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Rouge et Blanc, ou le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

La vie dans l'univers

28 Avril 2012 , Rédigé par Béthune

 

La terre est une petite île (Indiens Peaux-de-Lièvres et Loucheux du Canada)

 

Ils croient que nous ne sommes pas seuls dans l'univers.: il existe d'autres mondes habités, par exemple dans la Voie Lactée, ou Nahua Bay, "Le chemin des autres gens" (Indiens Shipibo de l'Amazonie péruvienne)


 

La Terre est l'une des planètes du Soleil. Le Soleil, notre étoile, est une étoile parmi les milliards d'autres de notre galaxie. La Galaxie de la Voie Lactée, notre galaxie, est une galaxie parmi une infinité d'autres dans l'univers.


Pourquoi la vie existerait-elle seulement sur la Terre ?

 

Les recherches astronomiques et les missions dans l'espace n'en ont pas encore trouvé la trace. C'est comme chercher une aiguille dans une meule de foin.


On pourrait en douter, ou simplement l'ignorer, s'il n'y avait pas, sur la Terre, des phénomènes (PAN) qui prouvent que non seulement la vie existe ailleurs que sur la Terre, mais qu'il existe ailleurs, dans l'Univers, une ou des civilisations technologiquement très supérieures à la nôtre. Du côté états-unien, principalement, les informations sur les PAN sont couvertes par le secret militaire. Elles font l'objet d'une vaste désinformation.


Un remarquable rapport, daté des années 1990, le rapport COMETA, toujours disponible sur le site du GEIPAN / CNES (Centre national d'Etudes Spatiales) link, préfacé par le général Bernard Norlain, ancien Directeur de l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale,  fait le point sur la question.

 

Il y est présenté dans un contexte assez peu valorisant. A dessein ? Vu le contrôle politique opéré sur la France, la France traditionnelle, à partir de Pompidou (ancien Fondé de pouvoirs de la Banque Rothschild, auteur de la fameuse Loi dite Pompidou-Rothschild du 3 janvier 1973 sur le financement de l'Etat par les banques privées et qui aurait déclaré, selon A.-J. Holbecq dans sa présentation du Rapport Cometa, que "la recherche fondamentale n'était plus une priorité pour la France"), c'est probable. Après le départ du Général de Gaulle, la philosophie des gouvernements "français" a été diamétralement opposée et alignée sur celle des Américains. Ce qui explique le côté "gaulliste" du Rapport Cometa. Il paraît d'ailleurs que le Général de Gaulle s'intéressait beaucoup aux OVNIS et voulait développer les rechercjhes à ce sujet. Un rapport établi, donc, dans l'intérêt supérieur de la France, des Français et de l'homme en général. Quelque chose d'inadmissible pour l'hégémonie américaine et pour ceux qui la pilotent ... et aussi pour des gens qui s'expriment en anglais, une langue très inférieure au français sur le plan intellectuel et scientifique ... et moral aussi, car l'un ne va pas sans l'autre.

Dans les jours qui suivirent sa publication, le Rapport Cometa fut violemment attaqué par les Anglais et, en France, par un article d'un sociologue, Lagrange, dans le quotidien Libération. En politique, rien n'arrive par  hasard...

 

Résumé et commentaire du Rapport Cometa par A.J. Holbecq (ancien pilote de Concorde et auteur, avec J.-P. Derudder, d'un remarquable petit livre sur la Dette publique, préfacé par Etienne Chouard, qui nous ramène justement à la fameuse Loi Pompidou-Rotschild du 3 janvier 1973 dévoluant aux banques privées le rôle de la création de la monnaie) : link

 

Très intéressante émission produite par Didier de Plaige pour la Radio Ici et Maintenant sur le Rapport Cometa avec Gildas Bourdais et André-Jacques Holbecq: link

 

A.J. Holbecq s'intéresse principalement à l'économie et aux extra-terrestres. Il anime le site ummasciences qui présente des documents (des lettres) qui auraient été transmis depis une quarantaine d'années aux Terriens par les habitants d'une autre planète de notre galaxie nommée Umma. Selon toute vraisemblance, c'est l'invention d'un mythomane, Jean-Claude Petit. Etrange comme une personne intelligente et véridique comme A.-J./ Holbecq peut défendre cette histoire, qui, finalement ne peut que nuire à ceux qui s'intéressent sérieusement à la question. Cui bono ?


Interview de pilotes de chasse et de personnalités françaises sur les PAN:

 

 

Source: link

 

 

 

 

 

The French Report on UFOs and Defence : a short presentation

 

by Gildas Bourdais

 

 

 

It must be stressed here that this is an independant report, written by a private association called COMETA. It is summarized here with the approval of the authors.

 

To translate and publish the report itself, in part or in its integrality, permission should be asked by writing to the administrator of the association COMETA, Mr Michel Algrin, 25, boulevard Saint-Germain, 75005 Paris, France.

 

On Friday 16 of July 1999 was published in France an outstanding document, called "UFOs and Defence. What must we be prepared for ?" ("Les OVNI et la Défense. A quoi doit-on se préparer ?") This ninety pages report is the result of an in depth study of UFOs, covering many aspects of the subject, especially questions of defence. The study was carried out during several years by an independant group of former "auditors" at the very serious Institute of Higher Studies for National Defence, or IHEDN ("Institut des hautes études de défense nationale"), and of qualified experts from various fields. Before its public release, it has been sent to French President of the Republic Jacques Chirac, and to Prime minister Lionel Jospin.

 

This Report is prefaced by General Bernard Norlain, of the Air Force, former Director of IHEDN, and it begins with a preamble by André Lebeau, former President of the National Center for Space Studies ("Centre national d'études spatiales", CNES),the French equivalent of NASA. The group itself, collective author of the report, is an association of experts, many of whom are or have been auditors of IHEDN, and it is presided over by General Denis Letty, of the Air Force, former auditor(FA) of IHEDN. Its name "COMETA" stands for "Committee for in depth studies".

 

A non exhaustive list of members is given at the beginning, and it is impressive enough. It includes : General Bruno Lemoine, of the Air Force (FA of IHEDN), Admiral Marc Merlo (FA of IHEDN). Michel Algrin, Doctor in Political Sciences, attorney at law (FA of IHEDN), General Pierre Bescond, engineer for armaments (FA of IHEDN), Denis Blancher, Chief National Police superintendant at the Ministry ot the Interior, Christian Marchal, chief engineer of the national "corps des Mines", Research Director at the "National Office of Aeronautical Research" (ONERA), General Alain Orszag, Phd in physics, engineer for armaments.

 

The committee also expresses its gratitude to outside contributors, among whom : Jean-Jacques Vélasco, head of SEPRA at CNES, François Louange, President of Fleximage, specialist of photo analysis, General Joseph Domange, of the Air Force, general delegate of the Association of auditors at IHEDN.

