prehistoire
Fouilles d'Abbeville : fenêtre sur la vie des premiers hommes d'il y a 600 000 ans (INRAP)
Voici mon commentaire à cette vidéo, un poème:
Il y a une quinzaine d'années, j'ai découvert les vestiges d'un camp mésolithique dans un champ d'Ile de France. L'ayant signalé aux Antiquités nationales, une archéologue m'y accompagna un jour pour l'inspecter et l'inventorier. Mais je crois qu'il n'a jamais été fouillé depuis.
J'y suis retourné par une après-midi d'hiver, froide et pluvieuse. Le champ n'avait pas changé; traversé par le même chemin herbu et creusé d'ornières, encadré par les mêmes bois touffus. En marchant sur la terre argileuse, détrempée, couverte de mares d'eau et sillonnée d'empreintes de cerfs, de chevreuils et de sangliers, j'ai retrouvé plusieurs outils de pierre, tous du même silex brun-rouge, inconnu dans les environs. Ce sont en général des grattoirs, faits à partir d'éclats et retouchés de très fines dentelures du côté arrondi, qui servaient sans doute à préparer les peaux pour faire des vêtements.
En ramassant ces objets, je pensais à ceux qui les avaient fabriqués et s'en étaient servi, il y a plus de 12000 ans.
Le camp se trouvait peut-être dans une clairière au milieu de la forêt (ils ne pratiquaient pas encore l'agriculture) peuplée sans doute de chênes, de frênes, de charmes et de hêtres séculaires, énormes, de bouleaux et de noisetiers. Ces hommes vivaient de la chasse, de la pêche et de la cueillette.
En ce temps-là:
pas de maisons chaudes et confortables
pas d'autos ni d'avions
pas de routes, de villes ni même de villages
pas de champs cultivés ni de pâturages remplis d'animaux; vaches, chevaux, cochons, moutons
pas de journaux, pas de télévision, pas d'ordinateurs
pas d'écriture: la parole, la musique, la peinture, la sculpture y suppléaient avec la mémoire prodigieuse des peuples de culture orale
pas de montres ni d'horloges: ils vivaient à l'heure du soleil
pas d'eau incolore au robinet ou dans la bouteille de plastique pour boire: l'eau vive et ambrée des sources et des cours d'eau
pas de magasins ni de supermarchés où acheter la nourriture venant de régions ou de pays lointains: la chasse, la pêche, la cueillette
pas de bruits de moteurs, de radios, de musiques diffusées par hauts-parleurs: le silence et les bruits de la nature
pas d'électricité, pas de lumières artificielles pour cacher, la nuit, le ciel noir rempli d'étoiles et la Lune...
C'est comme cela que vivaient les hommes depuis toujours, depuis la création du monde.
Les livres des préhistoriens, André Leroi-Gourhan par exemple, essaient d'expliquer le mode de vie, la culture et la pensée des hommes de la Préhistoire, mais ils sont décevants.
C'est comme si un homme aveugle et ignorant essayait de nous décrire le Louvre.
Si lointains et si proches, si mystérieux, les chasseurs mésolithiques, mes ancêtres par le sang.
Un silex taillé dans ma main, je m'interrogeais donc:
Comment étaient ces hommes: grands ou petits, bruns ou blonds, aux yeux bleus ou marrons ?
Comment s'appelait leur peuple ?
Quels étaient leurs noms ?
Quelle langue parlaient-ils?
Quel était leur caractère et quels étaient leurs vertus et leurs vices ?
Comment étaient-ils vêtus ?
Comment étaient leurs habitations ?
Comment préparaient-ils leurs aliments ?
Quelles étaient leurs mœurs, leurs coutumes, leur histoire ?
Quelles étaient leurs danses, leurs chants ?
Quelle était leur organisation sociale, politique?
Qui étaient leurs ennemis ?
Quelle était leur religion?
Comment expliquaient-ils la terre, le ciel, le soleil, la lune, les étoiles ?
Voyageaient-ils ? Jusqu'où ? Comment ?
Mieux vaut reconnaître que nous ne le savons pas et que nous ne le saurons jamais. Sagesse qui n'est guère compatible avec le souci d'écrire un livre, de soutenir une thèse ou de mener une carrière scientifique ou administrative, qui se nourrissent d'affirmations. Restent le rêve et la poésie, comme ce texte qu'écrivit un jour Thoreau sur la pointe de flèche indienne, qui, intacte, poursuit sa course immuable dans le temps. Ou comme celui de Tacite sur les Fennes, un peuple nomade de l'antique Germanie...
