revolution francaise
Le Solitaire : Jansénisme et révolution de Yves Amiot. Une critique par Eric Elliès.
par Eric Elliès (20 mai 2016)
Ce court roman est bien plus qu'un roman historique. D’une grande densité, ciselé dans une écriture impeccable à la fois sobre et minutieuse, il brosse un portrait saisissant de la Révolution française et ouvre une perspective originale, voire iconoclaste, sur les soubresauts de la Terreur. Yves Amiot immerge le lecteur dans les pensées du narrateur (un vieux sage janséniste, ancien officier des armées du Roi, qui assiste en témoin au déchaînement des passions humaines puis devient peu à peu acteur des évènements) et parvient, par son indéniable talent d’écriture, à pleinement faire ressentir la complexité, la violence et l’idéalisme d’une époque troublée, où les hommes sont dépassés par le flux des forces qu’ils ont mis en branle… Le récit, rigoureusement construit et découpé en une quinzaine de courts chapitres obéissant aux règles d’unité de lieu et d’action, se lit d’une traite.
Plusieurs de ces chapitres sont le prétexte de descriptions saisissantes (notamment celles des ruines de l'abbaye de Port-Royal, que le Roi s’est évertué à araser après la condamnation de l’ordre, et de l’émissaire de Robespierre, jeune homme pétri d’idéal qui sent que la réalité se dérobe sous lui) et de dialogues, à la fois érudits et vivants, sur les conflits théologiques et philosophiques qui ont déchiré l’Eglise et la société française. Pour le narrateur, et peut-être pour l’auteur tant son récit est chargé d’un souffle de conviction, l’Eglise, sous l’influence des jésuites, s’est compromise avec le temporel et, en voulant adapter les exigences de la religion aux faiblesses humaines, a trahi la pureté des enseignements du Christ et fait le jeu du diable en rendant tolérables, puis acceptables, les passions viciées profondément enfouies dans le cœur humain. Dès lors que la recherche du bonheur terrestre a été érigée en finalité (quête illusoire et sans fin puisque le bonheur absolu ne peut exister dans une vie mortelle) en supplantant la recherche de la Grâce divine, la société ne pouvait que se déliter en libérant, sous le masque d’idéaux humanistes qui ont dupé leurs prosélytes sincères (Rousseau, Voltaire, etc.), un égoïsme et une violence exacerbés puisqu’avait sauté le seul verrou qui pouvait les contenir. Le narrateur, qui conserve une rancune tenace envers les jésuites, affirme à de nombreuses reprises que les jansénistes ont été calomniés puis détruits pour avoir rappelés l’Eglise et les hommes à leurs vrais devoirs et avoir démontré, par l’exemple de leur vertu et de leur sagesse aimante, que la société s’était fourvoyée. Néanmoins, le narrateur, qui s’est installé en Vendée et est recherché par les deux camps qui veulent l’utiliser comme intermédiaire pour négocier avec le camp ennemi, n’est pas un être aigri ou désespéré : il accepte avec sérénité les épreuves de l’époque et œuvre de son mieux pour pacifier les hommes, à ses yeux tous fautifs à divers degrés.