 

General Norlain tells in a short preface how this committee was created. General Letty came to see him in March 1995, when he was Director of IHEDN, to discuss his project of committee on UFOs. Norlain assured him of his interest and addressed him to the Association of Auditors (AA) of IHEDN, which in turn gave him its support. It is interesting to recall here that, twenty years ago, it was a report of that same Association which led to the creation of GEPAN, the first unit for UFO study, at CNES.

 

As a result, several members of the committee come from the Association of Auditors of IHEDN,joined by other experts. Most of them hold, or have held, important functions in defence, industry, teaching, research,or various central administrations. General Norlain expresses hope that this report will help develop new efforts nationally, and an indispensable international cooperation.

 

General Letty, as president of COMETA, points to the main theme of the report, which is that the accumulation of well documented observations compells us now to consider all hypotheses as to the origin of UFOs, especially extraterrestrial hypotheses.

 

The committee then presents the contents of the study : In a first part, presentation of some remarkable cases, both French and foreign ; In a second part, they describe the present organization of research in France and abroad, and studies made by scientists worldwide which may bring partial explanations, in accordance with known laws of physics. The main global explanations are then reviewed, from secret crafts to extraterrestrial manifestations ; In a third part, will be examined measures to be taken regarding defence, from information of pilots, both civilian and military, to strategic, political and religious consequences, should the extraterrestrial hypothesis be confirmed.

 

Part I : "Facts and Testimonies"

 

Many of the cases selected are well known by most researchers, and need only to be mentioned here. They are :

 

-Testimonies of French pilots. M. Giraud, pilot of MirageIV (1977) ; Colonel Bosc, fighter pilot (1976) ; Air France flight AF 3532 (jan 1994).

 

-Aeronautical cases world wide. Lakenheath (1956) ; RB-47 (1957) ; Teheran (1976) ; Russia (1990) ; San Carlos de Bariloche (Argentina, 1995).

 

-Observations from the ground. Tananarive (1954) ; observation of a saucer near the ground by a French pilot, J.-P. Fartek (1979) ; observation at close range over a Russian missile site, by several witnesses (1989).

 

-Close encounters in France. Valensole (Maurice Masse, 1965) ; Cussac, Cantal (1967) ; Trans-en-Provence (1981) ; Nancy (so called case of the "Amaranth" 1982).

 

-Counter-exemples of elucidated phenomena (two cases).

 

Although the selection is limited, it seems to be sufficient to convince an uninformed but open minded reader of the reality of UFOs.

 

Part II : "The Present State of Knowledge"

 

The second part, entitled "the present state of knowledge" ("Le point des connaissances"), begins with a survey of the organization of the official UFO research in France, from the first intructions given to the "gendarmerie" in 1974 for the redaction of reports, to the creation of GEPAN in 1977, its organization and its results : collection of more than 3,000 reports from the gendarmerie, cases studies, statistical analyses. It then surveys agreements passed by GEPAN and, later, SEPRA, with the air force and the army, the civilian aviation and other organs, such as civilian and military laboratories for the analysis of samples, and photographies.

 

Regarding the methods and results, we are reminded of some famous cases (Trans-en-Provence, l'Amarante), and emphasis is made on the the catalogues of cases, notably of pilots (Weinstein catalogue), and "radar/visual", world wide. A historical note appears here with a quotation of the famous letter of General Twining, of september 1947, asserting already to the reality of UFOs.

 

The following chapter, called "hypotheses and attempts at modeling" ("OVNI : hypothèses,essais de modélisation") discusses some models and hypotheses which are under study in several countries. Partial simulations have already been made for UFO propulsion, based on observations of aspects such as : speed, movements and accelerations, engine failure of nearby vehicles, paralysis of witnesses. One model is MHD propulsion, already tested successfully in water, and wich might be achieved in the atmosphere with superconducting circuits, in a few decades. Other studies are briefly mentioned, regarding both atmospheric and space propulsion, such as particle beams, antigravity, reliance on planetary and stellar impulsion. The failure of land vehicle engines may be explained by microwave radiations. In fact, high power hyperfrequency generators are under study in France and other countries. One application is micro wave weapons. Particle beams, for instance proton beams, which ionize the air and become therefore visible, might explain the observation of truncated luminous beams. Micro waves might explain body paralysis.

 

In the same chapter are next studied "global hypotheses". Hoaxes are rare and easily detected. Some non-scientific are put aside, such as conspiration and manipulation by very secret, powerful groups, parapsychic phenomena, collective hallucinations. The hypothesis of secret weapons is also regarded as very improbable, the same as "intoxication" at the time of the cold war, or just natural phenomena. We are then left with various extraterestrial hypotheses. One version has been developed in France by astronomers Jean-Claude Ribes and Guy Monnet, based on the concept of "space islands" of American physicist O'Neill, and it is compatible with present day physics.

 

The organization of UFO research in the United States, Great Britain and Russia, is surveyed rapidly. In the United States, the media and the polls show a marked interest and concern of the public, but the official position, especially of the Air Force, is still one of denial, more precisely that there is no threat to national security. Actually, declassified documents, released under FOIA, show another story, one of surveillance of nuclear installations by UFOs, and the continued study of UFOs by the military and intelligence agencies.

 

The report stresses the importance, in the United States, of private, independant associations. It mentions the "Briefing Document. Best available evidence" sent in 1995 to a thousand personalities worldwide, and the Sturrock workshop in 1997, both sponsored by Laurance Rockefeller. The "Briefing Document" has obviously been welcomed by the authors of the COMETA report. The committee also notes the public emergence of alleged insiders such as Colonel Philip Corso, and considers that his testimony may be partly significant as to the real situation in that country, in spite of many critics.

 

The report describes briefly the situation in Great Britain, with a special mention for Nick Pope, and poses the question of the possible existence of secret studies pursued jointly with American services. It mentions as well research in Russia, and the release of some information, notably by the KGB in 1991.

 

Part III : UFOs and Defence

 

The third part, "UFOs and Defence" ("Les OVNI et la défense"), states that, if it is true that no hostile action has been proved yet, at least some actions of "intimidation" have been recorded in France (case of of the Mirage IV for instance). Since the extraterrestrial origin of UFOs cannot be ruled out, it is therefore necessary to study the consequences of that hypothesis at the strategic level, but also political, religious and media/public information levels.

 

The first chapter ofPart III is devoted to prospective strategies ("Prospectives stratégiques") and it begins with fundamental questions : "What if extraterrestrials ? What intentions and what strategy can we deduce from their behavior ?"

 

Such questions open a more controversial part of the report. Possible motivations of extraterrestrial visitors are explored here, such as protection of planet Earth against the dangers of nuclear war, suggested for instance by repeated flying over nuclear missile sites.

 

The committee then ponders the possible repercussion on the behavior, official or not, of different states, and focuses on the possibility of secret, privileged contacts which might be "attributed to the United States". The attitude of the U.S. is seen as "most strange" since the 1947 wave and the Roswell event. Since that time, a policy of increasing secrecy seems to have been applied, which might be explained by the protection at all cost of military technological superiority to be acquired from the study of UFOs.

