religion
Aidan Rankin: Careful action
"Careful action is more than merely abstaining from abusive and harmful behavior. It involves considering the consequences of—and crucially, the intention behind—all forms of action. In Jainism, the concept of action encompasses thought. Thoughts and ideas can harm or uplift the thinker as they are the starting point for all acts of himsa or injury, as well as all beautiful, creative, loving actions. Iryasamiti is closely associated with the spiritual ideal of ahimsa: non-violence or non-injury to life. This, too, is far more than simple abstinence. It is about cultivating an attitude of calm and a state of equanimity through the practice of maitri (friendship with all beings) and recognizing that worldly entanglements, including material gain, political power, or academic success are but transient trifles of no ultimate significance.
Careful action is based on recognition of the four following ideas:
- Each life—and this includes all forms of life—is individual, unique, and precious.
- All life is interconnected and interdependent.
- Human beings and their concerns are but one small part of the earth and the cosmos; therefore, we should approach the rest of existence with humility and modesty.
- Human intelligence has evolved to give men and women the capacity for spiritual development and the possibility of liberation. However, this intelligence is a double-edged sword for it confers the possibility of choosing destructive over creative power, gross materialism over spiritual insight, himsa over ahimsa.
Careful action is therefore a form of conscious choice to minimize harm and act in ways that benefit others, both human and non-human."
Aidan Rankin
http://pocombelles.over-blog.com/2014/07/aidan-rankin-green-karma.html
Jean Herbert: entretien avec Jean Biès (Vandoeuvres, 1974)
Cet entretien a eu lieu à Vandœuvres, en Suisse, le 13 mars 1974. Jean Herbert est mort le 20 août 1980.
Gandhi, Vinôbà Bhave, Shri Ramakrishna, Swami Vivekananda, Swâmi Ramdas, Shri Aurobindo, Ramana Maharshi, Ma Ananda Moyi... Les « sages de l'Inde contemporaine »... Ces noms sont désormais liés à celui de Jean Herbert, sans qui nous ne les connaîtrions que peu ou pas du tout. Des noms qui sont aussi des paroles de vie, des enseignements capitaux, où l'Occident en dérive puise les éléments de l'éternelle sagesse et les possibles d'une humanité future. À ce titre, Jean Herbert n'apparaît pas seulement comme un traducteur ou un vulgarisateur de talent, mais comme un humaniste et un précurseur, à la fois sensible au rapprochement des peuples d'Orient et d'Occident, et soucieux d'une unité mondiale par le haut.
On se trouvait avec lui en présence d'un homme qui avait passé cinquante ans de sa vie à parcourir l'Asie, à séjourner auprès de ses maîtres spirituels; et la cinquantaine de volumes qu'il a consacrés à l'Orient–dont certains sont de véritables sommes – démontre l'étendue et l'importance de l'enquête. Celle-ci n'est pas une élaboration universitaire abstraite; elle plonge dans les profondeurs mêmes d'une sagesse toujours vécue, toujours visible – il suffit d'y aller voir en ayant les bonnes adresses –, et propose des solutions éminemment pratiques.
Si les derniers survivants d'une humanité détruite, réfugiés sur une île déserte, avaient le droit de n'emporter que quelques livres à partir desquels reconstruire l'avenir, ne serait-ce pas ceux des « spiritualités vivantes », tels que les a traduits et transmis Jean Herbert ?
Le soldat
Il naît à Paris, en face de la Sorbonne, le 27 juin 1897. Son père, qui enseigna pendant soixante ans à l'École des sciences politiques, et sa mère, également professeur, souhaitaient le voir marcher sur leurs traces. À sa sortie du collège Chaptal, il obtient une bourse pour se préparer à l'École normale supérieure, mais la Première Guerre mondiale, qui le trouve en vacances à Édimbourg, vient interrompre ses études. Il reste en Écosse une année encore, enseignant le français au George Watson Collège. Ses études, poursuivies difficilement pendant et après la guerre, portent sur les lettres et le droit à la Sorbonne, le russe à l'École des langues orientales. Mais les circonstances l'avaient très tôt fait renoncer à l'enseignement; dans le secondaire tout au moins (car il devait professer plus tard, pendant dix ans, à l'université de Genève).
Mobilisé en 1915 au premier régiment de zouaves, il est, au bout de quelques mois, transféré dans l'artillerie. Il a l'exceptionnelle responsabilité de commander au chemin des Dames, à quelques centaines de mètres des lignes ennemies, la section chargée de contre-battre la
« Grosse Bertha » qui bombardait alors Paris. Ce jeune sous-lieutenant avait dans son poste de commandement une ligne directe avec le ministère de la Guerre, qui l'avisait dès qu'un obus tombait sur Paris. Il n'en tomba jamais deux dans la même journée, ce qui lui valut la croix de guerre. Après l'offensive allemande du mois d'avril, ses connaissances d'anglais le font envoyer comme officier de liaison auprès d'une division anglaise d'artillerie, puis comme conseiller technique auprès d'une division américaine d'artillerie, qui venait de débarquer, et avec laquelle il terminera la guerre.
Mobilisé de nouveau en 1939, il est, pendant un an, à Valence, chef d'état-major d'une unité chargée de former des régiments d'artillerie lourde. Lors de la grande débandade, son chef devait le charger d'emmener vite et n'importe où quelque deux mille recrues alsaciennes qui venaient d'être incorporées et qui, si elles étaient prises par les Allemands, risquaient fort d'être fusillées. Sans argent ni moyen de transport, pratiquement sans cadres, il réussit à les amener en sécurité, toutes sans exception, jusqu'aux Pyrénées. Après quoi, il se démobilise d'office et se réfugie dans une ferme isolée en pleins bois, dans le massif des Maures. Il y restera jusqu'à la fin de la guerre, sans que les troupes allemandes d'occupation ne soupçonnent sa présence. Ces années de retraite lui sont d'une extraordinaire fertilité pour le travail auquel il s'est désormais consacré.
L'interprète
En juin 1917, un épisode inattendu avait en effet, et sans qu'il s'en doutât, décidé de ce que serait sa profession. Il était à Paris en permission de quatre jours lorsqu'on lui offrit d'accompagner à Londres le ministre des Finances, M. Thierry, et le gouverneur de la Banque de France, M. Luquet, qui allaient solliciter un emprunt. Muni en quelques heures d'un passeport diplomatique signé du ministre des Affaires étrangères et d'un ordre de mission signé du ministre de la Guerre, il remplit pour la première fois les fonctions d'interprète de conférence en prenant le breakfast avec Lloyd George dans sa résidence de Park Lane. Début d'une carrière qui durera soixante ans.
Rappelé de l'armée pour servir d'interprète aux commissions d'armistice au début de 1919, il avait été tout naturellement de l'équipe d'une douzaine d'interprètes à la conférence des préliminaires de paix qui prépara le traité de Versailles. À la commission des réparations chargée de décider le montant des dommages exigés de l'Allemagne, la décision de la commission fixant cette dette porte sa seule signature.
Entre les deux guerres, il travaillera dans toutes les grandes organisations internationales : Société des Nations, Bureau international du travail, sociétés savantes, organisations professionnelles, conférences diplomatiques, Croix-Rouge, congrès de toutes sortes et à tous les niveaux. Il côtoie Clemenceau, Poincaré, Briand, Barthou, Winston Churchill, avant de devenir l'ami de Rolland et de Kazantzakis.
La Seconde Guerre mondiale n'était pas encore terminée quand, dans sa retraite provençale, il reçoit du ministère français des Affaires étrangères un télégramme lui fixant un rendez-vous là la gare Saint-Lazare. Arrivé à Paris, il apprend qu'une grande conférence va se réunir à San Francisco pour préparer une Organisation des Nations unies destinée à remplacer la Société des Nations. Il est de l'équipe de quatre interprètes qui en assure le service auprès de Georges Bidault. La langue française y est imposée à l'égal de l'anglais et du russe.
Jean Herbert devient le premier interprète en chef des Nations unies. Commençant avec trois collègues, il en forme rapidement d'autres, si bien que, au bout de deux ans, il a une équipe de quatre-vingts interprètes. Mais, président du comité du personnel, il se trouve en conflit permanent avec le secrétaire général, Trygve Lie. Tous deux seront soulagés lorsque Jean Herbert sera transféré à Genève. Il reste sept ans encore aux Nations unies, puis reprend sa liberté, et, comme interprète indépendant, continue de sillonner les cinq continents.
Auteur du Manuel de l'interprète, publié en six langues et utilisé dans toutes les universités du monde, président de l'Association internationale des interprètes de conférence, présidant pendant quinze ans les jurys d'examens des écoles d'interprètes aux universités de Paris et de Trieste, Jean Herbert se charge encore d'une autre tâche. Pour amener les écoles universitaires d'interprètes à s'entraider, il réussit, non sans peine, à les grouper en une conférence permanente, qui tient depuis lors des réunions annuelles. Non content de ce premier résultat, il obtient qu'elles créent et patronnent conjointement une collection de dictionnaires techniques multilingues, qui seront publiés sous sa direction aux éditions Elsevier (Amsterdam). C'est la première fois dans l'histoire que des universités de plusieurs pays différents, Allemagne, Italie, France, Suisse, États-Unis, s'engagent dans une telle collaboration (Cette collection, reprise par M. de Smedt, J. Mouttapa, comprend aujourd'hui plus de cent volumes, dont certains ont eu un succès suffisant pour être traduits en de nombreuses langues.)
Le chercheur de vérité
Mais ce ne sont point là les activités les plus importantes de Jean Herbert. De mère catholique et de père protestant, il avait été élevé dans le catholicisme. Après une première communion fervente, son enthousiasme était tombé. Peu d'années plus tard, il avait eu comme professeur de philosophie André Cresson, alors le représentant de l’école positiviste d'Auguste Comte, qui exerça sur lui une forte influence et lui « apprit à raisonner », ce pour quoi il lui est resté toute sa vie reconnaissant.
Cependant, les préoccupations spirituelles et religieuses n'avaient pas tardé à refaire surface. Pendant quelques années, sous la direction de Mme Guetty, il s'était plongé dans la « science chrétienne », y avait exercé comme praticien. Il y trouvait du christianisme une vision plus profonde et plus spirituelle que celle qu'il avait trouvée dans le catéchisme. Mais il y trouvait aussi le même complexe irritant de supériorité envers toutes les autres conceptions religieuses.
Un voyage en Turquie lui est, en 1925, une première révélation de l'Orient à travers l'islâm. Il se met ensuite à étudier le bouddhisme. En 1934, une conférence internationale au Mexique lui fournit l'occasion de faire une tournée dans les principaux pays bouddhistes : Japon, Chine, Indochine, Ceylan, Birmanie. Il est profondément déçu d'y découvrir la même intolérance qui l'avait choqué chez les chrétiens. Mais ce voyage est pour lui décisif. C'est qu'en cours de route il fait escale en Inde. Dès l'abord, ce pays le surprend, l'intéresse d'autant plus qu'il a lu et apprécié les ouvrages que Romain Rolland a consacrés à quelques-unes de ses personnalités spirituelles.
Sans qu'il l'ait cherché, un concours de circonstances l'amène à Pondichéry, dans l'ashram de Shri Aurobindo. Et c'est le coup de foudre. Il rencontre enfin un maître qui allie à une stricte rationalité une étonnante vision métaphysique applicable au quotidien, tout en respectant les autres conceptions. Jean Herbert a trouvé son centre de gravité. Aurobindo non seulement l'accepte comme disciple, et plus tard lui confère l'initiation, mais il le charge de traduire ses oeuvres en français et de les faire publier. Tel est le yoga personnel qui lui est donné, et que le disciple nomme, non sans humour, « le yoga de la machine à écrire ».
De retour à Paris, Jean Herbert rend compte de ce premier séjour à Romain Rolland, qui lui demande d'approfondir l'œuvre amorcée par lui sur la spiritualité hindoue, c'est-à-dire de faire connaître à l'Occident non seulement Aurobindo, mais aussi Râmakrishna, Vivekananda et les autres guru traditionnels et authentiques de l'Inde moderne. Là est le point de départ de son oeuvre, facilitée par les nombreux séjours qu'il fait ensuite dans l'Inde – une douzaine, soit un total de trois années –, pendant lesquels Shri Aurobindo lui conseillera d'aller aussi s'asseoir aux pieds des autres sages. C'est ainsi qu'il séjournera à diverses reprises auprès de Ramana Maharshi, Swami Ramdas, Ma Ananda Moyi, Swami Sivananda, et connaîtra Gandhi, Rabindranath Tagore, bien d'autres dont il traduira plusieurs oeuvres.
L'orientaliste
Jean Herbert se heurte d'abord à une totale incompréhension, tant chez les éditeurs que chez les universitaires, qui revendiquaient alors une véritable exclusivité pour tout ce qui concernait l'hindouisme. Pendant près de dix ans, il doit s'endetter pour publier à ses frais des livres qu'il colporte ensuite chez les libraires. En 1944 cependant, un article qu'il publie aux Cahiers du Sud, dirigés par Jean Balard, attire l'attention d'André Sabatier, directeur littéraire des éditions Albin Michel, qui lui demande d'écrire un livre sur l'hindouisme. Jean Herbert y met comme condition que cet éditeur publiera aussi les oeuvres des grands sages hindous. André Sabatier accepte, et c'est le début de la collection « Spiritualités vivantes ». Il convient ici de rendre hommage à Paul Masson-Oursel, le premier universitaire français à comprendre l'importance de ce travail, et qui accepta d'y associer son nom.
Jean Herbert, qui s'est surtout intéressé aux enseignements qu'on peut tirer de la mythologie hindoue, jusqu'ici presque totalement inconnue (ou incomprise), fait cependant une incursion dans le shintô, sur la demande d'un ami japonais, frappé par l'influence qu'exerce sur les Occidentaux l'arrivée des enseignements spirituels hindous. Jean Herbert consacre cinq années à l'analyse du shintoïsme et publie sur ce sujet cinq volumes, la première étude sérieuse jamais faite dans ce domaine.
Le succès obtenu par les livres sur l'hindouisme et le shintô le conduit à inclure dans sa collection des ouvrages émanant des plus hautes autorités de l'ésotérisme musulman, des diverses écoles bouddhistes et du taoïsme. Il n'est pas exagéré de dire aujourd'hui que ces ouvrages ont véritablement révolutionné l'attitude de l'Occident envers la spiritualité, jusqu'alors insoupçonnée, des autres religions.
Le chêne rouvre
Stature impressionnante d'un grand intellectuel que tout amusait. Œuvre puissante, produit d'une rare capacité de travail, à laquelle trois compagnes ont apporté leur contribution successive. Il y a chez Jean Herbert l'assise, la force obstinée du chêne rouvre. C'est qu'il a sans doute l'art de ne pas se disperser dans l'instant. Ne travaillait-il pas à ses textes dans les cabines d'interprètes, durant les demi-heures de battement entre les séances de travail ?
Je le retrouve dans son chalet de Vandœuvres – il m'y recevra plusieurs jours – tapissé de livres, au milieu des sapins. Confort anglais; atmosphère d'étude. Comme tous les êtres vraiment vivants, un être contradictoire : moustaches mode 1930, longs cheveux d'artiste shivaïte fumant pipe ou cigare avec délectation, mais capable de s'arrêter de fumer dès qu'il l'a décidé. De surcroît, fin gourmet et tout aussi susceptible d'absorber les plats les moins ragoûtants. Homme d'un hier prophétique, s'intéressant aux mouvements politiques du monde à travers les cours de la Bourse; d'une générosité naturelle, mais raisonnée; ayant élu domicile dans les hautes sphères de l'Esprit; ne se départant jamais du bon sens, qu'il tient pour une expression privilégiée de la sagesse ; pouvant être attentif et tendre, ou dur en amitié, s'il sait qu'il aidera mieux ainsi; grave et sérieux, ses petits yeux pointus, propres à dénuder les textes et les êtres, riant du spectacle des hommes et des choses, avec, dans ce rire, ce grand rire, une grande indulgence. (Shri Aurobindo ne l'avait-il pas surnommé Vishvabhandou, « l'Ami de tous » ?)
On parlerait longtemps de son éclectisme – tout apparent. Ayant expliqué l'hindouisme à un sage soufi qui le lui demandait, l'autre lui dit : «Et vous croyez vraiment à tout cela? – Oui », dit-il. Le sage répliqua : « Alors, vous êtes un vrai musulman ! »
Il ne chante pas très juste, se montre insensible à la poésie et à l'art contemporain, aimerait presque les histoires paillardes. Mais il est pesant des responsabilités humaines que ceux qu'il côtoie lui font toujours porter. Sa qualité la plus marquante me semble être celle de l'adaptation à tous les lieux et circonstances : il jeûne, s'il n'y a rien à manger; s'il n'y a pas de chaise, s'assied par terre. Dans sa forêt des Maures, il ne trouvait pour toute nourriture que des lactaires, champignons d'un goût médiocre, mais qu'il juge encore « délicieux »... Enfin, un de ces êtres avec lesquels on se sent bien, parce qu'ils possèdent au plus haut point la chose la plus mal partagée, cette faculté princesse qui a nom intelligence. Esprit d'organisation et de synthèse, rapidité d'élaboration, possibilité d'aller droit au cœur d'un problème, rigueur de la pensée, souci du mot juste, ouverture, respect attentif lui faisant toujours admettre la diversité des points de vue.
Des entretiens que j'ai eus avec Jean Herbert, on lira ici des fragments qui résument sa pensée, sans qu'on ait à se perdre dans les sinuosités de l'érudition. Il y manque sa voix modulée et chaude, ses mains, dont il sait jouer. Ce ne sont point là les moindres charmes de sa personne.
J. B.
JEAN BIÈS : Vous êtes assurément l'homme qui était destiné à livrer à l'Occident le trousseau de clés qui lui manquait, ou qu'il avait perdu, pour sortir d'une prison devenue à beaucoup intolérable. L'enseignement des grands sages de l'Inde contemporaine, comme celui de l'ésotérisme soufi, du bouddhisme zen, du shintô constituent une partie appréciable de ces clés. Vous avez vécu auprès de Gandhi, de Ramana Maharshi, de Shri Aurobindo, votre guru ; vous vous êtes entretenu avec le dalaï-lama. Vous avez fait venir en France Swami Siddheswarananda, et reçu Swami Ramdas. Pourtant, votre métier d'interprète dans les grandes réunions internationales ne semblait en rien vous prédisposer à une carrière d'orientaliste...
