lettres
Le réactionnaire, par Nicolas Gomez Davila
"Si le progressiste se tourne vers l’avenir, et le conservateur vers le passé, le réactionnaire ne cherche ni dans l’histoire d’hier ni dans l’histoire de demain le paradigme de ses aspirations. Le réactionnaire n’acclame pas ce que doit apporter la prochaine aube, ni ne s’accroche aux ombres ultimes de la nuit. Sa demeure s’élève dans cet espace lumineux où les essences l’interpellent par leur présence immortelle. Le réactionnaire échappe à l’esclavage de l’histoire, parce qu’il poursuit dans la jungle humaine des traces de pas divins. Les hommes et les faits sont, pour le réactionnaire, une chair servile et mortelle qu’animent des souffles venus d’ailleurs. Être réactionnaire, c’est défendre des causes qu’on ne joue pas aux dés de l’histoire, des causes qu’il importe peu de perdre. Être réactionnaire, c’est savoir que nous ne découvrons que ce que nous croyons inventer ; c’est admettre que notre imagination ne crée pas, qu’elle ne fait que dénuder de tendres corps. Être réactionnaire, ce n’est pas embrasser des causes déterminées, ni plaider pour des fins déterminées, mais soumettre notre volonté à la nécessité qui n’étouffe pas, ranger notre liberté à l’exigence qui ne contraint pas ; c’est surprendre les évidences qui nous guident, endormies sur la grève des lacs millénaires. Le réactionnaire n’est pas un nostalgique rêvant de passés abolis, mais celui qui traque des ombres sacrées sur les collines éternelles." (Le réactionnaire authentique)
Le Réactionnaire authentique
, Anatolia - Éditions du Rocher, 2005. Choix de Samuel Brussell, préface de Martin Mosebach. Traduit de l'espagnol par Michel Bibard."Moins l'ami des Muses a affaire à l'homme politique, mieux cela vaut pour lui..." (Ernst Jünger)
"Ce mélange de pathétique et de comique, cette prose empruntée aux militaires, jusque chez les pacifistes, tout cela devrait convaincre une fois pour toutes l'ami des Muses égaré dans la politique qu'il n'a rien à attendre d'une pareille compagnie. Et encore moins à en espérer; c'est ce que prouve le destin du poète dans la révolution française, et presque chacune des autres.
Moins l'ami des Muses a affaire à l'homme politique, mieux cela vaut pour lui, et cela vaut de n'importe quel système. Il peut déjà s'estimer heureux de n'être point aperçu, ou même d'être simplement toléré.
(...)
Ce qui compte pour l'artiste, que ce soit sous la monarchie ou en démocratie, c'est l'intérêt que prend le puissant aux arts - pour parler simplement, son goût. Il est vrai que la Nature, et déjà la compréhension des éléments qui la constituent, font que le bon goût est moins inaccessible à la justice qu'à l'étroitesse fanatique de l'idéologie."
Ernst Jünger, L'auteur et l'écriture, Christian Bourgois, 1983.
Quelques réflexions d'Ernst Jünger
Non seulement les fellahs n’ont pas de destin : ils s’irritent de ce qu’on y prétend, dès qu’ils flairent une telle prétention. De là vient que le mot passe à lui seul pour suspect.
Il faudrait tirer encore quelque chose de la noblesse. Puisqu’elle n’a plus la direction de la politique ni de l’armée, et n’est même plus un modèle du savoir-vivre, qu’elle justifie du moins son existence dans le service des Muses.
Ernst Jünger, L’auteur et l’écriture. Traduit de l’allemand par Henri Plard. Christian Bourgois Editeur, Paris, 1983.
"Le temps a laissié son manteau / De vent, de froidure et de pluye..."
Charles d'Orléans et Marie de Clèves
Charles d'Orléans (1394, Paris – 1465, Amboise), dernier poète courtois, fils de Louis, duc d'Orléans, frère de Charles VI. Duc à treize ans en 1407 lorsque son père fut assassiné par les Bourguignons, il se lia aux Armagnacs pour obtenir la condamnation des meurtriers de son père (1414). En 1415, il fut pris à Azincourt et conduit en Angleterre, où il dut rester prisonnier pendant 25 ans.
Rondeau LXIII
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s'est vestu de brouderie,
De soleil luyant, cler et beau.
Il n'y a beste, ne oiseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie:
Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d'argent d'orfèvrerie,
Chascun s'abille de nouveau:
le temps a laissié son manteau.
Antoine de Rivarol (1753-1801) : quelques citations
(Maximes, pensées et paradoxes, p.8, Le Livre Club du Libraire, 1962)
Education
De même que la phrase n'est pas écrite, de même l'homme n'est pas éduqué tant que l'on peut distinguer la forme et le fond.
Nicolas Gomez Davila
L'ennemi
Carl Schmitt
Les deux ailes de l'intelligence
Nicolas Gomez Davila, Scolies pour un texte implicite.
En Chine, "ermite" signifie "homme-montagne"
La montagne vide - Anthologie de la poésie chinoise IIIe-XIe siècle, traduite et présentée par P. Carré et Z. Bianu. Coll. Spiritualités vivantes, Albin Michel, 1987.
Ce qui n'est pas clair n'est pas français
Hervé Ryssen