 

Next, the report tackles the question : "What measures must we take now ?" At the least, whatever the nature of UFOs, they impose "critical vigilance", in particular regarding the risk of "destabilizing manipulations". A kind of "cosmic vigilance" should be applied by the elites, nationally and internationally, in order to prevent any shocking surprise, erroneous interpretation and hostile manipulation.

 

Nationally, COMETA urges the strenghening of SEPRA, and recommends the creation of a cell at the highest level of government, entrusted with the development of hypotheses, strategy, and preparation of cooperation agreements with European and other foreign countries. A further step would be that European states and the European Union undertake diplomatic action toward the Unites States within the framework of political and strategic alliances.

 

A key question of the report is "What situations must we be prepared for ?". It mentions such situations as : extraterrestrial move for official contact ; discovery of a UFO/alien base on the territory or in Europe ; invasion (deemed improbable) and localised or massive attack ; manipulation or deliberate disinformation aiming at destabilizing other states.

 

COMETA devotes special attention to "aeronautical implications", with detailed recommendations aimed at various personnels, such as air staffs, controllers, weathermen and engineers. It also makes recommendations at the scientific and technical levels, aimed at developping research, with potential benefits for defence and industry.

 

The report further explores the political and religious implications of UFOs, using as a model the perspective of our own exploration of space : how would we do it, how would we handle contacts with less advanced civilizations ?

 

Such an approach is not new to the well informed readers of the abundant ufological literature, but it has a special value here, being treated seriously at such a level. The media/publicity implications are not forgotten, with the problems of disinformation, fear of ridicule, and manipulation by certain groups.

 

In its conclusion, COMETA claims that the physical reality of UFOs, under control of intelligent beings, is "quasi certain". Only one hypothesis takes into account the available data : the hypothesis of extraterrestrial visitors. This hypothesis is of course unproved, but has far-reaching consequences. The goals of these alleged visitors remain unknown but must be the subject of speculations and prospective scenarios.

 

In its final recommendations, it stresses again the need to : 1) inform all decision-makers and persons in position of responsibility ; 2) reinforce means of investigation and study at SEPRA ; 3) have UFO detection taken into account by agencies engaged in of space surveillance ; 4) create a strategic cell at the highest state level ; 5) undertake diplomatic action toward the Unites States for cooperation on this "capital question" ; 6) study measures which might be necessary in case of emergencies.

 

Finally, this document is accompanied by seven interesting annexes which are worth reading even by seasoned ufologists : -1 Radar detection in France -2 Observations by astronomers -3 Life in the Universe -4 Colonization of space -5 The Roswell case - The disinformation (an interesting text which will be criticized by some readers, and welcomed by others, including myself) -6 Antiquity of the UFO phenomenon. Elements for a chronology. -7 Reflexionn on various psychological, sociological and political aspects ot the UFO phenomenon.

 

The importance of this report should not be missed by all informed ufologists around the world, considering not only its contents but the personality of its authors, and in spite of critics which may be addressed to it. In fact, some sharp critics have been made soon after the release of the report, on the Internet, and in the French press with an article by sociologist Pierre Lagrange curiously denouncing an operation of disinformation by way of ridiculing the subject ("Libération of July 21, 1999). Let's hope that the present summary will help clarify the debate.

 

Gildas Bourdais

août 1999

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Maurice Bardèche: Souvenirs (extraits)

27 Avril 2012 , Rédigé par Béthune

 

Il est bien naturel, dans un monde où chacun marche sur les mains, qu'on nomme utopistes ceux qui s'obstinent à marcher sur leurs pieds.

Maurice Bardèche, Souvenirs.

 

Longtemps, j'ai eu honte d'annoncer, quand je devais, comme les autres élèves, dire le nom de mon village, que j'étais né à Dun-sur-Auron. Je trouvais ce nom à la fois ridicule et banal. Je compris beaucoup plus tard qu'on m'avait trompé, que le nom qu'on m'avait appris n'était pas le vrai nom de mon village, qu'il cachait au contraire sous cette dénomination administrative, l'antiquité et la noblesse du petit bourg qu'on avait appelé pendant des siècles Dun-le-Roi. Ce nom de Dun, qu'on retrouve dans Lugdunum qui est le nom ancien de la ville de Lyon, désignait autrefois une butte fortifiée : c'est un des noms les plus anciens de notre langue parce que c'est un nom gaulois antérieur à la conquête romaine. À Dun-le-Roi, l'éperon qui domine l'Auron fut fortifié au temps où le roi de France était devenu le roi de Bourges. On appelait alors cette butte le Châtelet. L'entrée en était défendue par un beffroi qui existe encore. Entre le beffroi et les fortifications du Châtelet s'étendait une rue autrefois bordée de maisons anciennes dont il ne restait plus, au temps de mon enfance, qu'un petit manoir du XVe siècle dans lequel on affirmait que le roi avait résidé : il était devenu la maison du médecin et j'y ai souvent joué avec une jolie fillette de mon âge jusqu'aux environs de ma huitième année. Dans la campagne, sur les bords de l'Auron, on montrait encore, dans mon enfance, les ruines du château de Bois-Sire-Amé que Charles VII avait fait construire pour Agnès Sorel. Bien qu'il y eût pour ce nom de Dunois bien d'autres explications, il me plairait de croire que c'est en raison des attachements qui s'étaient créés ainsi que le chef de la résistance française, le fameux bâtard d'Orléans, contemporain de Charles VII et compagnon de Jeanne d'Arc, prit le nom de comte de Dunois. Je pense toujours avec tristesse à ce que dut être autrefois le gros bourg paysan de Dun-le-Roi. Il était déjà assez important pour qu'on y eût fait construire, deux cents ans plus tôt, une belle église romane à l'entrée de la Grande-Rue. Cette Grande-Rue aboutissait au beffroi qui semblait alors une sorte d'alcazar installé pour protéger la villégiature du roi. Dans mon imagination, la transformation de Dun-le-Roi en Dun-sur-Auron, c'est comme si on avait fait porter une blouse d'épicier à un noble mendiant tiré d'une gravure de Callot.

 

Quelques semaines après mon retour à Paris, Lucien Rebatet me racontait des scènes du bombardement du pont de Gien qu'il décrivit plus tard dans Les Décombres. L'hystérie des femmes, si naturelle dans le danger, est pire que le danger lui-même. Dans ces aventures, les femmes redeviennent ce qu'elles sont, des proies. Elles cherchent instinctivement le mâle qui leur assurera la protection et la vie, toujours prêtes à payer le prix de passage. Même sans une nécessité, la solitude, l'angoisse, le désarroi, la rupture des habitudes, pas de témoins, font souvent des femmes, des errantes, aussi démunies, aussi fragiles que les jeunes fugueuses qui cherchent à s'accrocher quelque part. Il y a, sans doute, une volupté à être irresponsable. Les femmes aspirent parfois à cette sorte de sensualité. C'est peut-être une des significations inavouées de leur désir d'être libres.

