philosophie
Ivan Illich (1926-2002): Renaissance de l’homme épiméthéen ("Une société sans école", 1970)
"J'ai la foi, et cette foi me libère"
Ivan Illich, cité par Jean-Michel Dijan (minute 39:13)
Jean-Marie Domenach (à gauche), la statue de Pandore dans un parc et Ivan Illich (à droite). Capture d'écran de l'entretien "Un certain regard" (1972).
"Un certain regard": entretien filmé et en français, d'Ivan Illich avec Jean-Marie Domenach sur le mythe de Pandore et sur l'homme épiméthéen (1972). Vous pouvez le visionner ici sur youtube:
https://www.youtube.com/watch?v=K-eauppsNf0
ou sur Vimeo (sous-titré en anglais)
'Dans les pays capitalistes, communistes et « sous-développés », une minorité commence d’apparaître qui éprouve un doute, se demande si l’Homo faber est bien l’homme véritable. Et c’est ce doute partagé qui annonce une nouvelle élite, à laquelle appartiennent des personnes de toute classe, de revenus divers, de croyances différentes."
Ivan Illich
Chapitre 7
Renaissance de l’homme épiméthéen
Ivan Illich: Une société sans école (Deschooling Society) Traduit de l’anglais par Gérard Durand. Éditions du Seuil, Paris, 1971 et 1980. Réédité dans les Œuvres complètes, Vol 1 (Fayard2014).
Notre société ressemble à cette machine implacable que je vis une fois dans un magasin de jouets à New York. C’était un coffret métallique ; il vous suffisait d’appuyer sur un bouton et le couvercle s’ouvrait avec un claquement sec ; une main métallique apparaissait alors. Ses doigts chromés se dépliaient, venaient saisir le bord du couvercle. Ils tiraient et le couvercle se refermait. Comme c’était une boîte, vous vous attendiez à pouvoir y trouver quelque chose... Elle ne contenait qu’un mécanisme de fermeture automatique. Cette petite machine semblait être tout le contraire de la célèbre boîte de Pandore.
La Pan-Dora originelle (la « dispensatrice de tout ») fut une déesse de la terre à l’époque préhistorique et patriarcale de la Grèce. Notre Pandore laissa tous les maux s’enfuir d’une outre ou d’une jarre (pithos), qu’elle sut pourtant refermer avant que l’espoir puisse s’en échapper. L’histoire de l’homme apollonien débute au moment où ce mythe de Pandore perd de sa force ; et tout s’achèvera dans ce coffret capable de se refermer seul ! C’est l’histoire d’une société au sein de laquelle des hommes à l’esprit prométhéen élevèrent les institutions qui devaient enfermer les maux vagabonds. C’est l’histoire du déclin de l’espoir et de la montée d’espérances sans cesse grandissantes.
Mais pour comprendre cette évolution, il nous faut redécouvrir la différence entre l’espoir et les espérances. L’espoir, dans son sens fort, signifie une foi confiante dans la bonté de la nature, tandis que les espérances, dans le sens où nous utiliserons ici ce terme, veulent dire que nous nous fions à des résultats voulus et projetés par l’homme.
Espérer, c’est attendre d’une personne qu’elle nous fasse un don. Avoir des espérances, au contraire, nous fait attendre notre satisfaction d’un processus prévisible qui produira ce que nous avons le droit de demander. L’ethos prométhéen a maintenant étouffé l’espoir.
La survie de la race humaine dépend de sa redécouverte en tant que force sociale.
La Pandore du mythe, la généreuse donatrice originelle, fut envoyée sur terre porteuse d’une amphore qui contenait tous les maux, et il ne s’y trouvait qu’un seul bienfait : l’espoir. Or le primitif vivait dans le monde de l’espoir. Pour survivre, il se fiait à la générosité de la nature, aux dons des divinités et aux talents instinctifs de sa tribu. Les Grecs de l’époque classique cessèrent de parler de l’espoir, ils commencèrent de le remplacer par les « espérances ». Ils crurent que Pandore avait libéré à la fois les maux et les bienfaits, mais ils ne se souvinrent d’elle que pour la blâmer d’avoir laissé s’enfuir les premiers ; surtout, ils oublièrent que la dispensatrice était aussi la gardienne de l’espoir.
Ils racontaient l’histoire de deux frères, Prométhée et Épiméthée. Le premier prévint le second de se méfier de Pandore. Loin de suivre ce conseil, Épiméthée préféra l’épouser.
Dans la Grèce classique, le nom « Épiméthée », qui signifie « celui qui regarde derrière lui », prit le sens de « balourd », de « sot ». Les Grecs de l’époque classique et patriarcale possédaient une tournure d’esprit morale et misogyne telle qu’imaginer la première femme les soulevait d’horreur. Ils construisirent une société fondée sur la raison et l’autorité. Ils conçurent et élevèrent des institutions qui leur permettraient, pensaient-ils, de tenir en respect les maux répandus sur la terre. Ils découvraient qu’ils avaient le pouvoir de façonner le monde et de le domestiquer pour satisfaire à leurs besoins et à leurs désirs. Et sur ce qu’ils étaient capables de bâtir et de créer de leurs mains, ils voulurent modeler leurs besoins et les futures demandes de leurs descendants. Ils se firent législateurs, bâtisseurs, auteurs, créant Constitutions et œuvres d’art pour qu’elles servent d’exemples et de règles aux générations à venir. Alors qu’il suffisait au primitif de participer à l’expérience mythique pour être initié au savoir de la société, chez les Grecs l’homme véritable se définit comme l’excellent citoyen qui, par la paideia, s’est soumis aux institutions élevées par les ancêtres.
Le passage d’un monde où l’on interprétait les rêves à un autre où l’on rend des oracles se reflète dans l’évolution du mythe. Depuis des temps immémoriaux, on célébrait le culte de la déesse de la terre sur les pentes du Parnasse. C’était là que se trouvait, disait- on, le centre, le nombril de la terre ; à Delphes (qui vient du mot delphis, la « matrice ») dormait Gaïa, la sœur de Chaos et d’Éros. Son fils, le dragon Python, veillait sur ses rêves baignés de la lumière lunaire et humides de rosée ; jusqu’au jour où Apollon, le dieu- soleil, le bâtisseur de Troie, apparut à l’Orient, vint tuer le dragon et s’empara de la caravane de Gaïa. Les prêtres du dieu s’établirent dans l’ancien sanctuaire. Ils s’assurèrent les services d’une vierge, l’assirent sur un trépied au-dessus du nombril fumant de la terre et la soûlèrent de vapeurs. Ils transcrivirent ses divagations en hexamètres oraculaires d’une utilité immédiate ; de tout le Péloponnèse, les hommes vinrent soumettre leurs problèmes au sanctuaire d’Apollon. Les consultations étaient de toute nature. On s’enquérait, par exemple, des mesures propres à mettre un terme à une peste ou à une famine, du choix d’une Constitution qui conviendrait à Sparte, de l’emplacement favorable où bâtir des cités qui, plus tard, deviendraient Byzance et Chalcédoine. La flèche qui ne dévie pas de sa course devint le symbole d’Apollon et tout ce qui le concernait fut conçu comme raisonnable et utile.Lorsque Platon, dans La République, décrit l’État idéal, il en bannit déjà la musique populaire et seules trouvent grâce à ses yeux la harpe et la lyre d’Apollon, parce que leurs cordes peuvent créer « les harmonies de la nécessité et celles de la liberté, celles qui conviennent aux infortunés comme aux fortunés, les harmonies du courage et celles de la tempérance qui conviennent au citoyen ». Les citadins s’effrayaient de la flûte de Pan et de son pouvoir d’éveiller les instincts. « Seuls, dit encore Platon, les bergers peuvent jouer de leur syrinx et ce, seulement à la campagne. »
L’homme assumait la responsabilité des lois sous lesquelles il voulait vivre et modelait le monde à sa propre image.
