syrie
Paul Craig Roberts: La chute de la Syrie expliquée
9 janvier 2025
La chute de la Syrie expliquée
Paul Craig Roberts
Je me suis plaint de la difficulté à comprendre la disparition soudaine de la Syrie. Ni les médias occidentaux ni les médias russes ne fournissent un récit crédible. Récemment, je suis tombé sur l'article de Finian Cunningham, « Syria after 13 years of US State terrorism », sur le site de la Strategic Culture Foundation. https://strategic-culture.su/news/2024/12/10/syria-after-13-years-of-us-state-terrorism-what-do-you-expect/ Ce site est souvent difficile d'accès, car Washington le considère stupidement comme de la désinformation russe.
À première vue, l'effondrement soudain de la Syrie donne l'impression que les alliés de la Syrie, la Russie et l'Iran, pourraient avoir vendu la Syrie. Cette perception pourrait prévaloir au détriment de la Russie et de l'Iran en tant qu'alliés fiables, mais la véritable explication est que les années de sanctions économiques et commerciales imposées par l'Occident à la Syrie, les années de guerre par procuration de Washington contre la Syrie, l'occupation étrangère des provinces pétrolières et céréalières de la Syrie par les forces militaires américaines et turques, privant ainsi le gouvernement de revenus, ont vidé l'économie syrienne de sa substance et laissé l'armée syrienne mal payée pour ses services. La Syrie, écrit Cunningham, est tombée dans « une guerre d'usure qui a duré 13 ans » et dont toutes les victimes des deux côtés étaient arabes. Le peuple syrien, privé de nourriture, de médicaments et de carburant, dont plus de la moitié de la population a été déplacée, a souffert d'une forte inflation et d'une monnaie détruite, et n'a plus été en mesure de résister.
J'ai contacté Finian, un journaliste international que je connais depuis des années et j'ai appris beaucoup de choses qui me permettent de fournir une explication de la destruction de la Syrie.
Je commence par retirer mes soupçons de perfidie russe et iranienne dans l'effondrement de la Syrie que j'ai exprimés dans de récentes chroniques et dans l'interview de Nima https://www.youtube.com/live/NfxD_4DhxFo sur Dialogue Works. M. Cunningham reconnaît que la Russie et l'Iran ont commis une erreur stratégique fatale en repoussant les forces mandataires américaines et en interrompant le conflit avant de vaincre de manière décisive les terroristes mandataires de Washington et de forcer les quelques troupes américaines qui contrôlaient les champs pétrolifères à quitter la Syrie. M. Cunningham m'a convaincu que la Russie et l'Iran ont été véritablement pris de court par l'effondrement soudain de la Syrie, ce qui indique peut-être une défaillance des services de renseignement et une impréparation, mais pas une perfidie.
Treize années de sanctions américaines et européennes et de guerre par procuration, ainsi que l'occupation américaine et turque des provinces pétrolières et céréalières de la Syrie, ont privé l'État de ses recettes d'exportation, laissant la population aux prises avec les pannes d'électricité et l'hyperinflation, et les soldats appauvris et démoralisés. L'arrêt du conflit avant la défaite totale des mandataires américains et l'expulsion de la Turquie et de Washington de la Syrie signifie que la lutte épuisante de plusieurs années n'a pas été payante pour la Syrie. Pour des raisons qui leur sont propres, Poutine et l'Iran voulaient que les combats cessent, et ils se sont arrêtés avant que la Syrie ne tire le moindre bénéfice de la défaite de l'armée mandataire de Washington. Les provinces pétrolières et céréalières sont restées aux mains de l'ennemi. La guerre s'est donc arrêtée trop tôt et la victoire a été vaine.
La capacité d'Assad à gouverner a été paralysée par la corruption arabe normale et une bureaucratie égoïste. En outre, Assad a été attiré par les Saoudiens et les cheiks pétroliers avec de fausses promesses de normalisation des relations des Syriens alaouites avec les Arabes sunnites. Cela a poussé Assad à prendre ses distances avec ses alliés russes et iraniens dans l'espoir d'accélérer la promesse de normalisation qui rendrait la Syrie unifiée.
En effet, Assad, Poutine et l'Iran ont perdu de vue l'objectif de gagner la guerre de manière décisive et se sont égarés dans un « processus de paix » et l'accord inutile d'Astana, tout comme Poutine s'est réfugié dans l'accord de Minsk qui a été utilisé par l'Occident pour créer une grande armée ukrainienne, avec laquelle le conflit de Poutine dure maintenant depuis trois ans.
Les « insurgés » du HTS/al Qaeda/ISIS, mandataires de Washington, ont également été étonnés de voir la Syrie s'effondrer sans combattre. Les anciens terroristes ont été rebaptisés démocrates. Assad est resté jusqu'à ce qu'il devienne évident que la Syrie n'avait plus la volonté de se battre, après quoi il est parti chercher asile à Moscou.
Les années de lutte de l'épouse d'Assad contre un cancer récurrent ont peut-être épuisé sa volonté de consacrer sa vie à assurer la gouvernance d'une population dans laquelle la division entre sunnites et alaouites rendait impossible l'unité nécessaire à une nation. La désunion des Arabes a fait d'eux une proie facile pour les dirigeants étrangers. Les néoconservateurs sionistes américains, étroitement alliés à Israël, ont presque atteint leur objectif de renverser sept pays, même si cela leur a pris plus de cinq ans.
La disparition de la Syrie a laissé l'Iran, musulman mais pas arabe, isolé et le Hezbollah privé de réapprovisionnement. Cela a supprimé la pression sur le gouvernement israélien et a conféré au criminel Netanyahou la couronne de père fondateur du Grand Israël. L'incapacité de la Russie et de l'Iran à prévoir les conséquences stratégiques négatives pour eux, au lieu de s'égarer dans de faux accords de paix, indique un manque de jugement stratégique. Ils n'ont pas vendu la Syrie. Ils n'ont tout simplement pas compris l'importance de la Syrie pour eux. Les deux pays sont désormais prêts à être attaqués en permanence, car ils constituent des obstacles à l'hégémonie de Washington et d'Israël.
L'armée terroriste que Washington a lâchée sur la Syrie est un atout pour Washington. Cunningham explique :
« La principale faction d'insurgés est Hayat Tahrir al-Sham (HTS), dirigée par Mohammed al-Jawlani. HTS est une organisation terroriste internationalement proscrite que même les États-Unis désignent officiellement comme un groupe hors-la-loi. La tête de son chef est mise à prix par le département d'État pour un montant de 10 millions de dollars. [Washington aurait supprimé cette prime].
« Mais dans le jeu de rôles de la guerre par procuration des États-Unis, HTS et son chef sont des atouts pour Washington. Depuis 2011, les Américains et leurs partenaires de l'OTAN ont utilisé Al-Qaïda, ISIS, le Front Jabhat al Nusra (plus tard HTS) avec des lignes d'armes et de combattants en provenance de Libye, de Turquie et du monde entier pour descendre en Syrie et y infliger des horreurs. Les médias occidentaux ont propagé la mascarade en qualifiant cyniquement les terroristes mandataires de « rebelles modérés ». La base militaire d'Al Tanf, dans le sud de la Syrie, gérée par le Pentagone, est censée former des « rebelles modérés » alors qu'en réalité, ce sont des extrémistes djihadistes qui sont armés.
« La semaine dernière seulement, avant la poussée finale sur la capitale syrienne, Damas, Al-Jawlani, le commandant du HTS, s'est vu accorder une interview/plateforme à une heure de grande écoute par CNN, la chaîne d'information américaine, pour réhabiliter son image en tant que leader de type homme d'État au lieu d'être un terroriste recherché. Al-Jawlani affirme que l'époque où lui et son organisation étaient associés à ISIS et Al-Qaïda est révolue depuis longtemps. Et CNN et d'autres médias occidentaux font de leur mieux pour rendre cette affirmation plausible. Ah, quelle fin heureuse ! »
Les fins heureuses sont ce dont se délectent les masses insouciantes et sans cervelle qui composent la civilisation occidentale. Vous pouvez être certain que ce n'est pas la vérité, mais bien d'autres fins heureuses qui vous attendent. Même le génocide des Palestiniens sera transformé en fin heureuse.