JEAN HERBERT : C'est cependant l'interprétariat qui m'a donné la faculté de me tourner vers l'orientalisme. La discipline de l'interprète consiste à comprendre un individu et à traduire sa pensée le plus honnêtement possible; celle de l'orientaliste, à comprendre et à faire comprendre un groupe d'individus. L'interprète doit s'incarner dans l'orateur et renoncer à sa propre personnalité pour exprimer et devenir l'autre. C'est exactement la même technique que j'ai employée dans mes recherches sur l'Orient, en abdiquant ma personnalité et en rendant le plus claires possible les religions orientales.
J.B. : Quel a été votre but, en fondant la collection «Spiritualités vivantes» chez Albin Michel ?
J.H. : Ouvrir l'esprit des Occidentaux aux philosophies orientales. Au début du siècle, les élites spirituelles d'Orient et d'Occident s'ignoraient totalement, ou même se méprisaient dans la mesure où elles soupçonnaient l'existence l'une de l'autre. À peine si les chrétiens parlaient avec condescendance des « mystiques naturelles ». J'ai pensé, encouragé en cela par Romain Rolland, qu'il était utile et urgent de combler un tel vide.
J.B. : N'était-ce pas amorcer un changement de conscience chez certains Occidentaux, et répondre au vœu de René Guénon souhaitant la rencontre de ces élites ?
J.H. : Sans aucun doute. René Guénon a été un grand pionnier à qui nous devons beaucoup. Il a été le premier Occidental à se plonger véritablement dans une mystique orientale, pour en retirer les fruits dans la pratique.
J.B. : Ce travail ne se fit pas sans difficultés. Quoique vous ayez professé à l'université de Genève, en qualité de privas décent, l'enseignement officiel ne vous a jamais soutenu.
J.H. : Cela a changé depuis. Mais je me suis heurté, au début, à une opposition considérable. Les orientalistes ne concevaient pas qu'on aille se renseigner sur l'hindouisme auprès des hindous !... Ils estimaient en savoir beaucoup plus que les tenants des religions étudiées; ils ne les prenaient même pas au sérieux... Lorsque j'ai envoyé un exemplaire des Commentaires par Shrî Aurobindo de la Bhagavad Gîta, à un célèbre professeur qui enseignait l'indianisme au Collège de France, il me répondit en me remerciant : «Je ne comprends pas l'intérêt que vous portez à ce commentateur indigène... » Quant aux éditeurs de l'époque – et je les ai tous essayés les uns après les autres –, ils considéraient comme invendables des livres dont les noms d'auteurs étaient imprononçables !...
J.B. : Avant d'en venir à l'Inde, j'aimerais vous demander ce que l'Orient, en général, vous a apporté. Qu'en est-il du bouddhisme ?
J.H. : Devant tant d'anathèmes et de scissions, je ne sais vraiment plus ce qu'il est. Il existe en fait plusieurs bouddhismes, plus encore que de confessions chrétiennes : tibétain, birman, chinois, cinghalais, japonais. Ses aspects sont très intéressants, mais très différents. Leur seul point commun est de découvrir en soi, à l'aide de certaines méthodes, la nature de Bouddha. Mais je dois dire que j'ai trouvé dans les ouvrages du professeur Suzuki sur le zen une extraordinaire source d'enrichissement... Je suis, comme vous le savez, à l'origine de l'introduction du bouddhisme zen en Occident, et si je ne l'ai pas pratiqué moi-même, à la différence d'autres voies, je sais qu'il fait beaucoup de bien à ceux qui s'y sont engagés. L'immobilité, le silence, surtout dans un monde agité comme le nôtre, ne peuvent que procurer ce bien-être; à plus forte raison, s'ils sont assortis de diverses techniques.
J.B. : Et le shintô?
J.H. : Plus qu'une religion, le shintô est une conception de la vie fondée en particulier sur le culte des ancêtres et le sens de l'honneur. Il imprègne de sa noblesse tout un peuple, même si, pour beaucoup de Japonais, ses enseignements sont si évidents qu'il est inutile de les expliquer. Comme le christianisme continue d'imprégner même les agnostiques de chez nous. Mais il ne peut être pratiqué que par les Japonais, en tant que descendants des dieux primordiaux du Japon... Du shintô j'ai tiré un grand principe : «Ici et maintenant. »
J.B. : Quelle est selon vous, et d'une façon toute générale, la meilleure clé que nous a léguée l'Orient, celle qui peut le mieux nous aider à comprendre ?
J.H. : La clé de la continuité. Tandis qu'en Occident, nos recherches scientifiques nous conduisent à des fragmentations, des subdivisions, des oppositions croissantes, l'Orient nous apprend la continuité de toutes choses, l'enchaînement ininterrompu des événements; la continuité entre l'homme et la nature, entre les différents règnes, entre l'homme et Dieu, entre les différentes espèces d'hommes; la continuité entre les plans matériels et subtils; la continuité de l'espace et celle du temps; un immense ensemble où tout se coordonne et s'harmonise.
J.B. : La tradition hindoue reste celle qui vous a le plus marqué. Mais il est une double objection que l'on entend souvent de la bouche même me de ceux qui admettent la valeur de sa « spiritualité », et qui peut se résumer en ces termes : comment admettre l'immense misère de l'Inde, et comment le pays de la non-violence a-t-il pu se doter de l'arme atomique?
J.H. : Ce sont deux questions différentes. Puisque les hindous ont toujours consacré une grande partie de leur énergie aux disciplines spirituelles de leur religion, il leur en est resté beaucoup moins pour se consacrer à l'amélioration de leur sort matériel. Il en aurait été de même pour les chrétiens s'ils s'étaient consacrés à appliquer les enseignements de l'Évangile. Quant à la bombe atomique, Gandhi a dû se retourner dans sa tombe, si j'ose dire. Elle est le résultat naturel de la politique nationaliste et impérialiste suivie par les gouvernements du Pandit Nehru et de sa fille.
J.B. : Autre objection. En admettant que la première moitié de ce siècle ait offert une magnifique floraison de sages, en est-il de même aujourd'hui ? Et peut-on envisager s'engager sans guru dans une voie ?
J.H. : Je rappelle à ce propos la parole de Ma Ananda Moyi : « Tous les hommes, toutes les choses de ce monde sont mon guru. » Cela rejoint la notion d’uppaguru, des maîtres temporaires et secondaires, inconscients de leur rôle – humains, animaux, événements –, qui, par leur parole ou leur comportement, peuvent nous enseigner quelque chose, à tel moment du chemin.
J.B. : Mais cela exclut toute initiation... Qu'est-ce, d'abord, que l'initiation?
J.H. : L'idée que je m'en fais réside en ceci : premièrement, le maître indique au disciple la voie à suivre; deuxièmement, il lui inspire le désir de s'y engager; troisièmement, il lui donne la force et les conditions pour continuer. Le rite lui-même s'accompagne de la transmission d'une formule et d'une force spirituelle. Mais mieux vaut répéter un mantra avec ferveur et constance sans avoir été initié, qu'avoir été initié à un mantra et l'oublier.
J.B. : Je voudrais vous demander quelle est la vision du monde que l'Orient, l'Inde en particulier, vous a donnée, ainsi que l'attitude de vie qu'elle vous a inspirée.
J.H.: L'Orient m'a beaucoup apporté, m'a ouvert l'esprit, tout en me rattachant à mes propres racines, en en éliminant ce qui me choquait, à commencer parle complexe de supériorité, tout à fait injustifié, des Occidentaux. Ceux-ci s'imaginent que ce qui est vrai dans leur pays sur les plans moral, social, religieux, etc., doit l'être pour tout le reste de l'humanité. Il m'a enseigné à respecter toujours l'opinion d'autrui, à ne jamais vouloir lui imposer ma façon de voir. Tout être a quelque chose à nous apprendre... Le bon sens aussi, auquel ne cessent de se référer les Orientaux... Je crois aujourd'hui davantage à la continuité sous différentes formes qu'aux étiquetages, oppositions, exclusives. Dans le déroulement du jeu divin, il n'y a rien de vraiment et de définitivement tranché. Où se trouve la frontière entre le normal et l'anormal, l'énergie et la matière, la vie et la mort, le bien et le mal ?... Deva et asura, dieux et démons, sont simultanés. Les dieux triomphent des démons, mais perpétuellement, jamais définitivement. Sans cette lutte, rien ne pourrait exister en dehors comme au-dedans de nous. Toutes les dualités ou pluralités se résolvent en une unité supérieure où chacune se situe à sa place, sans aucune possibilité de conflit.
J.B. : On pourrait de même demander : sans Judas, que devient le christianisme ?, ou affirmer : sans Kali-yuga, point de Satya-yuga À ce propos, qu'en est-il des dates finales de l'« Age sombre » ?
J.H. : Nul n'en sait rien... Mais c'est insensiblement que l'on passe d'une mer chaude à une mer froide, et inversement.
J.B. : Il est cependant incontestable qu'il y a dans l'humanité actuelle un terrible instinct suicidaire.
J.H. : Nous sommes évidemment dans une période de l'histoire où les forces du mal prennent des proportions de plus en plus affolantes. Il est fantastique, d'autre part, de voir la quantité d'énergie que cette humanité gaspille à regretter le passé et à craindre l'avenir. Pour l'Inde, tout est voulu par Dieu. Swami Ramdas disait que si, dans un naufrage, tout le monde périt, sauf moi, c'est la volonté de la Providence, mais que si tout le monde est sauvé, sauf moi, c'est aussi la volonté de la Providence. Il faudra, ou bien que l'humanité disparaisse, ou bien que l'on fasse un rétablissement spectaculaire. Mais c'est précisément lorsqu'on touche le fond qu'on peut le mieux rebondir... Shri Aurobindo n'est pas du tout catégorique sur ce que nous, hommes, deviendrons. Dans la Vie divine, il écrit que la possibilité est offerte à l'homme d'évoluer au-delà de ce qu'il est actuellement, mais qu'il est également possible que l'homme ne soit pas l'instrument divin, qu'il y ait une limite prédéterminée à sa puissance progressive, et que, de même qu'il a détrôné les autres espèces terrestres, un autre être le remplace... A côté de l'effort auquel nous sommes conviés, les questions de datation du Kali-yuga ont peu d'importance.
J.B. : Je suppose qu'une des autres grandes leçons de l'Inde a été pour vous la tolérance.
J.H. : Cette tolérance qui exige de tolérer même l'intolérance !... Mais je préfère dire le respect. C'est le respect qui, en Orient, m'a ouvert toutes les portes. Il est regrettable que, chez nous, toute « Église » veuille convaincre de sa vérité comme étant la seule digne d'être imposée. L'autre agit différemment de moi, mais il agit selon le rôle qui lui a été confié. Vous devez le respecter autant qu'il doit vous respecter.
J.B. : Cela nous conduit à la question des darshana, des «points de vue».
J.H. : Ce sont des explications différentes, non contradictoires, d'un même phénomène, d'une même vérité... Photographiez une forêt, un arbre, une coupe histologique de l'arbre, un atome du tissu ligneux, vous photographierez toujours la même chose. Il n'y a vraiment pas de quoi se quereller – ce qu'ont oublié chrétiens, musulmans et bouddhistes !... J'ai vu, un jour, au bord du Gange, une femme vêtue de haillons, qui déchirait à longueur de temps du papier en petits morceaux. Du point de vue de la science moderne, cette femme eût passé pour folle. Mais le vieux Swami, docteur en philosophie, qui m'accompagnait, me déclara très sérieusement : « C'est une grande Incarnation !... »
J.B. : Les mythes et les rites... Ces deux notions reviennent souvent dans vos livres. Que pouvez-vous nous en dire encore ?...
J.H.: J'ai acquis la conviction que la mythologie est le fondement même me de l'hindouisme, et que les textes qui ont suivi sont déjà des exégèses, des mentalisations. Tous les mythes relatant les étapes du passage de l'Absolu à la différenciation, les modes de manifestation des guna, les divers avatara de Vishnu, les shaki symbolisant la puissance de manifestation des dieux, sont d'une importance capitale.
J.B. : Quelle définition donneriez-vous du mythe ?
J.H. : Le mythe relate une interaction entre des forces déterminées, susceptibles de se dérouler à plusieurs niveaux : métaphysique, cosmique, psychologique, yogique.
J.B. : Vous avez vous-même proposé dans Le Yoga de l'amour une très suggestive interprétation du mythe de Krishna, en étudiant successivement la lutte contre les obstacles à l'union avec le Divin, la description de l'état d'union, et le comportement, dans la vie quotidienne, de celui qui est parvenu à l'union.
J.H. : Cette étude m'a occupé une vingtaine d'années.
J.B. : Et a trouvé l'assentiment des meilleurs pandits de l'Inde... On assiste, au contraire, dans le christianisme actuel, à un effort acharné de démythification tendant à vider les mythes de l'Ancien Testament de leur valeur spirituelle, et à ravaler le Nouveau à un manuel de morale sociale.
J.H. : En effet. Alors qu'il existe dans la Bible des mythes fort intéressants – je pense en particulier au Livre de Daniel –, et que chaque mythe contient des étages de significations qu'il faudrait déchiffrer minutieusement.
J.B. : Ne doit-on pas déplorer en même temps la dégénérescence des rites en Occident ?
J.H. : Le ritualisme est, lui aussi, très important. Il constitue une aide considérable, nullement méprisable, sans rapport avec les superstitions. Pour l'hindou, il n'est pas de pensée, d'acte, d'événement, au cours de sa journée et de sa vie, qui ne s'accompagne de rites plus ou moins compliqués. Chaque ensemble de rites se rattache à une variété de yoga, est d'une efficacité éprouvée, consacrée. Pour ne prendre qu'un exemple, tous les hindous savent que le japa, la répétition du nom d'un dieu de son choix, permet d'assimiler les qualités du dieu ainsi évoqué.
J.B. : Le christianisme oriental a gardé ce sens ritualiste. Au japa correspond la « prière du cœur ». Mais, en Occident, les rites ont été de plus en plus incompris et simplifiés.
J.H. : Je dirais qu'il y a sûrement beaucoup trop de dogmes et pas assez de rites.
J.B. : Ces dogmes qui étouffent, alors qu'il « existe, disait Vivekananda, autant de religions que d'individus ».
J.H. : Certainement... Le dogme entretient la hantise de l'hérésie. Dans le christianisme occidental, dès qu'un grand mystique apparaît, on craint pour lui et pour tous qu'il verse dans l'hérésie; on le chambre, on le cache. En Orient, quand un sage apparaît, on se précipite pour recevoir son enseignement.
J.B. : Les chrétiens ont coutume de considérer le monothéisme comme supérieur au polythéisme, et d'opposer le Christ, Fils unique de Dieu, aux Avatara mythologiques de l'Inde.
J.H. : Toutes les religions sont à la fois monothéistes et polythéistes. Chacun choisit l'aspect du Dieu unique qui lui convient le mieux. Le Dieu du «Notre Père », le Sacré-Cœur de Jésus, l'Enfant dans la crèche, le Christ en croix, le Ressuscité sont cinq manifestations différentes du même Dieu. Les quatre-vingt-dix-neuf noms d'Allâh présentent au musulman plusieurs aspects de son Dieu. Il en est de même chez les hindous, où Dieu apparaît comme père, mère, enfant, ami, amant, etc.
J.B.: L'hindouisme considère de toute façon le christianisme comme une des grandes traditions de l'humanité.
J.H. : Oui, mais le Christ lui-même n'a jamais déclaré qu'il était l'unique Fils de Dieu. Ce sont les théologiens qui sont venus ensuite tout brouiller avec des mots et des concepts, ont bâti des théologies, scindé les choses, suscité des conflits.
J.B. : Une autre pierre d'achoppement est le problème de la transmigration. Dans quelle mesure cette dernière est-elle littérale, et de quelle façon, symbolique ?
J.H. : Si elle est admise sans réserve comme évidente chez tous les hindous (comme pour les chrétiens, l'existence de l'âme), elle est comprise et expliquée dans l'Inde à beaucoup de niveaux différents. D'ailleurs, le Christ, s'il n'a pas parlé de transmigration, n'a jamais dit non plus qu'elle n'existait pas. Elle est en tout cas une excellente hypothèse de travail. Ramakrishna disait : «Les vies successives existent, mais elles ne sont pas ce que vous croyez... »
J.B. : Beaucoup s'étonnent que vous ne vous soyez pas converti à l'hindouisme, sans penser qu'il faut y être né, et que l'hindouisme est moins une religion qu'une philosophie.
J.H. : L'hindouisme, à ce titre, ne fait aucun prosélytisme; il s'applique à rendre chacun meilleur dans sa propre voie. Il a pu contribuer à faire de moi un meilleur chrétien. Les hindous assurent que la voie du Christ se suffit à elle-même. Comme Gandhi, j'estime d'ailleurs dangereux, sauf exceptions, de se « convertir » à une autre religion. On ne peut faire abstraction de son atavisme psychique et culturel. Je n'ai, pour ma part, jamais cessé d'être chrétien.
J.B. : Tagore a bien rappelé aux chrétiens qu'avec les Béatitudes et la prière de saint François d'Assise ils n'avaient même rien à envier à l'Orient. Swami Siddheswarananda ajoutait saint Jean de la Croix.
J.H. : Il est légitime de comparer sans honte la richesse de nos traditions à celle de l'Orient. Renoncer à ces trésors serait une perte indéniable. L'Orient n'est pas là pour les détruire mais pour les raviver. Ce que les spiritualités orientales nous permettent, c'est d'approfondir la religion dans laquelle nous sommes nés. Elles offrent en outre des techniques qui, à ma connaissance, n'existent pas dans le christianisme, et qu'il est tout à fait possible de leur emprunter; ce que fait d'ailleurs l'Église catholique.
J.B. : Puisque les yogas ne sont liés à aucune confession particulière, quelle sorte de yoga préconiseriez-vous aux Occidentaux ?