L’initiation primitive, par l’entremise de la terre maternelle, à la vie mythique s’était changée en éducation (paideia) du citoyen qui, sur le forum, se sentait à l’aise.
Le monde des primitifs est gouverné par le destin, les faits et la nécessité. En dérobant le feu céleste, Prométhée changea cela, les faits contraignants se muèrent en problèmes à résoudre, il mit en doute la nécessité et défia le destin. L’homme pouvait alors prendre le monde au piège du réseau de ses routes, de ses canaux, de ses ponts, créer un décor à sa mesure. Il prenait conscience de pouvoir affronter le destin, de changer la nature et de façonner le milieu où il vivrait, bien que ce fût encore à ses risques et périls. L’homme contemporain veut aller plus loin : il s’efforce de créer le monde entier à son image. Il construit, planifie son environnement, puis il découvre que pour y parvenir il lui faut se refaire constamment, afin de s’insérer dans sa propre création. Et, de nos jours, nous voilà placés devant un fait inéluctable : l’enjeu de la partie, c’est la disparition de l’homme.
Vivre à New York suppose l’apparition d’une conception particulière de la nature de l’existence et de ses possibilités. Sans cette vision, la vie à New York devient impossible. Un enfant des rues n’y touche jamais rien qui n’ait été scientifiquement conçu, réalisé et vendu à quelqu’un ; les arbres qui existent encore sont ceux que le service des jardins publics a décidé de planter. Les plaisanteries que l’enfant entend à la télévision ont été programmées à grands frais. Les détritus avec lesquels il joue dans les rues d’Harlem ne sont que les emballages conçus pour attirer le consommateur. L’éducation elle-même se définit comme la consommation de diverses matières faisant partie de programmes, objets de recherche, de planification et de promotion des ventes. Tous les biens sont le produit de quelque institution spécialisée et ce serait sottise, par conséquent, que d’exiger quelque chose qu’une institution quelconque ne saurait produire. L’enfant de la ville n’a rien à attendre, rien à espérer, sinon ce que lui promet le développement possible des méthodes de fabrication. Pour satisfaire son imagination, on lui fournit au besoin quelque récit d’« anticipation » ! Et que connaît-il, d’ailleurs, de la poésie de l’imprévu ?
Son expérience en ce domaine se limite à quelque découverte dans le caniveau : une pelure d’orange qui flotte sur une flaque. Il en vient à attendre l’instant où l’ordre implacable s’interrompra : une panne d’électricité, une échauffourée dans la rue. Souvent, il s’abandonne, il se laisse aller à musarder, à faire le sot, et c’est la seule expérience poétique dont il dispose encore !
Et puisqu’il n’y a rien de désirable qui n’ait été prévu, l’enfant de la ville tire bientôt la conclusion que nous serons toujours capables de concevoir une institution pour satisfaire chacun de nos besoins. Pour lui, il va de soi que les méthodes de production ont le pouvoir de créer la valeur. Que le but recherché soit de rencontrer une compagne, de rénover un quartier ou d’acquérir la possibilité de lire, on le définira de telle sorte que sa réussite puisse être l’objet d’une technique. Celui qui sait qu’une demande suppose une production s’attend bientôt à ce que la production crée la demande. Si l’on peut faire un véhicule lunaire, de même on peut créer la demande du voyage sur la lune. Ne pas aller où l’on peut se rendre serait un acte subversif. Il révélerait la folie du postulat que toute demande satisfaite conduit à la découverte d’une autre encore plus considérable et qu’il faut, à nouveau, satisfaire. Une telle révélation arrêterait le progrès. Ne pas produire ce qu’il est possible de produire ferait apparaître ce que dissimule la loi des « espérances grandissantes », euphémisme pour désigner, sans doute, cet abîme de frustration toujours plus profond. Cette loi, pourtant, gouverne une société bâtie sur la coproduction des services et d’une demande accrue.
La seule représentation de l’état d’esprit du citadin moderne que nous puissions trouver dans la tradition serait peut-être ces images de l’enfer où l’on voit Sisyphe, puni d’avoir un moment enchaîné Thanatos, pousser son rocher : il va atteindre le sommet, la pierre lui échappe. Ou ce pourrait être Tantale. Ce dernier, invité par les dieux à partager leur repas, en profita pour dérober le secret de la préparation de l’ambroisie, véritable panacée qui donnait l’immortalité. Il fut condamné à la faim et à la soif éternelles. Nous le voyons debout au milieu d’une fraîche rivière ; il se penche pour boire, les eaux se dérobent, tandis que les branches chargées de fruits s’écartent lorsqu’il tend la main. Un monde de demandes sans cesse croissantes n’est pas seulement d’une nature mauvaise, il devient tout bonnement l’enfer...
L’homme peut dorénavant tout demander puisqu’il n’imagine rien qu’une institution ne soit pas capable de lui fournir. Ce pouvoir n’est pourtant qu’une source de frustrations sans cesse renouvelées. Il s’est armé d’outils tout-puissants mais ce sont ses outils qui le dirigent. Toutes les institutions par lesquelles il entendait exorciser les maux originels sont devenues des cercueils dont le couvercle se referme sur lui. Les êtres humains sont pris au piège : prisonniers des boîtes qu’ils fabriquent pour enfermer les maux que Pandore avait laissés s’échapper. Dans la lourde fumée qui s’élève à l’ère industrielle, la réalité s’estompe et, d’un coup, nous nous trouvons dans l’obscurité.
Cette réalité, d’ailleurs, ne dépend-elle pas de la décision de l’homme ? Le même président qui ordonnait l’inefficace invasion du Cambodge pourrait tout aussi bien décider d’utiliser la bombe atomique et son efficacité absolue. Le bouton d’Hiroshima est devenu le nombril du monde. L’homme a acquis le pouvoir de faire en sorte que Chaos écrase à la fois Éros et Gaïa. Cette nouvelle puissance, qui lui permettrait de faire éclater la terre, devrait nous rappeler constamment que les institutions non seulement créent leurs propres fins, mais possèdent également le pouvoir de se détruire et nous avec.
Certes, l’armée fournit un exemple évident de l’absurdité des institutions modernes. Comment pourrait-elle défendre la liberté, la civilisation, la vie, sinon en les annihilant ?
Quand les militaires parlent de « sécurité », ils entendent par là la possibilité d’en finir avec la terre tout entière.
Mais l’absurdité n’est pas le privilège de l’armée, elle est tout aussi apparente dans les autres institutions. Assurément, leur personnel ne dispose pas d’un bouton sur lequel appuyer pour déclencher leur puissance destructrice ; mais elles n’en ont pas besoin !