Traduit de l'américain par Le Fil d'Ariane
Source: https://www.paulcraigroberts.org/2025/01/09/the-fall-of-syria-explained/
NDLR:
Parmi ses nombreux mérites, Paul Craig Roberts a celui de reconnaître quand il s'est trompé. Il y a bien sûr un parti capitaliste et pro-occidental en Iran et cela n'est pas pour autant que l'on peut globalement accuser le pays de perfidie et d'avoir livré les dirigeants de Al Qods, ceux du Hezbollah et la Syrie à leurs ennemis. C'est ce qui rend ce nouvel article et surtout celui de Finian Cunningham dont il s'inspire, si intéressant et important. Surtout quand on sait que le Français qui se présente comme le spécialiste de référence du Moyen-Orient dans les médias alternatifs et cela depuis au moins deux décennies, Thierry Meyssan, propage avec insistance la responsabilité de l'Iran dans ces événements. Surtout depuis qu'il est rentré de Syrie en France il y a trois ans paraît-il; la France où, selon ses propres dires, il était auparavant menacé de mort... Que s'est-il donc passé pour qu'il redevienne persona grata ? Thierry Meyssan a également une confiance absolue dans les grandes institutions internationales, devenues mondialistes, et aussi dans les régimes de gauche comme celui de Maduro au Vénezuela ou celui d'Evo Morales en Bolivie (qui n'est plus président de ce pays) dont on peut connaître l'extrême corruption voire la perversité avec un minimum d'informations et d'honnêteté. Je n'ai jamais entendu dire par Thierry Meyssan qu'il s'était trompé sur quoi que ce soit. Tout cela est bien étrange.
Claude Janvier: Hommage au peuple syrien et à son pays qui fut laïc, moderne, et progressiste
Cette fin d’année 2024 est bien funeste. Entre la politique mortifère des faiseurs de guerres made in USA et l’effondrement soudain de la Syrie, et de facto du parti laïc Baas dirigé par le président Bachar el-Assad, force est de constater que les forces du mal se déchaînent, au mépris comme toujours de la vie humaine.
Les terroristes qui ont envahi la Syrie démontrent que la coalition Israël-Anglo-Saxons-UE-Qatar a enclenché la vitesse supérieure afin de continuer à piller le Proche-Orient en toute impunité.
Le général américain Wesley Clark déclarait en 2007 : « Nous allons éliminer sept pays en cinq ans : Irak, Libye, Liban, Syrie, la Somalie, le Soudan et enfin l’Iran. »* C’est quasiment chose faite.
Étant allé deux fois en Syrie, je me dois de témoigner ce qu’était ce pays avant qu’il n’implose définitivement le 8 décembre 2024.
La Syrie était un pays laïc où toutes les religions pouvaient coexister dans un respect mutuel et réciproque. L’Église orthodoxe d’Alep, qui avait été totalement rasée lors des affrontements entre les terroristes et l’armée gouvernementale a été complètement reconstruite. La mosquée d’Alep, totalement dynamitée par les islamistes intégristes, était aussi en voie de reconstruction.
La magnifique mosquée des Omeyyades à Damas, construite entre 706 et 715, abrite le tombeau de Jean-Baptiste (Sidi Yahia pour les musulmans), cousin de Jésus. Cette présence d’un tombeau dans la salle de prière d’une mosquée est un cas pratiquement unique. Les chrétiens du quartier Est viennent s’y recueillir. Nous avons été témoins des prosternations des musulmans, et des signes de croix avec génuflexions des chrétiens au sein de la mosquée.
Qu’il était agréable pour les femmes de ne pas être obligées de porter le hijab, d’avoir le choix de s’habiller comme elles le voulaient, selon leur bon plaisir. Contrairement aux fausses informations véhiculées dans les « médias de grands chemins », les femmes avaient la même place que les hommes dans la société syrienne. Nous avons pu discuter à Damas, mes compagnons et moi, avec des avocates, professeurs, députés et aussi, en 2021, avec madame le ministre de la Culture, qui parlait le français couramment.
Qu’il était agréable de se retrouver dans un estaminet du quartier chrétien à Damas, de pouvoir siroter un verre d’arak avec de nombreux Syriens, puis de repasser dans le secteur musulman et de flâner dans le souk al-Hamidiya très animé de Damas.
Qu’il était agréable d’aller visiter, rue droite à Damas, la Maison de Saint Ananie où Paul de Tarse – qui deviendra saint Paul – a été baptisé.
Qu’il était agréable d’admirer les étoffes de soie, les brocarts tramés d’or, les magnifiques objets « damasquinés », d’être émerveillé par les piles impressionnantes de fruits confits entiers d’abricot, de poires et de mandarines et de s’écraser ensuite dans la salle du glacier Bakdash afin d’y déguster une gourmandise à la vanille saupoudrée d’amandes. (Victime de l’embargo, les propriétaires du glacier ont été obligés d’utiliser du lait en poudre à la place du précieux liquide. De ce fait, la saveur n’est plus tout à fait la même.)
Qu’il était confortable pour un Syrien de pouvoir bénéficier d’un système de santé gratuit pour tous. Outre l’excellence des soins dispensés en Syrie, tous les citoyens pouvaient se faire soigner gratuitement.
Qu’il était confortable pour les familles syriennes de savoir que leurs enfants pouvaient recevoir une solide instruction gratuitement, y compris pour les études supérieures. L’éducation était accessible à tous. À noter que le français était toujours enseigné en Syrie [1].
Malgré 14 ans de guerre incessante, malgré des destructions énormes, malgré l’omniprésence d’un embargo occidental privant le peuple de produits de premières nécessités, de nourriture, de médicaments, d’énergie – les bons « démocrates américains » pillent le pétrole de pays depuis 2011 sans en donner une goutte au peuple syrien –, les Syriens entretenaient leurs routes, leur environnement, et les terres agricoles.
Qu’il était agréable de voir qu’à l’approche des fêtes de Noël des guirlandes électriques, des sapins et des décorations fleurissaient à la frontière libano- syrienne proche de la vallée de la Bekaa, ainsi qu’à Damas et dans les autres villes de ce pays magnifique.
Tout ce que je viens de décrire se passait sous la présidence de Bachar el-Assad, et ce, malgré l’embargo inhumain qui pèse sur le peuple syrien depuis 2011.
Avec la mainmise de terroristes payés par « les bons démocrates occidentaux », la Syrie moderne et progressiste va disparaître. Au détriment de son peuple, mais aussi au détriment des pays du Proche Orient. L’obscurantisme risque de revenir en force.
À toutes les personnes que j’ai eu l’honneur et le plaisir de rencontrer, et à l’ensemble du peuple syrien, je vous prie d’accepter mon plus profond respect pour avoir résisté héroïquement à la machine de destruction infernale anglo-saxonne. Force et honneur à vous.
Claude Janvier
Sur Damas et sur ce blog:
https://pocombelles.over-blog.com/2023/03/les-tombeaux-de-damas-par-yahya michot.html
Sur la Syrie et le renversement de Bachar Al-Assad:
https://www.voltairenet.org/article221618.html
Peter Koenig: Syria Left Alone by an Abandoning World. Russia’s Redline. The End Game Is “Greater Israel”?
https://www.globalresearch.ca/%e2%80%a8syria-left-alone-abandoning-world/5874837
Spectacle de clôture des JO de Londres en 2012: un Phénix s'élève de la Terre en flammes. Ce Phénix, c'est la Gouvernance et la monnaie digitale mondiales.
L'ancien ambassadeur du Royaume-Uni Craig Murray explique la situation en Syrie
10 décembre 2024
L'ancien ambassadeur du Royaume-Uni Craig Murray explique la situation en Syrie
d'il y a 4 jours :
La fin du pluralisme au Moyen-Orient
« Un changement véritablement sismique semble se produire très rapidement au Moyen-Orient. La Turquie et les États du Golfe acceptent l'anéantissement de la nation palestinienne et la création d'un Grand Israël, en échange de l'anéantissement des minorités chiites de Syrie et du Liban et de l'imposition du salafisme dans l'ensemble du monde arabe oriental.
Cela signifie également la fin des communautés chrétiennes du Liban et de la Syrie, comme en témoignent l'arrachage de toutes les décorations de Noël, la destruction de tous les alcools et l'imposition forcée du voile aux femmes à Alep.
