(...) Parmi les mécanismes qui animent l’homme, il en est deux qui sont particulièrement puissants : le désir le paraître, de posséder, et la peur, d’être agressé, de perdre, d'être dominé, démuni. Ces rouages fonctionnent depuis l’âge des cavernes. Mais aujourd’hui ils acquièrent une envergure planétaire. La puissance des médias démultiplie les actions des manipulateurs, ou des groupes de manipulateurs.
Un grand précurseur en la matière fut Adolf Hitler, qui utilisa à fond, la radio, la photo, le film. Cynique, ambitieux, à prétentions messianiques, il entraîna dans « une autre matrice », un peuple entier, saoulé d’images, de slogans auxquels il avait finit par … croire lui-même. Revoyez le film « La chute » pour découvrir un Hitler désabusé, trahi, suicidaire. Eh oui, les Slaves n’étaient pas ce peuple inférieur, qui se débanderait aux premières attaques. Là, ils étaient aux portes de Berlin.
La Matrice, c’est quoi ? C’est vous, c’est moi, c’est nous. C’est la machinerie humaine dans laquelle nous sommes pris, et dont les historiens tenteront de décoder les rouages après le prochain drame planétaire, si nous y survivons.
Ce jus rosâtre du film Matrix est simplement la connerie humaine, dont nous sommes les prisonniers
Il n’y a pas « de conspiration planétaire ». Je ne le pense pas. Il n’y a que la conjugaison de faisceaux de mensonges, de tromperies, de peurs, de conjonctions d’attitudes paranoïaques. Tout ceci suffit à sécréter les nébuleuses médiatiques, idéologiques, de classes. Cela crée les alliances, les "attaques préventives", alimente les haines, les frustrations, les démultiplie.
Jadis, le designer américain Raymond Loewy avait écrit « la laideur se vend mal ». Je dirai
La vérité se vend mal.
Le mensonge se vend infiniment mieux
Pourquoi ? Parce que les hommes participent de ces mensonges. La complicité est partout. Beaucoup de mensonges ont un caractère rassurant. Et beaucoup de vérités sont terriblement angoissantes. Face à la perspective de leur propre mort, les êtres humains choisissent dans leur grande majorité (du moins en Occident) de "mourir guéris", comme disait Molière. Le mensonge des médecins est plus facile à accepter que la sanction irrévocable. Les hommes cherchent avant tout à être rassurés, pas inquiétés.
L'espoir se vend mieux
C'est la même chose dans nos sociétés, face à l'angoisse de notre avenir planétaire. En 1939, ceux qui croyaient à l'imminence d'une guerre étaient traités de " conspirationnistes ". Le mot de l'époque était " alarmiste ", mais le sens est le même. On n'écoute pas Cassandre.
On voit se dessiner une interprétation du mensonge ambiant. Les journalistes mentent au public, mais se mentent aussi à eux-mêmes; pour se rassurer, comme ils rassurent leurs lecteurs ou téléspectateurs. La vision angoissante de l'avenir sécrète une méta-réalité ambiante. On peut y voir un machiavélisme à tout crin, une conspiration organisée. On peut aussi y voir l'expression d'une peur.
Les créateurs et diffuseurs de visions mensongères, de réalités distordues peuvent être aussi ceux qui croient à une sorte de " machiavélisme salvateur ". On arrive à commettre des crimes épouvantables " dans l'intérêt du plus grand nombre ", ou dans l'intérêt de son ethnie, "d'un grand nombre" , de son groupe social. Au temps de sa puissance, Hitler devait se percevoir comme un véritable bienfaiteur de l'humanité, veillant à l'avenir d'une race pure, d'élus.
C'est dans notre histoire récente que nous avons découvert l'expression "purification ethnique".
C'est ainsi que le mensonge acquiert une structure pyramidale. Tout en haut, des politiques se contentent, sous les lambris dorés de leurs bureaux, d'observer le monde depuis les fenêtres de leurs hôtels particuliers. Ils finissent pas se convaincre de la justesse de leurs vues (qui, en général, coincide avec leur propre intérêt). L'exemple caricatural est donné par les ministres du travail, qui n'ont jamais travaillé de leur vie, comme par exemple Alain Madelin. Beaucoup de journalistes, d'essayistes, de penseurs, de sociologues, de psychologues n'ont souvent jamais approché le monde du travail, de près ou de loin, la Vraie Vie". On trouve aussi des philosophes, nés avec un carré de moquette collé sous chaque pied, comme Bernard Henri Lévy, riche à milliards, qui se prennent pour des acteurs de l'histoire, gesticulent, se gonflent de leur importance, dispensant à tous vent leurs pensées jetables.
Prévert a écrit dans un de ses poèmes :
- Ceux qui fabriquent dans des caves les stylos avec lesquels d'autres écriront que tout est pour le mieux.
En matière de politique, paraphrasant maître Panglosse, dans le chef d’œuvre de Voltaire, Candide, j’écrirais bien :
- Tant est si bien que ce sont les petits mensonges particuliers qui font le grand bien général, de sorte que plus il y a de petits mensonges particuliers, et meilleures sont les choses dans le meilleur des mondes possibles.
Vous pouvez tout aussi bien remplacer le mot mensonge par le mot lâcheté. Ils vont souvent de pair. Les principaux ressorts qui amènent les gens à rechercher "des postes de responsabilité" est d'y voir leur propre intérêt. La plupart ne demandent qu'à se défausser de ces responsabilités en les confiant à d'autres, qui "penseront" et décideront à leur place.
Les jours passent. Comme moi, vous vous demandez « que va-t-il se passer ? ». Nous baignons dans la Matrice, c'est tout. Elle nous distille au quotidien sont lot d’images déformées. Nous élevons nos enfants dans un monde où le virtuel prend de plus en plus le pas sur le réel, où le conformisme lamine toute imagination. Nous nous étonnons de voir émerger des pathologies graves, des tueurs en série, alors que nos enfants sont témoins de meurtres "virtuels" dès qu'ils regardent l'écran de télévision familial. Grâce à internet, on peut trouver des vidéos montrant des exécutions capitales, des décapitations, des mises à mort sur chaises électriques. Des bourreaux professionels sont interviewés. Ce ne sont que des "soldats de la justice" qui "font leur travail".
Nous avons en main de quoi changer le monde, et nous pourrions le faire dans l’instant. Il suffirait de mobiliser la même énergie, le même courage (consenti ou forcé) et les mêmes capitaux que dans ces immenses happenings que nous appelons guerres, qui font tourner nos économies à plein régime, du moins certaines d’entre elles. Avec les technologies dont nous disposons déjà, nous pourrions changer la donne. Et si d’aventure une créativité désintéressée se manifestait avec la même puissance qu’elle sait le faire pour des motifs patriotiques, tous les espoirs seraient permis. (...)
Extrait de l'article de Jean-Pierre Petit: http://www.jp-petit.org/nouv_f/MATRIX/Matrix.htm