Elles sont comme la boîte-jouet mystérieuse avec sa main mécanique qui vient empoigner le couvercle du monde. Elles créent des besoins plus vite qu’elles ne peuvent les satisfaire et, tandis qu’elles s’efforcent en vain d’y parvenir, c’est la terre qu’elles consument. Cela est vrai de l’agriculture comme de l’industrie, de même que de la médecine et de l’enseignement. L’agriculture moderne épuise les sols. La « révolution verte » est sans doute capable, grâce à de nouvelles semences, de tripler le rendement d’un hectare, mais il lui faut une quantité proportionnelle d’engrais, d’insecticides, d’eau et d’énergie. Et ce faisant, comme lorsqu’il faut produire les autres biens, on empoisonne l’atmosphère et les océans. Des ressources irremplaçables sont ainsi menacées. Si la combustion continue de croître au rythme actuel, nous brûlerons bientôt l’oxygène de l’air plus vite qu’il ne peut être remplacé. Quelles raisons aurions-nous de croire que la fission ou la fusion puissent remplacer la combustion sans que les dangers s’en trouvent amoindris ? Nos docteurs-sorciers remplacent les sages-femmes et promettent de faire de l’homme un être meilleur, planifié par les bons soins de la génétique, à l’humeur égale garantie par les tranquillisants ; lorsqu’il sera mortellement malade, ils sauront prolonger son sursis. Le triomphe de l’hygiène devient l’idéal contemporain. Nous devrons vivre dans un monde aseptisé où tous les contacts entre les êtres humains, entre l’homme et son milieu, seront l’objet d’infaillibles prévisions et manipulations. Dans ce but, nous avons fait du système scolaire une méthode de production d’un homme qui puisse s’intégrer à un monde où tout est planifié. L’école est ainsi devenue le meilleur outil pour prendre l’homme à son propre piège. Inexorablement nous cultivons, traitons, produisons, scolarisons jusqu’à ce que le monde en meure.
Comme nous le disions, l’absurdité de l’institution militaire est évidente. Il est, par contre, plus difficile d’apercevoir celle des institutions non militaires qui est encore, à y bien regarder, plus effrayante, précisément parce qu’elle se manifeste de façon inexorable. Nous savons quel relais électrique ne doit pas se fermer pour éviter le désastre atomique. Nous ne disposons d’aucun coupe-circuit pour prévenir l’holocauste écologique.
Au cours de l’Antiquité, l’homme s’aperçut qu’il pouvait façonner le monde, mais il ne cessa pas de le considérer comme une demeure précaire, et la vie demeurait encore pour lui farce et tragédie. On commença de faire confiance à la nature humaine avec le développement des institutions démocratiques, pour peu qu’elle fût placée dans leur cadre. Il y avait encore équilibre entre ce que l’on attendait des institutions et de la bonne volonté d’autrui. Les métiers traditionnels prirent de l’extension et, avec eux, les institutions nécessaires à leur exercice.
Cependant, sans s’en apercevoir, on prit peu à peu l’habitude de faire d’abord confiance au mécanisme institutionnel plutôt qu’à la bonne volonté de l’homme. Ainsi, le monde commença de perdre sa dimension humaine, jusqu’à notre temps où se retrouve la contrainte des faits et de la fatalité, comme aux époques dites « primitives ». Mais l’univers chaotique du barbare était, en fait, constamment soumis aux interventions de divinités mystérieuses et anthropomorphes, tandis que nous ne pouvons attribuer le chaos de notre monde qu’à notre propre action et à notre propre planification. L’homme est maintenant le jouet des savants, des ingénieurs et des planificateurs.
Personne n’échappe à cette logique particulière qui apparaît dans nos déclarations comme dans celles d’autrui. Je connais un village mexicain où il ne passe pas plus d’une douzaine de voitures par jour. Un jour, un Mexicain jouait aux dominos juste devant chez lui, sur la nouvelle route macadamisée. Une voiture arriva à toute vitesse et le tua. Un touriste américain me raconta l’accident. Il était encore sous le coup de l’émotion, et pourtant il conclut : « Ce gars-là, ça devait lui arriver !»
Au premier abord, cette remarque ne diffère pas du commentaire d’un primitif, d’un habitant de la brousse racontant l’aventure survenue à un membre de la tribu qui n’a pas respecté quelque tabou et, par conséquent, a perdu la vie. Mais les deux constatations n’ont finalement pas le même sens. Le primitif attribue l’événement funeste à quelque puissance surnaturelle, incompréhensible et aveugle, tandis que notre touriste éprouve une crainte respectueuse devant la logique inexorable de la machine. Le primitif ne ressent aucune responsabilité, le touriste y est sensible mais il s’efforce de rejeter ce sentiment. Ni l’un ni l’autre ne sont capables de percevoir le ressort du drame classique, la logique de la tragédie qui sous-tend l’entreprise personnelle et la révolte. Le primitif n’en a pas encore pris conscience, le touriste l’a perdue. L’univers mythique de l’Américain, comme celui du primitif, est constitué de forces inertes, inhumaines. Ils ne connaissent pas l’expérience du tragique, de la révolte. Pour l’homme de la brousse les événements se conforment aux lois de la magie, pour notre Américain à celles de la science, ou, si l’on veut, à celles de la mécanique qui pour lui régissent les événements physiques, sociaux et psychologiques.
L’humeur du public en 1971 est favorable à un changement profond de la direction prise par la recherche d’un avenir prometteur. Les objectifs que paraissent servir les institutions sont continuellement bafoués par les résultats. Le programme contre la pauvreté produit un nombre plus considérable de pauvres, la guerre en Asie multiplie les Viêt-congs, l’aide technique conduit à un sous-développement accru, les centres de contrôle des naissances font augmenter le taux de survie et contribuent à l’explosion démographique, les écoles produisent sans cesse plus de laissés-pour-compte et, si l’on parvient à diminuer quelque source de pollution, c’est généralement au profit d’une autre.
Quant aux consommateurs, ils s’aperçoivent que plus ils peuvent acheter, plus ils éprouvent de surprises désagréables. Tout récemment encore, il paraissait logique d’attribuer cette épidémie de troubles fonctionnels au retard pris par la science face aux exigences technologiques grandissantes, ou d’en rendre responsable la malignité des ennemis : l’homme d’une autre race, d’une autre classe, d’une autre idéologie. Mais les espérances mises dans la science diminuent, de même que l’on ne parvient plus à croire que la dernière guerre ait été véritablement la dernière.
Comment le consommateur expérimenté croirait-il encore à la magie toute-puissante de la technique ? Ne sait-il pas que les ordinateurs se dérèglent, que les hôpitaux créent leurs maladies infectieuses, que prendre sa voiture va le jeter dans les embouteillages, que le téléphone fonctionne mal ? Il y a seulement dix ans, il paraissait raisonnable de croire à l’avènement d’une vie meilleure grâce aux progrès de la science. Maintenant les hommes de science font peur aux enfants ! Certes, les opérations lunaires ont démontré que l’on pouvait presque éliminer l’erreur humaine dans un système d’une extraordinaire complexité. Cela ne suffit pas à calmer nos craintes : le consommateur est incapable de se plier au mode d’emploi du monde où on veut le faire vivre et la maladie paraît sans remède. Pour le réformateur social, il n’est pas non plus question de revenir aux idées du milieu du siècle. On n’espère plus remédier au problème d’une juste répartition des biens en parvenant à les créer en abondance. Le coût du conditionnement capable de satisfaire les goûts modernes a monté en flèche, et par « modernes » on entend la nécessité du vieillissement des produits, déjà passés de mode avant même que le besoin soit satisfait.
Les limites des ressources terrestres commencent d’apparaître. Aucune découverte scientifique ou technique ne pourrait fournir à tous les habitants du monde les biens et les services dont disposent les pauvres des pays riches. La technologie la plus révolutionnaire, la moins « gourmande » que l’on nous propose exigerait pour atteindre cet objectif l’extraction de cent fois plus de fer, d’étain, de cuivre, de plomb...