J.H. : Pour répondre à cette question, il convient d'abord de savoir la nature des Occidentaux. Parce qu'ils sont « physiques » et « vitaux », le hatha-yoga peut grandement les aider, à condition d'être dirigés par un maître parfaitement compétent, et de procéder à des ajustements. Les attitudes du hatha-yoga facilitent la circulation et la respiration, dégagent les courants nerveux, décongestionnent les centres psychiques, transforment profondément l'être anatomique, physiologique et psychologique. Mais parce que les Occidentaux sont aussi hypermentalisés, je leur conseillerais parallèlement de satisfaire leur curiosité intellectuelle en se plongeant dans l'étude du jnana-yoga, qui leur offrira un système métaphysique cohérent et répondra à leurs questions. Ce sera une bonne opération de nettoyage mental... Et enfin, parce que les Occidentaux sont aussi des actifs et des affectifs, j'ajouterais un mélange de karma et de bhakti-yoga : l'un pour satisfaire à leur besoin de faire du bien à autrui, mais en restant détachés des «fruits de l'action », l'autre, à leurs aspirations religieuses. La nature de chacun détermine évidemment les choix et les dosages. Mais le karma-yoga concerne plus particulièrement les Occidentaux en leur rappelant que l'homme a droit à l'action, mais pas à ses conséquences, bonnes ou mauvaises.
J.B. : Christianisme et yogas, inspirés de maîtres authentiques... Mais n'y a-t-il pas, aujourd'hui, avec le déferlement des sectes de tout genre, un grave danger pour les gens non avertis, non formés, les jeunes en particulier; et cette pseudo-spiritualité n'est-elle pas en fait l'arme la plus subtile de la subversion, ce que d'aucuns appellent la « contre-initiation »?
J.H. : Il faut reconnaître que quelques sectes font du bien à certains de ceux qui s'y sont rattachés. Penser à autre chose qu'à la matière, observer des moments de silence, avoir un idéal spirituel est toujours bénéfique. Mais beaucoup de ces sectes font aussi du mal en engageant des gens sur des voies extrêmement dangereuses. Il ne faut pas s'y rallier en renonçant au bon sens et à la discrimination.
J.B. : Comment distinguer un maître authentique d'un faux maître?
J.H. : La lecture des vrais maîtres y aide déjà beaucoup. Il faut ensuite observer, apprécier à sa valeur le maître rencontré. Le vrai maître ne cherche jamais d'argent, n'exerce aucun « pouvoir », ne cherche pas à attirer les disciples.
J.B. : L'Inde se heurte à d'énormes problèmes socio-économiques, le Japon a opté pour le matérialisme producteur et consommateur, la Chine est toujours à l'heure du communisme. De son côté, l'Occident se débat dans une crise financière, morale, intellectuelle et spirituelle qui paraît à certains le signe de sa fin. Peut-on croire, après cela, à une Sainte Alliance de l'Orient et de l'Occident?
J.H. : Je crois que l'Occident peut recouvrer un peu de l'équilibre qu'il a perdu en s'inspirant de l'Orient. Et que l'Orient, sans pour autant renoncer à ses richesses spirituelles, peut améliorer son sort en adoptant certaines des découvertes et des inventions de la science et de la technique occidentales... L'Inde a encore sûrement beaucoup de ressources cachées. On n'imagine pas combien elle reste un pays secret... Ce n'est qu'au terme de mon quatrième séjour chez des amis de Bénarès qu'on me fit visiter un temple souterrain dans cette ville, dont on ne m'avait jamais parlé jusque-là !
J.B. : Et il s'y passe encore d'étranges choses... Je ne sais quel crédit vous accordez à l'anecdote suivant laquelle Ma Ananda Moyi alluma le feu sur les autels brahmaniques en prononçant le nom d'Agni 2... Puis-je vous demander si vous avez été vous-même témoin de faits de ce genre ?
J.H. : Personnellement, je n'ai jamais cherché à voir de tels phénomènes, même lorsque se présentaient des occasions valables. Ce qui est sûr, c'est qu'en Inde la limite entre le possible et l'impossible n'est pas la même que chez nous. Il s'y passe quantité de choses que la science occidentale, à son stade actuel d'évolution, n'est pas à même d'expliquer. Je suppose qu'un jour elle le fera, et que nous ne qualifierons plus de miracles ce qu'aujourd'hui nous ne comprenons pas. Il y a moins d'un siècle, la télévision aurait été pour la science occidentale un miracle.
J.B. : Cela m'amène aux maîtres spirituels dont vous avez traduit les enseignements... Gandhi, qui reste le plus connu, en Occident, des grands hindous modernes, en fait-il partie ?
J.H. : Gandhi a toujours refusé d'être considéré comme un maître spirituel. Je l'ai personnellement connu, et je l'admire, naturellement; mais il est, avant tout, un moraliste rigoureux. Il mêlait la morale et la politique; il agissait, mais en abandonnant les conséquences à Dieu, C'est-à-dire qu'il pratiquait le karma-yoga. Ce qui ne pouvait qu'entraîner un dialogue de sourds avec les Anglais.
J.B. : D'un genre tout différent était Râmakrishna, puisqu'il est considéré comme un Avatara. En quels termes pourrait-on définir cette figure et son rôle ?
J.H. : De son enseignement, on a surtout retenu : « Toutes les religions mènent à Dieu », ce qui est une affirmation classique dans les textes sacrés hindous. Mais il en a apporté une confirmation pratique par son expérience personnelle.
J.B. : J'aimerais vous demander encore ce qui vous a le plus frappé chez les sages hindous.
J.H. : Essentiellement trois choses. D'abord, leur regard, tout différent de celui des autres hommes. On a établi la même différence entre le regard humain et le regard bovin. Certains de ces regards vous transfigurent... Ensuite, la connaissance directe qu'ils ont de l'ensemble de ce qui existe. Ils ne sont pas omniscients, ni érudits; ils peuvent même ignorer beaucoup de choses. Mais expliquez-leur une chose qu'ils ignorent, ils la situeront dans la totalité, vous expliqueront son origine, son développement, ses aboutissants. Cela est très impressionnant... Et enfin, leur joie de vivre. Non pas une joie bruyante, mais intérieure. D'où le rayonnement extraordinaire de ces êtres, même immobiles et semblant ne rien faire, ne pas s'occuper de ceux qui sont autour d'eux. Ainsi Ramana Maharshi, qui résolvait les questions avant qu'on les lui pose.
J.B. : Cette joie n'était-elle pas aussi celle de Swami Ramdas'?
J.H. : Swami Ramdas était le « petit enfant» de l'Évangile, par son rire, sa gentillesse, sa simplicité. Mais quand on lui posait une question ardue de métaphysique, il y répondait, comme un petit enfant, et d'une façon définitive !
J.B. : De tous les messages de l'Inde contemporaine, celui de Shri Aurobindo est de beaucoup le plus important pour vous.
J.H. : J'ai découvert l'âshram de Shri Aurobindo en 1934. Je n'avais jusqu'alors même pas entendu son nom. Or, j'ai découvert en lui un homme qui m'a passionné et dont les oeuvres m'ont aussitôt paru d'une importance capitale.
J.B. : N'avez-vous pas été tenté de demeurer près de lui, à Pondichéry ?
J.H. : Si !... Mais Shri Aurobindo me dit que ma place était en Europe. Il voulait que je fasse connaître au public francophone son message et celui des maîtres orientaux. Et aujourd'hui, son nom se répand énormément parmi les jeunes, les éducateurs, les psychologues, dans toutes sortes de milieux.
J.B. : N'a-t-on pas reproché aux traductions de ses textes de comporter des inexactitudes ? Correspondent-elles parfaitement à ce qu'a écrit Shri Aurobindo ?
J.H. : Toutes les traductions françaises faites du vivant de Shri Aurobindo lui ont été soumises et ont été approuvées par lui personnellement. Celles faites plus tard ont été soumises à ses disciples les plus proches et approuvées par eux. Dans un cas comme dans l'autre, les rares corrections proposées ont toutes été incorporées, sous réserve, parfois, de corrections grammaticales.
J.B. : On a comparé, sans exagération, Shri Aurobindo à Platon. Qu'est-ce qui vous a le plus frappé dans sa pensée ?
J.H. : Il avait une vaste culture occidentale, savait le latin et le grec, l'anglais, le français, l'allemand; il lisait de nombreuses revues scientifiques, mais il savait aussi le sanskrit et connaissait parfaitement les Écritures de l'Inde. Cela donna lieu non à un œcuménisme quelconque, mais à une puissante synthèse de tout ce qui l'avait précédé aux niveaux scientifique, religieux et métaphysique. Shri Aurobindo est arrivé à la conclusion qu'à partir de la base actuelle il était possible et même inévitable que la vie sur la terre continue d'évoluer. Il n'y a pour lui aucune raison de penser que l'évolution, à partir de la matière, de la vie et du mental, soit terminée; l'homme n'en est pas le point final. Aurobindo annonce la descente sur terre d'un plan « supramental,», dont il estime que le moment est proche.
J.B. : La fin du cycle actuel est marquée par l'apparition du Kalkinavatâra, représenté sous la forme d'un cheval blanc. (C'est aussi sur un cheval blanc que doit venir le Christ du second Avènement.) Ne peut-on pas penser qu'il correspondrait à l'apparition d'un nouveau plan de conscience, celui-là même qu'Aurobindo nomme le supramental?
J.H.: On peut le penser, en effet.
J.B. : Auroville vous apparaît-elle comme un tremplin d'où s'élancera une nouvelle humanité ?
J.H. : Je n'ai personnellement jamais vu en quoi cela pouvait avoir un rapport quelconque avec l'enseignement de Shri Aurobindo. Il n'en est nulle part question dans son euvre.
J.B. : Quelle est la véritable raison qui vous a fait rester fidèle à' Aurobindo ?
J.H. : C'est que, lorsque je lui ai demandé : « Vous estimez-vous le révélateur de la Vérité ultime? », Aurobindo s'est mis à rire et m'a répondu : « D'autres viendront après moi, qui iront plus loin que moi!..»
J.B. : Une dernière question, toute personnelle. Avez-vous un secret, Jean Herbert – yogique ou autre –, ou du moins des habitudes de vie vous permettant, né en 1897, d'avoir les allures, l'esprit et les capacités de travail d'un homme de soixante ans ? Est-ce seulement question de nature, de destin ?
J.H. : Aucun secret. Mais j'ai l'impression que Shri Aurobindo, en me donnant l'initiation, m'a donné toute la force dont j'aurai besoin, et aussi longtemps que nécessaire, pour m'acquitter du travail dont il m'avait chargé.
Source de cette transcription: http://sriaurobindodisciples.blogspot.fr/2009/12/qui-etait-jean-herbert.html
Jean Varenne : Questions à Jean Herbert l’introducteur en France de l’hindouisme http://www.revue3emillenaire.com/blog/questions-a-jean-herbert-lintroducteur-en-france-de-lhindouisme-par-jean-varenne/
Raymond Zeller: En mémoire de Josette Herbert-Perelli : http://www.lextension.com/index.php?page=theme&idActu=18676&theme=Pr%E9sentation
Marc de Smets (Nouvelles Clés): entrevue avec Jean Herbert (1897-1980)
L'Orient de l'âme
Un entretien de Marc de Smets avec le philosophe orientaliste Jean Herbert, fondateur de la collection Spiritualités vivantes, chez Albin Michel.
Source: http://www.cles.com/debats-entretiens/article/l-orient-de-l-ame
Jean Herbert (1897-1980), imposant personnage aux multiples vies, orientaliste, fondateur des collections "Spiritualités vivantes" chez Albin Michel, interprète de conférences internationales (O.N.U), directeur de collections de dictionnaires techniques, toutes ces vies orientées dans un seul but : aider les gens à se comprendre, plus encore à se respecter mutuellement. Remercions Josette Herbert qui nous a remis ce montage d'entretiens effectués peu avant sa mort..
Nouvelles Clés : Jean Herbert, par quoi avez- vous commencé : par l'élude des spiritualités orientales ou par l'interprétation ?
Jean Herbert : Par la guerre (celle de 1914-18).
J'étais alors un très jeune officier de liaison et conseiller technique auprès de l'artillerie américaine parce que je savais l'anglais grâce à mon père qui l'a enseigné à l'Ecole des Sciences Politiques à Paris pendant 60 ans. Il était tout naturel qu'un tel exemple me conduise à préparer une licence d'anglais. C'est à l'occasion d'une permission que j'ai fait partie d'une mission à Londres composée de 4 représentants français présidée par le Ministre des Finances (1917). Dès notre arrivée, un breakfast réunissait à la table de Llyod Georges. Ce premier déjeuner international m'a permis d'effectuer ma première interprétation politique.
N. C. : Suivie de bien d'autres ?
J. H. : Suivie surtout des négociations d'armistice, puis de la Conférence de la Paix qui a préparé le Traité de Versailles où je me suis retrouvé interprète. Lorsque je suis revenu à mon unité, mes camarades n'y croyaient pas. J'y ai cru personnellement et j'ai continué dans cette voie. J'ai travaillé dans bien d'autres organisations, dans bien d'autres institutions internationales où je me suis aperçu que dans toutes ces réunions internationales, il était extrêmement difficile de s'entendre pour la raison bien simple que les gens qui représentent soit des Etats, soit des organisations, soit des groupes ethniques ou autres ne se réunissent que lorsqu'ils sont en désaccord ou Iorsqu'il y a un conflit ouvert ou latent. Avec cette conséquence qu'en face des oppositions d'intérêts, chacun cherche à faire triompher son point de vue, à défendre ses intérêts au préjudice des autres. Or c'est incontestablement la discipline de l'interprète qui m'a donné la faculté de faire ce que je fais en matière d'orientalisme car cette matière, comme l'interprétariat, se consacre à la découverte et à l'explication de l'être humain. Et en même temps, on recherche l'établissement des relations humaines, s'efforçant d'en justifier la nécessité.
N. C. : Un rapport existe donc entre l'orientatisme et le métier d'interprète.
J. H. : En fait, il y en a deux. Il y a d'abord un rapport en ce qui concerne la substance ou l'intention généraIe, tâcher de permettre aux gens de bien s'entendre entre eux afin qu'ils ne passent pas leurs temps à se quereller sinon à se battre ; et il y a aussi un rapport dans la forme ou plutôt dans la formation professionnelle. S'il est consciencieux et compétent, l'interprète de conférence doit faire abstraction de sa propre personnalité et se mettre dans la peau de l'orateur qu'il est appelé à traduire. Il doit être absolument passif, comme un disque vierge, pour recevoir, imbiber, assimiler ce que dit l' orateur et, en même temps que cette passivité, il doit avoir une activité extraordinairement intense et rapide pour transposer ce qu'il a entendu et pour l'exprimer à son tour de façon claire, parce qu'un véritable interprète ne se borne pas à traduire des mots, il doit faire passer, sans le déformer, le massage que voulait faire passer l'orateur.
C'est précisément cette double attitude qui m'a permis d'étudier aussi les religions orientales, en essayant de les comprendre passivement, en abdiquant ma propre personnalité, en m'y plongeant sans aucun esprit critique et ensuite en essayant de les rendre avec autant de clarté possible, comme les gens qui les pratiquent veulent qu'elles soient décrites. D'ailleurs l'interprétation est la plus grande université. A l'université, vous pouvez avoir un bon maître ou deux. En tant qu'interprète, vous en avez un nombre illimité puisque vous travaillez pour les plus grands spécialistes dans tous les domaines.
N. C. : Quel motif vous a poussé dans l'étude de la spiritualité orientale ?
J. H. : J'ai toujours été assez préoccupé de questions spirituelles. J'ai cherché longtemps dans le cadre du Christianisme (mon père était protestant et ma mère catholique), puis de la Science chrétienne qui m'a beaucoup attiré parce que ses fondateurs ne s'appuyaient pas sur les dogmes habituels du Christianisme mais faisaient appel à l'expérience personnelle comme preuve. Je m'y suis plongé avec enthousiasme parce que je recherchais justement une voie où la logique formelle n'aurait plus à intervenir du tout.
Mais j'y ai trouvé certaines choses qui me gênaient, en particulier ce complexe de supériorité et cette intolérance en face de gens qui appartiennent à d'autres religions ou à d'autres croyances. La curiosité m'a poussé à chercher si, dans les autres grandes religions, il en était de même, ou si au contraire il y avait des groupes religieux qui, tout en se livrant à une recherche spirituelle très authentique et très intense, considéraient non seulement avec tolérance mais avec respect les autres systèmes, les autres modes de cette recherche.
N. C. : Quand et à quelle occasion avez-vous pour première fois découvert l'Asie ?
J. H. : J'ai découvert d'abord l'Islam en allant faire un voyage en Turquie en 1925.
Cette découverte d'un pays en-dehors de la Chrétienté a été pour moi une véritable révélation.
Ce contact avec l'Islam - il en aurait été de même avec n'importe quel autre pays en dehors de la Chrétienté d'ailleurs - m'a fait réfléchir et m'a amené à faire une distinction que je n'avais jamais pensé à faire auparavant entre d'une part ce qui était une vérité française, une vérité européenne, une vérité chrétienne, et d'autre part une vérité véritablement humaine, c'est-à-dire vraie pour toute l'humanité. C'est une chose à laquelle beaucoup de gens n'ont sans doute jamais pensé, qui s'imaginent que ce qui est vrai sur le plan moral, social, religieux... etc, dans leur pays doit l'être aussi pour tout le reste de l'humanité. Et précisément, cette plongée dans un pays musulman m'a permis de saisir cette différence qui, je crois est capitale. Pourquoi une coutume qui est considérée comme respectable chez nous devrait- elle l'être aussi dans tous les pays, pourquoi ce qui semble blâmable chez nous devrait-il l'être nécessairement dans tous les autres pays ?
(...)
N. C. : Peut-on définir la "Sagesse orientale" ?
J. H. : C'est extrêmement difficile car l'Orient est une notion très vaste. Quand on parle de Sagesse orientale, on entend en réalité un désir de placer le spirituel avant le matériel, ce qui ne veut pas dire que l'on néglige complètement les considérations matérielles, mais qu'on les envisage, dans toute la mesure du possible, à la lumière de considérations spirituelles et qu'on se laisse guider dans sa vie quotidienne, par exclusivement par des considérations spirituelles mais tout au moins en essayant de ne jamais aller à l'encontre de celle-ci.
N. C. : Que vous a apporté votre étude de l'Orient ?
J. H. : Elle m'a permis de dégager un certain nombre d'idées générales.
N. C. : C'est-à-dire ?
J. H. : je suis arrivé à cette conclusion que ce qui différencie essentiellement l'Asie de l'Occident c'est que l'homme d'Asie a comme point de départ un sentiment, intime en lui, de la continuité de tout, alors que chez nous, nos recherches scientifiques, techniques nous poussent vers une discipline exactement opposée qui est de tout subdiviser, de tout opposer, de tout étiqueter, de tout couper en morceaux pour pouvoir étudier chacun d'eux plus à fond.