 

Je me suis pourtant réveillé un moment de ma période de somnambulisme. Ce fut lors de l'agression anglaise sur la rade de Mers el-Kébir. J'étais aussi furieux qu'au moment de la réoccupation de la Rhénanie. La colère m'ôtait toute raison. J'accusai le gouvernement français de lâcheté. J'aurai voulu une riposte. Je ne savais ni où ni comment, mais il me semblait que cet acte de piraterie était un outrage qui ne pouvait être vengé que par un acte. Pierre Laval fut plus sage. Il savait trop bien notre impuissance. J'ai gardé, depuis ce jour, une haine tenace, non seulement contre Churchill, mais même contre la nation anglaise, qui avait approuvé cette trahison. Même le courage du peuple anglais que j'admirai plus tard pour sa ténacité et sa force morale pendant les nuits du bombardement de Londres n'a pu abolir ce sentiment. C'est toujours pour moi l'île des cagots et des hypocrites. Depuis ce jour, je sais qu'il y a dans ce peuple quelque chose de sauvage, que leur hypocrisie couvre ordinairement, mais qui est dans leur sang comme un instinct animal dont Shakespeare seul a su peindre la violence et l'implacable. À l'état de repos, ces bouledogues ont des manières parfaites : ils ont inventé l'humour, c'est beaucoup.

 

Tout d'un coup l'étendue de la défaite que j'avais peu et si mal ressentie à Canet m'apparut. Tout disait notre impuissance. À mes yeux dessillés, elle se montrait par les deux signes qui sont comme les cornes d'abondance de la déroute, ces signes qui sont inséparables de l'image de tous les peuples vaincus, la disette et la servitude : le désert et, dans ce désert, des colonnes de mâles emmenés en esclavage et des femmes hurlant leur détresse autour des aires où ils sont parqués, la captivité de Babylone.

 

Les contemporains n'ont connu que beaucoup plus tard les drames effroyables de Hambourg et de Dresde, les femmes et les enfants englués et brûlés par des bombes au phosphore, torches hurlantes, statues calcinées de familles entières qu'on retrouvait dans les rues se tenant encore par la main, massacres inutiles et haineux dont tous les hommes devraient pleurer de honte pendant des siècles, monument de la barbarie et de la dureté de coeur de notre triste temps. Non, nous ne savions pas. Quand nous savions quelque chose par la radio anglaise, nous soupçonnions une désinformation, à cause des chiffres qui circulaient, très inférieurs à la réalité, des souffrances des civils allemands, mais auxquels nous ne croyions pas tant ils étaient épouvantables.

 

Il est certain, en tout cas, que je fus, pendant ces semaines décisives, un très médiocre patriote, et, ce qui est pire, un mauvais logicien. Je ne me réjouissais pas de la défaite de l'armée allemande, pas davantage de la fin de l'occupation allemande. C'est le drame des nations qui ont perdu les moyens de leur indépendance. La fin de l'occupation allemande annonçait le début d'une autre occupation, celle des vainqueurs de l'Allemagne. Et la défaite allemande ne signifiait pas la victoire de la France, elle signifiait la victoire des ennemis de l'Allemagne nationale-socialiste qui étaient aussi les ennemis de ces régimes fascistes que j'avais admirés au détriment de ces démocraties que j'avais toujours détestées. Alors, je vis toute l'étendue de mes mauvaises pensées.

 

Je découvre aujourd'hui, en dénombrant les ravages perpétrés si facilement dans les plaines vulnérables de la raison, une vérité philosophique qui me confirme dans ma lecture de la réalité. L'acoustique de la guerre qui est fondée sur l'ignorance est le milieu psychologique dans lequel s'élabore toute conquête qui est possession des âmes. L'ignorance qui permet de nager et de survivre dans le drame est indispensable également à ceux qui veulent cueillir les fruits de l'usurpation. Les convulsions historiques forgent des reliefs nouveaux comme les convulsions géographiques créent de nouveaux continents. Ce qui émerge, fortunes politiques ou fortunes privées, prolétarisation des uns et suprématie des autres, ne peut avoir lieu que dans un effondrement général dû au mensonge. On n'a rien compris à ce qui se passait : c'est l'ignorance pendant la guerre. On ne comprend rien de ce qui se prépare, c'est l'ignorance dont on a besoin pour établir une nouvelle stabilité. Et on ne comprend rien à ce qui se prépare parce qu'on fabrique une image fausse de ce qui s'est passé. L'histoire des hommes n'est probablement qu'une succession de mensonges. C'est en ce sens que l'histoire existe. Il n'y a pas de sens de l'histoire, il y a des sens successifs qu'on impose à l'histoire qui n'est elle-même que la succession des recettes par lesquelles on parvient à faire supporter aux hommes l'inégalité scandaleuse de leurs conditions. Qui voudrait accepter qu'il y ait des riches et des miséreux si l'on ne parvenait pas à imposer des illusions ?

 

Je ne mis pas longtemps à le découvrir. Je n'avais qu'à poursuivre mon raisonnement jusqu'au bout, il me conduisait à un scandale. Pour renverser mon raisonnement, il fallait substituer une histoire à une autre, un vocabulaire à un autre, une conscience à une autre. Il fallait dire et inscrire sur le fronton de notre histoire que la France n'était pas une nation « non belligérante », une nation « non alignée » qui pouvait assister à la guerre en spectateur. Il fallait dire et inscrire dans notre histoire que la France restait « participante » de cette guerre, qu'elle était immobilisée certes, mais que, malgré cette immobilité provisoire, elle restait « engagée » et que, par conséquent, la véritable légitimité n'était pas la légitimité juridique de la non-belligérance, mais la légitimité à venir de ceux qui continuaient à se déclarer « présents » aux côtés des Alliés. C'est cette vision obligatoire du passé qui était l'originalité de l'épuration qu'on nous imposait, et de l'abdication qu'on exigeait de nous. Il y avait un viol des consciences dans cette abjuration. Et ce viol des consciences qui nous obligeait à revêtir une autre peau que la nôtre, à nous fabriquer une autre cervelle, je savais ce que c'était. Je n'avais qu'à me souvenir que l'expression même que j'utilisais pour définir cette opération était la même que le titre du célèbre ouvrage de Tchakotine, Le Viol des foules, qui, avant la guerre, avait décrit le lavage de cerveau employé par les communistes pour imposer la religion du marxisme-léninisme.