Pierre-Olivier Combelles
https://pocombelles.over-blog.com/2017/10/grattoir-mesolithique-visage-enigmatique.html
Le chemin de la forêt: une exposition virtuelle de Pierre-Olivier Combelles
L’itinéraire d’un naturaliste, navigateur, écrivain et poète depuis la forêt de Rambouillet de son enfance versaillaise, vestige de la forêt des Carnutes et avant, des hommes préhistoriques du Mésolithique et du Paléolithique, jusqu’à la taïga du Labrador, partie de l’immense forêt de conifères du Subarctique qui ceinture tout le globe et abrite les descendants des chasseurs du Paléolithique, puis jusqu’au versant oriental des Andes, au-dessus de l’Amazonie. Un voyage dans l’espace et dans le temps, dans la nature sauvage comme parmi les hommes qui l’habitent ou qui l’habitaient. La découverte de la forêt, ce milieu primordial avec la mer, où les plantes, les animaux et les hommes vivent dans une interdépendance totale, en symbiose et en équilibre. Un cheminement initiatique d’évocations en évocations, pour comprendre que la forêt, comme la nature tout entière, est un secret qu’il faut beaucoup de temps et de patience pour connaître. Le chemin de la forêt est une Voie, au sens spirituel et asiatique.
Inspirée par ma grande exposition « Dans le sillage d’Audubon – A la découverte de la Basse Côte-Nord du Québec » itinérante en France dans les années 1990, une nouvelle création après presque trois décennies consacrées à l’exploration et à l’étude du Labrador puis à celles des Andes du Pérou et de la Bolivie.
Une exposition qui présente dans un décor naturel et en quatre dimensions mes photographies et mes textes ainsi que des dessins et des aquarelles des peintres naturalistes qui m’ont accompagné dans mes expéditions, des souvenirs, des documents (livres, cartes), des objets et des reconstitutions ethnographiques, dans un cheminement dans l’espace et dans le temps.
Pour en savoir plus:
(...)
«Les agents naturels de destruction ne suffisent plus à digérer les résidus de la civilisation technique. Inexorablement, les déchets distillent leurs poisons, stérilisent les terres, les airs, les mers et les fleuves. Déforestation, érosion, désertification, pollution et logiquement désertion.»
«… Les Etats-Unis nous en livrent un exemple. Après les exterminations massives et en grande partie irréversibles qui ont saccagé ce pays au XIXe siècle – l’anéantissement des Indiens et de leurs civilisations, celui de nombreuses espèces animales, des bisons entre autres, la ruine des terres – après et avant le chancre de l’érosion et la pollution grandissante….»
« Vous avez été saisi par la mystique de la forêt comme d’autres le sont de l’océan ou de la montagne ou même du désert. Chaque homme découvre le biotope de ses préférences, son asile en quelque sorte. Et la forêt, c’est l’arbre. Pour les Arabes, il est l’ennemi; et pour le Nordique, le décor… Ces forêts anciennes, notamment Africaines, vous aurez été en effet l’un des derniers sans doute à les avoir connues dans le détail. Nous savons qu’un jour viendra, peut-être peu éloigné, où il ne restera rien de tout cela. J’entends que dans peu, très peu de décennies, il n’y aura plus de grandes forêts en Afrique. Les Noirs et les puissantes compagnies européennes et américaines s’affairent actuellement à dévaster selon des coupes à blanc ce qu’il en reste. L’Afrique est mal partie, et vous le savez bien, pour cette raison avant toute autre. Ce qui demeure aussi inquiétant à nos yeux, ici même, c’est que le devenir des sciences de la Nature va de pair avec l’avenir de la Nature elle-même. Les pouvoirs publics en porteront la responsabilité essentielle; ils suivent le flot au lieu de le remonter. Une bonne partie des hommes s’habitue aux déserts et s’entend d’ailleurs fort bien pour les édifier.»
«En ce temps qui viendra, où tout sera calculé selon les normes des ordinateurs, ces rescapés de votre domaine et de vos enseignements écrits sauront donner aux archivistes de l’ère martienne les indications qui permettront de refaire aussi exactement que possible, selon des procédés rapides et à échelle réduite, les forêts de l’antique Amazone, de l’ancien Oubangui, du lointain Cambodge telles que André Aubreville les avait parcourues et décrites. Mais, cette fois, ce sera en matière plastique, bien entendu.»
(...)