Hier, des avions de combat américains Warthog ont attaqué et fortement décimé des renforts qui, à l'invitation du gouvernement syrien, étaient en route vers la Syrie depuis l'Irak. Les frappes aériennes israéliennes constantes et quotidiennes sur l'infrastructure militaire syrienne depuis des mois ont joué un rôle majeur dans la démoralisation et la réduction des capacités de l'armée arabe syrienne du gouvernement syrien, qui s'est tout simplement évaporée à Alep et à Hama ».
Lire la suite :
https://www.unz.com/article/the-end-of-pluralism-in-the-middle-east/
Discours intégral du Président de la Syrie Bachar al-Assad, le 11 novembre 2024, prononcé lors du Sommet extraordinaire arabe et islamique qui s’est tenu à Riyad pour discuter des répercussions de l’agression israélienne continue sur les territoires palestiniens et le Liban et des développements dans la région.
« Ne tuez pas un innocent, une femme, un vieillard, un enfant, ne brûlez pas d’arbre, n’inondez pas de semences, ne détruisez pas de maisons et craignez Dieu.»
(Bukhârî 315)
Discours intégral du Président de la Syrie Bachar al-Assad, le 11 novembre 2024, prononcé lors du Sommet extraordinaire arabe et islamique qui s’est tenu à Riyad pour discuter des répercussions de l’agression israélienne continue sur les territoires palestiniens et le Liban et des développements dans la région.
(( Son Altesse le Prince Mohammed bin Salman, Prince héritier du Royaume d’Arabie saoudite, Altesses, Majestés et Excellences,
Je n’aborderai pas les droits inaliénables et historiques des Palestiniens ni la nécessité impérative de les défendre fermement, ni la résilience des peuples libanais et palestinien et notre devoir de les soutenir urgemment et immédiatement, ni la légitimité de leur résistance dans chacun des deux pays, qui incarne honneur, dignité et noblesse, par les accomplissements et sacrifices réalisés par ses dirigeants intègres et ses combattants courageux. Je ne parlerai pas non plus de la brutalité nazie des occupants sionistes, de leurs crimes, de leur entité factice, ni de la transformation du soutien occidental en un partenariat direct et affiché avec les crimes de ce régime, car cela n’ajoutera rien à ce que savent déjà la majorité des Arabes, des musulmans, et même bien d’autres à travers le monde aujourd’hui.
Quant à notre sommet : il y a un an, nous nous sommes réunis pour commenter, exprimer notre condamnation et notre indignation, mais depuis un an, le crime continue. Sommes-nous ici pour évoquer le passé révolu et ses événements, ou bien pour infléchir le cours de l’avenir et son horizon ? L’an dernier, nous avons insisté sur la fin de l’agression et la protection des Palestiniens, mais le résultat un an après est des dizaines de milliers de martyrs et des millions de déplacés en Palestine et au Liban. En 2002, le monde arabe a proposé une initiative de paix ; la réponse fut davantage de massacres contre les Palestiniens.
En 1991, nous avons, en tant qu’Arabes, décidé de jouer le jeu de la (prétendue) « bonne volonté » américaine en participant au processus de paix de Madrid. Pourtant, notre paix a été détournée en une excuse pour leurs guerres et une légitimation de leurs colonies, ce qui ne révèle pas une erreur de vision mais plutôt une incapacité à préparer des outils adéquats : notre outil est le langage, le leur est le meurtre. Nous parlons, ils agissent ; nous offrons la paix, et nous récoltons le sang.
Conserver les résultats actuels exige de maintenir les mêmes moyens ; cependant, modifier ces résultats — ce que nous visons tous — suppose de remplacer les moyens et mécanismes que nous n’avons cessé d’utiliser, et qui n’ont cessé de démontrer leur caractère obsolète et inefficace. Si nous nous entendons sur les principes avancés, comment les transformer en actions et résultats concrets ? Nous devons pour cela fixer des objectifs clairs, définir les résultats escomptés, choisir les outils à notre disposition nécessaires pour les atteindre, et définir la partie ciblée par ces mesures pour passer des intentions aux actes, des projets aux réalisations, des déclarations aux réalités.
Certes, les droits du peuple palestinien nous semblent à tous l’objectif évident auquel nous devons œuvrer, mais quelle est la valeur de ces droits dans leur ensemble si les Palestiniens ne jouissent même pas le droit le plus fondamental d’entre eux, à savoir le droit à la vie ? Quelle valeur peut avoir n’importe quel droit accordé où que ce soit dans le monde, dans quelque domaine que ce soit, à des cadavres ? S’il est important de revendiquer tous les droits légitimes, la priorité immédiate doit être de stopper les massacres, l’extermination et le nettoyage ethnique. Quant aux moyens, j’estime que nous les possédons collectivement — aux niveaux populaire et officiel, entre pays Arabes et musulmans, au niveau des États et des peuples. Ce qu’il nous faut, c’est la décision de les utiliser si l’entité refuse de se conformer à ce qui a été énoncé dans la déclaration et convenu, et un tel refus est ce à quoi nous nous attendons. Il faudra alors évaluer nos options : allons-nous nous indigner encore ? Condamner ? Faire appel à la communauté internationale ? Ou allons-nous recourir à la rupture des liens (diplomatiques et/ou économiques), ce qui est le strict minimum ? Quel est notre plan d’actions concrètes ?
Sans cela, cette extermination continuera, et nous en deviendrons des complices indirects. Nous ne faisons pas face à un État au sens juridique du terme, mais à une entité coloniale hors-la-loi ; nous ne faisons pas face à un peuple au sens civilisationnel du terme, mais à des gangs de colons plus proches de la barbarie que de l’humanité.
Dire que le problème réside dans ce gouvernement extrémiste et irrationnel ou dans un peuple traumatisé par les événements du 7 octobre dernier est incorrect. Tous œuvrent avec une mentalité et une idéologie communes, malade de violence sanguinaire, malade d’une illusion de supériorité (raciale), déchirée entre une haine apparente du nazisme et une adoration (à ses tenants et aboutissants) intégrée en elle-même.
Telles sont les cibles de notre réunion d’aujourd’hui, telles sont les véritables questions, et les questions dictent les moyens ; les moyens, eux, sont la clé de la réussite. C’est là l’essence de notre rencontre aujourd’hui, et j’espère qu’elle sera couronnée de succès et que nous prendrons les bonnes décisions, pour éviter de s’adresser à des voleurs avec le langage de la loi, à des criminels avec celui de la morale, et à des bourreaux avec celui de l’humanité. Que nos bonnes intentions ne soient pas une fois de plus le point de départ et l’encouragement à de nouvelles morts infligées aux peuples palestinien et libanais, qui paient le prix des bonnes intentions et de mécanismes absents depuis des décennies.
Que la paix soit sur vous.))
Nord de Gaza – Le nettoyage ethnique s’aggrave : Israël expulse 100.000 Palestiniens en 24 heures
Au moins 100 000 Palestiniens ont été contraints de quitter le nord de la bande de Gaza au cours des dernières 24 heures, a rapporté l’ONU le 15 novembre, alors que les conditions déjà catastrophiques continuent de s’aggraver en raison des frappes aériennes incessantes d’Israël et de son refus de répondre aux demandes d’acheminement de l’aide.
« Le chaos, la souffrance, le désespoir, la mort et la destruction dans le nord de la bande de Gaza sont une réalité quotidienne alors que l’accès est au plus bas », a déclaré Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination de l’aide humanitaire des Nations unies (OCHA), qui s’est adressé aux journalistes à Genève plus tôt ce matin.
Tous les indicateurs à Gaza montrent que « nous allons dans la mauvaise direction », a ajouté M. Laerke.
« Les déplacements ont atteint leur paroxysme et il est pratiquement impossible d’acheminer l’aide sur place », a-t-il averti.
Le personnel travaillant sur le terrain à Gaza a déclaré à M. Laerke que les efforts de l’ONU pour acheminer l’aide étaient « étouffés ».