 

Tel fut le premier acte criminel du système d'hypocrisie et de mensonge sous lequel nous vivons tous depuis plus d'un demi-siècle. Cette subtile acrobatie intellectuelle de quelques savants juristes me rendit plus clair le refus de la grâce de Robert Brasillach par le général de Gaulle. On avait inséré frauduleusement dans le dossier préparé pour le général de Gaulle la page de couverture du magazine Ambiance dirigé par Pierre Bloch qui représentait côte à côte Jacques Doriot en uniforme de lieutenant de la LVF, uniforme allemand portant l'écusson tricolore de la Légion, entre Robert Brasillach et Claude Jeantet l'un et l'autre en civil. Je n'ai jamais cru au bruit qu'on a fait courir que le général de Gaulle aurait confondu sur cette photographie Robert Brasillach en civil avec Jacques Doriot en uniforme et qu'il aurait refusé la grâce parce que Robert Brasillach aurait porté l'uniforme de l'armée allemande. C'est invraisemblable chez un général politicien qui connaissait certainement les vedettes politiques des dernières années de la Troisième République. Je ne crois pas davantage à l'explication donnée par de Gaulle lui-même dans ses Mémoires : il aurait été impitoyable en raison des responsabilités particulières que confère un grand talent. C'est une excuse de « père noble » qui ne correspond qu'à une attitude théâtrale. Il me semble, au contraire, que l'insertion de cette photographie dans le dossier avait pour objet de rappeler à de Gaulle la visite de Brasillach à la Légion antibolchévique qui n'avait pas été évoquée à l'audience, sa responsabilité dans la diffusion de la vérité sur le massacre de Katyn et par conséquent son dessein de nuire à un allié de l'axe visé par la nouvelle définition donnée à l'article 75. Je crois que la mort de Robert Brasillach est un assassinat réussi. C'est tout ce qu'il est permis de dire aujourd'hui.

 

Je n'ai pas cessé, en effet, depuis cinquante ans, de donner une autre image des événements dont j'avais été le témoin et de rétablir le sens des mots qu'on avait usurpés et falsifiés. C'est certainement à juste titre que mon savant critique suggérait qu'on devrait m'abriter dans un hôpital psychiatrique.

 

Le dépeçage de l'empire colonial anglais et de l'empire colonial français nous annonçait notre condition de vaincus. Mais cette spoliation internationale s'accompagnait dans chacun de nos pays d'une spoliation particulière. Cette spoliation c'était celle de notre personnalité nationale. Il ne suffisait pas que nous soyons vaincus, il fallait encore que, dans chacun de nos pays, nous soyons esclaves, ce qui est la condition de vaincus. Cet esclavage général, il était obtenu par la confiscation des moyens de communication. La dictature gaullienne n'avait duré que seize mois. Elle avait été remplacée par la Quatrième République qui restaurait le régime des partis et celui des politiciens. Mais rien n'avait été changé au dispositif de muselage. Les journaux et les radios étaient censés représenter les principaux partis : mais comme ils étaient les journaux et les radios qui avaient été installés autoritairement au moment de la Libération, ils répétaient tous la même histoire préfabriquée de la guerre, ils n'étaient qu'un seul journal au fond. La nation tout entière était nourrie d'une falsification, elle était dévoyée. On assistait à une transfusion du sang. Cette opération se faisait en deux temps : d'abord une soustraction du sang corrompu, c'est-à-dire du sentiment national, de l'instinct de conservation qui avait poussé les Français pendant l'Occupation à accepter l'inévitable pour sauver la matière humaine, les Français ; puis une injection du sang nouveau, remplaçant l'instinct de conservation par des principes d'universalité qui proclamaient le caractère sacro-saint de toute personne humaine, c'est-à-dire de toute personne non autrement spécifiée, ayant réussi à s'installer en territoire français. Opérer cette substitution de la personne humaine résidente, quelle qu'elle soit, au citoyen français autochtone, c'était ce qu'on appelait sauver l'âme de la France.

C'était le commencement d'une entreprise de dépossession qui allait se poursuivre pendant quarante ans et qui se poursuit encore au moment où j'écris ces lignes sans qu'on comprenne comment on pourra l'arrêter.

 

Il est vrai que le reste de la planète ne valait pas mieux. La haine s'était emparée des balances de la justice. Elle était devenue la déesse des temps modernes. Les États-Unis, toujours à l'avant-garde du progrès, avaient découvert deux instruments également efficaces, la bombe atomique et le génocide. La bombe atomique permettait de tuer par masses : celui qui la détenait avait le pouvoir, comme un génie des Mille et Une Nuits, de mettre fin à toutes les guerres. Le génocide, plus précis, plus chirurgical, permettait de tuer par sélection en impliquant des individus dans le projet général de crime contre l'humanité. Le fonctionnement de ce prodigieux bulldozer me fascinait comme un enfant. J'avais eu horreur de l'Épuration parce que l'Épuration avait détruit ma vie : c'était une préoccupation égoïste. Le procès de Nuremberg fit de moi un modèle de désintéressement : j'étais indigné d'une autre manière, à cause de gens qui ne m'étaient rien — pour ainsi dire par esthétique. J'étais devenu ce qu'il y a de plus dangereux au monde, un idéaliste.

Je n'avais aucune sympathie élective pour l'Allemagne ou pour les Allemands. Ce n'est pas l'Allemagne que j'aimais, c'était le courage, la loyauté, la fraternité au combat. Ce n'était même pas le national-socialisme que j'aimais : ce n'était pas Horst Wessel, c'était Ernest Psichari, c'était Bournazel. Et ce n'était pas le Japon que j'aimais. Je reprochais, au contraire, aux Japonais d'avoir permis stupidement à Roosevelt de lancer son pays dans la guerre en essayant, sans y réussir, d'anéantir la flotte américaine à Pearl Harbor. Mais j'admirais, j'admirerai toujours ceux qui partent à l'aube, après avoir salué leur empereur, pour sauver leurs camarades par leur propre sacrifice. Je n'y peux rien. On m'a trop fait lire le De Viris illustribus Romae quand j'avais douze ans. C'était toute mon éducation. Comme l'histoire des Gracques, des trois cent six Fabius ou des Scipion, Corneille, Tite-Live, Sénèque, sont de mauvaises lectures. Ils donnent trop d'exemples de héros.

 

Ces sentiments sont-ils étranges ? Je serai peut-être mieux compris si je rappelle qu'au temps où ces pensées commandaient ma sensibilité, nous n'avions pas encore subi l'avalanche de la propagande qui déboula plus tard sur nos têtes à la suite, justement, du procès de Nuremberg. Je sais aussi que ce serait plus simple si je disais que j'étais bouleversé par les souffrances de ce peuple allemand, si écrasé, si déraciné, si misérable, par la détresse de ces familles allemandes qui avaient tout perdu, les maris, les fils, les pères, qui vivaient dans des caves, cherchaient leur nourriture dans les poubelles des vainqueurs, peuple mendiant que la charité seule soutenait. Je me souvenais, pour me consoler de la fureur des hommes, de ce vieux libraire juif, Victor Gollancz, que je connus plus tard, qui vint de Londres avec des wagons qu'il avait remplis de souliers pour que les enfants allemands ne fussent pas pieds nus, pendant l'hiver de la défaite, dans la triste neige de leur pays dévasté.

