philosophie
Mircea Eliade: Le sens du labyrinthe
- Claude Henri-Rocquet: Vous avez souvent comparé la vie, votre vie, à un labyrinthe. Que diriez-vous aujourd'hui du sens de ce labyrinthe ?
- Mircea Eliade: Un labyrinthe, c'est la défense parfois magique d'un centre, d'une richesse, d'une signification. Y pénétrer peut être un rituel initiatique, comme on le voit dans le mythe de Thésée. Ce symbolisme est le modèle de toute existence qui, à travers nombre d'épreuves, s'avance vers son propre centre, vers soi-même, l'Atman, pour employer un terme indien... Plusieurs fois, j'ai eu conscience de sortir d'un labyrinthe, ou de trouver le fil. Je m'étais senti désespéré, oppressé, égaré... Je ne m'étais pas dit, bien sûr: "Je suis perdu dans le labyrinthe", mais, à la fin, j'ai bien eu le sentiment d'être sorti victorieux d'un labyrinthe. Cette expérience, chacun l'a connue. Mais il faut dire encore que la vie n'est pas faite d'un seul labyrinthe: l'épreuve se renouvelle.
Mircea Eliade, L'épreuve du labyrinthe, Entretiens avec Claude-Henri Rocquet. Editions du Rocher, 2006.
Pierre Dortiguier: Entretien avec Mezy sur le communisme et le libéralisme
Source: chaîne de Mezy sur youtube présentant ses passionnants entretiens avec le professeur de philosophie Pierre Dortiguier:
https://www.youtube.com/c/Mezy72/videos
Jean Rostand: La civilisation
"Outre que la civilisation ne constitue point par elle-même un facteur de progrès biologique, elle peut, indirectement, devenir un facteur de régression. Nous avons dit maintes fois que les éléments héréditaires, ou gènes, des individus humains sont de qualité fort inégale, pour les caractères intellectuels comme pour les caractères physiques. Partant, le niveau moyen de l’espèce, à tout moment, dépend de la proportion existant entre les bons et les mauvais gènes. D’une part, le nombre des mauvais gènes tend à s’accroître sans cesse par le seul effet de la mutation, qui se fait beaucoup plus souvent vers le pire que vers le meilleur ; d’autre part la sélection naturelle tend à éliminer les mauvais gènes, lesquels, d’ordinaire, réduisent plus ou moins la capacité reproductrice des individus qui les portent, soit en restreignant leur fécondité, soit en diminuant leur vigueur globale ou leur faculté d’adaptation. Au début de l’histoire humaine, dans les conditions de la vie sauvage, la sélection naturelle jouait avec assez peu de rigueur pour que, malgré l’abondance des mutations délétères, l’espèce maintint son niveau, ou même peut-être marquât quelque amélioration génétique. Les individus chétifs, mal venus, n’arrivaient pas à l’âge reproducteur, et leurs mauvais gènes s’éteignaient avec eux. Henri Vallois a constaté que, parmi les squelettes préhistoriques, on n’en trouve presque pas de vieillards. Si les conditions de l’existence étaient jadis trop rudes pour la vieillesse, à plus forte raison l’étaient-elles sans doute pour la débilité. Le débile, comme le vieillard, est un produit de la civilisation.
De surcroît, la sélection s’exerçait non seulement à l’intérieur de chaque groupe humain, mais aussi de groupe à groupe ; et, dans ce cas, elle favorisait souvent le progrès des caractères intellectuels et sociaux : les tribus courageuses, animées de sentiments collectifs, commandées par des chefs héroïques et astucieux, l’emportaient sur les autres.
La situation changea du tout au tout à mesure que se formèrent les vastes collectivités organisées qui caractérisent la civilisation moderne.
D’abord, la sélection de groupe à groupe se fit inopérante, les guerres entre nations n’ayant d’autre résultat que d’évincer, de part et d’autre, les plus braves et les plus robustes*. Et, surtout, la médecine, la chirurgie, l’hygiène, l’assistance, le développement des idées philanthropiques devaient concourir à gêner toujours davantage la fonction épuratrice de la sélection naturelle.
Nos sociétés actuelles donnent la possibilité de survivre et de reproduire à des milliers d’êtres qui eussent été autrefois implacablement éliminés dès le jeune âge. La diminution de la mortalité infantile, les vaccinations généralisées entraînent un affaiblissement de la résistance moyenne de l’espèce. Grâce à l’obstétrique, des femmes deviennent mères en dépit d’un bassin trop étroit, et, grâce au lait stérilisé, nourrices, en dépit de glandes mammaires insuffisantes. Il n’y a plus de sanction naturelle pour les petites tares physiologiques, comme la mauvaise denture ou la myopie.