N. C. : C'est une technique tout à fait différente.
J. H. : Totalement. Mais c'est grâce à cela que nous avons pu développer notre science, que nous avons pu accroître nos techniques, arriver au niveau de vie auquel nous sommes parvenus. Toutefois, cela a fini par nous donner une vision du monde, de nos rapports avec le monde, de nos rapports entre nous qui est totalement fragmenté. Tandis que dans les domaines du temps, de l'espace et de la causalité, l'Asiatique possède, à un degré bien plus élevé que nous un sens de la continuité et de l'enchaînement logique et ininterrompu des choses et des événements. Le philosophe taoîste Lie Tse nous a probablement fourni la meilleure clef de toute l'Asie lorsqu'il a écrit : "le continu est la plus grande loi du monde.". C'est justement ce sentiment de la continuité parfaite entre l'homme et la nature, entre l'homme et Dieu, entre les différents hommes, entre les différentes disciplines, les différentes recherches qui fait que tout apparait comme un certain ensemble, où les choses se coordonnent et se placent d'une façon harmonieuse. Continuité dans l'espace où existe cette unité non seulement entre ce qui est matériel, les animaux, les végétaux, mais aussi entre ce qui est plus subtil, l'âme, le mondé des dieux, les forces occultes. Continuité dans la causalité. Alors que nous fragmentons, que, à chaque événement nous cherchons une cause, un rapport de cause à effet, pour
l'Asiatique c'est tout ce qui a jamais existé qui aboutit à un point donné. Cette continuité dans la causalité entraîne évidemment une logique tout à fait différente, une symbolique tout à fait différente.
Ce sentiment d'une continuité illimitée et, par sa nature même, plus qualitative que quantitative, se retrouve en particulier dans la notion que l'Asiatique a du temps. Pour lui, l'essence même du temps est dans cette continuité et non, comme pour nous, dans la succession; le temps n'est pas un mode de classement. D'une part le jour et l'année ne se divisent pas en parties mathématiquement égales comme veulent nous en persuader montres et calendriers ; de même que le corps de l'arbre ou de l'animal, ils sont composés de parties diverses ayant chacune un rôle, une importance, des lois, des dimensions et des proportions qui lui sont propres. D'autre part, commencement et fin dans le temps, soit pour l'homme, soit pour l'univers, n'ont pas pour l'oriental des significations aussi nettes et définitives que pour nous. Paradoxe suprême, le temps peut même aller jusqu'à être rétrograde, non seulement en théorie et dans la mythologie mais dans certaines conceptions de la vie quotidienne.
N. C. : Que vous a apporté I'Inde ?
J. H. : Elle m'a beaucoup apporté, elle m'a ouvert l'esprit. Un des grands principes qu'elle m'a apporté c'est qu'il ne faut rien attendre ni demander de précis. Il nous arrive des choses auxquelles on ne pensait pas et qui sont bien meilleures que tout ce qu'on pouvait espérer.
On n'en prend pas conscience tout de suite mais quelques années plus tard. Il faut être extrêmement docile, souple comme la cire d'un disque, afin d'assimiler tout ce qu'on reçoit. L'Inde m'a également apporté un plus grand respect pour le bon sens.
En réalité toute chose doit s'expliquer d'une façon compréhensible, ou bien il faut admettre que cela dépasse l'entendement, mais rien ne doit aller contre le bon sens. L'Inde m'a également enseigné à respecter toujours l'opinion d'autrui, à ne jamais vouloir lui imposer ma façon de voir. Tout être a quelque chose à nous apprendre. Dans le déroulement du jeu divin, il y a rien de vraiment et définitivement tranché. Où se trouve la frontière entre le normal et l'anormal, l'énergie et la matière, la vie et la mort, le bien et le mal ? Toutes les dualités ou pluralités se résolvent en une unité supérieure et chacune se situe à sa place sans aucune possibilité de conflit.
N. C. : Une des autres grandes leçons de l'Inde aura été sans doute la tolérance ?
J. H. : Cette tolérance qui exige de tolérer même l'intolérance ! Mais je préfère parler de "respect" qui n'implique pas de sentiment de supériorité de ceux qui "tolèrent". C'est le respect qui en Orient m'a ouvert toutes les portes. On y revient toujours lorsqu'on aborde l'Hindouisme, il n'y a aucune raison de critiquer quelqu'un qui agit différemment de nous puisque c'est le rôle qui lui a été confié. Vous devez le respecter autant que vous vous attendez à ce qu'il vous respecte.
(...)
N. C. : Et que vous a apporté le Japon ?
J. H. : Du Shintô j'ai tiré un grand principe : "Ici et Maintenant". Cela signifie qu'il faut se préoccuper de ce que l'on fait ici, en ce moment.
N. C. : Les pratiques orientales peuvent-elles apporter quelque chose aux Occidentaux ?
J. H. : Bien des gens qui les pratiquent ont été enrichis, sur les plans physiques, intellectuel, philosophique, spirituel. Mais ce n'est pas une raison pour faire abstraction de ce qui constitue notre atavisme culturel car la richesse de nos traditions se compare sans difficulté à celles de l'Orient. Renoncer à ce trésor que nous avons reçu par notre éducation et qui constitue notre milieu culturel serait une perte indéniable. J'adopte entièrement sur ce point l'attitude de Gandhi qui s'opposait absolument à toute conversion religieuse. Pour ma part, le fait de communier spirituellement avec Shrî Aurobindo ou Râmana Maharshi ne m'a pas empêché de continuer à me considérer personnellement comme Chrétien. Tout au contraire, il faut chercher dans l'étude des spiritualités orientales un approfondissement de la religion dans laquelle on est né.
N. C. : Comment l'Hindouisme vous a-t-il permis d'approfondir votre Christianisme ?
J. H. : Pour comprendre cela, il faut se rappeler que l'Hindouisme ignore les dogmes exclusifs. Il permet de croire à ce que l'on veut et l'on peut rester chrétien à l'intérieur de l'Hindouisme à la seule condition d'accepter les textes anciens les plus sacrés. Pour les Hindous,
Jésus-Christ est une manifestation de Dieu au même titre que les autres. Quand ils énumèrent les manifestations de Dieu sur terre, ils n 'hésitent pas à mentionner Jésus-Christ. Cela ne les dérange en rien. D'ailleurs ils considèrent que la Voie indiquée dans l'Evangile est l'une des nombreuses possibilités d'évolution spirituelle et n'est inférieure à aucune autre.
Les techniques d'évolution spirituelle pratiquées par les Hindous ne s'opposent nullement à celles pratiquées par les Chrétiens. Elles sont en revanche plus détaillées. Dans l'Hindouisme essentiel, les différentes théories et modes de pensée ne sont pas considérés comme contradictoires mais sont jugés complémentaires.
Vivekananda, quand il envoyait ses moines de par le monde, disait : "Faites d'un Hindou un meilleur Hindou, faites d'un Musulman un meilleur Musulman, faites d'un Chrétien un meilleur Chrétien." C'est l'impression que j'ai eue, l'Hindouisme a fait de moi un meilleur Chrétien.
(...)
N. C. : A qui appartiennent donc les conséquences de nos actes ?
J. H. : Si l'on a l'esprit religieux, comme c'était le cas de Gandhi qui était le plus grand représentant du Karma-Yoga à notre époque, on peut reprendre sa formule: "vouloir décider des conséquences, c'est usurper une fonction qui n'appartient qu'à Dieu. "Si l'on n'a pas l'esprit religieux, ce sont les circonstances, le sort, les lois de la nature qui peuvent déterminer ce que seront les conséquences de nos actions. La conception de "l'idéal du moment" est étrangère aux Occidentaux à qui on a enseigné qu'il existe un idéal qui doit être le même pour tous. Or notre idéal change constamment en nous dans notre évolution générale. Personnellement, il est bien évident que je ne peux pas juger ce que je fais aujourd'hui d'après l'idéal que j'aurai dans vingt ans, et il est tout aussi grotesque de vouloir juger ce que j'ai fait dans le passé d'après l'idéal que j'ai aujourd'hui. Le fait de distinguer cet idéal ancien de cet idéal actuel écarte également toute possibilité de remords ou de regret ce qui est un très grand allégement. C'est fantastique la quantité d'énergie que nous gaspillons à craindre l'avenir ou à regretter le passé.
N. C. : Notre responsabilité s'en trouve donc accrue ?
J. H. : Naturellement, on reste responsable de ce qu'on a fait dans le passé mais cela ne sert absolument à rien d'y revenir. L'exemple que je donne habituellement est purement personnel : pendant la première guerre mondiale, j'étais officier d'artillerie et je commandais une batterie de canons à longue portée et lorsque de mon observatoire j'apercevais une concentration de troupes ennemies, je tirais dessus pour massacrer le plus de gens possible: c'était mon idéal du moment, la patrie, le drapeau, un idéal que tout le monde partageais à l'époque. Si je me trouvais maintenant dans la même situation, il est probable que j'agirais différemment parce que mon idéal s'est complètement transformé.
Cette conception a également des conséquences extrêmement importantes dans les rapports avec le voisin. Nous jugeons et critiquons continuellement les autres individus ou nations selon un idéal provisoire mais si on en prend conscience. cela évite de critiquer.
(...)
N. C. : Etes-vous un sage, Jean Herbert ?
J. H. : Oh, certainement pas. Mais j'ai eu le privilège extraordinaire de connaître un certain nombre des plus grands sages de notre siècle et ils m'ont indiqué la voie à suivre. j'en ai donc vu et entre eux et moi, il n 'y a aucune comparaison possible, nous ne sommes pas au même niveau du tout. Il y a trois choses qui m'ont frappé chez ces grands sages, surtout chez les sages hindous. D'abord, c'est le regard qui est tout différent de celui des autres hommes, je dirai presque aussi différent que le regard humain de celui d'une vache, mais on ne peut pas décrire cette différence. Certains de ces regards vous transfigurent. Il y a ensuite la connaissance qu'ils ont de l'ensemble de ce qui existe. Ils ne sont pas omniscients en ce sens qu'ils ignorent une quantité de choses. Mais si on aborde un sujet dont ils n'ont jamais entendu parler, ils vous le font expliquer et ensuite ils vous situent la chose ou l'événement dans la totalité.
Un "sage" est forcément dégagé de l'événement en ce sens que l'événement ne peut pas exercer d'influence sur lui mais cela n'empêche pas le sage d'en avoir conscience et d'exercer lui-même une influence sur l'événement s'il le juge opportun.
Pour vous en donner un exemple, j'avais eu, en 1950, le grand privilège de pouvoir approcher un grand sage musulman. Ayant appris que je me spécialisais dans l'étude de l'Hindouisme dont apparemment il n'avait jamais entendu parler, il me demande de le lui expliquer. J'avais encore très présent à l'esprit, pour l'avoir traduite, L'lsha Upanishad interprétée et commenté par Shri Aurobindo. Je fis de mon mieux pour la lui présenter, et répondis à plusieurs question. Après quoi il me demanda : "y croyez-vous?" A ma réponse affirmative le Sage me fit cette déclaration : "Eh bien, vous êtes un vrai musulman et vous avez le droit d'entrer dans toutes les mosquées de la terre. " Sans le vouloir, il m'avait ainsi confirmé qu'il était au même niveau, au-dessus de toutes les différenciations, de tout ce qui sépare les hommes et les croyances, que mes plus grands maîtres hindous. Toutes les religions, disait Shrî Râmakrishna conduisent au même Dieu. Quand à la troisième chose qui différencie les Sages de nous, c'est leur joie de vivre. Non pas une joie bruyante mais intérieure. D'où le rayonnement extraordinaire de ces êtres. Ce rayonnement d'un sage qui, même s'il ne fait rien apparemment, agit aussi bien sur les gens qui sont autour de lui que sur un beaucoup plus vaste domaine. Ainsi Râmana Maharshi qui résolvait les questions avant qu'on les lui pose.
La question de l'égoïsme se pose souvent à propos des sages de l'Inde et d'ailleurs qu'on représente souvent assis en lotus et ne paraissant pas s'occuper du monde extérieur.
Mais répondent les Hindous, si l'on veut améliorer le niveau de l'humanité, la meilleure façon de procéder c'est de s'améliorer soi-même et cela améliorera la moyenne. Ce qui n'est pas forcément une mauvaise méthode.
Ecoutez aussi la Radioscopie de Jean Herbert avec Jacques Chancel (17 novembre 1976) . Archives de l'INA: http://www.ina.fr/audio/PHD96007802
Et ce texte de Sri Aurobindo: le mental silencieux: http://www.tagtele.com/videos/voir/42574/
Chapitre II Généralités :
. . . Ce qui est le plus caractéristique du Shintô, c'est sans doute la conviction profonde que les Dieux (Kami), les hommes et toute la Nature sont en fait nés des mêmes ancêtres et sont par conséquent parents. D'après les Ecritures sacrées, après certains stades préliminaires, lorsque la Création parvint au stade de la matière solide, un couple de Kami, Izanagi et Izanami, procréèrent tout l'Univers, à la fois ce que nous percevons et ce qui échappe à notre connaissance.
. . . Toutes personnes et toutes choses sont donc des enfants des Kami, ont une nature de Kami et sont en puissance des Kami au plein sens du terme, et susceptibles d'être reconnues comme tels.
. . . Il n'est pas exagéré de dire que cette croyance a joué un rôle prépondérant dans la formation de l'esprit japonais, non seulement en ce qui concerne les conceptions et les activités religieuses, mais aussi dans tout ce qui a trait à l'organisation sociale, au comportement individuel, à la morale et à l'attitude mentale envers la vie. C'est d'elle que proviennent le respect éprouvé pour tout ce qui est, la conscience d'une continuité ininterrompue dans le temps et l'espace, un sens élevé du devoir, un sentiment de sécurité et aussi l'intrépidité qui en est la conséquence. Autant de caractères que les influences bouddhistes et confucéennes vinrent accentuer plutôt qu'atténuer.
. . . Comme l'écrivait Chikao Fujisawa (Auteur de nombreuses brochures sur la théologie shintô.), " l'homme est indissolublement lié au Kami par des liens à la fois biologiques et spirituels. En lui coule le même sang divin qui coule aussi dans les animaux, les plantes, les minéraux et toutes autres choses dans la Nature... Homme, terre, montagne, rivière. vallée, brume, arbre, herbe sont tous hara-kara, frères-nés-du-sein-de-la-Mère-divine ". Pour Yaëichi Haga (Auteur de plusieurs ouvrages sur les caractéristiques nationales des Japonais.), " la terre japonaise et la Déesse du Soleil (Amaterasu-ô-mi-kami) sont deux soeurs ".
. . . Cela signifie que dans leurs rapports avec la Nature, les Japonais " sont capables de ressentir intensément leur lien de consanguinité avec les plantes et les bêtes ". Pour eux, comme le relevait W. G. Aston, " l'univers réputé inanimé est en fait tout vibrant de vie sensible ". Une expression d'usage courant est mono no ahare, sympathie pour toutes créatures.
. . . Dans ses rapports avec le Divin, l'homme est physiologiquement kami-no-ko, fils du Kami, bien que théoriquement il n'ait droit à ce nom qu'après avoir été présenté au Kami dans le temple trente jours après sa naissance (tous les shintôistes ne sont pas d'accord sur ce point). Chikao Fujisawa parle d'une " coalescence spirituelle ", shinjin gôitsu, entre l'homme et le Kami.
. . . Un des termes les plus communément employés pour désigner l'homme est hito, le " siège de l'Ame ". Un savant moderne a proposé de traduire hito par " corpuscule (to) [du] soleil (hi) ", et bien que la plupart des autorités shintôistes fassent de sérieuses réserves sur cette étymologie, elle exprime sous une forme figurée ce qui est unanimement admis : que la Déesse du Soleil est en fait la Mère de la race humaine. Un grand shintôiste du XVe siècle, Urabe-no-Kanetomo exprimait ainsi cette même idée qu'en essence l'homme provient de la même source que le Kami, et d'ailleurs que tout ce qui est : " Ce qui est dans l'univers est appelé Kami ; ce qui est en toutes choses est appelé esprit (tama), et ce qui est en l'homme est appelé le coeur (kokoro). "
. . . M. Michiji Ishikawa (Auteur d'une Introduction à la théologie shintô.), qui semble avoir créé le terme hojinisme, " unité absolue de la terre et de l'homme ", définit comme suit le mot kuni-hito : " Traduit littéralement, il signifie nation- homme. Il comprend en soi, sans nuire à aucun d'entre eux, d'innombrables microcosmes individuels, tout en jouissant pour lui-même d'une vie macrocosmique indépendante. Lorsqu'on l'envisage en termes du monde, il se transforme tout naturellement en un microcosme, qui est alors censé jouir de cette vie macrocosmique indépendante. "
. . . De cela découlent de nombreuses conséquences. D'abord, il ne peut exister aucune ligne de démarcation nette entre la mythologie et l'histoire, entre ce que les Japonais appellent Kami-yo, l' " âge des Kami " et la période actuelle. Cela signifie également qu'en Shintô " le Kami peut se projeter dans notre monde phénoménal sans avoir besoin d'un médiateur particulier tel que Jésus (Chikao Fujisawa.) ". Et aussi que la " possession " par Dieu, dans des états extatiques, est " une incarnation réelle de l'esprit ancestral de la race... Le possédé est ainsi redevenu temporairement son propre ancêtre indéfiniment lointain... Et si dans le passé ses ancêtres étaient des dieux, ce sont des dieux qui aujourd'hui descendent s'incarner en lui (Percival Lowell. auteur d'ouvrages sur l'ésotérisme et l'occultisme au Japon.) ".