 

En lisant les quarante volumes de la sténographie du procès des « criminels de guerre » devant le tribunal international de Nuremberg et en essayant de comprendre la mentalité des juges qui composaient ce tribunal que je trouvais monstrueux, j'avais découvert qu'il ne s'agissait pas seulement d'un transfert de responsabilité que les vainqueurs rejetaient sur les vaincus, mais que l'essentiel était la proclamation d'un principe nouveau de la vie politique : la souveraineté nationale, désormais, n'existait plus, on n'avait plus le droit de s'en réclamer et de la revendiquer, la nation n'était plus qu'une parcelle géographique d'un tout appelé l'humanité, juge suprême de toutes les nations. Ce juge suprême indiquait ce qui était permis aux nations et ce qui leur était défendu, et il avait le droit et même le devoir de les punir si elles avaient dépassé ce qui était permis et perpétré ce qui était défendu, qui prenait, dès lors, le nom de crime. La nation devenait un individu et la nouvelle nation de tous les hommes était l'humanité qui avait pouvoir et permission sur toutes les nations. Pour moi, cette perspective signifiait que la terre se dérobait sous mes pieds. La garantie de mon existence, de mes droits, ma nation, cessait d'être ma propriété.

Ce socle de mon civisme, de mon dévouement, qui était aussi le socle de ma vie, n'existait plus : il n'était plus qu'un tas de sable. Des millions d'hommes, pas seulement les Allemands de la Wehrmacht, mais les fantassins de Verdun et des Éparges étaient morts pour ce tas de sable. Désormais nous n'aurions plus aucun droit d'être ce que nous sommes, de défendre ce qui nous appartient, d'être chez nous sur une certaine partie de la terre ; nous n'étions plus que des fourmis qui se trouvaient par hasard sur un certain tas de sable appartenant à tous les hommes et sur lequel tous les hommes pouvaient s'installer.

Alors, à partir de cette proclamation, nous entrions non pas dans un nouveau siècle, mais dans une nouvelle ère de l'humanité. Ce qui avait changé, ce qui annonçait un autre temps et un autre champ à la fois d'action et de pensée, c'était l'obligation d'avoir désormais présente à l'esprit une image totale du monde et non plus du petit coin du monde dans lequel nous habitions. Quatre-vingt mille Chinois engloutis sur les rives du Yang-Tsé c'était désormais quelque chose qui allait nous concerner, qui, par conséquent, nous deviendrait proche ; et aussi les famines en Afrique, la misère, mais qu'y pouvions-nous ? les crimes, mais est-ce que cela nous regardait ? Et pourtant, à cause de la radio, bientôt à cause de la télévision surtout, qui permettait de voir, ou d'avoir l'illusion de voir, nous serions proches de tout, présents à tout, témoins de tout. C'était cela, ce que signifiait l'apparition sur le champ de bataille mondial de cette Gorgone bien pire que Blücher à Waterloo, la métaphysique.

À cause des avions, à cause de la radio, à cause de la télévision, le monde se rapetissait. Nous devions nous habituer et surtout habituer nos esprits au raccourcissement des distances. La distance, qui était jadis notre protection, notre sécurité, devenait flexible, élastique, devenait une variante, à chaque décennie changeante, qui devait entrer dans tous nos calculs. Et, à cause de cela, les données de la politique seraient désormais continuellement remises en cause, car la géographie rapetissée, rétrécie, contractée, nous proposait de nouveaux voisins et de nouvelles frontières. Et ce raccourcissement des distances, en élargissant notre vision, donnait, en revanche, à nos pensées une envergure qu'elles n'avaient pas auparavant. Nous aurions à nous demander non plus seulement si ce que nous souhaitions ou décidions était bon, salutaire ou nuisible pour nous, pour notre pays, mais si ce que nous souhaitions ou décidions pour nous était aussi conforme à des règles que nous pouvions proposer aux autres hommes, aux autres pays.

Alors ce qu'on m'avait appris à Louis-le-Grand, en khâgne, me revenait à l'esprit. J'entendais bourdonner en moi les vieilles litanies par lesquelles on avait gravé en moi les principes de la morale de Kant : que ton choix pour chaque action puisse être proposé comme loi de tous les hommes. Le kantisme, l'esprit de 1789, faisait une majestueuse entrée en scène, cinquante ans avant le bicentenaire. Et en même temps qu'il faisait son entrée, on voyait s'inscrire sur le fronton du temple, l'avertissement célèbre de Péguy : « le kantisme a les mains pures, mais il n'a pas de mains ».

Alors, comme nous étions toujours placés dans le petit coin de terre appelé notre patrie, dont la liberté, la sécurité, la prospérité étaient la garantie de notre liberté personnelle, de notre prospérité individuelle, les choix politiques allaient dépendre soit du réalisme qui nous invitait à protéger notre patrie et les intérêts de notre patrie qui étaient notre bien et en même temps la garantie de notre liberté, soit de l'universalisme qui faisait de nous des citoyens du Monde, tributaires d'un ordre et d'une prospérité universels.

J'aurais donc désormais à dire, tout le long de ma vie, si j'acceptais cette loi universelle que des moralistes absolus sans pays et sans visage m'imposeraient et comme autrefois, à préférer ce qui me tient à coeur, ce qui me paraît juste et salutaire pour moi et pour les miens, ce qui me permettrait de rester moi-même, option qu'on flétrissait du nom désobligeant de réalisme. Et, en présence de cet entêtement, c'est moi qu'on appelait utopiste : à juste titre, car il est bien naturel, dans un monde où chacun marche sur les mains, qu'on nomme utopistes ceux qui s'obstinent à marcher sur leurs pieds.

 

Je n'étais pas un poseur de bombes, mais un petit paysan têtu qui ne voulait pas qu'on piétine son champ au nom de la métaphysique.

 

Quoi qu'il en soit, un avocat général du nom de Bouchardon qui avait l'âme moins sensible que mon courageux substitut Gonet établit avec fermeté que la loi par laquelle il était interdit de féliciter les poseurs de bombes était bien celle par laquelle le législateur m'interdisait de rétablir, même dans une faible mesure, ce que je regardais, à tort ou à raison, comme la vérité historique. Je contemplais, navré, pendant qu'on m'accablait, la figure sévère de l'excellent conseiller décoré auquel on s'adressait tout particulièrement pour lui lire avec courroux les phrases sévères qui concernaient les nègres américains qui lançaient des bombes au phosphore sur les femmes et les enfants de Dresde et de Hambourg. J'étais triste qu'on lui fît de la peine. Il avait l'air convaincu que je détestais les noirs. Ce n'était pas vrai : je détestais seulement les bombardiers.