Il n’est pas jusqu’à la sélection sexuelle, fondée sur le choix réciproque des procréateurs, qui n’ait perdu de son efficace dans nos sociétés inégalitaires. Les avantages sociaux ou financiers priment les naturels, et la situation ou les « espérances » font plus pour unir les humains que la beauté des corps ou que la finesse des esprits.
En bref, défaut général de sélection, et même, en certain cas, contre-sélection ou sélection à rebours : voilà le lot de nos sociétés actuelles. Aucun frein n’y contrariant la multiplication des mauvais gènes qui se produisent constamment par mutation, il s’ensuit un avilissement progressif de l’espèce.
Cet avilissement doit dater de loin ; il ne fera que s’accentuer toujours davantage". (…)
Jean Rostand, L’Homme (Gallimard, 1940/1961)
*NDLR: En 1914-18, ce sont les plus braves qui sont allés combattre au front et qui sont morts, en masse. Les lâches, les malins qui faisaient des affaires sont restés à l'arrière, en sécurité. Ce sont eux qui se sont reproduits, répandant leur vilenie à travers leur descendance et dans les institutions. Comme Jean Rostand en explique très bien les raisons, nous sommes aujourd'hui dans une inversion totale de la sélection naturelle puisque le pouvoir n'appartient plus aux meilleurs, comme dans la nature et comme dans l'Âge d'Or, mais aux pires. On le constate bien aujourd'hui dans cette nouvelle guerre mondiale CONTRE L'HUMANITĖ qu'est la psycho-pandémie du COVID-19, lancée par la part la plus vile, la plus corrompue et la plus malfaisante de l'espèce humaine.
Une troupe de bandits menace un village de paysans. Incapables de se défendre, les paysans font appel aux samouraï. Ils leur inspirent la pitié, mais en les trompant sur l'état de leurs réserves. Les samouraï sauvent le village et meurent presque tous au combat, répandant leur sang comme le cerisier répand ses fleurs à terre, dans le vent. Les paysans oublient les samouraï et font la fête.
Louis de Bonald: Considérations sur la noblesse
" On a exagéré les vices ou les défauts dont les nobles ne sont pas plus exempts que les autres hommes ; jamais, que je sache, on n’a donné la véritable raison de la noblesse.
Les uns ont fait de la noblesse un meuble de la couronne, comme le sceptre ou le manteau royal ; les autres en ont fait une illusion de la vanité, ou une usurpation des temps féodaux. La noblesse n’est ni un ornement, ni une décoration, ni un préjugé, ni une usurpation : elle est une institution naturelle et nécessaire de la société publique, aussi nécessaire, aussi ancienne que le pouvoir lui-même ; et c’est par cette raison qu’elle existe, comme le pouvoir, sous une forme ou sous une autre, dans tout état de la société, et sous toutes les formes de gouvernement. " (...)
" Ainsi, le nobles sont les serviteurs de l’Etat, et ne sont pas autre chose : ils n’exercent pas un droit, ils remplissent un devoir ; ils ne jouissent pas d’une prérogative, ils s’acquittent d’un service. Le mot service, employé à désigner les fonctions publiques, a passé de l’Evangile dans toutes les langues des peuples chrétiens, où l’on dit le service, faire son service, servir, pour exprimer que l’on est occupé dans la magistrature ou dans l’armée. Quand Jésus-Christ dit à ses disciples : " Que le plus grand d’entre vous ne soit que le serviteur des autres ; - quel est le plus grand de celui qui sert ou de celui qui est servi ? " Il ne fait que révéler le principe de toute société, ou plutôt de toute sociabilité, et nous apprendre que tout dans le gouvernement de l’Etat, pouvoir et ministère, se rapporte à l’utilité des sujets, comme tout dans la famille, se rapporte au soin des enfants ; que les grands ne sont réellement que les serviteurs des petits, soit qu’ils les servent en jugeant leurs différends, en réprimant leurs passions, en défendant, les armes à la main, leurs propriétés, ou qu’ils les servent encore en instruisant leur ignorance, en redressant leurs erreurs, en aidant leur faiblesse : le pouvoir le plus éminent de la société chrétienne ne prend d’autre titre que serviteur des serviteurs ; et si la vanité s’offense des distinctions, la raison ne saurait méconnaître les services. " (...)