Le cœur du récit est d’ailleurs constitué d’une intrigue visant à tenter de rapprocher républicains et vendéens pour mettre fin aux exactions qui ont fini par écoeurer tous les partis. Le dénouement de l’intrigue dresse en creux (avec un chapitre très habilement elliptique) un portrait singulier de Robespierre, homme d’exception à l’âme ardente mais d’une grande lassitude, qui cherche à retrouver Dieu dans l’Etre suprême et la paix de l’âme dans l’acceptation de sa mort…
Le style de l’auteur, comme il sied à son personnage principal, est d’une élégance austère et ressuscite l’esprit de Port-Royal, en portant sur la Révolution française un regard intransigeant (très clairement à contre-courant des tendances actuelles) dont l’acuité pourrait éclairer l’époque contemporaine, notamment en ces temps d’agitation où certains voudraient ressusciter la lutte de classe et hisser le clivage « patron/ouvrier » au niveau des anciens étendards révolutionnaires. Le narrateur (Puizeau) évoque ainsi auprès de son ami Duplessis, un ancien officier des armées de Vendée, son entretien avec Robespierre : Une révolution est en fleuve en crue et ce fleuve charrie bien du limon, bien des épaves et aussi bien des cadavres. Il arrive que celui qu’il entraîne dans son courant, alors qu’il s’est imaginé un temps le maîtriser, s’aperçoive qu’il en est devenu le jouet. Il prend alors horreur de lui-même. C'est l'heure que Dieu attend pour le ramener à lui. La grâce chemine souvent sans que nul n'en perçoive la trace. Saint-Augustin l'a dit et je le lui ai dit : "Autre chose est d'apercevoir du haut d'un roc sauvage la patrie de la paix sans trouver le chemin qui y mène, autre chose est d'entrer en possession de la véritable route"
In Memoriam Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont, fleur de la noblesse française (27 juillet 1768 - 17 juillet 1793)
Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont,
Fleur de la noblesse française,
Bénie soit votre âme au Paradis.
Le souvenir de votre courage
Est à jamais gravé dans nos cœurs.
Le sang versé des martyrs
Fera refleurir les lis de France.
Pierre-Olivier Combelles
Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont (née le 27 juillet 1768, baptisée le 28 juillet à Saint-Saturnin des Ligneries), dite Charlotte Corday, est morte guillotinée à Paris le 13 juillet 1793, à l'âge de vingt-quatre ans.
Troisième des cinq enfants de François de Corday d’Armont, gentilhomme normand, ancien lieutenant aux armées du roi, et de Charlotte Marie Jacqueline de Gautier des Authieux de Mesnival (13 mars 1737, morte à Caen le 9 avril 1782), Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont était l'arrière-arrière-arrière-petite-fille du poète Pierre Corneille par sa fille Marie.
N'ayant pu entrer dans la prestigieuse maison de Saint-Cyr, Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont, alors âgée de treize ans, fut admise avec sa sœur cadette à l'Abbaye aux Dames à Caen, qui, en tant qu'abbaye royale, devait accueillir les jeunes filles pauvres issues de la noblesse de la province de Normandie.
Elle restera pensionnaire à l'abbaye aux Dames jusqu'en février 1791, puisque la congrégation fut dissoute un an après la nationalisation des biens du clergé et la suppression des ordres religieux. Avec la Révolution, le vote de la loi établissant la Constitution civile du clergé le 12 juillet 1790 entraîna la fermeture des couvents qui furent déclarés biens nationaux.
"Marat pervertissait la France, j'ai tué un homme pour en sauver cent mille." Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont. Dessin: Alban Guillemois (2022).
Lettre trouvée sur Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont après son arrestation
Jusqu’à quand, ô malheureux Français, vous plairez vous dans le trouble et les divisions, assez et trop longtemps des factieux et des scélérats ont mis l’intérêt de leur ambition à la place de l’intérêt générale, pourquoi, ô infortunés victime de leur fureur, pourquoi vous égorger, vous anéantir vous même pour établir l’édifice de leur tyrannie sur les ruines de la France désolée.
Les factions éclatent de toutes parts ; la Montagne triomphe par le crime et par l’oppression ; quelques monstres, abreuvés de notre sang conduisent ses détestables complots et nous mènent au précipice par mille chemins divers.
Nous travaillons à notre propre perte avec plus d’énergie que l’on n’en mit jamais à conquérir la Liberté ! Ô Français, encore un peu de temps, et il ne restera de vous que le souvenir de votre existence !