. . . La conséquence la plus importante de cette conception est qu'il s'établit de l'homme au Kami un rapport de " familiarité filiale (T. T. Brumbaugh, auteur d'un ouvrage sur les Valeurs religieuses dans la culture japonaise.) ". Dans un esprit de gratitude et d'amour, l'homme appelle les Kami ses parents, ses chers divins ancêtres, et les fêtes données en leur honneur sont toutes frémissantes de joie. " Lorsqu'on a compris que l'homme et le Divin ne font qu'un, il ne peut plus y avoir culte (au sens chrétien du terme), mais il y a des moyens de témoigner son respect et de concentrer son esprit sur sa propre nature spirituelle et ses divins ancêtres (J. W. T. Masan, auteur de deux livres importants sur la religion et la mythologie shintô.). "
. . . Cette croyance fondamentale est si profondément enracinée qu'en dépit de l'étonnante tolérance propre aux Japonais, les religions étrangères qui cherchent à s'implanter au Japon risquent de se heurter à une forte barrière si elles s'opposent à l'attitude religieuse, à la fois respectueuse et amicale, envers tous les ancêtres, ancêtres humains et ancêtres divins (Fumikiyo Tanaka, gûji de l'Iwa-shimizu-hachiman-gû.). Les missionnaire chrétiens ont malheureusement fait fi de cette condition essentielle. Dans un livre qui connut en Occident une grande diffusion (The Religions of Japan..., London, 1895.) l'un d'entre eux, le Rév. W. E, Griffis, n'hésitait pas à écrire : " Maintenez la frontière bien distincte entre Dieu et Son univers, et tout sera clair et ordonné. Si vous oblitérez cette frontière, ce sera un bourbier infranchissable, un sinistre chaos, et dans l'esprit se profileront les hallucinations du delirium tremens. " La violence de l'offensive ainsi lancée contre ce fondement de toute religion, de toute morale et de toute vie familiale a été telle que certains individus s'en laissèrent impressionner. Dans l'un des temples shintôistes les plus importants, j'ai eu l'extrême surprise d'entendre le vice-grand-prêtre, retour d'un séjour comme boursier aux Etats-Unis, déclarer que la filiation entre le premier Empereur humain et son ancêtre divin, la Déesse du Soleil, était " exclusivement religieuse, mais pas du tout physiologique ". Heureusement, la plupart des penseurs japonais souscrivent encore à ce qu'écrivait Tasuku Harada (Auteur d'un livre sur la Vie religieuse au Japon el de nombreux articles dans l'Encyclopaedia of Religion and Ethics.) : " Revendiquer pour ancêtres les dieux est un signe de maturité. "
. . . Envisagé superficiellement, le Shintô est à la fois panthéiste et polythéiste.
. . . D'une part, les Ecritures sacrées admettent l'existence de huit (ou quatre-vingts) " myriades " de Kami, yao-yorozu-no-kami, et je suis persuadé que si l'on pouvait dresser une liste de tout ce qui est adoré comme tel dans un endroit ou un autre, le chiffre ne parattrait pas exagéré. En fait, aux XIXe siècle, Atsutane Hirata, l'un des plus grands théologiens (Cf. p. 35 ci-dessous.), affirmait que cette évaluation est maintenant insuffisante, car depuis lors il est apparu un grand nombre de Kami nouveaux, et il faudrait probablement doubler le nombre qu'indiquent les Ecritures.
. . . D'autre part, comme nous l'avons vu, il n'y a, ni théoriquement ni pratiquement, aucune division nette entre les Kami qui ne pourraient pas être autre chose que des Dieux, et les autres êtres, animés ou inanimés, y compris les hommes. Ces autres êtres peuvent d'ailleurs toujours, dans certaines conditions, être considérés comme des Dieux, puisqu'ils ont la même origine et la même nature que les Dieux les plus exaltés et qu'ils ont donc un droit potentiel à l'adoration.
. . . Si l'on examine de plus près les pratiques religieuses, on est cependant amené à se demander si, vu sous un certain angle, le Shintô ne présente pas aussi un aspect monothéiste.
. . . Pour pouvoir comprendre la véritable nature du Shintô, il faut tout d'abord se dépouiller de tous les classements et catégories utilisés par les savants occidentaux, parce qu'ils ne s'appliquent absolument pas, et étudier le Shintô directement, tel qu'il est en fait. Et la première nécessité est évidemment de se faire une idée aussi exacte que possible de ce que le terme Kami signifie pour les Japonais. C'est ce que nous essaierons dans le chapitre suivant.
. . . C'est seulement lorsqu'un nouveau groupe de concepts religieux, ceux du Bouddhisme, furent introduits au Japon, qu'il devint nécessaire de donner un nom aux pratiques et sentiments religieux qui existaient auparavant dans ce pays. Pour les distinguer du Bouddhisme, on les désigna par deux idéogrammes chinois prononcés Shin-tao, ou Shintô, en chinois, et Kannagara (Kami-nagara)-no-michi en japonais. Ce qu'on traduit généralement par " La Voie des Kami " mais comme l'expression originale permet d'interpréter le mot Kami (ou Shin) au singulier ou au pluriel, l'utilisation du pluriel en français ne va pas de soi. Certains shintôistes la critiquent parce qu'elle souligne indûment l'aspect polythéiste. Chikao Fujisawa a proposé : " La Voie du Dieu unique et des Dieux. " La meilleure traduction serait peut-être " La Voie divine ".
. . . L'essentiel, néanmoins, reste que les shintôistes doivent observer le kannaraü, c'est-à-dire suivre la Voie divine, kannagara-no-michi. Cela signifie que leur vie devrait se conformer à la volonté des Kami célestes telle qu'ils la comprennent et aussi se modeler sur la vie des hommes qui sont eux-mêmes devenus de grands Kami. Comme nous le verrons dans le chapitre sur la morale, cette injonction générale n'est pas détaillée en une liste d'interdictions et d'obligations, mais dès l'enfance les Japonais s'imprègnent si intensément de son esprit qu'ils ne se heurtent guère à des " cas de conscience " tels que ceux qui occupent en Occident une si grande place et jouent un rôle si important dans notre littérature.
. . . Ce concept de kannagara-no-michi a naturellement été l'objet d'innombrables spéculations ésotériques. Pour ne citer que Chikao Fujisawa, celui-ci le définit comme " le sang divin qui jaillit spontanément du coeur sacré du cosmos ", michi " signifiant probablement le sang sacré parce qu'il ruisselle du coeur par expansion et y retourne en contraction par un cycle récurrent " ; michi est par conséquent " le continuum cosmique vitalisant " et peut être considéré comme " le lien biologique actuel entre l'individu humain et le cosmos, y compris le Kami ". Selon M. Takanobu Senge, l'un des prêtres les plus éminents de tout le Japon (Longtemps kyôto de l'Izumo-ô-yashiro et maintenant directeur de 1'Université Kokugakuin, à qui je dois une reconnaissance toute particulière.), kannagara-no-michi, signifie également " la Voie immuable, hors du temps et de l'espace, qui existait avant même la descente sur terre du petit-fils de la Déesse du Soleil ; comme tel, il repose sur ce qui est immuable dans la nature humaine (ningen- no-honseï, ou hito-no-makoto), comme par exemple l'amour des parents pour leurs enfants, en dépit des variations kaléidoscopiques de la vie quotidienne ".
. . . Le Shintô revendique avec insistance la qualité d'une religion qui s'applique au " médian-maintenant ", à l'éternel présent, naka-ima, et cette prétention est certainement justifiée. En effet, il insiste avant tout sur ce qui doit être fait à l'instant présent, sans beaucoup se préoccuper de ce qui est arrivé auparavant ni de ce qui viendra plus tard, que ce soit dans cette vie ou dans une vie future (Yaëichi Haga). Et cela explique ce qui parait une étrange anomalie : tout en accordant une importance primordiale aux ancêtres décédés et aux rapports actuels avec eux, le shintôiste comme tel ne pense jamais à ce qu'il deviendra lui-même comme " ancêtre mort " et s'en soucie encore moins. Les théories bouddhiques, aussi compliquées que merveilleuses, sur ce qui se passe après la mort ont certainement exercé un vif attrait sur les Japonais parce qu'elles ouvraient à la réflexion un domaine complètement neuf. Certains philosophes japonais modernes ont néanmoins soutenu que naka-ima était une " concrétisation " japonaise du concept bouddhiste d'ipséité. Je serais personnellement plutôt porté à croire que c'est la pré-existante tendance japonaise au naka-ima qui a conduit les bouddhistes japonais à s'intéresser de la sorte à sa contrepartie philosophique bouddhique d'ipséité.
. . . Un auteur japonais éminent, M, Hideo Kishimoto (Auteur de divers ouvrages perspicaces et importants, dont plusieurs n'ont pas encore été publiés.) l'a fort bien souligné dans le passage suivant, où il dit d'ailleurs expressément que ses observations s'appliquent à toutes les religions pratiquées au Japon, à l'exception du Christianisme : " Le principal sujet de préoccupation de ces diverses religions est constitué par les problèmes intérieurs de l'homme. Elles se concentrent sur le domaine de l'expérience immédiate. Leur principale tâche est de débarrasser l'esprit de l'homme de ses ennuis et de ses anxiétés. Et pour y parvenir elles offrent divers procédés. D'une façon générale, elles s'efforcent de remodeler l'esprit humain. Cela constitue la partie centrale de l'activité religieuse. Les exercices de formation mentale sont l'élément indispensable de ces religions. Elles attachent aussi un grand prix à l'expérience religieuse de nature mystique. Mais elles ne manifestent guère d'intérêt pour la vie sociale de la population. Elles n'insistent guère sur les problèmes éthiques qui se posent à l'homme. Ces religions se présentent donc sous un aspect assez différent de celui que nous offrent les traditions religieuses de l'Occident. " Dans le même texte, il ajoute : " Les Japonais se sont davantage intéressés au domaine de l'expérience immédiate. Si l'on veut considérer comme idéaliste la pensée japonaise, il serait préférable d'y voir un idéalisme empirique. Il ne faudrait pas le confondre avec l'idéalisme conceptuel du type occidental. "
. . . Tout en ne s'intéressant qu'au présent, le Shintô n'en embrasse pas moins la totalité de la vie. En tant que " religion de la vie présente réelle (Katsunoshin Sakuraï, neji de 1'Ise-jingû.) ", il a une théologie qui " répugne à séparer ce qui est en haut de ce qui est en bas (Chikao Fujisawa.) ", et il est fort peu enclin à séparer l'un de l'autre ce que nous appelons " matériel " et ce que nous appelons " spirituel ". " Toute foi religieuse, écrivait le même Fujisawa, qui exalte uniquement ou de façon disproportionnée le spirituel au détriment du charnel ne peut que se complaire dans une confortable hypocrisie. " J. W. T. Mason exprimait la même idée en écrivant : " Pour le Shintô, l'Esprit divin céleste et l'existence matérielle sont tous deux Kami. "
. . . Comme diverses autres religions orientales - et par exemple le Taoïsme et l'Hindouisme - le Shintô n'a ni dogme ni credo. Nous verrons plus loin que même les grands prêtres des temples les plus importants peuvent donner aux peu nombreux textes sacrés des interprétations qui frôlent parfois l'incroyance. Lorsque j'ai eu l'occasion de discuter avec des groupes composés des plus autorisés de ces grands prêtres certains problèmes fondamentaux d'exégèse ou de métaphysique, il est fréquemment arrivé qu'ils expriment ouvertement des avis fort divergents, et cela leur paraissait parfaitement normal - tout comme plusieurs personnes peuvent envisager de points de vue très différents l'amour maternel ou les fleurs de cerisier. En fait, l'attitude du shintôiste envers sa religion est énergiquement non intellectuelle. Le Shintô fait plutôt appel à un sens inné du devoir et de la responsabilité, ainsi qu'à des sentiments d'amour respectueux spontané envers le monde entier (Kanichi Hirata, ancien gûji de l'Ô-mi-jingû, maintenant président de l'Université Kôgakukan.), sentiments qui offrent une ressemblance frappante avec ceux que ressentent les uns pour les autres les membres d'une même famille, et aussi, dans une étonnante mesure, à une sensibilité d'ordre esthétique. Le grand prêtre Tomoaki Yoshida (Gûji du Minatogawa-jinja.) me disait, avec l'approbation expresse de plusieurs de ses éminents collègues : " En Shintô, on peut être un adorateur sans rien comprendre intellectuellement ", et " l'adorateur est beaucoup plus impressionné par les arbres qui entourent le temple, ou par son petit lac, que par n'importe quelle théorie ".
. . . Le professeur Inazo Nitobe (Ancien secrétaire général adjoint de la Société des Nations, auteur de plusieurs livres sur la mentalité japonaise.) qui avait longtemps séjourné en Occident, constatait que le Japonais ne s'intéresse pas à ce qu'il faut croire, mais à ce qu'il faut faire. L'un des attributs que l'on reconnait généralement aux Kami est d'ailleurs koto-agesenu, le fait de " ne pas élever de paroles ", ce qui met un sérieux frein à toute tentation de se lancer dans des théories ou des généralisations (Miehiji Ishikawa.). C'est pourquoi dans les grandes cérémonies religieuses (matsuri) l'expression verbale est pratiquement absente et seuls les sentiments sont invités à se manifester (Kanichi Hirata.). L'absence de toute orthodoxie n'empêche cependant pas les fidèles de sentir que certaines opinions, certaines actions, certains modes de vie peuvent avoir un relent d'hérésie (Yoshiyuki Noda, professeur à l'Université de Tôkyô.), c'est-à- dire ne pas être compatibles avec la " Voie divine ".
. . . Ce caractère a conduit certains Japonais à voir dans le Shintô " la foi qui est à la base de toutes les religions (Genchi Katô, auteur de nombreux travaux d'érudition sur le Shintô, assez influencé par les conceptions occidentales.) ", ou même à soutenir que " le Japon est le pays-semence, celui qui contient en soi les semences de tous les préceptes religieux (Keiko Fujinomiya, président du Fûji-chôse, secte moderne très traditionnaliste.) ". Si nous laissons de côté toutes les hypothèses d'ordre historique que supposerait une telle théorie, hypothèses dont il serait bien malaisé de démontrer le bien-fondé, nous devons admettre que le Shintô est peut-être plus proche que toute autre foi de la Religion en soi, par opposition aux religions, prises au pluriel. Et cela justifierait sans doute l'épithète de " primitif " qu'on lui attache volontiers, mais sans que l'on entende ce terme dans un sens péjoratif. Il faudrait plutôt l'interpréter dans le sens d' " originel ", c'est-à-dire avant toute dégénérescence en sectes rivales et dogmes contradictoires. C'est peut-être la meilleure réponse à la question si souvent posée par des observateurs extérieurs qui tiennent à utiliser leur propre jeu d'étiquettes : Le Shintô est-il une religion ?
. . . On ne saurait blâmer nos orientalistes d'y avoir généralement répondu par la négative. Là où ils ne trouvent ni credo ni code de morale, pratiquement pas de métaphysique, aucune ligne nette de démarcation entre l'homme et Dieu, il leur est difficile d'imaginer que le Shintô remplit les conditions nécessaires pour figurer au nombre des religions. Si pourtant l'on entend par religion une conception claire et consacrée par les siècles des rapports qui existent entre l'homme et son milieu, visible et invisible, et une conception non moins claire et consacrée par les siècles de la façon dont l'homme doit se comporter dans toutes les circonstances de la vie, on ne peut que souscrire à ce qu'écrivait R.A.B. Ponsonby-Fane (Les Japonais ont après sa mort créé une organisation, la Ponsonby Memorial Sociéty, pour éditer ses ouvrages.), un des Occidentaux qui ont le plus approfondi le Shintô, de l'intérieur : " On ne saurait trop insister sur le fait que le Shintô est véritablement une religion, et, plus encore, une religion douée d'une extraordinaire vitalité. "
. . . Le terme " religion " n'est d'ailleurs pas le seul qu'il soit difficile, et même fallacieux, d'utiliser lorsqu'on veut décrire le Shintô. Il y a de nombreux autres concepts fondamentaux que des termes et expressions désignent en japonais et pour des Japonais avec la plus grande précision et pour lesquels nous n'avons pas de traduction possible dans les langues occidentales. Nous avons déjà mentionné monothéisme, polythéisme et panthéisme ; nous examinerons plus loin en détail le terme Kami. Il en va de même, comme nous le verrons, pour les mots qui ne correspondent que très approximativement à ce que nous appelons éthique, péché, symbolisme, âme et corps, matière et esprit, immortalité de l'âme, etc.
. . . La liberté pratiquement totale de pensée qu'encourage le Shintô, jointe à une variété sans limites dans le rituel, est certainement l'une des raisons principales pour lesquelles le Shintô a pu se maintenir en parfaite santé malgré toutes les attaques et les concurrences dont il a été la cible au cours de son existence multimillénaire. Nous verrons dans un chapitre suivant comment il a réagi à un prosélytisme bouddhique agressif. Il adopte une attitude (on ne peut guère dire une politique, car elle vient trop naturellement) très semblable en face du matérialisme occidental virulent, qui fait passer les considérations économiques avant les valeurs morales et spirituelles.
. . . Le Shintô a pu, dans une surprenante mesure, combiner adaptabilité et tolérance (et par conséquent amour de la paix) avec une fidélité sans défaillance à tout ce qui en lui est essentiel. Shôjin, le principe de la progression incessante, est en fait un élément capital dans l'esprit même du Shintô (S. Honaga.).
Source de cette transcription: http://artmartial.free.fr/recherchistoriq/html/sourcesjapon2.html
Branche de Sakaki (Cleyera japonica Thunb., Pentaphylacaceae-Theaceae). "The Japanese word sakaki is written 榊 with a kanji character that combines ki 木 "tree; wood" and kami 神 "spirit; god", depicting "sacred tree; divine tree" (Wikipedia). Cet arbre est originaire des parties chaudes du Japon, de Taïwan, de la Chine, de Myanmar, du Népal et du nord de l'Inde. où il pousse dans les forêts de chênes verts. Toujours vert (sempervirens), c'est l'arbre sacré du shintoïsme.Voir aussi: http://www.botgard.ucla.edu/html/MEMBGNewsletter/Volume5number2/Sakakisacredtreeofshinto.html
Aidan Rankin: Green Karma et autres textes
Green Karma, by Aidan Rankin
Originally printed in the JANUARY- FEBRUARY 2008 issue of Quest magazine.
Citation: Rankin, Aidan. “Green Karma.” Quest 96.1 (JANUARY- FEBRUARY 2008): 17-20.
One of the most potent images associated with the ancient Jain tradition of India is that of the monk dressed in white who covers his mouth with a band of cloth, and as he moves, sweeps the ground before him with a delicate brush. These devices are simple precautions against injuring any form of life, however minuscule, in the course of breathing or walking. They reflect the Jain principle of iryasamiti, which means “careful action” or “care in movement.” Jain ascetics are required to take that principle to its logical conclusion. This will help them develop the higher consciousness that can point towards enlightenment, or moksha: release from the cosmic drama of material attachment and the repetitive cycle of birth, death, and rebirth. Lay men and women also practice careful action, but even in a modified form, the practice might still seem radical when viewed from a mainstream Western perspective. Jains will avoid killing wasps or swatting flies, for instance, adopt a vegetarian diet, and refrain from occupations and activities that involve exploitation of or harm towards fellow humans, fellow creatures, or the earth.