Les enseignants, les médecins, les employés des services sociaux s’aperçoivent que leurs différents métiers ont à tout le moins un point de ressemblance. Ils créent une demande accrue des services institutionnels qu’ils représentent et ne peuvent jamais la satisfaire.
Non seulement ce qui paraissait, il n’y a pas si longtemps, une solution raisonnable nous devient suspect, mais c’est l’ensemble de la sagesse conventionnelle dont on se méfie. Même les lois de l’économie semblent ne plus s’appliquer en dehors des limites étroites du secteur géographique et social où se trouve rassemblée la plus grande part de l’argent. L’argent est certes facile à faire circuler, mais uniquement dans une économie fondée sur la productivité mesurée en termes monétaires. C’est ce que font à la fois les pays capitalistes et communistes, qui comparent leur productivité en calculant en dollars leurs prix de revient et leurs bénéfices. Les régimes capitalistes s’enorgueillissent de leur niveau de vie plus élevé, preuve de leur supériorité. Les communistes se vantent de leur taux de croissance plus élevé qui indique, selon eux, leur triomphe inévitable. Mais quelle que soit l’idéologie, le coût total d’une productivité accrue grandit en proportion géométrique. Les institutions les plus importantes rivalisent férocement pour disposer des ressources dont aucun inventaire ne fait état : l’air, les océans, le silence, la lumière, la santé. Elles n’attirent l’attention du public sur la raréfaction de ces ressources que lorsqu’elles sont presque irrémédiablement avilies. Partout la nature devient nocive, la société inhumaine ; la vie privée est envahie et la vocation personnelle étouffée.
Une société qui a choisi d’institutionnaliser ses valeurs assimile la production des biens et des services à leur demande. L’éducation qui nous fait ressentir la nécessité de bénéficier d’un produit est comprise dans le prix de ce dernier. L’école est l’agence de publicité qui nous fait croire que nous avons besoin de la société telle qu’elle est. Dans une telle société, il faut sans cesse profiter davantage des valeurs offertes. Les plus gros consommateurs rivalisent âprement pour être les premiers à épuiser la terre, à se remplir la panse, à discipliner le menu fretin des consommateurs et à dénoncer ceux qui trouvent encore leur satisfaction à se contenter de ce qu’ils ont. L’ethos de l’insatiabilité se retrouve, ainsi, à la base du saccage du milieu physique, de la polarisation sociale et de la passivité psychologique.
Quand les valeurs ont été institutionnalisées dans des processus planifiés et mécanisés, les membres de la société moderne croient que bien vivre consiste à avoir des institutions définissant les valeurs qu’à la fois eux et leur société croient nécessaires. On pourrait d’ailleurs définir la valeur institutionnelle comme le niveau de production d’une institution. La valeur correspondante de l’homme se mesure à son aptitude à consommer et à dégrader les produits institutionnels, créant ainsi une nouvelle demande plus forte que la précédente. Quelle est la valeur de l’homme institutionnalisé ? On ne lui demande que d’être un bon incinérateur ! Il est devenu, en quelque sorte, l’idole de ses œuvres. Il est la chaudière qui brûle les valeurs produites par ses outils. Et il n’existe aucune limite à sa voracité. Il vit dans la démesure, dans un idéal prométhéen porté à l’extrême.
L’épuisement et la pollution des ressources de la terre sont surtout le résultat d’une corruption de l’image qu’il se fait de lui-même, d’une régression de sa conscience.
Certains suggèrent de parler d’une mutation : l’animal social est devenu un organisme parasitaire des institutions. Cette institutionnalisation des valeurs positives, cette incroyance qu’un processus planifié de traitement donne finalement les résultats désirés par le bénéficiaire, cet ethos du consommateur se trouvent au cœur de l’illusion prométhéenne. Il faut arracher les valeurs aux institutions pour découvrir un nouvel équilibre dans le milieu où nous vivons.
Dans les pays capitalistes, communistes et « sous-développés », une minorité commence d’apparaître qui éprouve un doute, se demande si l’Homo faber est bien l’homme véritable. Et c’est ce doute partagé qui annonce une nouvelle élite, à laquelle appartiennent des personnes de toute classe, de revenus divers, de croyances différentes.
Elles se méfient des mythes de la majorité : des utopies scientifiques, du diabolisme idéologique et de cette attente du jour où les biens et les services seront enfin distribués de façon égale. Elles partagent cependant avec la majorité le sentiment d’être pris au piège, la conscience que la plupart des nouvelles décisions politiques adoptées avec un large soutien populaire conduisent à des résultats opposés à ceux que l’on se proposait d’accomplir. Pourtant, alors que la majorité prométhéenne des aspirants astronautes veut encore se dissimuler le problème fondamental, cette minorité en voie d’apparition commence de critiquer le deus ex machina scientifique, la panacée idéologique et la chasse aux démons et aux sorcières. Cette minorité commence d’exprimer sa méfiance à l’égard de nos institutions contemporaines qui nous lient comme les chaînes tenaient Prométhée à son rocher. Il faut que l’espoir confiant et l’ironie classique (eirôneia) s’unissent pour dénoncer l’erreur prométhéenne.
On interprète généralement le nom de Prométhée comme voulant dire « celui qui regarde l’avenir » ou parfois même comme « celui qui fait avancer l’étoile Polaire ». Par la ruse, il ravit aux dieux leur monopole du feu, enseigna aux hommes à s’en servir pour forger le fer, devint le dieu des technologues et finit enchaîné.
La pythie de Delphes a été remplacée par l’ordinateur avec ses panneaux de commande et ses bandes perforées. Les hexamètres de l’oracle sont devenus des codes de programmation. L’homme a cédé la barre à la machine cybernétique. La machine finale apparaît pour diriger nos destinées. Les enfants rêvent de quitter cette terre crépusculaire à bord de leurs vaisseaux spatiaux.
Vue de la lune, Gaïa la bleue pourrait apparaître à Prométhée comme la planète de l’espoir et l’arche de l’humanité. Une conscience nouvelle des limites terrestres et une nostalgie également nouvelle peuvent ouvrir les yeux de l’homme et lui faire voir pourquoi son frère Épiméthée, en épousant Pandore, choisit d’épouser la terre.
À ce point, le mythe grec prend une allure de prophétie favorable. Il nous dit que le fils de Prométhée fut Deucalion qui, comme Noé dans le récit biblique, tint la barre de l’arche ; il survécut au déluge pour devenir le père d’une humanité nouvelle qu’avec l’aide de Pyrrha, fille d’Épiméthée et de Pandore, il tira de la terre. C’est ainsi qu’il nous faut comprendre le sens de ce pithos que Pandora obtint des dieux et qui était le contraire de la boîte : c’est notre vaisseau, notre arche.
Il nous faudrait maintenant un nom pour ceux qui croient à l’espoir plus qu’aux espérances, un nom pour ceux qui aiment leur prochain plutôt que les biens, ceux qui croient que :
Personne n’est dépourvu d’intérêt,
leur destin est tel la chronique des planètes.
Rien en eux qui ne soit particulier,
comme planète diffère d’autre planète.
Il nous faudrait un nom pour ceux qui aiment la terre sur laquelle nous pouvons nous rencontrer.
Et si un homme vivait dans l’obscurité
et dans cette obscurité se faisait des amis,
eh bien, l’obscurité est bonne !