« L’un de mes collègues a décrit la situation comme étant, du point de vue humain d’un travailleur humanitaire, ce qu’il est, [que] lorsque vous êtes confronté à une telle situation, vous avez envie de sauter. Vous voulez sauter et faire quelque chose. Mais il a ajouté que nos jambes sont cassées ; on nous demande de sauter, mais nos jambes sont cassées. Voilà ce qu’il en est à l’heure actuelle ».
« Israël » cherche actuellement à mettre en œuvre le plan dit des généraux en déplaçant de force des centaines de milliers de Palestiniens de leurs maisons dans les villes de Jabalia, Beit Lahia et Beit Hanoun, au nord de Gaza, tout en affamant ou en tuant tous ceux qui restent.
Un reportage récent de la chaîne de télévision israélienne Channel 12 a montré des Palestiniens affamés et assoiffés fuyant par l’un des « points de drainage » de l’armée israélienne à Jabalia. Au point de drainage, les soldats enlèvent les hommes et certains garçons, affirmant qu’ils sont membres du Hamas, tandis que les femmes et les enfants terrifiés s’enfuient, emportant tout ce qu’ils peuvent.
Le « correspondant pour les affaires palestiniennes » de Channel 12, Ohad Hemo, « interviewe » ensuite des femmes et des enfants désespérés et terrorisés pour solliciter des commentaires anti-Hamas alors qu’ils marchent dans un paysage post-apocalyptique.
Sources : The Cradle, Arrêt sur Info.
https://french.almanar.com.lb/3119096
"It was a persistent act, persistent targeting of civilians day after day." British surgeon Prof. Nizam Mamode, close to tears, shared a heartbreaking account with the International Development Committee, recounting the horrors he witnessed in Gaza by Israeli occupation forces.
Source: https://x.com/MintPressNews/status/1856429428022341936
Thierry Meyssan sur TV-ADP: Analyse et histoire du génocide palestinien
Thierry Meyssan a été invité par TV-ADP pour dresser un bilan des événements à Gaza. Il explique la complicité du Hamas et de Benjamin Netanyahu dans une opération qui vise uniquement à empêcher la solution à deux États. Pour la première fois, un massacre a lieu en direct sur les réseaux sociaux. Il s’ensuit qu’il aura des répercussions à long terme. L’Occident, qui soutient ce crime, a déjà perdu la considération dont il jouissait. Attention : ce génocide n’a rien à voir avec le contexte régional. Ce n’est qu’un épisode de la « guerre sans fin ». Si, à notre niveau, il est trop tard pour faire cesser ce massacre, nous pouvons, et nous devons, prendre nos distances avec ceux qui le commettent pour ne pas être complices de leur prochain crime.
Visionnez ici l'entretien avec Thierry Meyssan sur le génocide des Palestiniens en cours à Gaza et son histoire:
Paul Craig Roberts: La guerre pour le Grand Israël et la réaffirmation de l'hégémonie américaine est sur le point de commencer
La guerre pour le Grand Israël et la réaffirmation de l'hégémonie américaine est sur le point de commencer
13 novembre 2023
Paul Craig Roberts
Ce que nous faisons à Gaza, nous savons le faire à Beyrouth", déclare le ministre israélien de la Défense.
Poutine aurait pu empêcher la prochaine guerre mondiale en expédiant rapidement l'Ukraine en 2014 et en fournissant des systèmes de défense aérienne pour la Syrie, le Liban et Gaza contre les frappes aériennes d'Israël et de Washington.
Je serais plus optimiste quant à notre avenir si les médias russes et les analystes des affaires étrangères, tels que Fyodor Lukyanov, président du présidium russe du Conseil de la politique étrangère et de défense, pouvaient se débarrasser de leurs lunettes roses qui les protègent de la réalité, et faire face aux faits. Les quantités massives d'avions, de systèmes de défense aérienne, de navires de guerre, de troupes et de sous-marins lanceurs de missiles nucléaires que les États-Unis déversent à proximité d'Israël ne sont pas destinées à être utilisées contre le Hamas. L'intention est d'ouvrir le Moyen-Orient au Grand Israël et d'utiliser l'Iran comme base pour poser des problèmes à la Russie en Asie centrale. Si ce programme aboutit, une guerre nucléaire est inévitable. Un programme qui conduit à des cendres doit être dénoncé et évité.
Les néoconservateurs qui contrôlent la politique étrangère américaine avaient déjà des vues sur la Syrie, l'Iran et le Hezbollah avant les invasions américaines de l'Afghanistan et de l'Irak. Ces pays sont des cibles américaines depuis que Norman Podhoretz a écrit dans Commentary que les États-Unis devraient renverser les gouvernements du Moyen-Orient. Avant l'invasion de l'Irak par le régime de George W. Bush, le général Wesley Clark a reçu une note du Pentagone selon laquelle les États-Unis avaient l'intention de renverser sept pays du Moyen-Orient en cinq ans : https://www.salon.com/2007/10/12/wesley_clark/ . Les néoconservateurs contrôlaient totalement la défense et la politique étrangère des États-Unis à l'époque, tout comme aujourd'hui. Ce projet est toujours à l'ordre du jour, et il se déroule sous les yeux aveugles des Russes et des Américains à l'heure où j'écris ces lignes.
Je me demande souvent si la Russie, malgré son écrasante supériorité nucléaire et militaire sur l'Occident, a la capacité de survivre. Les intellectuels, les médias et les analystes de la politique étrangère russes semblent incapables de comprendre que les néoconservateurs considèrent la Russie comme un ennemi à éliminer. Aliénés par le régime soviétique, les intellectuels russes considèrent l'Occident comme la pierre de touche de la rationalité et de la liberté. La Russie peut-elle survivre à une telle illusion ?
Fyodor Lukyanov, par exemple, qui est également le directeur du club de discussion international de Valdai, où Poutine brille toujours, rejette la troisième guerre mondiale comme étant "inadmissible" à cause des armes nucléaires. Peut-être a-t-il été influencé par des décennies de propagande américaine et n'arrive-t-il pas à concilier son lavage de cerveau avec la doctrine Wolfowitz. En effet, au cours des nombreuses années où j'ai été interviewé par les médias russes, il est rare de rencontrer un journaliste russe qui soit même au courant de la doctrine Wolfowitz, selon laquelle le principal objectif de la politique étrangère américaine est d'empêcher la montée en puissance de la Russie ou de tout autre pays capable de limiter l'action unilatérale des États-Unis. L'ensemble des difficultés rencontrées par Poutine en Ukraine est dû à son incapacité à comprendre l'agenda des néoconservateurs américains. Il est resté assis pendant 8 ans pendant que les États-Unis construisaient une armée ukrainienne capable de détruire le Donbas russe avant d'agir tardivement.
Poutine est à nouveau assis sur ses fesses au Moyen-Orient. Il ne fait rien pendant que les États-Unis développent une puissance militaire massive dans la région, si ce n'est aider Washington en empêchant l'Iran et le Hezbollah d'agir alors qu'ils avaient l'initiative et auraient pu réussir. Pendant ce temps, ses analystes en politique étrangère lui disent que la troisième guerre mondiale est loin dans l'avenir, au-delà de son temps de vie. https://www.rt.com/news/587022-fyodor-lukyanov-world-war-three/
Comment expliquer la situation extraordinaire dans laquelle les États-Unis, un pays qui diabolise sa propre population blanche, sont dirigés par des néoconservateurs qui affirment que le peuple américain est exceptionnel et indispensable ?
Pour plus d'informations, voir : Une attaque américano-israélienne contre l'Iran est envisagée https://www.globalresearch.ca/planned-us-israeli-attack-on-iran-2/5615443
Traduit de l'américain par Rouge et Blanc avec Deepl.
Voir également:
Discours du Président Bashar Al Assad sur le néolibéralisme
Président Bachar al-Assad sur le néolibéralisme
Transcription
Discours en arabe devant une assemblée de religieux musulmans
Sous-titres de la vidéo en anglais:
Neoliberalism is based on promoting a total moral degeneracy and separating individuals from any principles or values and affiliations and beliefs to reach this moral degeneracy. Neoliberalism promoted gay marriage. They started in the 1970's and now gay marriage is legal, and now they have children but it's different from adoption cause how can they have children ? Neoliberalism promoted that a child does not choose his own religion and this is against the child's freedom of expression. A child is born without any religion and later choose his own religion when he's a grown up. This is against human nature. Ever since human made their own idols and Gods , a child would instinctively belong to the his family's religion. They contradict humanity itself . It has recently promoted that marijuana is not harmful and now it's sold in shops legally. They start claiming that drugs are not harmful and later they will find something more harmful. Now in some places you can buy marijuana flavoured bread. This is neoliberalism. It (neoliberalism) now claims that a child is born and does not have a gender; the child choose later to be a male or a female . Very strong indeed !. So what do we understand from this ?. Neoliberalism targets our humanity.