Careful action is more than merely abstaining from abusive and harmful behavior. It involves considering the consequences of—and crucially, the intention behind—all forms of action. In Jainism, the concept of action encompasses thought. Thoughts and ideas can harm or uplift the thinker as they are the starting point for all acts of himsa or injury, as well as all beautiful, creative, loving actions. Iryasamiti is closely associated with the spiritual ideal of ahimsa: non-violence or non-injury to life. This, too, is far more than simple abstinence. It is about cultivating an attitude of calm and a state of equanimity through the practice of maitri (friendship with all beings) and recognizing that worldly entanglements, including material gain, political power, or academic success are but transient trifles of no ultimate significance.
Careful action is based on recognition of the four following ideas:
Each life—and this includes all forms of life—is individual, unique, and precious.
All life is interconnected and interdependent.
Human beings and their concerns are but one small part of the earth and the cosmos; therefore, we should approach the rest of existence with humility and modesty.
Human intelligence has evolved to give men and women the capacity for spiritual development and the possibility of liberation. However, this intelligence is a double-edged sword for it confers the possibility of choosing destructive over creative power, gross materialism over spiritual insight, himsa over ahimsa.
Careful action is therefore a form of conscious choice to minimize harm and act in ways that benefit others, both human and non-human.
The brushes and mouth coverings of Jain ascetics apply the principle of iryasamiti in as exact a manner as is humanly possible. They also dramatize for laymen and women the importance of respect for life in all its variety and the knowledge, discovered millennia before microscopes, that the tiniest life forms although invisible to the human eye could have the most profound significance. Iryasamiti stems from the understanding that human beings are not separate from, above, or beyond the rest of nature; that the earth does not exist for us to exploit; that resources are finite and that the web of life is as fragile as it is intricate. In other words, the practice of careful action corresponds well with a principle at the heart of the emerging green consciousness: the reduction of our ecological footprint.
The idea that humans have the responsibility to conserve and protect life and that we should use our intelligence to work with the grain of nature, is derived from spiritual awareness at least as much as political consciousness. Reason underpins and science confirms our sense of ourselves as part of the natural world, a world that is beyond monetary value because it sustains all of life. The Jains call this Jiva Daya—identification with all living beings. Familiar to Native Americans and Australian Aborigines, this oldest and most powerful form of spiritual sensibility is being slowly rediscovered by an urban civilization that has reached the limits of its possibilities. The realization that we should consume less, individually and collectively, combines rational self-interest with an ethic of environmental and social justice. All but the most obdurate now realize that our present patterns of consumption have already eroded the quality of human life, and if continued, could destroy life on earth. Consumer culture destroys the ecology of human relationships as well. The breakdown of communities, the “bowling alone” society of narrow, cheerless individualism, violent crime at home, aggression and brutality overseas all stem from the notion of unlimited human entitlement—the idea that we can, and must have more. For the Jains, this demand for more is a sign of limited human awareness rather than progress, as we in the West have long assumed. For millennia, Jains have realized that living as simply as possible is the key to a balanced and fulfilled life. When we discriminate between genuine needs and passing desire, we are acting in our own interests as well as connecting with something larger than ourselves.
That sense of connectedness at the heart of Jainism arises from the awareness that every life is unique and the individual is supreme. To those used to the Western “either/or” reasoning, this might seem paradoxical. We associate individualism, after all, with “bowling alone,” with rugged self-reliance, or even Ayn Rand’s “virtue of selfishness.” Western thought associates connectedness with subordination and we believe that we must continuously choose between the two principles. Jainism, based on “both/and” rather than “either/or” sees the issue in more complex terms. It promotes a more rounded view of individualism and individual liberty in which individual fulfillment is identified with social responsibility and restraint, while greed and hedonism destroy the true self. Furthermore, the concepts of “social” and “society” extend to animals and ecosystems as well as humans. The Jain idea of self differs radically from that of the West. Rather than simply being an individual in his or her present existence, the self in Jain teachings is a strand of continuity between existences, which was shaped by past lives that span the whole evolutionary spectrum, and now makes decisions and choices that will affect future lives. Therefore, self-awareness involves an understanding of genetic and spiritual evolution along with a sense of unity in diversity. Each self is equal in that each is part of the same process and is on the same journey towards higher consciousness.
Jains have always been aware that the universe is teeming with life. Each individual—human, animal, plant, or micro-organism—contains a jiva, which in Jain terms is a unit of life energy, a life monad; somewhat similar to the Western idea of a soul. Every jiva is on the same journey of the spirit, whether it is conscious of this or not. Unlike most Buddhist and Vedantic traditions, the Jain path does not lead to the extinction or transcendence of the self. Moksha is the fullest realization of the self, its return to its point of origin as pure consciousness, where it retains its individual identity. All the identities it assumes along the path to enlightenment are karmic embodiments, part of the process of self-discovery that is spiritual evolution. Material preoccupations are a confusion of jiva, the life force with ajiva, which is all that is not alive and contains no soul. Human destructiveness, including environmental despoliation, arises from attachment to ajiva and with this comes a false sense of supremacy over nature, closely akin to delusions of racial superiority. By contrast, Jiva Daya is recognition of the life force that is contained in each of our fellow beings. Although unique, each jiva has the same essential characteristics as our own and is in the same situation of working through samsara, the cycle of birth, death, and rebirth.
It was this understanding of shared characteristics and common interests that led Mahavira, the Great Hero of the Jains and contemporary of Gautama Buddha, to the insight that “kindness to all beings is kindness to oneself” and that conversely “you are that which you intend to hit, injure, insult, torment, persecute, torture, enslave, or kill.” This is surely an ecological message for our time, transcending mere conservation or protection to include a repudiation of all bigotry and violence in human relationships, as well as relationships between humans and fellow creatures. Just as they emphasize the relationship between hateful thoughts and violent acts, Jain teachings recognize that violent, exploitative relationships among humans —including vast disparities of income and access to education or health care—create the psychological conditions for violence against the earth. On the other hand, respect for the earth and its variety of life is linked intimately to cooperation between human beings and the pursuit of economic and social justice.
For twenty-first century men and women, the first step towards more harmonious relations with the planet is to adopt an attitude of non-violence and to question the false priorities associated with materialism, a shift of priorities from ajiva back to the source of life. Awareness that jiva is present in everything that lives, breathes, and moves points towards a spiritual democracy of all beings, in which each life form has its own place, its own indispensable role and its own legitimate viewpoint. The human concepts of rights and responsibilities extend to all of life, just as they cross the boundaries of race, caste or class, gender, and faith. Jains recognize the principle of biodiversity and give it a spiritual dimension.
Jainism’s view of karma distinguishes it from other Indic traditions. For the Jains, karma is, as to Buddhists and Hindus, the cosmic law of cause and effect. All actions in the universe connect with each other and our own deeds influence our future as much as our present lives. But the principal meaning of karma in Jainism is a substance, made up of particles of subtle matter that adhere to the jiva and imprison it in the material world. Karma is a material bond as much as a spiritual process. When moksha is achieved, it is seen as a physical liberation, a release from the karmic bondage that weighs down the soul and entraps it in material concerns. The Christian image of shedding the “mortal coil” has resonance here. Karmic particles also have a muddying effect on the jiva. They reduce its clarity of vision and obscure its knowledge of itself.
In Jainism, as in modern physics, everything in the universe is cyclical. There is no creator god or First Cause. Instead the cosmos—and with it, life—arose spontaneously and passes continuously through upward and downward cycles, utsarpini and avasarpini, which last for many millions of years, and are divided into ages which are likened to the spokes on a wheel. Each jiva also spontaneously arises as a unit of pure consciousness. But its movements or vibrations bring it into contact with karma. The encasement of the jiva by karmic particles enmeshes it in the samsaric cycle, where it is reborn until it achieves enlightenment and returns to its point of origin as an unsullied, all-knowing jiva. Living simply and avoiding unnecessary luxuries brings spiritually aware men and women closer to that ideal, helping them to understand the austerities of Jain ascetics and the restraint displayed by even the wealthiest laypeople. The latter are obliged to use their wealth for the benefit of others, animals as much as humans. They are keenly aware that privilege, like human intelligence, brings with it material dangers, and that the most auspicious rebirth is as an ascetic, who is closest to freedom from karmic bonds.
Karmic bondage need not be a permanent condition and should not serve as an excuse for fatalism or pessimism. On the contrary, it gives us the opportunity to take control of our own lives, present and future, break with negative patterns, and rethink our priorities. At personal and political levels, these goals are identical with those of the ecology movement. Green philosophy, unlike deterministic doctrines such as neo-liberalism and Marxism, has the individual consciousness as its starting point. In the Jain worldview, the reduction of karmic influence is identified with the reduction of material consumption and the abandonment of the attachments. The widespread human addiction to materialism destroys our sense of true self and damages the planet. The attachments to which materialism gives rise restrict our thinking and lead us into one-sided positions, such as greed and fanaticism. Reduction of karma is achieved through careful action, and through the principle of aprigraha, or non-possessiveness. This means carefully evaluating our material requirements, but it also involves a new attitude of mind, by which the people, creatures, and natural formations around us are valued in their own right, rather than seen as objects to be controlled, dominated or suppressed.
Aparigraha means still more than this, for it requires us to clear our minds of clutter as well. Mental attachments are as karmic as material bonds. One of the most destructive forms of karma is known as mohaniya, the karma of delusion. It is associated with a conviction of absolute truth and the desire to impose that truth on others. The restrictive claim that “either you are with us or against us” is an explicit example of mohaniya, as are the actions of terrorists and the bigoted proclamations of fundamentalists, whatever faith they claim to represent. Mohaniya leads to mittyatva, a one-sided or distorted world view, which affects spiritual progress within this life and influences the prospects of an auspicious rebirth. Mittyatva is human arrogance, which spans the spectrum from self-righteous forms of political correctness, which more often hurt those they are meant to help, to the illusion of our dominance over nature. Measured conduct, friendship with all beings, and the cultivation of a quiet, calm mind all serve to lighten the karmic burden, so that it eventually falls away as illusory attachments are relinquished.
Clearing the mind of grasping impulses and controlling the desire to exercise gratuitous power are both part of the practice of ahimsa. Karmic influence is reduced through non-violence of the mind, which is achieved through contemplation and simple living, recognition that truth is multi-faceted and that all beings are working towards it, and that only at the moment of enlightenment can it be fully grasped. The starting point for green or ecological consciousness is similar, for it grows from a primal awareness of the complexity of living systems and the subtle interactions between them.
Jainism also shares with the Theosophical movement a perception that no single human idea can encapsulate the truth, and that our common search for enlightenment transcends all artificial barriers of faith. Jains call this approach anekantavada, or many-sidedness. They recognize that a diamond’s clear light can be glimpsed through many facets. The summit of a mountain can be reached by many paths, some straight, some winding, but all pointing towards the same place. Many-sidedness celebrates the diversity of life and thought, but reaches beyond that diversity to the common source of life. What more suitable path could there be for the interesting times in which we find ourselves today?
Source: The Theosophical Society in America http://www.theosophical.org/publications/1268
Face to faith
The 'many-sidedness' of Jainism could inoculate us against fundamentalist rigidity, says Aidan Rankin
Aidan Rankin
The Guardian, Saturday 27 January 2007
The word Jainism conjures up images of ascetics who cover their mouths and sweep the ground before them with small brushes to avoid injuring the most minuscule forms of life. Some are also aware of the Jain-owned animal sanctuaries where even the sickest, most deformed birds and beasts are protected and cherished. These overt manifestations of an ancient faith challenge the comfortable - and near-universal - assumption of human precedence over other creatures. They dramatise for us the doctrine of ahimsa: non-violence or, more literally, the avoidance of anything that causes harm.
This ideal profoundly influenced Mahatma Gandhi, through his friendship with the Jain scholar Shrimad Rajchandra. Ahimsa was the basis of Gandhi's satyagraha (truth struggle) against colonial rule and caused him to rethink many aspects of contemporary Hindu practice. He committed himself, for instance, to the equality of women and the emancipation of the lowest castes, both ideas strongly in tune with Jain doctrine. Jainism prefers to exert such subtle influence, rather than seeking converts. Ahimsa extends to the intellectual arena, in ways we can learn from in our approach to inter-faith issues and the whole way we "do" politics.
In Jainism, the non-violence of the mind is called anekantvada. This means "many-sidedness" and is an inoculation against fundamentalist rigidity. Unlike postmodernism, however, many-sidedness does not deny the existence of objective truth. Instead, it regards truth as such a powerful force that it should be approached with humility and care. All humans - and non-humans - are on the same spiritual journey towards truth and it is likely to take us many lifetimes to grasp it. The more dogmatically certain someone is, the further they are likely to be from enlightenment.
Accordingly, truth can be approached from different angles, as the summit of a mountain may be reached by different paths, some straight, some winding. But knowledge grows with an understanding that many paths exist and that one's own is not necessarily the most correct. Our beliefs, political or spiritual, are mere facets of reality, not reality itself.
For the western consciousness, this approach is radical in the literal sense. It challenges at the root both our thinking and the way we organise our thoughts. In many-sidedness, there is no "battle of ideas", because this is considered to be a form of intellectual himsa or damage, leading quite logically to physical violence and war. The adversarial method gives rise to sterile "debate", entrenched positions and artificial polarities. Within Jainism, for example, the division between spirituality and science that still dogs so much of western thought simply does not exist. So "scientific" is Jain spirituality that Albert Einstein once expressed a wish to be reborn in India as a Jain.
In today's world, the limitations of the adversarial, either/or form of argument are increasingly apparent. Even the mounting ecological crisis is linked to adversarialism, because it arises from a false division between humanity and "the rest" of nature. "Either you're with us or against us" was President Bush's war cry (and look where it has got him), but it sums up the adversarial mindset and is by no means confined to the political or religious right. All too often, progressive movements use the same language of inflexibility and hate.
Many-sidedness is about conversation in place of debate, exploring the whole of an issue rather than breaking it down into convenient pairs of opposites. It compels us to ask "how can we?" instead of arrogantly asserting that "we should". This is a path for our time.
· Aidan Rankin's book The Jain Path: Ancient Wisdom for the West is published by O Books: www.o-books.com
Source: http://www.theguardian.com/world/2007/jan/27/religion.uk
Recension des ouvrages d'Aidan Rankin sur le Jaïnisme et le Shintoïsme dans la revue d'Ecosophie The Trumpeter: http://trumpeter.athabascau.ca/index.php/trumpet/article/view/974/1376
Published on New Statesman (http://www.newstatesman.com)
Escape from UKIP
Tired of the political correctness of the left, Aidan Rankin joined Ukip. Becoming right-wing gave h
by Aidan Rankin [2] Published 14 June, 2004 - 13:00
The scene was a dinner, organised by the Salisbury Review, somewhere in the depths of the Carlton Club. It was an occasion of right-wing triumphalism, or a rallying of the troops, but I felt neither triumphant nor rallied, only irritated and bored. I listened, with increasing loathing, to a repertoire of anti-Muslim barbs from people who knew nothing whatsoever about Islam and were proud of their ignorance. I listened to conspicuously affluent men and women inveigh against scroungers, appeal to the work ethic, condemn asylum-seekers as criminals and call for people to be charged for visiting the doctor. This, apparently, "worked perfectly well in the old days", although few people gathered around the table were born before 1945.
A drunken academic accused me of being "anti-western" when I supported Palestinian autonomy. Palestinians were "Muslims" and "terrorists". At this supposedly intellectual gathering, not one single idea, substantial or ethereal, was expressed. Soon, my disgust was tempered by self-loathing. I would rather be just about anywhere but here. So why was I here, listening to mean-minded philistinism and being eyed disapprovingly every time I dissented? How on earth had I ended up on the right - and was I ever going to be able to leave it?
It took me two more years to leave the right fully. Nothing gives me more pleasure than to use the past tense when I describe it. When I awake in the morning, I relish the sudden realisation that, no, I am no longer right-wing.
Looking back, I feel that being on the right was like losing a part of myself. In shamanic cultures, there is a widespread theory of "soul theft". This is the belief that an individual's soul can be captured, and then manipulated, by an external force. Soul theft is blamed for a wide range of ailments, from serious physical and mental illness to feelings of inner emptiness, and soul retrieval is an important part of the shaman's work. The process of soul theft can be long and insidious, with the affected individual becoming a willing collaborator.
Soul theft is an accurate depiction of the experience of becoming right-wing. It starts as a vague impression, then progresses - if that is the word - into a world-view; it begins as a bad mood, then becomes a permanent, brooding anger. One doesn't wake up one morning and find oneself transformed into a reactionary, a political version of the clerk in Kafka's Metamorphosis, who awakes as a gigantic insect. Instead, right-wingery takes over gradually, crowding out conflicting thoughts, until suddenly it defines and underlies everything.
I should begin by saying that there were two types of right-wing ideology that never appealed to me. One is "far-right" racism and the scapegoating of immigrants or refugees, given voice by the British National Party, but believed in by many members of the UK Independence Party, the Eurosceptic groupuscules and the Tory party's "traditionalist" right. This has always profoundly repelled me, both for its creeping totalitarianism and its simple-minded classification of individuals by race or group.
The second strand of right-wing thinking that held no appeal was the ersatz religion of "market forces", part consumerist cargo cult and part fundamentalist reworking of 19th-century liberalism. That approach is equally off-putting because of its personal heartlessness and its superstitious regard for the market's "hidden hand". In its naive, mechanistic view of human society, and its belief in permanent revolution, the neoliberal right resembles the most extreme variants of Trotskyism.
These two tendencies - traditionalist xenophobia and market fundamentalism - dominate the British right. They coexist quite happily with-in individual right-wingers, although they are contradictory. Market ideology gives economic forces precedence over nations and traditions, after all, and places corporate rule before "national sovereignty".
As a young man in the mid-1990s, I had held standard progressive views and written occasional contributions to New Left Review. But, like many at that time, I became disillusioned with a left that seemed to be recycling old slogans and ignoring new complexities. Moreover, it was doing so with a distortion of liberalism dubbed "political correctness", which seemed harsh and intolerant, and could hurt most those whom it intended to help. In particular, I found that the left's assumptions about gay men - of which I am one - were often patronising and in many ways as restrictive as the old stereotypes. Being gay, the left seemed to think, meant ceasing to be an individual and becoming a nameless, faceless member of a minority group, obediently reciting the mantras of victimhood.