Il nous faudrait un nom pour ceux qui aident leur frère Prométhée à allumer le feu et à forger le fer mais qui le font pour développer leur aptitude à soigner, à aider, à s’occuper d’autrui, sachant que :
Et chacun a son monde bien à lui
et dans ce monde la merveille d’une minute
et dans ce monde le tragique d’une minute,
ce sont ses biens à lui*.
Pourquoi ne pas appeler ces frères et ces sœurs, porteurs de notre espoir, les Épiméthéens ?
Ivan Illich
* Ces citations sont extraites du poème Les Gens, d’Evgueni Evtouchenko.
Sur le même blog et sur le même sujet:
Ivan Illich (1926-2002), un penseur pour notre temps
https://pocombelles.over-blog.com/2014/11/ivan-illich-1926-2002-un-penseur-pour-notre-temps-5.html
Transcription de l'entretien d'Ivan Illich avec Jean-Marie Domenach (1972)
Pour un tout petit temps seulement, nous sommes prêtés l'un à l'autre
Pierre-Olivier Combelles: La vocation de la France
Observez les lis des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
Mt 6,28-29
La vocation de la France n'est pas industrielle, ni financière, ni marchande ni même guerrière. Elle est spirituelle, intellectuelle, humaine, artistique, culturelle, généreuse et pacifique.
La vocation de la France n'est pas non plus de piller ou de détruire les richesses naturelles, que ce soit sur son territoire métropolitain et d'outremer comme ailleurs dans le monde.
Car les fleurs de ses armes, trois lis d'or sur champ d'azur, protégés par un liséré rouge comme l'oriflamme de Saint Denis, nous disent que la France doit aimer et respecter, et faire aimer et faire respecter partout les hommes, les peuples et la nature, dans toute leur richesse et toute leur diversité.
Pierre-Olivier Combelles
"La France, Dutourd, on en reparlera dans deux mille ans."
Le général de Gaulle à Jean Dutourd (1956). Jean Dutourd: Conversation avec le Général.
"La France est souterraine."
S.A.R. le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme
Chuang Tzu: The use of the useless
When Confucius visited Ch'u, Chieh Yu, the madman of Ch'u, wandered by his gate crying, « Phoenix, phoenix, how his virtue failed! The future you cannot wait for; the past you cannot pursue. When the world has the Way, the sage succeeds; when the world is without the Way, the sage survives. In times like the present, we do well to escape penalty. Good fortune is light as a feather, but nobody knows how to hold it up. Misfortune is heavy as the earth, but nobody knows how to stay out of its way. Leave off, leave off - this teaching men virtue! Dangerous, dangerous - to mark off the ground and run! Fool, fool - don't spoil my walking! I walk a crooked way - don't step on my feet. The mountain trees do themselves harm; the grease in the torch burns itself up. The cinnamon can be eaten and so it gets cut down; the lacquer tree can be used and so it gets hacked apart. All men know the use of the useful, but nobody knows the use of the useless! »
The Complete Works of Chuang Tzu, translated by Burton Watson. Chap.IV, 18.
Pierre-Olivier Combelles: Le vrai suicide de l'Occident. Commentaire à un article de Paul Craig Roberts
Lorsque le monde suit la Voie, le sage prospère. Lorsque le monde s'écarte de la Voie, le sage survit.
Proverbe taoïste chinois (Zhuang Zhou)
Paul Craig Roberts a raison dans tout ce qu'il écrit https://pocombelles.over-blog.com/2022/10/paul-craig-roberts-la-civilisation-occidentale-est-en-train-de-cesser-d-exister.html et il y a très peu d'esprits en Occident, pour s'exprimer comme lui. Mais en réfléchissant, quelle est la cause, la source de cette évolution maléfique ? Cette décadence de l'Occident, cette évolution dans le mal n'est-elle pas liée à sa nature et à son histoire mêmes ?
L'Occident, en tant que partie du monde, a exercé sa suprématie sur le monde jusqu'au XXe siècle inclus. Pour construire sa civilisation hégémonique, l'Occident (perversion de l'Europe) a détruit ou a essayé de détruire beaucoup d'autres civilisations, dans les Amériques, en Asie, en Afrique, en Océanie. Si nous assistons aujourd'hui à la destruction de la civilisation occidentale( Si l'Occident est la perversion de l'Europe, la civilisation occidentale est le fruit de la perversion du christianisme par l'usure) qui a détruit tant d'autres civilisations, nous pouvons nous demander si cette auto-destruction apparente n'est pas une étape violente, un processus de métamorphose, pour construire une nouvelle super-civilisation matérialiste, violemment athée, technocratique, usurière et oligarchique à l'échelle mondiale (voire spatiale: les rêves de l'oligarque Elon Musk), celle qui est sous-entendue dans le programme de la "Grande Réinitialisation" (The Great Reset) du Forum Économique Mondial*, avec par exemple un centre politique et juridique à Jérusalem (dixit J. Attali) et des fausses élites (les "Young Leaders") dispersées un peu partout, dans chaque pays ?
Le symbole de cette mort et de cette renaissance est le Phénix, et justement, c'est l'image de la Terre en flammes avec un Phénix de feu qui s'en élève qui a clôturé le spectacle final des Jeux Olympiques de Londres en 2012, suscitant l'admiration stupide et béate des foules, ces mêmes foules qui seront décimées plus tard par l'Opération Covid, la misère et les guerres y compris en Europe avec la Russie via l'Ukraine.
Mais cette politique maléfique, "satanique" comme dit justement Paul Craig Roberts, repose sur un postulat erroné. Le monde n'est pas l'Occident, et la Terre avec toute la vie qui est en elle n'est pas non plus ce que le capitalisme, le communisme ou l'idéologie du "Climat" veulent en faire. Tout organisme menacé développe ses défenses pour éliminer ce qui menace son existence; la Vie elle-même éliminera ce qui la menace. Car la Vie est la manifestation d'une sagesse divine supérieure à tout (Brahman).
C'est pourquoi la nouvelle stratégie occidentale mondialiste est un vrai suicide et son faux Phénix ne renaîtra pas de ses cendres. Cette mort coïncidera avec la fin du Kali-Yuga, l'Âge de Fer, qui précèdera le retour à un nouvel Âge d'Or, celui de l'Amour, de la Préservation et de la Création, dans lequel nous devons mettre tout notre espoir et notre foi.
Pierre-Olivier Combelles
* Pour aller plus loin dans la compréhension de la genèse du "Great Reset":
F. William Engdahl: The Dark Origins of the Great Reset
http://www.williamengdahl.com/gr22October2022.php
Traduction française ici: https://reseauinternational.net/les-origines-sombres-de-la-grande-reinitialisation-de-davos/
Le Phénix de feu s'élève de la Terre en flammes. Feu d'artifice clôturant les JO de Londres en 2012. https://www.francetvinfo.fr/sports/jo/bye-bye-les-jeux-olympiques-de-londres_128929.html
Kalki et son cheval blanc Devadatta qui, dans l'hindouisme, mettront fin au Kali-Yuga (Âge de Fer) pour permettre le retour de Vishnou, divinité de l'amour et de la création et restaurer un nouvel Âge d'Or conforme au Dharma.
Tenture de l'Apocalypse à Angers: Le Verbe de Dieu chasse les Bêtes. Représentation de l'Apocalypse de St Jean réalisée à la fin du XIVe siècle sur commande du duc Louis Ier d'Anjou. Le christianisme a oublié ses racines asiatiques.