 

La signification de mon livre contre le procès de Nuremberg était beaucoup plus grave que celle de la Lettre à François Mauriac. Dans ce dernier cas, ma voix n'avait été qu'une voix parmi d'autres : elle était seulement la plus catégorique, la plus agressive et celle qui avait fait le plus de bruit. Mais elle ne traitait que d'un cas de conscience particulier aux Français et elle ne soutenait que des principes que tout le monde pouvait approuver : et même, tout le monde savait ou, du moins, sentait qu'on ne pouvait les transgresser qu'en imposant silence aux vaincus. En récusant les juges de Nuremberg, au contraire, je jetais un défi qui intéressait le monde entier. Pouvait-on imposer aux nations une loi contraignante comme celle qu'on impose aux particuliers ? En affirmant la sujétion des nations à des juges et à une gendarmerie, est-ce qu'on ne faisait pas disparaître ce qui est le propre de la nation, la souveraineté ? En inventant une pax romana et en l'imposant par la force, est-ce qu'on n'établissait pas un statu quo définitif qui faisait des privilégiés et des défavorisés ? À qui profitait cette pax romana ? Ces questions interpellaient beaucoup de gens et gênaient beaucoup de calculs.

La prétention d'ériger en juge des nations un tribunal international sous prétexte d'agression et de crimes de guerre impliquait un « gel » de la carte du Monde établie par les vainqueurs. Ce « gel » de la carte du Monde aboutissait à consacrer une répartition de la puissance et cette répartition de la puissance devenait aussi une répartition de la richesse. Une telle répartition qu'il était interdit de corriger par la force consacrait un conservatisme de la possession du territoire. Quels que soient les amendements qu'une politique de décolonisation ou de secours « humanitaires » puisse apporter à cette attribution définitive, il resterait toujours des pays riches qui demeureraient des pays riches et des pays pauvres qui seraient condamnés éternellement à la pauvreté. Qu'arriverait-il si les pays riches étaient incapables de gérer équitablement leur richesse et si les pays pauvres sous la pression de leur démographie étouffaient dans les limites qui leur étaient imposées ? Les pays pauvres auraient-ils d'autre destin que d'être des réservoirs d'esclaves ou des poudrières incontrôlables ? Quelle gendarmerie pourrait leur imposer la soumission ? Et la puissance qui se constituerait le gendarme du Monde par délégation des juges de paix de la planète n'aurait-elle pas, même sans intention d'impérialisme et en agissant ou en croyant agir au nom de la paix et de la justice, la tentation de confondre l'intérêt de la paix avec la défense de ses propres intérêts ?

Je voyais une écume pestilentielle sortir de ce chaudron. C'est trop souvent le résultat de l'idéalisme. On part de chez soi plein d'un courroux généreux pour affranchir des esclaves et délivrer des princesses enchantées : et le résultat ce sont des villes enflammées, le règne des Carpetbaggers qui rançonnent les survivants et l'installation dans les pays qu'on voulait libérer de tyrannies bien plus durables et bien plus inhumaines que les injustices qu'on avait voulu détruire. L'idéaliste arrache les arbres et détourne les eaux : on s'étonne ensuite qu'il crée des déserts. On en accuse la méchanceté des hommes. On ferait mieux de dénombrer les ruines que causent leur optimisme et leurs illusions.

 

Je me mis au travail aussitôt. Je rédigeai en quelques semaines un ouvrage qui présentait l'image de l'Europe que nous aurions voulu construire. C'était une vision que la politique de la guerre froide rendait irréalisable. Ce n'était que son moindre défaut. Elle était, en outre, tout à fait opposée à l'idée que les financiers et les industriels se faisaient de l'Europe future qui, pour eux, devait être essentiellement un marché commun. Je dédiai ce livre au sénateur Taft, petit-fils d'un président des États -Unis parce qu'il était le candidat que les républicains avaient opposé en 1948 à Harry Truman, successeur de Roosevelt. Le titre que je choisis L'OEuf de Christophe Colomb était à la fois absurde et obscur. Je voulais dire que la solution que je proposais était simple, évidente, mais qu'on n'y pensait pas.

Ce livre, mis en vente en novembre 1951 eut peu de succès. C'est pourtant un de mes ouvrages politiques auxquels je tiens le plus. Au moment où j'écris ces lignes, il est plus que jamais d'actualité : parce qu'il oppose une image réaliste et simple de l'Europe à la conception mercantile qui, depuis les années 1960, a remplacé l'idée de l'Europe politique. Ce petit livre me paraît avoir exprimé les conditions aujourd'hui encore indispensables pour que l'Europe existe et qu'elle ne soit pas noyée dans un ensemble mondialiste qui lui retire toute individualité économique et culturelle.

Le principe sur lequel reposait ma conception de l'Europe était la subordination du mercantile au politique : le contraire de la conception que Jean Monnet avait représentée. Il me semblait capital que les nations européennes sortent de l'état de dépendance dans lequel elles se trouvaient soit vis-à-vis des États-Unis soitvis-à-vis de l'URSS. Pour les États satellites de l'URSS, le voeu était alors irréalisable. En revanche, il était urgent que les nations européennes cessent de compter sur l'armée américaine pour assurer leur indépendance : car il ne fallait pas oublier qu'une élection pouvait amener au pouvoir un président isolationniste.

Notre devise devait donc être « Ni Washington, ni Moscou », mais pour que cette devise ait un sens, il fallait constituer en priorité un système d'alliances politiques et militaires entre les États européens capable de doter l'Europe d'une capacité de dissuasion. L'alliance de l'Allemagne et de la France devait être l'axe de ce système défensif. La possession de l'arme atomique était dans cette alliance la dot de la France, l'Allemagne y apportait ses qualités militaires et sa puissance industrielle. Pour des raisons diverses, l'Italie et l'Angleterre ne pouvaient être que les ailes de ce dispositif.

Trois conditions étaient indispensables pour l'indépendance de l'Europe. Il fallait d'abord éliminer toutes les ingérences, directes ou indirectes. Je pensais d'abord aux ingérences idéologiques : ni Washington ni Moscou signifait également ni dictature communiste ni idéologie démocratique. Le territoire européen devait être libre d'occupation. Mais le ciel européen, lui aussi, devait être interdit aux nuages porteurs de miasmes. Pour réaliser cette antisepsie, il fallait ériger des écluses sur tous les canaux qui importaient en Europe des idées ou des intérêts étrangers. Ces écluses devaient filtrer les mouvements de capitaux capables d'installer en Europe des puissances de fait qui échappaient à tout contrôle. L'Europe, affaiblie par sa défaite, et, par conséquent, vulnérable, devait contrôler toutes les inséminations morales, en particulier les perfusions sanguines opérées sur l'opinion publique par la presse et la radio. Pour qu'il y ait une Europe indépendante, il fallait donc premièrement que cette Europe soit une citadelle inaccessible et, en particulier protégée contre les agressions intellectuelles et aussi les contaminations intellectuelles, formes diverses, mais également redoutables d'une occupation morale clandestine moins visible, mais tout aussi grave qu'une immigration incontrôlée.