I was interested in green issues as well and had the experience of working for Survival International, which promotes the interests of indigenous peoples throughout the world, oppressed minorities who are struggling to preserve their ancient cultures as well as keep their environment intact. I came to see a contradiction between this cultural and ecological conservatism and the universalist values of the left.
In moving right, I thought that I would meet people who would excite me and make me think, who would dare to question received assumptions. I thought I would find cultured yet passionate individuals whose radicalism was balanced by a sense of history. I had the naive and hopelessly utopian idea of uniting green politics with cultural conservatism and in the process strengthening both. This led me towards sections of the right that showed some basic ecological awareness. In 1997 I became a contributor to Third Way, then the British mouthpiece for the European new right, and which proudly proclaimed itself green.
Many on the left have demonised Third Way, because its best-known contributor, Patrick Harrington, was once a well-known activist in the National Front - although his views on immigration and race have modified beyond recognition. At the time of my involvement it seemed a rather homely outfit, a London-based magazine and small political movement run from a sprawling basement flat in Kensington by Harrington and his mother, a sharp-witted, cheerful lady who served herbal tea and gave highly expert tarot card readings. This is fairly typical of the British right: grandiloquent declarations of intent contrasting with banal realities. Despite Harrington's reputation, there were far fewer right-wing views expressed in Third Way than in the UK Independence Party. When I became a researcher for Ukip's 2001 manifesto, I thought that I was helping to shape a moderate and mainstream movement. I hoped it would revive some of the best, and most flexible, aspects of conservatism. In reality, I found a movement held together primarily by hatred and fear.
My attraction to Ukip took me into a peculiar demi-monde, peopled largely by men with faces red through alcohol and outrage against the modern world, ladies with affected accents or strange hats, and youthful zealots who collected "facts" about Europe or immigration the way better-adjusted young men collect train numbers. There were rules to this half-world, but I could never grasp them. I was never "one of us", but I was often characterised as "one of them", a phrase they use without shame. During my time in Ukip - which I emphasise was long before Robert Kilroy-Silk and Joan Collins declared for it - I met with objections to the word "inclusive" because it was "used by gays" or "could include gays". When I suggested inheritance and pension rights for same-sex couples - and others living together, such as siblings or friends - frenzied letters of complaint were circulated by the party's evangelical wing. These letters, which were never addressed to me, but whose content I was made aware of by "helpful" friends within the party, were more Inquisitional than political. They speculated on whether or not I was a "practising" homosexual and, if so, whether I was a suitable person to work on policy.
Homophobia was one of the few forces uniting a notoriously divided party. To its brownshirt-in-blazer tendency, the dangers of Europe and the dangers of homosexuality were intertwined. Immigration, too, was seen less as an economic and social issue than as a threat to the moral order. When I spoke of the benefits of immigration, I was accused of "sounding like Labour"; when I expressed approval of other cultures and religions, I was accused of being "anti-western". Although the party contains men who almost make Abu Hamza sound liberal, Islamophobia pervades its internal dialogue.
There have, needless to say, always been homosexuals in Ukip. They either affect to ignore the party's intolerance or seek to increase it, to avoid discovery. One parliamentary candidate told me that he was gay - or rather, he whispered his "confession" even though we were speaking on the telephone. He did not discuss it with the electorate, he told me, not because he thought they would be prejudiced, but because he was afraid his Ukip colleagues "would react badly".
Suggestions that the party should appeal to trade unionists and ethnic minorities, many of whom are trenchant critics of the EU, elicited responses that ranged from a "why should we bother?" attitude to outright hostility. When I produced a leaflet aimed at the Kashmiri community in West Yorkshire, it was widely condemned as "supporting separatism", although it rigorously espoused electoral politics and non-violence. The Eurosceptic movement as a whole consists of a series of mock-conspiratorial cabals, sad little internet discussion groups and obscure news-sheets, each trying to outdo the other in vituperation. They hate each other at least as much as they do the European Union.
I have yet to meet anyone on the British right who is made more contented or fulfilled by its politics. So why do otherwise relatively intelligent people put up with it?
The answer, I believe, is to be found in the initial frisson, the sense of adventure and vague threat, which much of left-wing politics has lost. Indulging in right-wingery is a form of political slumming akin to the predilection for "rough trade". And, like the taste for rough trade, it is initially thrilling but yields quickly to feelings of loneliness and inner turmoil. Right-wing politics and rough trade are both addictions. They take over as substitutes both for real thought and real emotion. They combine certainty with danger, and rebellion.
Indulging in rough trade gives you the certainty of sexual encounter and the danger of it being with a stranger, in illicit (and often illegal) circumstances that can climax in violence. With the right, you have the certainty that comes from clear positions and convictions often lacking in nuance. You have the certainty that comes from constant appeal to a long tradition and a glorious national history. You also get a sense of danger: these are on the whole unfashionable convictions, which can provoke strong responses from many interlocutors.
For gay people, rebellion is a rite of passage: for many, it is a turning away from their family's values and a rejection of the establishment's code of conduct. The right-wingers, instead, promise that to ally oneself to them is to rebel against the shibboleths of contemporary discourse - no need to kowtow to political correctness here.
In his semi-autobiographical novel A Boy's Own Story, Edmund White writes of his teenage hero's wish "to be a homosexual and not to be a homosexual". To the adult male, there is no better stopgap solution to this problem than being on the right. In the right-wing demi-monde, the negative aspects of the gay scene are replicated with astonishing accuracy. The bitchiness, fierce rivalries and mindless militancy associated with the worst of gay life are found in abundance in right-wing politics. Abstract loyalty is demanded, but personal treachery is the norm.
If the right has any core at all, it is its anger. Anger takes the place of a philosophy and also projects itself on to convenient objects. These range from "practising" homosexuals to Muslims, "Europe" to home-grown "liberal elites". This anger is sustained by paranoid caricatures of outsiders and political opponents, including members of rival right-wing factions, needless to say. When I associated with the right, I seemed to spend most of my waking hours listening to them preaching about how angry they were that Britain and the world were not the way they used to be. They missed a society that was coherent, that had order and structure and predictability. They missed a crime-free Britain where the traditional family reigned and foreigners left after an admiring tour of Buckingham Palace and the Cotswolds. In short, they missed a fictional Britain. What they loathed about the contemporary, real Britain was the unfamiliarity of it - a place where people looked different and spoke in a different way, where change always lurked around the corner.
Being criticised on the right does not involve gentlemanly disagreement or even tough debate, but wild-eyed accusations. When I decided not to stand as a Ukip candidate, the Eurosceptic bush telegraph buzzed with rumours that I was working for MI6 and that I had been "pro-EU" all along. This was an amusing, in some ways flattering accusation - its only tragic aspect being that the poor old things really believed it. The right is as paranoid about the intelligence services today as the left was at the height of the cold war. In truth, I suspect that the right enjoys being paranoid. It makes its followers feel that they matter.
My political journey took me eight years. Eight years spent being ashamed of my political allegiances when I was with my gay friends, or my Muslim and Hindu friends, and realised that they would have been rejected by many in Ukip.
Renouncing the right is like waking from a disturbing dream or throwing off an especially nasty hangover. It is a life-enhancing, liberating experience. I wish it on many others.
Source: http://www.newstatesman.com/print/node/148179
Non-violence (Ahimsa) - Truth (Satya) - Non-stealing (Asteya) - Chastity (Brahmacharya) - Non-possession/Detachment (Aparigraha)
Sur le même sujet: http://pocombelles.over-blog.com/2014/05/why-greens-should-be-politically-incorrect-pourquoi-les-verts-devraient-etre-politiquement-incorrects-par-aidan-rankin.html
Comme l'homme fait partie de la nature, l'esprit de l'homme fait partie de l'Esprit de la Nature.
由于人是性质的一部分,人的精神是性质之灵的一部分
Yóuyú rén shì Xìngzhì de yībùfèn, rén de jīngshén shì Xìngzhì zhī líng de yībùfèn
Pierre-Olivier Combelles
"Dieu attend là où sont les racines": lettre du P. Eloi Leclerc à Pierre-Olivier Combelles (8 décembre 1987)
J'ai retrouvé dans mon exemplaire de "Sagesse d'un pauvre" une très belle lettre que le Père Eloi Leclerc m'avait écrite en 1987, en réponse à celle que je lui avais adressée au sujet de la phrase "Dieu attend là où sont les racines" mise en exergue au début de son livre.
Je la partage avec les amis d'Eloi Leclerc et de Saint François d'Assise et avec tous ceux qui cherchent Dieu "là où sont les racines".
P.O.C.
Rennes le 8/12/87
Cher Monsieur,
Veuillez m'excuser du retard apporté à vous répondre. Votre aimable lettre m'a rejoint à Rennes où je suis depuis un peu plus d'un an.
La phrase: "Dieu attend là où sont les racines", n'est pas de moi. Je l'ai trouvée sous la plume d'un auteur qui l'attribuait au poète Rainer Maria Rilke.
Le sens de cette phrase, appliquée à St François, vous l'avez très bien défini dans votre lettre: "... la souffrance, les épreuves, le doute, tels que François les a connus, doivent nous dépouiller de tout le superflu afin que, par sa seule grâce, Dieu puisse faire croître la foi dans notre coeur."
Un décapage est nécessaire pour nous retrouver d'abord dans notre vérité. "Tel est l'homme devant Dieu, dit François, tel il est en réalité, sans plus." (Adm. 20)
Dans la foulée de ce sens, j'ajouterai ceci qui me semble important: La spiritualité n'est pas la nature reniée, mais la nature transfigurée. La vie spirituelle authentique ne s'édifie pas au-dessus ou à côté des forces premières de notre être, mais avec. Elle suppose une évangélisation des profondeurs et donc une réconciliation de tout l'être. Sur ce sens aussi, "Dieu attend où sont les racines."
Il attend dans ces forces de vie qu'il a mises en nous et qui aspirent à la liberté des enfants de Dieu. Sans cette évangélisation des nos forces premières, notre vie spirituelle ne peut être qu'une superstructure, une façade trompeuse.
François a compris qu'il fallait "apprivoiser" le "loup" qui était en lui, comme il est en chacun de nous. Le "loup", je veux dire l'agressivité, l'impatience, la volonté de réussir une oeuvre, de la marquer de son empreinte... bref ces forces vivantes et obscures qui ne peuvent voir le jour que dans la lumière de l'Esprit, mais dont la lumière de l'Esprit a besoin pour faire un homme de Dieu.
Je vous remercie de m'avoir écrit et de m'avoir témoigné par là de votre confiance.
Permettez-moi, en terminant, de vous souhaiter, dès à présent, une sainte et joyeuse fête de Noël. Quel mystère que l'Incarnation ! Quelle source de joie et d'espérance!
Bien amicalement vôtre
Père Eloi Leclerc
Œuvres du P. Eloi Leclerc:
Exil et tendresse. Editions Franciscaines, 1962.
Le Cantique des créatures ou le symbole de l'union. Fayard, 1970.
Le chant des sources. Editions Franciscaines, 1976.
Le peuple de Dieu dans la nuit. Editions Franciscaines, 1976.
François d'Assise ou le retour à l'Evangile. Desclée de Brouwer, 1981
A propos du créationnisme
Les personnes d'expérience et de bon sens qui entendent pour la première fois parler du créationnisme pensent qu'il s'agit là d'une ânerie, d'une absurdité, d'une folie de quelques "illuminés". Prétendre que la Terre et le Monde ont été créés il y a 4500 ans (années réelles et non symboliques) comme le dit la Bible dans la Genèse, qu'Adam et Eve sont les deux ancêtres biologiques dont l'humanité est issue, en tous points semblables à ce que nous sommes aujourd'hui, que la lignée des hommes est indépendante de celle des hominiens, que les dinosaures et les hommes sont contemporains, que le Soleil tourne autour de la Terre*, que les observations sédimentologiques de M. Berthault ont "révolutionné" la géologie et rendu caduque la datation scientifique** moderne, que le pétrole n'est pas d'origine organique mais métamorphique et donc inépuisable, que la fin du monde en 2012 a été prévue dans le calendrier maya, etc., cela ne paraît pas sérieux.
En examinant d'un peu plus près cet étrange phénomène et en y réfléchissant; en cherchant à découvrir son sens et sa raison d'être, on arrive à la conclusion qu'il ne s'agit pas d'une simple lubie sans conséquence mais d'un aspect d'une politique beaucoup plus vaste et bien réelle et qui est l'instauration d'une nouvelle religion mondiale pour les non-juifs, mais dominée par le judaïsme, qui est le noachisme. La science et les conceptions cosmiques doivent se conformer littéralement à l'Ancien Testament et éventuellement sur des extrapolations d'éléments venant d'autres religions, présentes ou passées. Ce qui est mythique devient vérité scientifique, réelle.
Ce dogme se diffuse de préférence dans les milieux conservateurs attachés aux formes traditionnelles de la religion: protestants "fondamentalistes" républicains aux Etats-Unis d'Amérique (qui soutenaient la politique belliciste contre l'"Axe du Mal" sous l'ancien président Bush fils), mais aussi dans les milieux nationalistes et catholiques "traditionnalistes" d'Europe. Les uns et les autres sont les pharisiens chrétiens en somme: modèles de vertu au départ, mais facilement aveuglés par l'orgueil et le manque de charité. Les fondamentalistes ne sont qu'une assez petite partie des catholiques traditionnalistes et sédévacantistes. Ils considèrent que l'Ancien Testament est la vérité absolue, puisque c'est la parole de Dieu sortie par la bouche des prophètes, et qu'il doit être accepté et compris littéralement. Comme on sait, ce qui compte, ce n'est jamais le nombre mais le pouvoir et l'autorité de ceux qui vont entraîner le reste par le moyen de l'obéissance. Il faut dire que depuis Vatican II et Mgr Lefebvre, les catholiques traditionnalistes ont évolué à 180°. La majorité d'entre eux, obéissant à leurs évêques et à leurs prêtres, reconnaissent maintenant Benoît XVI*** comme le Pape. Les sédévacantistes résistent. D'où l'intérêt de propager ces théories débilitantes dans ces fortes têtes.
Les personnes qui se considèrent pieuses, vertueuses, cultivées, intelligentes, informées et ipso facto supérieures, courent le risque de verser dans l'orgueil. Et comme on ne peut pas tout savoir, elles ont souvent - c'est humain- un côté stupide ou conformiste pour certaines choses: "qui veut faire l'ange fait la bête", remarquait Pascal. Les voilà donc qui abdiquent soudain leur bon sens, qui est à la fois la chose la plus rare et la plus commune. Ou qui, placées devant le dogme créationniste, n'osent pas réagir ou protester, par timidité ou lâcheté face à ceux qui l'affirment, par respect pour les Saintes Ecritures ou simplement parce que leur raison vacille et qu'ils ne se sentent pas sûrs d'eux-mêmes.
Le créationnisme est une idéologie au service de la classe dominante, la ploutocratie, celle qui a le droit de savoir. C'est une façon différente de s'attaquer au christianisme mais également à ce pilier de l'Europe et de l'Occident (la partie du monde façonnée par l'Europe), qui est la science. Car dans la théocratie, c'est la science toute entière qui est soumise à la théologie, instrument du pouvoir politique. Et il s'agit bien d'une théocratie. Le créationnisme et le noachisme font partie du projet théocratique du Nouvel Ordre Mondial. Nous touchons là à une chose très intéressante: la politique n'est-elle pas d'essence religieuse; peut-elle vivre sans la religion et la fin de la religion ne serait-elle pas aussi la fin du politique, ce qui n'est possible que par la fin de l'humanité ? ****
Béthune
* Il ne faut pas confondre le mouvement réel et le mouvement apparent. Même si les hommes et la nature vivent comme si c'était le soleil qui tourne autour de la terre, dans la réalité, c'est bien la terre qui tourne autour du soleil.
** Toute science ou connaissance véritable est une approximation et une lutte constante contre les limitations de la connaissance, les erreurs de toutes sortes, l'oubli, etc. On dit parfois qu'un savant est quelqu'un qui sait ce qu'il ignore.
*** Chef du "parti catholique" dans l'"Assemblée oecuménique noachide".
**** "Tous les concepts prégnants de la théorie moderne de l'État sont des concepts théologiques sécularisés" (Carl Schmitt, Théologie politique, ch. 3).
L'inversion cosmique de Vatican II
Sceau de l'ordre des Jésuites (Christogramme)
Seul est un catholique accompli celui qui édifie la cathédrale de son âme sur une crypte païenne.
Nicolas Gomez Davila
Il me semble que ni dans le "Bref Examen critique sur le Novus ordo missae" signé des cardinaux Ottaviani et Bacci (et rédigé par Mgr Guérard des Lauriers), ni dans les ouvrages critiques sur Vatican II comme "Complot contre l'Eglise" de Maurice Pinay, "Ils l'ont découronné" de Mgr Lefebvre, ni ailleurs, on ait fait remarquer que le renversement à 180° de l'autel dans les églises catholiques était une révolution cosmique et historique en plus d'être une révolution religieuse.
Les églises chrétiennes sont en effet toutes orientées à l'est; le porche d'entrée étant situé de l'autre côté, à l'ouest, du côté du soleil couchant. Dans la messe traditionnelle, le culte sacrificiel s'effectue face à l'autel, au fond de l'abside, à l'est, dans la direction du soleil levant.
Depuis Vatican II, la messe dite de Paul VI n'est plus un sacrifice à Dieu, le Christ étant désormais considéré seulement comme homme (et non comme le vrai Messie, qui est toujours attendu par les Juifs), mais une commémoration de la Cène présidée par le prêtre. La communion, repas partagé symboliquement, est reçue debout par les fidèles et non plus à genoux comme l'était le Corps du Christ dans la messe traditionnelle (1). Cette nouvelle messe est célébrée sur une table-autel, au centre de l'église, face aux fidèles, c'est à dire face à l'ouest. Or, pour les peuples d'origine celtique comme pour la plupart des peuples de la terre; l'ouest, direction du soleil couchant, a toujours été le symbole de la mort.
Cette inversion d'une importance symbolique essentielle bouleverse donc l'ordre cosmique: source de lumière, de chaleur et de vie, le soleil ordonne la vie quotidienne des hommes, des animaux, des plantes et de toutes les créatures. Le Christ, "Soleil de justice", "Lumière de vérité", est aussi la personnification divine du soleil.