Traduction en français avec DeepL:
Le néolibéralisme est fondé sur la promotion d'une dégénérescence morale totale et sur la séparation des individus de tous les principes, valeurs, affiliations et croyances pour atteindre cette dégénérescence morale. Le néolibéralisme a encouragé le mariage homosexuel. Ils ont commencé dans les années 1970 et maintenant le mariage gay est légal, et maintenant ils ont des enfants mais c'est différent de l'adoption car comment peuvent-ils avoir des enfants ? Le néolibéralisme a promu le fait qu'un enfant ne puisse pas choisir sa propre religion, ce qui va à l'encontre de la liberté d'expression de l'enfant. Un enfant naît sans religion et choisit plus tard sa propre religion lorsqu'il est adulte. Cela va à l'encontre de la nature humaine. Depuis que l'homme a créé ses propres idoles et dieux, un enfant appartient instinctivement à la religion de sa famille. Ils sont en contradiction avec l'humanité elle-même. Il a récemment été promu que la marijuana n'était pas nocive et elle est maintenant vendue légalement dans les magasins. Ils commencent à prétendre que les drogues ne sont pas nocives et plus tard ils trouveront quelque chose de plus nocif. Dans certains endroits, on peut désormais acheter du pain aromatisé à la marijuana. C'est du néolibéralisme. Il (le néolibéralisme) prétend maintenant qu'un enfant naît et n'a pas de sexe ; l'enfant choisit plus tard d'être un homme ou une femme. C'est très fort ! Qu'est-ce que nous comprenons de tout cela ? Le néolibéralisme s'attaque à notre humanité.
Source de la vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=vl3xsQ6MsZQ
Le chiisme alaouite (d'après Wikipedia)
Zulfikar, la représentation stylisée de l'épée d'Ali, est un symbole crucial pour les alaouites et les musulmans chiites
Les alaouites ou alawites (arabe : علويّ (ʿalawīy), alaouite ; alawite), également appelés noseïris ou nusayris (arabe : نصيريّ (nuṣayrī), nosaïrite), ou ansariyas, sont un groupe ethnique et religieux issu du djébel Ansariya au nord de la Syrie. Ils pratiquent une forme de chiisme duodécimain.
Au début du XXIe siècle, ils forment entre 10 % et 12 %1,2 de la population de la Syrie (12 % à 14 % selon une autre source), et des communautés alaouites existent au Liban et en Turquie, en particulier à proximité de la frontière syrienne (dans l’ancien sandjak d'Alexandrette).
Les trois quarts des alaouites syriens vivent dans la région de Lattaquié, où ils représentent près des deux tiers de la population.
Les présidents Hafez el-Assad, chef de l’État de 1970 à sa mort en 2000, et Bachar el-Assad, qui a succédé à son père le 17 juillet 2000, sont alaouites.
Aspects spirituels et religieux
Doctrine alaouite
La doctrine religieuse des Alaouites repose sur la croyance en une triade composée d'Ali dit le Sens ou l'Essence (ma'na), de Mahomet qui serait son Nom (ism) ou son Voile (hijāb) et de Salman le Perse qui serait sa Porte (bāb). Selon les Alaouites, Ali a créé Mahomet qui lui-même a créé Salman le Perse. Ainsi, Mahomet a un rôle secondaire au sein de l'alaouisme ; il n'est que celui qui professe une version limitée et simpliste de la religion s'adressant aux masses ignorantes, la vraie foi n'étant réservée qu'aux seuls initiés.
La religion alaouite se transmet, à l'image des cultes juif et druze, essentiellement de façon héréditaire, les conversions étant très difficiles.
L'initiation est réservée aux hommes, fils de deux parents alaouites, âgés entre 16 et 20 ans. Les femmes ne sont pas initiées, car elles sont jugées « naturellement élevées », contrairement aux hommes qui doivent eux apprendre à être perspicaces.
Les spécialistes identifient dans la doctrine alaouite des restes de néoplatonisme et de gnose préislamique. Habituellement assimilée à une variation de l'islam chiite, elle s'en distingue néanmoins par des différences importantes : l'absence de mosquées, d'imams, ses particularités doctrinales, d'où sa position aux marges du monde musulman.
La doctrine alaouite professe la croyance de la bénédiction de l'Esprit saint dans la succession des imams chiites. Leur livre saint est le Coran, dont ils tirent toutefois une interprétation particulière, jugée non conforme à l'Islam (notamment concernant le principe islamique fondamental d'unicité divine ou « Tawhid ») par la majorité de la communauté musulmane.
La cosmogonie alaouite est dialectique : au début des temps, les âmes des croyants sont des lumières autour de Dieu et le louent, puis se révoltent en doutant de Sa divinité. Elles sont alors précipitées sur terre où elles sont enfermées dans des corps matériels condamnés à la métempsycose. Mais elles ont une chance de se racheter : en effet, Dieu leur apparaît dans l'histoire pour les contraindre à l'obéissance.
La succession : par exemple les prophètes sont Adam, Noé, Jacob, Moïse, Salomon, Jésus, et Mahomet, les successeurs sont Abel, Seth, Joseph, Josué, Asif ibn Barkhiya, saint Pierre, et Ali.
Celui qui reconnaît le mâ'na est sauvé, libéré du cycle, son âme redevient étoile, et retourne à travers les sept cieux vers le ġâya, le « but », c'est-à-dire la contemplation (mu'âyana) de la lumière divine. Mais la réincarnation peut être une punition.
La doctrine mystique alaouite est fondée sur le sens caché (bâtin), la masse des fidèles ignorant le sens profond du message divin, réservé aux seuls initiés. Ici, les interprétations divergent.
Il existe une soixantaine de groupes alaouites qui se réunissent en deux tendances : les haidariés, présents principalement en Turquie (Antioche, Alexandrette, Adana), et les kalaziés, essentiellement syriens. Les haidariés se subdivisent entre les chamaliés (« du Nord » en arabe) et les ghaibiés (« occultés »). Les haidariés chamaliés pensent qu'Ali a pour demeure le soleil que représente Mahomet, alors que les haidariés ghaibiés assimilent plutôt Ali au soleil et Mahomet à la lune. À l'inverse, les kalaziés identifient Ali à la lune et Mahomet au soleil.
Comme les alévis, les alaouites donnent un attribut divin à Ali.
Fêtes et pratiques
Le ramadan est pratiqué par certains et on célèbre l'Aïd el-Fitr. De plus, comme les autres chiites, ils célèbrent l'Achoura, qui commémore le martyre de Hussein à Kerbala et ils célèbrent le Ghadir Khumm. Ils célèbrent également de nombreuses fêtes chrétiennes : Noël, l'Épiphanie, Pâques29.
Le culte des saints, comme souvent, est une autre trace de piété. Le 21 mars, les alaouites fêtent également Norouz, la fête zoroastrienne kurdo-perse du printemps.
Il leur est interdit de manger certains aliments, à savoir l'anguille, le poisson noir, le lièvre, le chameau, ainsi que les animaux qui furent mal abattus.
Les alaouites sont-ils considérés comme des musulmans ?
Comme pour les Druzes et les Alévis, il n'y a pas d'unanimité parmi les théologiens sunnites quant à l'appartenance des alaouites à l'islam. Certains alaouites se revendiquent musulmans, d'autres non.
Le frère de l'ancien président syrien Hafez el-Assad maria un de ses fils avec une sunnite issue de la famille régnante saoudienne, pourtant wahhabite. Assad obtint aussi de juristes libanais tant sunnites que chiites, tels Moussa Sadr, des fatwas reconnaissant les alaouites comme musulmans, la présidence de la République de Syrie ne pouvant constitutionnellement être assumée que par un musulman. Néanmoins, pour la majorité des théologiens sunnites, les alaouites sont des hérétiques.