Roger Heim: L'Angoisse de l'an 2000 (1973)
https://xochipelli.fr/2015/11/hommage-a-roger-heim-lecologiste-le-mycologue-le-psychonaute/
1970 : André Leroi Gourhan alerte sur l'avenir de l'humanité | Archive INA
Un certain regard | ORTF | 21/04/1970 Interviewé par Paul Seban, l'ethnologue André Leroi Gourhan parle de l'évolution du monde et de la relation de l'homme avec la nature. il alerte "Nous aurons consommé notre monde avant de changer d'espèce humaine".
Visionnez ici l'extrait de l'entretien complet:
https://www.youtube.com/watch?v=7i4lq-3Y7iI
Également à propos d'André Leroi-Gourhan:
Pages oubliées sur le Japon (1937-38):
André Leroi-Gourhan arrive au Japon avec la ferme intention de rencontrer des hommes : l’auteur est fasciné par les Japonais, qui savent unir l’esthétique et la vie quotidienne, fasciné par la résistance du pays aux pressions de l’Occident pour grandir tout seul. Il s’intéresse à toutes les facettes de la culture japonaise, retient les leçons du zen, de la cérémonie du thé, une certaine façon de voir les choses, de regarder les jardins, d’apprécier les fleurs.
Pour atteindre une représentation assez complète de la pensée esthétique, il dégage d’abord la personnalité du pays, ce qu’on sait de ses origines raciales, ce que sa culture tient des civilisations qui l’ont successivement touché, ce qu’est son unité politique. Puis on verra le Japon accueillant ses emprunts et s’efforçant de trouver sa voie dans les diverses disciplines intellectuelles qui lui parviennent; assistant ainsi à l’orientation de sa connaissance."
EFEO
https://www.youtube.com/watch?v=E_5yGYEjIsE
Commentaire biographique. André Leroi-Gourhan (1911-1986)
Marion Di Santi-Masson (21/03/2022), LEROI-GOURHAN André (FR) in Collectionneurs, collecteurs et marchands d'art asiatique en France 1700-1939 - INHA, http://agorha.inha.fr/detail/724
André Leroi-Gourhan chargé d’objets collectés et photographié par sa femme Arlette au retour de leur mission en Hokkaido, Japon, été 1938. © archives MSHM / fonds Leroi-Gourhan
Lisez aussi "Les racines du monde", ses captivants entretiens avec Claude-Henri Rocquet*. Il y parle aussi d'ailleurs du Japon, dans des pages inoubliables.
Pour mes lecteurs: je précise que je n'ai malheureusement pas eu la chance de connaître personnellement et d'être l'élève d'André Leroi-Gourhan, que j'admire beaucoup. En revanche, j'ai beaucoup lu et étudié ses livres et, dans les années 1990, de fréquenter le site archéologique de Pincevent, près de Fontainebleau, au bord de la Seine, un ancien campement magdalénien de chasseurs de rennes découvert et étudié par A.L.-G. et devenu au fil des années une école de fouilles dirigée par le CNRS. J'y ai donné des conférences sur l'habitat autochtone au Labrador et encadré la reconstitution du campement préhistorique en 1994, lors de l'anniversaire de la création du site.
* Je conseille aussi les entretiens de Claude-Henri Rocquet avec Mircea Éliade: "L'épreuve du labyrinthe".
Lisez aussi "Les racines du monde", ses captivants entretiens avec Claude-Henri Rocquet. Un des ouvrages les plus intéressants que je connaisse Il y parle aussi d'ailleurs du Japon, dans des pages inoubliables.
Pour mes lecteurs:
Je précise que je n'ai malheureusement pas eu la chance de connaître personnellement et d'être l'élève d'André Leroi-Gourhan, que j'aime et j'admire beaucoup. En revanche, j'ai beaucoup lu et étudié ses livres et, dans les années 1990, j'ai fréquenté le site archéologique de Pincevent, près de Fontainebleau, au bord de la Seine, un ancien lieu de campement de chasseurs de rennes du Magdalénien découvert et étudié par ALG, devenu au fil des années une école de fouilles dirigée par le CNRS. J'y ai donné des conférences sur l'habitat autochtone au Labrador et, en 1994, encadré la reconstitution du campement préhistorique, à l'occasion de l'anniversaire de la création du site.
Pierre-Olivier Combelles
Une grotte au coeur du monde
"Une grotte au cœur du monde, lieu de l'existence sanctifiée, lieu de renaissance..."
Claude-Henri Rocquet, L'apparent et le caché dans l'oeuvre de Mircea Eliade, in L'épreuve du labyrinthe - Mircea Eliade, Entretiens avec Claude-Henri Rocquet. Editions du Rocher, 2006.