 

Je ne voyais pas encore très clairement ce que nous savons aujourd'hui : que le résultat le plus certain du libre-échange illimité est la destruction de secteurs entiers des activités nationales et, par conséquent, la fatalité du chômage. Le libéralisme sauvage nous expose non seulement à une invasion, mais à une dépossession. Il entraîne à la fois notre assujettissement économique et la paupérisation de tous ceux qui travaillent dans les branches détruites ou fragilisées de chaque production nationale. Un protectionnisme sélectif à l'égard des produits non européens est une condition indispensable non seulement pour l'équilibre économique et social des pays d'Europe, mais pour la survie même de la civilisation européenne. Cette nécessité est si bien comprise que, même nos gouvernements actuels, tout en confessant le libéralisme avec l'agenouillement et la soumission des dévots, sont obligés de pratiquer sournoisement, pour éviter la ruine des pays qu'ils gouvernent, le protectionnisme qu'ils condamnent dans leurs discours.

 

Cette conception de la citadelle Europe est le contraire même de cette Europe terrain vague inventée par Jean Monnet, défendue par Robert Schumann et couronnée à Bruxelles en la personne de Jacques Delors. Je ne suis ni économiste, ni sociologue, ni politologue. Cette position catégorique que je professe encore actuellement n'est pas, pour moi, une position politique, mais une revendication culturelle. Tout ce que j'ai écrit ensuite n'a jamais été qu'une protestation contre l'invasion de l'économique dans notre vie. L'appareil économique et social dans lequel nous sommes moulus n'aboutit pas à une société de consommation, comme on l'a dit en langage noble, mais tout simplement à une société de mercantis installés dans leur boutique de prêt-à-porter. Tous vêtus de la même défroque, tous nourris du même « Big Mac », tous rêvant de la même femelle et des mêmes distractions, tous soumis, automatisés, conditionnés, clients obligatoires attendant chaque soir, tout en béant aux exploits de MM. Berlusconi ou Benedetti, le jour de gloire où nous gagnerons le gros lot de la loterie nationale ou la berline offerte par les jeux télévisés : l'essentiel, bien entendu, étant que rien ne soit changé à la belle mécanique qui nous permet d'être, pendant toute notre vie, une parcelle anonyme et interchangeable d'un grand tout qui est nous-même.

 

La vérité, c'est que je souffrais d'une sorte d'allergie à l'égard de ce qu'on appelle le « milieu littéraire ». Je n'en faisais pas partie et je n'avais pas envie d'en faire partie.

J'ajoute encore que je lisais peu, car une grande partie de la production littéraire française m'irritait par son conformisme, son insignifiance ou sa bizarrerie byzantine.

 

Quant à mon oeuvre littéraire, elle est, par définition, périssable, comme toute oeuvre de recherche ou de critique qui vieillit avec les changements de mentalité et les nouveautés de la documentation. L'histoire en est à peu près impossible à faire parce qu'une grande partie en a paru sous des signatures imaginaires. Mais comme il s'agit toujours d'études critiques ou de portraits d'écrivains que j'ai publiés dans la dernière partie de ma vie, ceux de Flaubert, de Céline, de Léon Bloy, je ne crois qu'ils soient de nature à m'assurer une longue postérité d'admirateurs. C'est par d'autres qualités qu'on découvrira peut-être en moi tardivement un écrivain pour lequel on puisse éprouver quelque sympathie.

 

Sur Balzac :

 

J'avais été surpris, comme l'avait été trente ans plus tôt le grand critique allemand Ernst Robert Curtius, en constatant que la plupart des présentateurs de La Comédie humaine ne donnaient qu'un rôle secondaire à l'ensemble des oeuvres groupées sous le titre d'Études philosophiques. Balzac, au contraire, les considérait comme une préface capitale indispensable à l'explication qu'il avait voulu donner des passions humaines et de la société, et même comme la clé de ce qu'il appelait son « système ». J'avais donc proposé de publier La Comédie humaine dans un ordre différent de celui que Balzac avait fixé et qui avait été suivi jusque-là par tous les éditeurs. Je commençai par les Études philosophiques et je présentai les romans descriptifs ensuite en montrant comment ils étaient autant de déductions des principes posés dans les Études philosophiques. Mon intrépide Lyonnais accepta sans discuter cette présentation nouvelle de laquelle je tirai plus tard un essai que j'ai intitulé Une lecture de Balzac et que je regarde, aujourd'hui encore, comme celui de mes essais critiques auquel je suis le plus attaché.

 

Sur Stendhal :

 

À la vérité, la jeunesse de Stendhal ne m'excitait guère. Ses manies, son goût des mathématiques, son admiration des idéologues, sa passion du théâtre, sa fatuité, son didactisme de séducteur m'étaient très étrangers. J'avais peur de m'ennuyer en continuant avec ce mirliflore. Je ne comprenais pas comment ce professionnel de l'impertinence avait pu écrire des romans qui me procuraient tant de plaisir. C'est en repérant des notations rapides, en apparence fugitives, dans des œuvres que je trouvais secondaires, l'Histoire de la Peinture, la Vie de Napoléon, les Pages d'Italie que je sentis pour la première fois un langage secret, des mots, des refus, des colères sourdes, étincelles que je reconnaissais et qui faisaient en moi comme un chemin lumineux. Alors, je compris brusquement que Stendhal, après la chute de Napoléon, avait été blessé de la même blessure que moi, que l'épuration qui avait suivi Waterloo avait laissé sur lui des traces que je reconnaissais. Alors je compris pourquoi j'aimais tant Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, puis je reconnus en Fabrice Del Dongo dans La Chartreuse de Parme le jeune enthousiaste attiré par les causes perdues, je revoyais mes illusions, je retrouvais le décalque en lui de tout ce que j'aimais, de tout ce que j'aurais fait si j'avais eu vingt ans : les mêmes mépris, les mêmes dégoûts, transposés, mais reconnaissables dans tout ce qui frémit dans les romans de Stendhal et anime les êtres délicieux et imprévus dont chaque geste et chaque pensée sont une insulte aux institutionnels. Et je découvrais dans ces romans le mélange savoureux de l'incivisme et du bonheur. Cela me plut assez. Je le dis, je pris plaisir à le dire. Et je compris que ce n'était pas par inertie et paresse que je m'étais enfermé dans la pièce appelée débarras où les lits des enfants étaient repliés le matin pour me permettre d'écrire.

 

Maurice Bardèche, Souvenirs, Buchet/Chastel, 1993. Extraits choisis et dactylographiés par Béthune.

 

 

Bibliographie

 

Maurice Bardèche : Nuremberg ou la Terre promise (1948), Nuremberg II ou les Faux-Monnayeurs (1952), Défense de l’Occident (revue fondée en 1952)

 

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