De nombreuses Écritures hindoues prestigieuses, telles que les Vedas et même les Puranas, contiennent des descriptions relatives à l'utilisation du Sudarshan Chakra. Il est principalement décrit comme une arme vitale pour protéger la loi et l'ordre dans l'Univers et pour abolir les forces du mal. Avec la Shankha (conque), la Gada (Masse), la Padma (fleur de lotus), il est l'arme et l'un des attributs du Seigneur Vishnou*, divinité hindoue de l'Amour, de la Préservation et de la Création qui restaurera le nouvel Âge d'Or. Le Sudharsan Chakra représente aussi la roue du Temps.
* Pour les hindouistes clairvoyants, le Christ est une manifestation, une "descente" de Vishnou parmi les hommes, un processus exprimé dans la Bhagavad Gita.
Vishnou et ses quatre attributs: la Sudharsan Chakra (disque/roue), la Shankha (conque), la Gada (Masse) et la Padma (fleur de lotus
« On peut se demander pourquoi il en est ainsi, et la doctrine hindoue, avec la théorie des cycles cosmiques, fournit une réponse à cette question. Nous sommes dans le Kali-Yuga, dans l’âge sombre où la spiritualité est réduite à son minimum, par les lois mêmes du développement du cycle humain, amenant une sorte de matérialisation progressive à travers ses diverses périodes, dont celle-ci est la dernière ; par cycle humain, nous entendons ici uniquement la durée d’un Manvantara. Vers la fin de cet âge, tout est confondu, les castes sont mélangées, la famille même n’existe plus ; n’est-ce pas exactement ce que nous voyons autour de nous ? Faut-il en conclure que le cycle actuel touche effectivement à sa fin, et que bientôt nous verrons poindre l’aurore d’un nouveau Manvantara ? On pourrait être tenté de le croire, surtout si l’on songe à la vitesse croissante avec laquelle les événements se précipitent ; mais peut-être le désordre n’a-t-il pas encore atteint son point le plus extrême, peut-être l’humanité doit-elle descendre encore plus bas, dans les excès d’une civilisation toute matérielle, avant de pouvoir remonter vers le principe et vers les réalités spirituelles et divines. Peu importe d’ailleurs : que ce soit un peu plus tôt ou un peu plus tard, ce développement descendant que les occidentaux modernes appellent « progrès » trouvera sa limite, et alors l’« âge noir » prendra fin ; alors paraîtra le Kalkin-avatâra, celui qui est monté sur le cheval blanc, qui porte sur sa tête un triple diadème, signe de souveraineté dans les trois mondes, et qui tient dans sa main un glaive flamboyant comme la queue d’une comète ; alors le monde du désordre et de l’erreur sera détruit, et, par la puissance purificatrice et régénératrice d’Agni, toutes choses seront rétablies et restaurées dans l’intégralité de leur état primordial, la fin du cycle présent étant en même temps le commencement du cycle futur. Ceux qui savent qu’il doit en être ainsi ne peuvent, même au milieu de la pire confusion, perdre leur immuable sérénité; si fâcheux qu’il soit de vivre dans une époque de trouble et d’obscurité presque générale, ils ne peuvent en être affectés au fond d’eux-mêmes, et c’est là ce qui fait la force de l’élite véritable. Sans doute, si l’obscurité doit encore aller en s’étendant de plus en plus, cette élite pourra, même en Orient, être réduite à un très petit nombre ; mais il suffit que quelques-uns gardent intégralement la véritable connaissance, pour être prêts, lorsque les temps seront accomplis, à sauver tout ce qui pourra encore être sauvé du monde actuel, et qui deviendra le germe du monde futur. »
« Actuellement, les Occidentaux ne sont véritablement que des hommes sans caste, aucun d’eux n’occupant la place et la fonction qui conviendraient à sa nature. Ce désordre s’étend même rapidement, il ne faut pas se le dissimuler, et semble gagner jusqu’à l’Orient, bien qu’il ne l’affecte encore que d’une façon très superficielle et beaucoup plus limitée que ne pourraient se l’imaginer ceux qui, ne connaissant que des Orientaux plus ou moins occidentalisés, ne se doutent pas du peu d’importance qu’ils ont en réalité. Il n’en est pas moins vrai qu’il y a là un danger qui, malgré tout, risque de s’aggraver, au moins transitoirement ; le « péril occidental » n’est pas un vain mot, et l’Occident, qui en est lui-même la première victime, semble vouloir entraîner l’humanité tout entière dans la ruine dont il est menacé par sa propre faute.»
René Guénon, Études sur l’hindouisme. (1967) [1989]
Paul Craig Roberts: La civilisation occidentale est en train de cesser d'exister
Lorsque le monde suit la Voie, le sage prospère. Lorsque le monde s'écarte de la Voie, le sage survit.
Proverbe taoïste chinois.
17 octobre 2022
La civilisation occidentale est en train de cesser d'exister
Paul Craig Roberts
J'explique souvent que nous sommes en train de perdre la civilisation. Les risques proviennent de nombreuses sources. Parmi elles, on peut citer le risque croissant de guerre nucléaire ; la montée d'un État policier dans lequel les comportements protégés par la Constitution sont criminalisés en dépit de la Constitution ; l'unité supplantée par une tour de Babel ; les haines raciales et sexistes fomentées qui servent la politique identitaire ; la destruction des sols par le glyphosate avec pour conséquence la réduction de la valeur alimentaire des plantes et de la viande et du lait des animaux nourris aux produits OGM ; la corruption de la science et de l'éducation ; le rejet de la culture accumulée dans la littérature, l'art, la musique, la morale et le comportement ; les politiques drastiques pour remédier aux menaces perçues, telles que le changement climatique, qui pourraient ou non être réelles ; le remodelage de la société sous l'impulsion de l'idéologie, comme la Grande Réinitialisation du Forum Économique Mondial ; les fléaux créés et diffusés intentionnellement dans le but de contrôler la population ; la militarisation de la météo.
Le long assaut contre la religion a donné libre cours aux forces sataniques.
La corruption de la science est le sujet d'aujourd'hui. La science est fondée sur la recherche de la vérité et sur l'intégrité de celui qui la cherche. Cette base est fragile et corruptible. Si la science est perçue comme du racisme et un outil de la suprématie blanche, elle perd son autorité auprès de ceux qui la perçoivent ainsi. Si le genre dépend de l'auto-déclaration et non des parties du corps, la biologie est rejetée, tout comme le marxisme génétique de Lyssenko a détruit la génétique soviétique au début du 20e siècle. L'idéologie est l'ennemi de la science, et nous voyons à nouveau la suppression de la science par l'idéologie dans l'interdiction de l'enquête sur la base génétique de l'intelligence.
Le plus grand corrupteur de la science est l'argent. Aujourd'hui, les expériences scientifiques coûtent beaucoup d'argent. Elles ne peuvent plus être financées par les budgets des départements universitaires de physique, de chimie, de biologie et d'astronomie. Le financement vient de l'extérieur, ce qui a ouvert la voie à l'entrée des intérêts des bailleurs de fonds dans le processus. Les fonds fédéraux alloués à l'éducation contenaient toutes les menaces, et plus encore, que les conservateurs avaient prédites, et l'argent des entreprises et des fondations a acheté encore plus de menaces.
Le financement n'affecte pas seulement l'objet de la recherche, mais aussi ses résultats. Un grand pourcentage de physiciens et de chimistes américains sont engagés dans la recherche sur les armes et ne peuvent adopter aucune position, telle que la remise en question du récit officiel du 11 septembre, qui menace leur financement. Les psychologues aident la CIA à affiner les techniques de torture. Les anthropologues aident la CIA à développer des méthodes de contrôle des populations. Les virologues développent des armes biologiques. Les écoles de commerce développent la propagande publicitaire. Et la liste est encore longue.