Déjà les départements indignés marchent sur Paris ; déjà le feu de la Discorde et de la guerre civile embrase la moitié de ce vaste Empire, il est encore un moyen de l’éteindre, mais ce moyen doit être prompt. Déjà le plus vil des scélérats, Marat, dont le nom seul présente l’image de tous les crimes, en tombant sous le fer vengeur, ébranle la Montagne et fait pâlir Danton et Robespierre, les autres brigands assis sur ce trône sanglant, environnés de la foudre, que les Dieux vengeurs de l’humanité ne suspendent sans doute que pour rendre leur chute plus éclatante, et pour effrayer tous ceux qui seraient tentés d’établir leur fortune sur les ruines des peuples abusés !
Français! vous connaissez vos ennemis, levez vous ! marchez ! que la Montagne anéantie ne laisse plus que des frères et des amis! J’ignore si le ciel nous réserve un Gouvernement républicain, mais il ne peut nous donner un Montagnard pour maître que dans l’excès de ses vengeances.
Ô France, ton repos dépend de l’exécution de la loi, je n’y porte point atteinte en tuant Marat, condamné par l’univers, il est hors la loi .... Quel tribunal me jugera ? Si je suis coupable, Alcide l’était donc lorsqu’il détruisait les monstres ; mais en rencontra-t-il de si odieux ? Ô amis de l’humanité, vous ne regretterez point une bête féroce engraissée de votre sang, et vous tristes Aristocrates que la Révolution n’a pas assez ménagés, vous ne le regretterez pas non plus, vous n’avez rien de commun avec lui.
Ô ma patrie ! tes infortunes déchirent mon cœur, je ne puis t’offrir que ma vie, et je rends grâce au ciel de la liberté que j’ai d’en disposer ; personne ne perdra par ma mort, je n’imiterai point Pâris en me tuant, je veux que mon dernier soupir soit utile à mes concitoyens, que ma tète, portée dans Paris, soit un signe de ralliement pour tous les amis des lois, que la Montagne chancelante voie sa perte écrite avec mon sang, que je sois leur dernière victime, et que l’univers vengé déclare que j’ai bien mérité de l’humanité, au reste, si l’on voyait ma conduite d’un autre œil, je m’en inquiète peu.
Qu’à l’univers surpris, cette grande action
Soit un objet d’horreur ou d’admiration,
Mon esprit, peu jaloux de vivre en la mémoire,
Ne considère point le reproche ou la gloire :
Toujours indépendant et toujours citoyen,
Mon devoir me suffit, tout le reste n’est rien.
Allez, ne songes plus qu’à sortir d’esclavage !
[Voltaire, Mort de César]
Mes parents et amis ne doivent point être inquiétés, personne ne savait mes projets. Je joins mon extrait de Baptême à cette Adresse pour montrer ce que peut la plus faible main conduite par un entier dévouement. Si je ne réussis pas dans mon entreprise, Français, je vous ai montré le chemin, vous connaissez vos ennemis, levez vous, marchez et frappez.
A M. de Corday d’Armont, rue du Bègle, à Argentan.
Pardonnez-moi, mon cher papa, d'avoir disposé de mon existence sans votre permission. J'ai vengé bien d'innocentes victimes, j'ai prévenu bien d'autres désastres. Le peuple, un jour désabusé, se réjouira d'être délivré d'un tyran. Si j'ai cherché à vous persuader que je passais en Angleterre, c'est que j'espérais garder l'incognito; mais j'en ai reconnu l'impossibilité, j'espère que vous ne serez point tourmenté. En tout cas, je crois que vous aurez des défenseurs à Caen. J'ai pris pour défenseur Gustave Doulcet de Pontécoulant. Un tel attentat ne permet nulle défense. C'est pour la forme.
Adieu, mon cher papa, je vous prie de m'oublier, ou plutôt de vous réjouir de mon sort, la cause en est belle. J'embrasse ma sœur que j'aime de tout mon cœur ainsi que tous mes parents. N'oubliez pas ce vers de Corneille : « Le crime fait la honte et non pas l'échafaud. »
C'est demain que l'on me juge.
Ce 16 juillet.
Source: http://souvenirchouandebretagne.over-blog.com/marie-anne-charlotte-de-corday-a-ete-executee
Extrait du documentaire de France 3 "Corday vs Marat" du 23 avril 2018.