Elle rompt non seulement avec la tradition chrétienne et humaine mais aussi avec la continuité de l'histoire. En effet, la conversion de Constantin au christianisme en 312 a mis fin au règne de Sol Invictus (Le Soleil Invincible) comme dieu de l'Etat romain. Constantin, qui avait été un adepte convaincu de ce culte, institua par décret du 7 mars 321 "Dies Solis", le Jour du repos, qui devint "Dimanche" et "Sunday" ("Jour du Soleil" en anglais) (2).
Notons à ce propos que l'adoption du christianisme comme religion officielle et unique de Rome et donc de l'empire romain est une rupture avec le polythéisme antique (et universel) et en même temps avec la sagesse libre, indépendante et universelle du Christ face au pouvoir politique et religieux. Nous entrons donc dans une nouvelle ère: celle de l'intolérance.
L'empereur Héliogabale (218-222) avait institué un festival s'achevant le 25 décembre par le "dies natalis solis invicti" (jour de la naissance du soleil invincible). Le culte de Sol Invictus, qui emprunta certainement beaucoup à ceux d'Apollon et de Mithra, devint religion officielle avec l'empereur Aurélien (270-275).
Le 25 décembre, date où l'allongement de la durée du jour devient visible après le solstice d'hiver (21 ou 22 décembre), et de facto premier jour de la renaissance du soleil, est devenu Noël, jour de la naissance du Christ. Selon la tradition, c'est le pape Libère qui a fixé en 354 le jour de la naissance du Christ à cette date.
La messe célébrée vers l'ouest dans l'hérésie conciliaire (3) ou "noachisme" (4) est donc une Nuit et une Mort et non une Lumière et une Résurrection.
Béthune
(1) "La génuflexion, c'est l'adoration; elle est due à Dieu, et à Dieu seul. "Que tout genoux fléchisse sur la terre". Nous qui y sommes, nous qui adorons la présence réelle du Verbe incréé dans les espèces consacrées, il nous incombe de perpétrer sur terre cette tradition de la génuflexion." Mgr Guérard des Lauriers, dernière homélie prononcée le 3 janvier 1988 en la fête du Saint Nom de Jésus.
(2) C'est pour cela que la messe célébrée le samedi pour ceux qui sont absents le dimanche est une imposture. Le samedi est le jour du Sabbat des Juifs!
(3) On ne peut parler de religion pour cette hérésie qui a usurpé le nom et le lieux de culte catholiques après Vatican II car toute religion suppose un culte et un sacrifice offerts à un dieu ou à plusieurs. Pour celle-ci (noachisme), Jésus-Christ n'est plus Dieu. Toute la théologie officielle depuis Vatican II va dans le sens de l'humanité de NSJC et dans l'abandon et la négation de sa divinité.
(4) Noachisme: "Hérésie où le christianisme est subordonné au judaisme, ce dernier étant considéré non plus comme simplement antérieur mais comme supérieur" (...) "Noachisme : de Noah (Noé en hébreu), doctrine selon laquelle la Révélation christique (ou le prophétisme mahométan) n'a nullement résilié l'Alliance entre Dieu et le peuple juif, mais a permis aux gentils (non juifs) d'avoir enfin une justification, cette justification supposant toutefois la subordination des non juifs au peuple de Dieu, Messie et Rédempteur. Bref, la Nouvelle Alliance ne modifierait pas le rôle prédominant des enfants fidèles de Sem sur leurs frères infidèles (Mahométans), mais surtout sur les enfants de Japhet et de Cham. Le développement, même descriptif, de cette théorie (illustrée jadis par Gougenot des Mousseaux, dans Le Juif et la judaïsation des peuples chrétiens, Paris, 1869 et 1886) semble impossible en France, eu égard à la législation répressive en vigueur (voir La Francophobie, p. 39-85). On lira avec intérêt, sur ce sujet, l'article publié récemment en Italie dans la revue Sodalitium, n° 34, janvier 1993, édition française, Località Carbignano, 36, I-10020 Verrua Savoia (To.), Italie." (in Eric Delcroix:LA POLICE DE LA PENSÉE CONTRE LE RÉVISIONNISME DU JUGEMENT DE NUREMBERG A LA LOI FABIUS-GAYSSOT")
Site internet Noahide.org: link
Définition du noachisme sur le site anglais noachide.org.uk: link
"The Noachide Code: The Seven Commandments of the Covenant of Noah, the universal moral code for all mankind.
Most people have heard of the so-called ‘Ten Commandments’, but what they don't know is that 'Ten Commandments' is a mistranslation. In the original Hebrew, ‘Aseret HaDibrot' correctly translates as ‘Ten Statements’, and it was ten statements that Moses brought down from Mount Sinai, carved in two stone tablets. Likewise many people are also unaware that Judaism is a religion of duel covenants, one for Jews and another for Non-Jews. According to Jewish tradition (which comes from the Divine revelation to Moses at Mount Sinai), the Torah of Moses contains a covenant binding on the Jewish people consisting of 613 commandments, and another known as the ‘Covenant of Noah’ consisting of 7 commandments which is binding on all the peoples of the world who are not Jewish.
One of the commandments given to the Jewish people was to become ‘a light unto the (non-Jewish) nations’, and as part of fulfilling this task they have preserved in the Talmud the universal code of seven noachide commandments.
People who observe the Covenant of Noah are considered by the Rabbis to be ‘Righteous Gentiles’ and are known as Noachides or Bnai Noach in Hebrew, both these terms mean ‘descendants of Noah.’
The biblical covenant of Noah (symbolized by the rainbow) is a Divine promise to never again destroy humanity. The Jewish tradition informs us that in return for this promise, all humanity must observe the seven universal Noachide commandments. This is the Divine plan for world peace."
(6) La "pax deorum" des Romains. Celui qui la compromettait était passible de mort, car il mettait la Cité en péril.
Monnaie de l'empereur romain Probus (circa 280), coiffé d'une couronne de rayons solaires.
Au revers, on peut voir le dieu solaire monté sur le quadrige, avec les mots "Sol Invictus".
Mosaïque représentant le char solaire de Sol Invictus. IIIe ou IVe s.
Mausolée M de la Nécropole de la Basilique de St-Pïerre de Rome.
La barrière de sang des aristocraties et des monarchies héréditaires (Maurice Pinay)
Défenseur de l’Etat et de la religion nationale, la noblesse était encore, sous l’Ancien Régime, le rempart du pouvoir politique contre les juifs. Après les Révolutions anglaise et française, ces derniers s’infiltrèrent dans l’aristocratie européenne par mariages, particulièrement en Angleterre. Le concile Vatican II et les lois mémorielles après la 2e Guerre mondiale achevèrent la soumission de l’Occident chrétien et des catholiques.
Maurice Pinay*, auteur du fameux ouvrage « Complot contre l’Eglise » publié à Rome en 1962 à l’intention des Pères conciliaires pour les avertir des dangers de Vatican II, a consacré un passage à la « barrière de sang » que constituaient la monarchie et la noblesse héréditaire. En raison de son importance, nous le reproduisons intégralement.
Béthune
« Ce pouvoir occulte se heurtait cependant à de sérieux obstacles dans l’établissement de sa domination sur le monde chrétien. En premier lieu, la monarchie et la noblesse héréditaire, où le titre était l’apanage de l’aîné, rendait difficile aux juifs secrets une escalade rapide du poste de chef de l’Etat. Ils pouvaient gagner la confiance des Rois, parvenir à être ministres, mais il leur était pratiquement impossibles de devenir Rois. En second lieu, leur position dans le gouvernement royal était peu sûre : ils y étaient exposés à être destitués d’un jour à l’autre par le monarque qui les nommait, et à perdre ainsi le pouvoir obtenu par de longues années de préparation et d’efforts.
En outre, seuls des princes de sang royal pouvaient épouser des princesses de sang royal, de sorte que les trônes étaient protégés par une sorte de muraille de sang, qui rendait impossible ou quasiment impossible l’accès du trône pour des plébéiens. Dans ces conditions, si les israélites pouvaient s’infiltrer tout au plus dans les postes dirigeants, cette muraille de sang royal les empêchait d’accéder aux trônes. Il en fut de même pendant plusieurs siècles avec la noblesse. Mais, comme nous l’avons vu, les juifs dans quelques cas d’exception parvinrent à franchir le mur de sang aristocratique, ce qui constitua un désastre pour la société chrétienne, car, par ces mariages mixtes avec des personnes de la noblesse, ils purent accéder à d’importantes positions, grâce auxquelles ils favorisèrent leurs schismes ou leurs révolutions.
Mais l’aristocratie du sang restait encore dans certains pays une caste fermée et difficile à pénétrer pour les plébéiens, et c’est pourquoi il leur fallut un travail de plusieurs siècles avant d’arriver à l’infiltrer et à en prendre le contrôle comme en Angleterre. Dans d’autres pays en revanche, comme l’Italie, l’Espagne et la France, ils firent à certaines époques de grands progrès dans cette pénétration de l’aristocratie, mais l’Inquisition leur fit ensuite perdre leurs conquêtes ou du moins les réduisirent beaucoup. Ils finirent cependant par acquérir suffisamment de force au XVIIIème et au XIXème siècles pour faciliter le triomphe des révolutions maçonnico-libérales qui renversèrent les monarchies.
Reste qu’en quelque manière la noblesse héréditaire représentait une barrière de sang, qui, dans de nombreux pays gêna l’infiltration des juifs dans les hautes sphères de la société, et que la monarchie héréditaire était l’obstacle majeur qui empêchait les juifs masqués en chrétiens de s’emparer de la direction de l’Etat. C’est pourquoi dans toutes les occasions où ils tentèrent de s’infiltrer, ils échouèrent pratiquement chaque fois, à l’exception de l’Ethiopie, où ils réussirent à installer une dynastie juive, et de l’Angleterre où ils affirment avoir judaïsé la monarchie.
Il est donc bien compréhensible que les Israélites du XIIème siècle cessèrent alors d’espérer que finisse par porter fruit le long et désespérant travail d’infiltration progressive des dynasties royales et aristocratiques ; c’est pourquoi, sans pourtant jamais cesser de le poursuivre, ils eurent cependant l’idée d’une voie plus rapide pour atteindre l’objet de leurs désirs, celle consistant à détruire par la révolution les monarchies héréditaires et les aristocraties de sang, et de remplacer ces régimes par des républiques, dans lesquelles les juifs pouvaient s’emparer plus facilement et rapidement du poste de chef de l’Etat.
C’est pour cela qu’est si importante la révolution organisée à Rome par Giordano Pierleoni, qui s’empara avec rapidité du plus haut poste de direction de la petite république. Bien que cette révolte n’ait pas été dirigée contre un roi, ce coup de force de placer en quelques jours au sommet du pouvoir le frère de l’antipape juif avait été un exemple démonstratif pour le Judaïsme universel, lui enseignant ainsi comment transpercer et détruire cette barrière de sang constituée par les monarchies héréditaires.
Lors de certaines hérésies du Moyen-Âge et ensuite de la Réforme, il fut déjà projeté de renverser les monarques et d’exterminer la noblesse, mais c’est aux temps modernes qu’ils y sont parvenus, en brandissent l’arme de la démocratie et de l’abolition des castes privilégiées.
Cependant au Moyen-Âge, le fait de chercher à atteindre autant d’objectifs à la fois ne réussit qu’à unir davantage le Roi, la noblesse et le clergé, qui, aussi longtemps qu’ils restèrent unis, firent échouer les tentatives révolutionnaires du Judaïsme. Devant ces échecs, ils finirent par comprendre qu’il n’était pas possible d’atteindre d’un seul coup des objectifs aussi ambitieux. Aussi, les juifs ayant le talent de retenir et d’appliquer les leçons du passé, dans la nouvelle révolution qu’ils feront éclater au XVIème siècle, ils ne s’attaqueront pas alors à la fois aux rois, à la noblesse et au clergé, mais tout au contraire ils essaieront de subjuguer et de transformer l’Eglise avec l’aide des monarques et des aristocrates, pour ensuite par de mouvements révolutionnaires renverser ces derniers »
Maurice Pinay, Complot contre l'Eglise (1962)
* Pseudonyme du jésuite mexicain Joaquin Saenz y Arriaga et d'un groupe d'écclésiastiques sous sa direction
Texte complet sur internet:
http://www.aaargh.codoh.info/fran/livres8/PINAYfr.pdf
Il existe une version imprimée de cet ouvrage, avec quelques notes de l'éditeur, parue en 2006 aux Editions Saint-Remi, en deux volumes:
BP 80, 33410 Cadillac. Tel 05 56 76 73 38. Voir aussi France Livre, 6 rue du petit pont, Paris 6°
http://editions.saint-remi.chez-alice.fr/
"Voici enfin, après trente ans d'attente, une version francaise du célèbre ouvrage de Maurice Pinay "Complot contre l'Eglise" paru à Rome en 1962 et distribué alors
aux Pères conciliaires dans l'espoir des auteurs que cette somme d'informations prémunirait les Pères contre les tentatives de reniement annoncées de la Tradition et des enseignements de vingt
siècles. Il n'en fut hélas rien.
[... ] Lors de la parution de la première édition en italien en 1962, cet ouvrage fut qualifié de "pamphlet" dans une recension calomnieuse signée d'un rédacteur de l'hebdomadaire du Vatican
Corriere della Domenica, ce qui témoignait de l'esprit déjà alors en vigueur au Vatican et du personnel nouveau en place. Le lecteur jugera si ce monument d'érudition historique érudite est un
"pamphlet".
Ce livre sans aucun doute suscité par plusieurs membres de la Curie fidèles fut l'oeuvre collective de clercs érudits, sous la direction d'un savant Père Jésuite, aidé d'équipes de chercheurs
travaillant tant auprès des facultés Romaines que de plusieurs universités d'Amérique du Sud, notamment celle de Guadalajara au Mexique. A la présente édition française, traduite de la réédition
espagnole de 1968 des Editions Mundo Libre de Mexico, les éditeurs ont cru bon de donner le titre de : "2000 ans de complots contre l'Eglise"...
Ce dossier sur le communisme, la franc-maçonnerie et surtout les pressions et les infiltrations juives, qui remontent très haut, a été présenté aux participants du concile de Vatican II. Il avait été rédigé par un groupe d'ecclésiastiques, dont on connait l'abbé mexicain Joaquin Saenz y Arriaga (décédé en 1976). Ils n'ont pas pu empêcher le véritable coup d'Etat qui s'est produit alors, et qui explique la longue litanie des renoncements de l'Eglise et son asservissement progresif aux demandes - incessantes - des rabbins colonialistes et expansionnistes."
Article Wikipedia en anglais sur le P. Saénz y Arriaga:
http://en.wikipedia.org/wiki/Joaqu%C3%ADn_S%C3%A1enz_y_Arriaga
La religion des Français
"Tout le peuple gaulois est très religieux."
"Tous les Gaulois se prétendent issus de Dis Pater: c'est, disent-ils, une tradition des druides".
César, Guerre des Gaules, livre VI, 16-18.
Le dieu Taranis (chaudron celte de Gundestrup, Musée de Copenhague)
"Les Gaulois étaient polythéistes, donc croyaient en plusieurs dieux. Le druide était un personnage important aux multiples facettes. Il était prêtre, maître d'école, médecin et juge. Les "vates" secondaient les druides en remplissant la fonction de sacrificateurs.
La société gauloise était régie par des classes : clergé, noblesse, peuple. Le clergé, composé de prêtres, nommés druides, la noblesse, composée des guerriers les plus riches et les plus braves, dirigeaient le peuple. Les druides enseignaient l’immortalité de l’âme et adoraient les forces de la nature.
Ils étaient fort respectés, car seuls, parmi les Gaulois, ils faisaient de longues études et possédaient quelque instruction. Ils enseignaient que l’âme ne meurt pas avec le corps. Ils ne s’occupaient pas seulement du culte religieux, mais ils étaient encore juges, professeurs, médecins.
Les nobles se réunissaient pour gouverner leur tribu ou bien se choisissaient un chef. Ils avaient des compagnons d’armes qui devaient les suivre partout et même se tuer sur leur corps lorsqu’ils venaient à mourir. Ils avaient aussi de nombreux esclaves. Le peuple, en temps ordinaire cultivait la terre déjà fertile en blé, gardait les troupeaux, chassait et pêchait. Mais, en temps de guerre, il prenait les armes et partait en bandes, sans discipline, sans organisation. Pour cette raison, les guerriers gaulois étaient parfois vaincus, malgré leur grand courage.
Ils avaient un mépris complet de la mort, car ils croyaient que l’âme revit ensuite dans un autre corps. Ils n’adoraient pas, comme les autres peuples païens, des dieux de pierre ou de bois, mais tout ce qui leur semblait beau ou terrible dans la nature : le soleil, le tonnerre, les montagnes, et surtout Teutatès, dieu de la guerre. Les druides immolaient à leurs dieux des victimes humaines, des criminels ou des prisonniers de guerre. Ils les brûlaient dans des cages d’osier, en chantant pour étouffer leurs cris.
La plus connue de leurs cérémonies religieuses était la cueillette du gui auquel ils attribuaient la vertu de guérir toutes les maladies. C'était un travail long et minutieux que les druides exécutaient avec précision. Le premier jour de l’an, un druide en robe blanche, monté sur un chêne, coupait avec une faucille d’or le gui qu’il laissait tomber dans un drap blanc, tenu au pied de l’arbre par d’autres druides. On le partageait ensuite entre les druides, qui passaient la fin de la journée en festins et en réjouissances."
(Extrait de l'article Wikipedia sur les Gaulois: http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaulois_(peuples)
"Le Français a besoin de la religion plus que tout autre peuple; s'il en manque, il n'est pas seulement affaibli, il est mutilé.
Le christianisme a depuis tant de siècles et si profondément pénétré notre race qu'il a passé jusque dans nos moëlles, et s'est fait pour ainsi dire son âme, sa conscience et son bon sens."
Joseph de Maistre, Du pape.
"Je ne sais si, à tout prendre, et malgré les vices éclatants de quelques-uns de ses membres, il y eut jamais dans le monde un clergé plus remarquable que le clergé catholique de France au moment où la Révolution l'a surpris, plus éclairé, plus national, moins retranché dans les seules vertus privées, mieux pourvu de vertus publiques, et en même temps de plus de foi: la persécution l'a bien montré."
Alexis de Tocqueville: L'Ancien Régime et la Révolution
On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ...
Évangile de N.-S. Jésus Christ selon saint Matthieu (5, 13-16)
+ Comme les disciples s'étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur
disait :
« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ?
Il n'est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent.
Vous êtes la lumière du monde.
Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.
Et l'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
De même, que votre lumière brille devant les hommes :alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » +