávila (1993-Bogotá 1994)
L'hypermarché, de conception américaine, est le cosmos artificiel. Autrefois, l'homme trouvait tout autour de lui et gratuitement dans la nature: nourriture, eau, chaleur et lumière du soleil le jour, lumière de la lune et lueur des étoiles la nuit, le bois pour se chauffer, se sécher et cuire les aliments, vêtements, parures, médicaments, outils, logement. Tous ces biens, limités à l'essentiel, chacun se les procurait lui-même, en famille, et les partageait ou les échangeait avec les autres.
Aujourd'hui, l'hypermarché a remplacé la nature: dans un espace clos, immense, les spots qui éclairent jour et nuit ont remplacé les astres; le chauffage toute l'année a remplacé la chaleur du soleil et du feu; les arbres et les plantes artificiels ont remplacé la forêt primitive, la forêt originelle, Silva; la musique industrielle en anglais a remplacé le chant des oiseaux et le bourdonnement des insectes, les cris des animaux, la musique du vent et de la pluie dans les arbres; le sol lisse, nu, propre et brillant a remplacé le sol de terre, de feuilles, de plantes, d'herbes, de sable ou de cailloux, sec, froid ou tiède, humide ou couvert de neige, et on y trouve tout ce qui est nécessaire pour vivre ainsi qu'une foule d'autres choses totalement superflues et même dangereuses à l'usage ou après l'usage. Tout est fabriqué par d'autres hommes inconnus et des machines, ailleurs, très loin: en Chine ou en Inde par exemple. On est dépossédé de son savoir-faire et de sa culture.
Mais en sortant du magasin, il faut payer pour emporter les choses que l'on a prises. C'est à dire les échanger contre de l'argent. Opération mystérieuse qui se fait de plus en plus souvent avec une petite carte que l'on glisse dans un petit appareil en tapant un code. Car on ne peut s'approvisionner dans cette forêt magique que si l'on a une carte, et qui fonctionne. C'est l'arme magique qui a remplacé l'arc et la sarbacane qui permettaient à l'homme archaïque, le Ñaupa machu* de vivre et de se nourrir dans la forêt.
Mais comment se procure-t-on une carte bancaire approvisionnée? En travaillant? Même pas, car le travail**, qui a remplacé le nécessaire et honnête labeur, est le résultat de la loi du marché, de l'offre et de la demande, de la politique du Pouvoir. Il y en a d'ailleurs de moins en moins et il est de plus en plus pénible et souvent odieux car on est obligé de faire des choses contre sa conscience...
En volant alors, en spéculant et en mentant comme font les-riches-qui-ne-partagent-pas et les politiciens escrocs ? ou bien faut-il se laisser mourir de faim et de désespoir ?
Pierre-Olivier Combelles
* Mot quechua, préhispanique, des Amérindiens cultivateurs des Andes qui veut dire: "les ancêtres vérérables", en désignant les tribus amazoniennes de chasseurs-pêcheurs cueilleurs.
** Du latin et byzantin tripalium, le pal, un instrument de torture. Synonyme de souffrance. D'où l'expression en travail pour désigner l'accouchement.
Consulter aussi:
https://reporterre.net/L-Etat-laisse-les-grandes-surfaces-tuer-les-centres-villes
L'indienne kayapo Tuira menace de sa machete l'envoyé du gouvernement brésilien José Antonio Muniz Lopes dans une réunion sur le projet du barrage Belo Monte : « Nous n’avons pas besoin de votre barrage. Nous n’avons pas besoin d’électricité, elle ne nous donnera pas notre nourriture. Vous êtes un menteur ! » (1989). Les Indiens d'Amazonie ne travaillaient pas et ne connaissaient que le labeur ; quelques heures seulement dans la journée (chasse, récolte des fruits ou légumes), le reste du temps étant consacré au repos ou aux loisirs et à la fabrication des flèches, des hamacs, des ustensiles...