"Sans doute les talents naturels se trouvent en plus grand nombre dans la classe la plus nombreuse, je le crois; et néanmoins on peut remarquer que ce sont, en général, les nobles qui ont le mieux écrit sur la politique et l'art militaire, comme les magistrats sur la jurisprudence, et les évêques sur les matières religieuses. Aux Etats-Généraux, où tant de forts esprits se trouvèrent en présence, la noblesse ne parut pas inférieure en talent aux autres ordres, et, s'il faut en juger par l'expérience, elle se montra supérieure à tous en connaissances politiques. Tous les autres arts, toutes les autres sciences, appartiennent à l'homme privé plus qu'à l'homme public, et meublent plutôt les académies qu'elles ne défendent la société; elles peuvent être pour la noblesse un délassement, mais elles sont hors du cercle de ses devoirs.
Excudent alii spirantia mollius era,
Credo equidem, etc, etc.
(Enéide, I, IV)
Je le répète: la noblesse héréditaire n'est que le dévouement de la famille exclusivement au service de l'Etat. Ce qu'on appelle la naissance, une haute naissance, n'est que l'ancienneté de ce dévouement; et si la noblesse n'était que cela, elle ne serait rien, et le nom même n'en serait pas dans notre langue. Toutes les familles pouvaient, devaient même parvenir, avec le temps, à cet honorable engagement. La société les y invitait, et aucune loi n'excluait aucune famille française même du trône, en cas d'extinction de la famille régnante."
Louis-Gabriel-Ambroise, vicomte de Bonald (1754-1840), Considérations sur la noblesse.
Heidegger: "Habiter"
Pour Heidegger, « habiter » n’est pas synonyme de « l’habiter », qui désigne le fait de résider quelque part, de faire sien un logement, un quartier, une ville. « Habiter » est la réponse des mortels à l’appel à être-présent-au-monde-et-à-autrui, du reste dans la même conférence, le philosophe indique qu’« (…) habiter est le trait fondamental de l’être (…) » et que le « rapport de l’homme aux lieux et, par des lieux, à des espaces réside dans l’habitation. La relation de l’homme et de l’espace n’est rien d’autre que l’habitation pensée dans son être. » L’espace n’existe pas en tant que tel – géographiquement si vous voulez –, il advient. Comment ? Par le ménagement des lieux. Il s’agit là d’une action existentielle, d’un « pour ceci ou celà », c’est dire si « habiter » ne dépend pas seulement de l’habitabilité d’un logement ou de la qualité architecturale d’un bâtiment. Ce sont certainement des conditions favorables mais l’essentiel est ailleurs. Cet ailleurs consiste à vivre au plus près de soi avec et parmi les choses et les humains.»
Martin Heidegger, Conférence « Bâtir-Habiter-Penser » à Darmstadt (1951)
Source: Thierry Paquot, Un Philosophe en ville, in Folio, Deuxième édition, 2016, p.212-213.
http://www.articule.net/2018/10/10/l-habiter-dheidegger-explique-par-thierry-paquot/
Tout ce que l'Europe doit à l'Orient et à l'Asie
"Toutes les fois qu'ils allumeront le feu de la guerre, Dieu l'éteindra " !
(Sourate 5)
"La poésie épique est la véritable religion de l'Iran".
Pierre Dortiguier
"Nahor: repas, en persan
Nehren: nourrir, en allemand
Nourrir, en français
On parle la même langue, donc on appartient au même peuple".
Pierre Dortiguier
Alphonse de Lamartine , Voyage en Orient
« L’islamisme, terme noble défiguré en cet âge de fer », par le Pr Pierre Dortiguier
(...) Lamartine a composé un ouvrage en six tomes sur l’Histoire de la Turquie, publié à Paris en 1854, dans lequel il prend parti pour la civilisation musulmane contre ce qu’il désigne franchement comme le despotisme russe. Ouvrons la préface : « Réveillés en sursaut de leur long sommeil par le péril de leur race et de leur nom, attaqués en pleine paix par l’envahissement de leurs mers et de leur territoire, insultés dans leurs foyers, outragés dans leur indépendance, submergés de toutes parts par des armées de ces Moscovites qui prennent leur nombre pour droit et le fer pour titre, les Turcs, debout sur ce qui leur reste de frontières, les armes du désespoir à la main, combattent sans regarder devant eux ni derrière eux pour savoir si la Turquie ressuscitera dans son sang ou pour mourir avant le dernier jour de leur patrie. »
« ../.. Avant de raconter l’histoire de cet empire qui remplaça un moment l’empire romain dans cet Orient, berceau des peuples et théâtre des plus merveilleuses transfigurations des races humaines, il est nécessaire », et nous conclurons ainsi avec notre compatriote aristocrate qui s’éleva à la Chambre des Pairs (équivalent de notre Sénat) contre les enfumades, dans les grottes, ordonnées par le général Bugeaud (mort en 1849) » de raconter la naissance et le progrès de l’islamisme et de la religion de Mahomet » (op. cit. chapitre I) » (...)
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