Comme nous l'avons appris de Covid, les NIH et Big Pharma financent la plupart des recherches médicales. Comme l'argent provient de ces sources, ce sont elles qui déterminent ce qui est recherché et les conclusions. L'un des produits de ce financement a été Covid lui-même et les protocoles empêchant un traitement efficace qui ont été imposés aux médecins au nom des profits du "vaccin" Covid de Big Pharma et des mandats gouvernementaux inconstitutionnels qui ont encore marginalisé la liberté.
Les carrières scientifiques dépendent de la publication. Lorsque le financement provient de ceux qui ont des intérêts commerciaux ou lucratifs dans les résultats de la recherche, le scientifique financé se trouve dans une situation de conflit d'intérêts. Il est nécessaire de plaire aux bailleurs de fonds pour que le financement se poursuive, tout comme un représentant élu répond aux intérêts de ceux qui contribuent à sa campagne.
Le problème du financement de la science a, comme celui du financement des élections, atteint un stade critique qui détruit l'intégrité de la science, comme le prouvent ces déclarations des rédacteurs en chef des deux plus prestigieuses revues médicales :
"Il n'est tout simplement plus possible de croire une grande partie de la recherche clinique publiée, ni de se fier au jugement de médecins de confiance ou à des directives médicales faisant autorité." - La rédactrice en chef du New England Journal of Medicine, Marcia Angell, M.D.
"Une grande partie de la littérature scientifique, peut-être la moitié, peut tout simplement être fausse... des conflits d'intérêts flagrants... la science a pris un virage vers l'obscurité." - Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet
Ce documentaire :
https://rumble.com/v1nk6tu-science-for-hire-full-movie-a-gary-null-production.html
explique qu'aujourd'hui la science est achetée et dépourvue d'intégrité. Ce phénomène est dû à l'effondrement de la culture scientifique. L'argent prime sur l'intégrité et la vérité.
Si les pressions exercées sur les scientifiques en termes de carrière sont suffisantes pour mettre de côté l'intégrité et l'engagement envers la vérité, que se passe-t-il ailleurs dans la société où les normes en vigueur sont plus faibles ?
La science est une base fondamentale. Si elle est détruite, comme cela se passe sous nos yeux, la civilisation est détruite.
Paul Craig Roberts
Traduit de l'américain par Rouge et Blanc avec DeepL.
Source: https://www.paulcraigroberts.org/2022/10/17/western-civilization-is-ceasing-to-exist/
Le Phénix de feu s'élève de la Terre en flammes. Feu d'artifice clôturant les JO de Londres en 2012. https://www.francetvinfo.fr/sports/jo/bye-bye-les-jeux-olympiques-de-londres_128929.html
L'Occident, en tant que partie du monde, a exercé sa suprématie sur le monde jusqu'au XXe siècle inclus. Pour construire sa civilisation hégémonique, l'Occident a détruit ou a essayé de détruire beaucoup d'autres civilisations, dans les Amériques, en Asie, en Afrique, en Océanie. Si nous assistons aujourd'hui à la destruction de la civilisation occidentale (sans jugement de valeur sur elle) qui a détruit tant d'autres civilisations, nous pouvons nous demander si cette auto-destruction apparente n'est pas une étape violente, un processus de métamorphose, pour construire une nouvelle super-civilisation matérialiste, technocratique et oligarchique à l'échelle mondiale, voire spatiale (les rêves d'Elon Musk), celle qui est sous-entendue dans le programme de la "Grande Réinitialisation" (The Great Reset) du Forum Économique Mondial, avec par exemple un centre géographique et juridique à Jérusalem (dixit J. Attali) et des "élites" dispersées un peu partout, dans chaque pays ?
Le symbole de cette mort et de cette renaissance est le Phénix, et justement, c'est l'image de la Terre en flammes avec un Phénix de feu qui s'en élève qui a clôturé le spectacle final des Jeux Olympiques de Londres en 2012, suscitant l'admiration stupide et béate des foules, ces mêmes foules qui seront décimées plus tard par l'Opération Covid, la misère et les guerres y compris en Europe avec la Russie via l'Ukraine.
Mais cette politique maléfique, "satanique" comme dit justement Paul Craig Roberts, repose sur un postulat erroné. Le monde n'est pas l'Occident, et la Terre avec toute la vie qui est en elle n'est pas non plus ce que le capitalisme, le communisme ou l'idéologie du "Climat" veulent en faire. Tout organisme menacé développe ses défenses pour éliminer ce qui menace son existence; la Vie elle-même éliminera ce qui la menace. Car la Vie est la manifestation d'une sagesse divine supérieure à tout (Brahman).
C'est pourquoi la nouvelle stratégie occidentale mondialiste est un vrai suicide et le faux Phénix mondialiste ne renaîtra pas de ses cendres. Cette mort coïncidera avec la fin du Kali Yuga, l'Âge de Fer, qui précèdera le retour à un nouvel Âge d'Or, celui de l'Amour, de la Préservation et de la Création, dans lequel nous devons mettre tout notre espoir et notre foi.
Pierre-Olivier Combelles
Confier à Dieu les rênes du Moi
La Bhagavad Gita ("Le Chant du Seigneur") est l'une des parties du Mahabharata, la grande épopée classique de l'Inde. Elle relate la conversation entre le prince Arjuna et son cocher Krishna (8e avatar du dieu Vishnou) avant la bataille fratricide de Kurukshetra qui va opposer les clans rivaux des Pandava et des Kaurava, issus du même père mais de mères différentes. Dans cette œuvre religieuse et philosophique, les chevaux symbolisent les sens. Les rênes, ce sont les pensées. Le passager, c'est l'esprit. Le cocher, c'est l'âme et le tout est le Moi.
Auparavant, Arjuna avait confié sa vie à Krishna, par amour.
Pour le saint indien Ramakrishna (1836-1886), le Christ était aussi un avatar de Vishnou.
(...)
19. The Blessed Lord said: Yes, I will tell thee of my divine Vibhutis, but only in some of My principal pre-eminences, O best of the Kurus; for there is no end to the detail of My self-extension in the universe.
20. I, O Gudakesha, am the Self, which abides within all beings. I am the beginning and middle and end of all beings.
21. Among the Adityas I am Vishnu; among lights and splendours I am the radiant Sun; I am Marichi among the Maruts; among the stars the Moon am I.
22. Among the Vedas I am the Sama-Veda; among the gods I am Vasava; I am mind among the senses; in living beings I am consciousness.
23. I am Shiva among the Rudras, the lord of wealth among the Yakshas and Rakshasas, Agni among the Vasus; Meru among the peaks of the world am I.
24. And know Me, O Partha, of the high priests of the world the chief, Brihaspati; I am Skanda, the war-god, leader of the leaders of battle; among the flowing waters I am the ocean.
25. I am Bhrigu among the great Rishis; I am the sacred syllable OM among words; among acts of worship I am the worship called Japa (silent repetitions of sacred names etc.); among the mountain- ranges I am Himalaya.
26. I am the Ashwattha among all plants and trees; and I am Narada among the divine sages, Chitraratha among the Gandharvas, the Muni Kapila among the Siddhas.
27. Uchchaisravas among horses know me, nectar-born; Airavata among lordly elephants; and among men the king of men.
28. Among weapons I am the divine thunderbolt; I am Kamadhenu the cow of plenty among cattle; I am Kandarpa the love-god among the progenitors; among the serpents Vasuki am I.