Le culte alaouite, du moins dans sa « face visible », se rattache au chiisme à travers sa reconnaissance du 11e imam chiite descendant d'Ali Hasan al-Askari, mais s'éloigne du chiisme duodécimain par sa non-reconnaissance du 12e imam. Selon les alaouites, Hasan al-Askari aurait transmis l'essentiel de leur doctrine religieuse à Nuçayr, fondateur officiel de l'alaouisme.
Les alaouites rejettent le pèlerinage à La Mecque, qui relève à leurs yeux de l'idolâtrie, et ne se préoccupent pas d'aumône. Le vin est vénéré, car il est un symbole solaire et divin.[Information douteuse]
Relations inter-religieuses
Les alawites ont été particulièrement mal considérés et très longtemps maltraités par la majorité sunnite, entretenant à l'inverse des relations plutôt cordiales avec les autres minorités du Proche-Orient, à la notable exception de leurs voisins ismaéliens. En effet, ils n'hésitent pas, après une période d'affrontement et de résistance, à nouer des rapports amicaux avec les Croisés30. Leur traitement est particulièrement rigoureux sous l'ordre mamelouk, et leur condamnation s'appuie essentiellement sur une fatwa ayant fait date à leur égard. Ibn Taymiyya (1263-1328), jurisconsulte traditionaliste et référence du wahhabisme et du salafisme, écrit à leur sujet au XIIIe siècle :
« Les Nusayris sont plus infidèles que les juifs et les chrétiens, plus infidèles encore que bien des idolâtres. Ils ont causé plus de préjudices à la communauté de Muhammad que les infidèles belligérants comme les Francs, les Turcs et d'autres encore. Aux musulmans ignorants ils se présentent comme chiites, bien qu'en réalité ils ne croient pas en Allah, en son prophète et son livre. Chaque fois qu'ils le peuvent, ils font couler le sang des musulmans (…). La Guerre et le châtiment contre eux, conformément à la loi islamique, sont parmi les plus grands actes de piété et les obligations les plus importantes. Il est agréable à Allah qu'on mène la guerre sainte contre eux ! »
Outre cette hostilité générale, une animosité pluriséculaire oppose les Alaouites à leurs voisins immédiats, ismaélites en rivalité pour le contrôle de certains points stratégiques comme la forteresse de Qadmûs.
Avec les sunnites, les Alaouites (sous la conduite de leur philosophe Zaki al-Arsûzi), ont contribué par la suite à l'émergence du nationalisme et du socialisme pan-arabe, de même qu'avec des Arabes chrétiens (comme Michel Aflak). Ensemble sunnites, chiites, ismaélites, druzes et chrétiens se retrouvent dans le parti Baas (de même en Irak, pays voisin).
Depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011 plusieurs individus et familles alaouites se sont engagés dans des initiatives interconfessionnelles et intercommunautaires dans le but de surmonter les craintes et préjugés réciproques, notamment avec des représentants de la communauté sunnite en Syrie.
Source de cette citation: https://fr.wikipedia.org/wiki/Alaouites
Carte de la Syrie publiée par l'UPR à l'occasion de l'entretien de Adnan Hazzam (à droite sur l'image) avec François Asselineau. Capture d'écran de la vidéo.
Source de la vidéo de l'UPR:
https://www.upr.fr/actualite/lamitie-multi-seculaire-franco-syrienne-pourra-t-elle-renaitre/
Michel Raimbaud: En Syrie et ailleurs, contre le parti de la guerre et la loi de la jungle, reconstruire une paix fondée sur le droit international (Discours à l'Institut Schiller, 25-26 juin 2016)
Michel Raimbaud
Ancien ambassadeur français dans le monde arabe, en Afrique et en Amérique latine. Ancien directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
Transcription
Le monde d’aujourd’hui est en grand danger de guerre, comme il ne l’a jamais été. Il traverse une crise globale.
On entend beaucoup parler d’une nouvelle guerre froide, qui nous ramènerait au vieil affrontement de jadis entre le « monde libre », ancêtre de « l’Axe du Bien », et le « bloc totalitaire », baptisé « Axe du Mal » par George Bush, un affrontement qui s’était conclu par la victoire de l’Amérique sur le communisme. La disparition de l’URSS en 1991, que Vladimir Poutine qualifie de « plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle », allait provoquer l’avènement du fameux « moment unipolaire américain » de sinistre mémoire : un moment bien plus court que prévu pour l’Empire atlantique qui le croyait éternel, beaucoup trop long pour le reste de la planète, y compris et notamment pour ses déshérités.
« Le plus puissant empire que la terre ait jamais porté », « plus puissant que Rome », va être durant vingt ans (1991/2011) l’hyperpuissance, indispensable et unique, s’arrogeant la vocation de dominer le monde, au nom d’un messianisme inspiré de l’Ancien et du Nouveau Testament à la fois. La volonté divine supposée, c’est-à-dire le bon plaisir du nouveau maître du monde, se substituera au droit international. Et c’est sur les décombres de cette légalité que va se construire l’ordre impérial américain, autour d’un centre « civilisé », qui s’érigera en « communauté internationale », tentant de gérer la planète, y compris une périphérie d’États voyous ou préoccupants.
Le club Elisabeth Arden (Washington, Londres, Paris) prétend depuis un quart de siècle incarner la « communauté internationale ». C’est un directoire inspiré par ce parti de la guerre dont les adeptes peuplent « l’État profond » des pays d’Occident et d’ailleurs. Certains parlent du « complexe militaro-industriel » et de ses annexes ; d’autres l’appellent le « courant néoconservateur ». Ce « parti » impérial belliqueux, interventionniste et bigot, met en œuvre, au nom de Dieu, une politique systématique d’agression, d’ingérence, de destruction, une politique criminelle. Le soi-disant objectif serait d’imposer la paix, la démocratie et les droits de l’homme dans le monde, arabo-musulman notamment, y compris et surtout par la force, puisque c’est la vocation divine de l’Empire de faire le Bien et de réprimer le Mal (notons au passage que tel est l’intitulé de la police religieuse du régime wahhabite d’Arabie saoudite). L’OTAN constitue le bras armé de ce parti de la guerre, donc celui de l’Empire atlantique.
Les dirigeants atlantistes avancent à l’ombre des faux drapeaux de la démocratie, de la justice, de la morale et du droit. Ils diabolisent les pays qui font obstacle à leurs ambitions en les reléguant dans la géhenne des États « préoccupants » ayant vocation à être dépecés en entités « démocratiques » : en bref, les « États voyous ». Ce concept a joué un rôle essentiel dans la stratégie américaine plusieurs décennies durant, et c’est en jouant de cet épouvantail que les États-Unis ont violé et détruit systématiquement le droit international.
Ce droit est fondé sur la Charte des Nations unies qui, dans son article 51, attribue au seul Conseil de sécurité le pouvoir de prendre les mesures adéquates qu’il juge nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais les néocons** de Washington se moquent de la légalité onusienne. Seules comptent les menaces contre les intérêts américains, qui rendent nécessaires « des interventions militaires directes ». Pour eux, le fondement du droit n’est pas la Charte de l’ONU, mais la Constitution américaine. Selon Noam Chomsky, « ce mépris de la primauté du droit est profondément enraciné dans la culture et les pratiques américaines ».
La doctrine néoconservatrice, « degré zéro de la pensée politique », a un fondement simple : la guerre froide est terminée, mais les États-Unis conservent la responsabilité de protéger le monde face aux « États voyous ». Dans les années 1970, Nixon (cf. « la théorie du fou ») jugeait souhaitable que l’Amérique soit dirigée par « des cinglés au comportement imprévisible, disposant d’une énorme capacité de destruction, afin de créer ou renforcer les craintes des adversaires ». Les annales de la stratégie US démontrent que ces appréciations ne sont pas des vues de l’esprit.
En août 1990, Washington et Londres décrètent que l’Irak est un Etat voyou, et ce ne sera que l’un des premiers d’une longue liste… Le Soudan, l’Afghanistan, la Somalie, la Palestine, la Yougoslavie, l’Iran ou l’Ukraine et quelques autres suivront, dont la Syrie (en 2011).
Robert McNamara, ex-secrétaire américain à la Défense (de 1961 à 1968), peut estimer en juin 2000 (The International Herald Tribune) que les États-Unis sont devenus un « État voyou ». Noam Chomsky fera de même au début des funestes « printemps arabes », constatant que son pays « se place au-dessus du droit international ».
Le monde de 2016 n’est plus celui de la guerre froide, mais il est également différent de ce qu’il était en 2011.
Comme tous les adages où il est question de guerre et de paix, la locution latine bien connue « Si vis pacem, para bellum » (« Si tu veux la paix, prépare la guerre » en français) est ambiguë, évoquant le concept de paix armée. C’est la devise de l’École de guerre (France), la devise de la marine de guerre britannique. Ce pourrait bien être la devise de l’OTAN. Les Romains qui, dit-on, se disaient harcelés par les Barbares, décidèrent d’aller porter la guerre chez les-dits Barbares afin de les « distraire » et de pouvoir jouir dans leur Empire de la fameuse « paix romaine ». Certains esprits cyniques affirment qu’il faut comprendre en fait : « Si tu veux la paix ici chez toi, fais la guerre là-bas chez les autres. » C’est le sens que donnent à la locution les dirigeants et penseurs du parti de la guerre.
L’affrontement d’aujourd’hui oppose un camp de la paix et le parti de la guerre. Le camp de la paix se réfère aux principes du Droit international, au règlement des crises par la négociation et à la perspective d’un monde multipolaire, tandis que le parti de la guerre prospère sur les ruines de la légalité onusienne, imposant le chaos et la loi de la jungle, cherchant en toute occasion à imposer ses vues par la force. Qu’il s’agisse des guerres du Moyen-Orient, des menaces de conflit nucléaire, de l’implosion à venir du système financier, de la crise des réfugiés ou des autres drames qui affligent la planète, il ne faut jamais chercher bien loin pour retrouver les faucons prêts à tout pour préserver l’hégémonie atlantiste, au besoin par la guerre, et empêcher que le monde ne change de base. Pour concilier les beaux principes et les nobles valeurs d’une part, les guerres d’agression, les comportements criminels d’autre part, la théorie du chaos a réponse à tout.
Or, « lancer une guerre d’agression (…) est non seulement un crime international ; c’est le crime international suprême, ne différant des autres crimes de guerre que parce qu’il contient en lui-même le mal accumulé de tous les autres », avait décrété le Tribunal de Nuremberg, qui savait de quoi il parlait.
Le débat sur l’éthique dans les relations internationales est pipé. Conviction réelle pour les uns, écran de fumée pour les autres, la référence à la légalité n’a pas la même valeur pour les deux camps. Les diplomates ne peuvent faire de miracles s’ils n’ont que des dossiers indéfendables à défendre, du mauvais côté de l’Histoire. Ils ne peuvent être constructifs s’ils sont au service de dirigeants destructeurs, acharnés à entretenir la guerre et à saper la diplomatie.
Maître de l’Empire, l’Amérique est la première responsable des crimes, des destructions, des exactions rappelées précédemment. Obama se félicite d’avoir évité le pire en août 2013, en renonçant à déclencher des frappes punitives (?) sur la Syrie suite à l’affaire des armes chimiques. En fait, cette décision de « rompre avec les règles du jeu » semble avoir été inspirée par sa volonté d’affirmer son pouvoir face aux états-majors, aux services et aux think tanks, influencés et financés par l’Arabie et d’autres pays du Moyen-Orient et la plupart travaillant pour leurs bailleurs de fonds arabes et pro-israéliens.…Rien en tout cas qui puisse inciter les peuples du Grand Moyen-Orient à contredire Paul Craig Roberts*, ancien Secrétaire adjoint US au Trésor, lorsqu’il écrit de sa plume au vitriol (Blog de la résistance, 12 janvier 2016) : « Unique au milieu des pays de la Terre, le régime US est l’organisation criminelle la plus achevée de l’histoire humaine. »
Malgré ses sourires et ses beaux discours, Obama a allumé ou entretenu plus de conflits que George W. Bush et il est à la tête d’un État responsable de la mort de millions d’enfants et d’adultes, de la destruction d’États et de sociétés entières, de dizaines de millions de vies brisées, sans même remonter aux centaines de milliers de victimes d’Hiroshima et Nagasaki. Ayant continué à mettre à feu et à sang le Grand Moyen-Orient, il aura contribué plus que quiconque à la prolifération nucléaire, notamment en Europe, et à la relance d’une politique d’agression contre la Russie et la Chine. Des paroles pleines de paix, mais des actes de guerre comme s’il en pleuvait.
Soutenue par le lobby sioniste, les Saoudiens et les pays du Golfe, par les marchands de canons, les groupes financiers, et candidate favorite de l’État profond néoconservateur, Hillary Clinton, ex-secrétaire d’État d’Obama, a un lourd passé de va-t-en-guerre et d’extrémiste, ayant joué un rôle actif dans l’embrasement de tous les conflits et toutes les guerres depuis un quart de siècle, de la Yougoslavie et du Kosovo à la Libye et la Syrie, en passant par l’Ukraine et le Honduras. Championne des « changements de régime », elle est frénétiquement anti-syrienne, anti-iranienne, anti-Hezbollah, anti-russe et anti-chinoise. Elle est frénétiquement pro-israélienne.
Paradoxalement, il existe des gens sages outre-Atlantique pour souhaiter que Donald Trump soit élu, son isolationnisme étant susceptible de détourner Washington de son interventionnisme belliqueux.
Les vassaux de l’Empire, européens, moyen-orientaux ou autres, sont complices et co-responsables de tous les malheurs évoqués précédemment. Il est de notoriété publique que la France et ses alliés de l’OTAN, ayant pour référence privilégiée le Qatar, l’Arabie, la Turquie et Israël, n’ont cessé de jouer un rôle moteur dans le « crime international suprême » que sont les guerres d’agression : c’est le cas en Syrie comme ce fut le cas en Libye. Ce soutien est multiforme et assumé : fermeture des ambassades, sanctions, soutien actif à l’opposition armée, y compris terroriste, activisme au Conseil de sécurité, envoi de forces spéciales en violation flagrante du droit international (juin 2016), tolérance à l’égard des djihadistes partant en Syrie…
En 2011, vient le tour de la Syrie, qui est visée par l’Empire de longue date, à la fois par les plans de démantèlement israélo-américains et par les mesures ou déclarations qui se succèdent depuis 2001. Nous n’entrerons pas dans les détails, ici et maintenant…
L’État syrien ne s’est pas écroulé, comme l’escomptaient les « amis ». Il paie les salaires et les retraites de ses fonctionnaires sans défaillance et ses institutions sont en place, son calendrier constitutionnel étant respecté tant bien que mal. Son armée nationale, appuyée par les alliés russes, iraniens et libanais (du Hezbollah), a résisté à une agression alliant les grandes puissances occidentales aux régimes fondamentalistes du Moyen-Orient ainsi qu’aux dizaines de milliers de mercenaires de cent nationalités.
La Syrie est détruite aux deux tiers, après cinq ans de violence sauvage durant lesquels elle a servi de champ d’expérimentation à toutes les ressources du « chaos créateur ». Un pays jadis prospère, autosuffisant, sans endettement, dont les services publics fonctionnaient, où l’éducation et la santé étaient gratuites, est en ruines. Ses infrastructures (écoles, hôpitaux, centres sociaux, routes…) sont détruites. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu que tous les agresseurs « amis de la Syrie » aident les terroristes de l’opposition armée à casser une bonne partie du pays.
Les sanctions multiformes ont entamé le tissu national syrien, soudé par une tolérance « laïque » exemplaire, sans réussir à le déstructurer. Le but de ce politicide était (et est toujours) de démoraliser les populations, tout en leur donnant l’illusion que l’Occident est là pour les « sauver du tyran qui les massacre » et accueillir les réfugiés et les transfuges.
Pour la seule année juillet 2011/juillet 2012, l’Union européenne lancera dix-sept trains de sanctions économiques et financières, de même que les États-Unis, le Canada, l’Australie…. Les sanctions diplomatiques seront décidées dès l’automne 2011, après le veto russo-chinois au projet de résolution inspiré du précédent libyen.