29. And I am Ananta among the Nagas, Varuna among the peoples of
the sea, Aryaman among the Fathers, Yama (lord of the Law) among those who maintain rule and law.
30. And I am Prahlada among the Titans; I am Time the head of all reckoning to those who reckon and measure; and among the beasts of the forest I am the king of the beasts, and Vainateya among birds.
31. I am the wind among purifiers; I am Rama among warriors; and I am the alligator among fishes; among the rivers Ganges am I.
32. Of creation I am the beginning and the end and also the middle, O Arjuna. I am spiritual knowledge among the many philosophies, arts and sciences; I am the logic of those who debate.
33. I am the letter A among letters, the dual among compounds. I am imperishable Time; I am the Master and Ruler (of all existences), whose faces are everywhere.
34. And I am all-snatching Death, and I am too the birth of all that shall come into being. Among feminine qualities I am glory and beauty and speech and memory and intelligence and steadfastness and forgiveness.
35. I am also the great Sama among mantras, the Gayatri among metres; among the months I am Marga-sirsha, first of the months; I am spring, the fairest of seasons.
36. I am the gambling of the cunning, and the strength of the mighty; I am resolution and perseverance and victory; I am the sattwic quality of the good.
37. I am Krishna among the Vrishnis, Arjuna among the Pandavas; I am Vyasa among the sages; I am Ushanas among the seer-poets.
38. I am the mastery and power of all who rule and tame and vanquish and the policy of all who succeed and conquer; I am the silence of things secret and the knowledge of the knower.
39. And whatsoever is the seed of all existences, that am I, O Arjuna;
nothing moving or unmoving, animate or inanimate in the world can be without me.
40. There is no numbering or limit to My divine Vibhutis, O Parantapa; what I have spoken, is nothing more than a summary development and I have given only the light of a few leading indications.
41. Whatever beautiful and glorious creature thou seest in the world, whatever being is mighty and forceful (among men and above man and below him), know to be a very splendour, light, and energy of Me and born of a potent portion and intense power of my existence.
42. But what need is there of a multitude of details for this knowledge, O Arjuna? Take it thus, that I am here in this world and everywhere. I support this entire universe with an infinitesimal portion of Myself.
Bhagavad-Gita by Sri Aurobindo, Chapter X.
19. Le Seigneur Béni a dit : Oui, je te parlerai de ma divine Vibhutis, mais seulement dans certaines de mes principales prééminences, ô meilleur des Kurus; car il n’y a pas de fin au détail de Mon auto-extension dans l’univers.
20. Moi, ô Gudakesha, je suis le Moi qui demeure en tous les êtres. Je suis le commencement, le milieu et la fin de tous les êtres.
21. Parmi les Adityas, je suis Vishnu ; parmi les lumières et les splendeurs, je suis le soleil radieux ; je suis Marichi parmi les Maruts ; parmi les astres, la lune est moi.
22. Parmi les Védas, je suis la Sama-Véda ; parmi les dieux, je suis Vasava ; je suis l'esprit parmi les sens ; dans les êtres vivants, je suis la conscience.
23. Je suis Shiva parmi les Rudras, le seigneur des richesses parmi les Yakshas et les Rakshasas, Agni parmi les Vasus; Meru parmi les sommets du monde, je suis.
24. Et connais-Moi, ô Partha, des grands prêtres du monde, le chef, Brihaspati ; Je suis Skanda, le dieu de guerre, le chef des chefs de bataille ; parmi les eaux qui coulent, Je suis l’océan.
25. Je suis Bhrigu parmi les grands Rishis; je suis la syllabe sacrée OM parmi les mots; parmi les actes d’adoration, je suis le culte appelé Japa (répétitions silencieuses de noms sacrés, etc.); parmi les montagnes, je suis Himalaya.
26. Je suis l’Ashwattha parmi toutes les plantes et tous les arbres, et je suis Narada parmi les sages divins, Chitraratha parmi les Gandharvas, le Muni Kapila parmi les Siddhas.
27. Uchchaisravas parmi les chevaux me connaît, né du nectar; Airavata parmi les éléphants seigneuriaux; et parmi les hommes le roi des hommes.
28. Parmi les armes, je suis le divin éclair; je suis Kamadhenu, la vache de l’abondance parmi le bétail; je suis Kandarpa, le dieu d’amour parmi les géniteurs; parmi les serpents, je suis Vasuki.
29. Et je suis Ananta parmi les Nagas, Varuna parmi les peuples de la mer, Aryaman parmi les Pères, Yama (seigneur de la Loi) parmi ceux qui maintiennent la règle et la loi.
30. Et je suis Prahlada parmi les Titans; je suis le Temps, le chef de tous ceux qui comptent et mesurent; et parmi les bêtes de la forêt, je suis le roi des bêtes, et Vainateya parmi les oiseaux.
31. Je suis le vent parmi les purificateurs; je suis Rama parmi les guerriers; et je suis l’alligator parmi les poissons; je suis le Gange parmi les rivières.
32. De la création, je suis le commencement et la fin et aussi le milieu, O Arjuna. Je suis la connaissance spirituelle parmi les nombreuses philosophies, arts et sciences; je suis la logique de ceux qui débattent.
33. Je suis la lettre A parmi les lettres, la double parmi les composés. Je suis le Temps impérissable; je suis le Maître et le Souverain (de toutes les existences), dont les visages sont partout.
34. Et moi, je vole la Mort, et je suis aussi la naissance de tout ce qui doit naître. Parmi les qualités féminines, je suis la gloire et la beauté et la parole et la mémoire et l’intelligence et la constance et le pardon.
35. Je suis aussi la grande Sama parmi les mantras, la Gayatri parmi les mètres ; parmi les mois, je suis Marga-sirsha, première des mois ; je suis le printemps, la plus belle des saisons.
36. Je suis le jeu de la ruse et de la force des puissants; je suis la résolution, la persévérance et la victoire; je suis la qualité sattwique du bien.
37. Je suis Krishna parmi les Vrishnis, Arjuna parmi les Pandavas, Vyasa parmi les sages, Ushanas parmi les poètes-voyants.
38. Je suis la maîtrise et le pouvoir de tous ceux qui gouvernent et domptent et vainquent et la politique de tous ceux qui réussissent et conquièrent; je suis le silence des choses secrètes et la connaissance du connaisseur.
39. Et tout ce qui est la semence de toutes les existences, c’est moi, ô Arjuna;
Rien dans le monde ne peut être sans moi.
40. Il n’y a pas de numérotation ou de limite à Ma divine Vibhutis, O Parantapa; ce que j’ai dit, n’est rien de plus qu’un développement résumé et je n’ai donné que la lumière de quelques indications principales.
41. Quelle que soit la belle et glorieuse créature que tu vois dans le monde, quel que soit l’être plein de force et puissant (parmi les hommes et au-dessus de l’homme et au-dessous de lui), sache être une splendeur, une lumière et une énergie de Moi-même, née d’une portion puissante et d’une puissance intense de mon existence.
42. Mais quel besoin y a-t-il d’une multitude de détails pour cette connaissance, ô Arjuna ? Prenez-le ainsi, que je suis ici dans ce monde et partout. Je soutiens cet univers entier avec une portion infinitésimale de Moi-même.
La Bhagavad-Gita de Sri Aurobindo, chapitre X.
Nicolás Gómez Dávila: El amor al pueblo
"El amor al pueblo es una vocación de aristócrata. El demócrata no lo ama solamente sino en período electoral."
Nicolás Gómez Dávila. Escolios a un texto implicito.