Le bilan humain est très lourd. Avec 300 ou 400 000 morts (dont au moins 130 000 soldats de l’armée régulière), plus d’un million handicapés, 14 millions de réfugiés ou déplacés internes (soit plus d’un Syrien sur deux), le tissu national est déchiré, fragilisé par la prolifération des groupes armés et par l’invasion des mercenaires accourus pour le djihad, ainsi que par certaines revendications ethniques.
Les dégâts matériels sont immenses. Pour la seule Syrie, des estimations récentes évaluent à 300 milliards le coût des destructions et pillages. Bernard Cornut, expert en Moyen-Orient, écrit le 11 mars 2016 : « Vu qu’il est de plus en plus connu et avéré que plusieurs pays, y compris la France, les USA, la Grande-Bretagne, et bien sûr le Qatar, l’Arabie, la Turquie ont soutenu et financé des groupes rebelles armés dans le but affirmé et partagé de changer le régime, et notamment de faire partir le Président en place, ces pays, voire d’autres que la Syrie connaît, sont tous coresponsables à divers degrés des dommages encourus par la Syrie, estimés récemment à 1000 milliards de dollars. » Et de conclure : « Ils devront donc faire face à des actions en justice internationale de la Syrie pour qu’elle obtienne des indemnités de guerre légitimes. » Il propose de créer « une taxe sur le pétrole et le gaz, qui serait affectée à un fonds d’indemnisation des victimes et de reconstruction de la Syrie, à gérer par l’ONU ».
Le terrible bilan enregistré en Irak – un million et demi de morts, dont 500 000 enfants – est là pour rappeler que les sanctions sont une arme de destruction massive, utilisée avec un total cynisme par les « maîtres du monde ». Pour Madeleine Albright, « cela en valait la peine ». Les bouleversements des années passées (selon Ahmed Ben Saada, expert canadien) ont généré, pour « les seuls printemps arabes », 1,5 million de morts et blessés, plus de 15 millions de réfugiés et déplacés (en fait 18 ou 19 en incluant les guerres d’Irak, NDLR). Il aurait coûté à l’ensemble des pays arabes des pertes de 833 milliards de dollars (300 milliards pour la Syrie), dont plus de la moitié en infrastructures diverses et en sites archéologiques ou historiques. Ajoutons à ces dévastations pharaoniques, financées par les États pétroliers à coups de dizaines de milliards, d’autres centaines de milliards de dollars « gelés » (en d’autres termes « volés ») par les sanctions (plus de 700 milliards pour la Libye).
Politiquement, le sort de la Syrie n’est pas scellé, la realpolitik ne tardant jamais à se rappeler au bon souvenir des analystes trop optimistes. Les opposants djihadistes armés ont du mal à se faire passer pour des négociateurs : leurs états de service les enverraient plus facilement vers la Cour pénale internationale que vers les annuaires diplomatiques. Mais les mentors occidentaux leur trouvent des vertus : leurs protégés ne sauraient négocier en position de faiblesse. Il leur faut de temps à autre un cessez-le-feu pour se refaire. Qu’ils violent la trêve est sans importance, puisque le responsable est le « régime » de Bachar al-Assad. Le cercle vicieux peut s’auto-entretenir, les politiciens, les journalistes, les intellectuels occidentaux étant parties prenantes, à quelques exceptions près, à la conspiration du mensonge.
La situation militaire sur le terrain pèse lourd dans la balance diplomatique. En cette fin juin 2016, il est manifeste que l’OTAN, en toute illégalité, met en place dans le nord de la Syrie un dispositif dont la finalité – combattre Daech – ressemble à une mauvaise plaisanterie ou à une nouvelle guerre.
Pour rebâtir la paix dans le respect du droit, il faut reconstruire la légalité et retrouver les principes onusiens (souveraineté des États, non-ingérence, obligation de négocier pour régler les conflits) en introduisant un nouveau paradigme : les BRICS peuvent être ce nouveau paradigme, qui tend à instaurer un style de relations nouvelles respectueux des souverainetés et mutuellement profitables.
La reconstruction ne saurait être conçue dans le schéma classique : un pool de bailleurs de fonds, émanation de l’Occident, et une Syrie réceptrice à la merci du bienfaiteur qui l’a détruite. L’Amérique et l’OTAN ne font pas bon ménage avec les sorties de crise puisqu’elles en sont les instigatrices. C’est pourquoi le projet lancé par la Chine, intitulé « les Nouvelles Routes de la Soie : une ceinture et une route », répond aux attentes de nombreux pays, près de 70 à ce jour. Ne revenons pas sur la présentation de notre collègue chinois.
Ce projet, qui intègre dans un vaste ensemble de coopération économique « gagnant/gagnant » une bonne partie du Grand Moyen-Orient, notamment la Syrie et ses voisins (l’Iran, le Liban, l’Irak), ainsi que ses alliés (la Russie, la Chine), est de nature à bousculer les équilibres régionaux, à réorienter les échanges et à briser la logique Nord dominant/Sud dominé. Au total, 900 projets et des financements envisagés au niveau de 900 milliards de dollars, comme le rappelle Helga Zepp-LaRouche.
Il prévoit de reconstruire la Syrie détruite sur des bases nouvelles, respectant sa liberté de choix et hors de toute menace. Il vise à lui assurer à terme un environnement plus stable, l’Asie du Sud-Ouest étant structurée autour de deux corridors (avec des rôles majeurs pour l’Iran, l’Irak, la Syrie, l’Arabie saoudite et la Turquie), qu’il s’agisse du corridor ferroviaire (cf. l’axe lancé en 2011), du corridor autoroutier (allant de Urumqi au Proche-Orient) ou du corridor maritime débouchant sur la Méditerranée par Suez.
De son côté, l’Institut Schiller propose un projet s’inscrivant dans la même perspective : « La Nouvelle route de la soie devient le Pont terrestre mondial » mise également sur un changement des règles du jeu au niveau de l’économie mondiale, tout en réservant une place spécifique à la reconstruction de l’Asie du Sud-Ouest, ravagée par la guerre et les conflits depuis un quart de siècle, mais détenant un énorme potentiel de développement et des ressources naturelles et humaines immenses, qui expliquent pour les géopoliticiens les convoitises des pays eurasiatiques et des Empires de la mer.
Ce projet fait écho à la Stratégie des cinq mers annoncée par le président Bachar al-Assad en 2004 pour la création d’un réseau d’infrastructures entre la Méditerranée, l’océan Indien, la mer Rouge, la mer Caspienne et la mer Noire, visant à faire de cette zone stratégique charnière une zone d’échanges entre les trois continents de l’Ancien Monde.
Il faudra bien sûr reconstruire :
- Encore faut-il que les groupes terroristes soutenus par l’Occident et ses alliés cessent de détruire. Il suffirait pour cela que les résolutions existantes du Conseil de sécurité soient appliquées.
- Il n’y aura pas de perspectives sans la levée immédiate des sanctions qui visent à casser un peuple et son pays.
- La solution ne consiste pas à accueillir en Europe les réfugiés que l’on a d’une façon ou d’une autre créés en alimentant la guerre d’agression et le djihad en Syrie.
- D’autre part, la lutte contre Daech est certes une priorité, mais n’est pas une fin en soi, car elle ne réglera pas tous les problèmes de la Syrie, notamment son devenir d’État-nation résistante.
Il appartient au peuple syrien et à lui seul de décider de son destin, sans ingérence étrangère. C’est ce principe de souveraineté que rappelle le président chinois Xi Jinping, clamant haut et fort que l’ère unipolaire est révolue et que le monde est désormais multipolaire. Vladimir Poutine se place lui aussi dans le cadre de la légalité internationale et soutient l’État syrien et « les forces armées du président Al Assad qui sont les seules à combattre réellement l’État Islamique ». Les décisions d’intervention du Président russe suscitent la colère des Occidentaux, agacés des références appuyées au droit international qu’ils violent.
Michel Raimbaud
* NDLR: voir sur ce blog: https://pocombelles.over-blog.com/tag/paul%20craig%20roberts/
** NDLR: Expression américaine désignant en raccourci les "Néo-conservatives", groupe de stratèges, anciens disciples du sophiste Leo Strauss, devenus les architectes de l'hégémonie mondiale américaine à partir des événements du 11 septembre 2001.