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Rouge et Blanc, ou le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste
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Marche pour l'indépendance du Québec - Montréal, 29 octobre 2011

29 Octobre 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

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Linné: méditation sur la mort et sur la vie

14 Octobre 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

 

Linné en costume lapon tenant à la main une fleur de linnée boréale (Linnea borealis), devenue son emblème héraldique. Au propre comme  au figuré, dans la nature comme pour les botanistes, Linné défunt est devenu linnée boréale.

 

 

"La  Nature nous apprend que nous ne devons pas consommer les cadavres de nos parents ou de nos enfants; sauf un cannibale inhumain, nul n'aurait le coeur d'agir ainsi.  Partout, on attache une grande importance à ce qu'on laisse les hommes d'honneur honorablement ensevelis de telle sorte que les bêtes de proie ne puissent s'en nourrir. Les riches ont des cercueils de pierre et de bronze afin que la poussière ne les disperse pas. Les anciens plaçaient les cendres des morts dans des tumuli inviolables et c'est un bienfait de Dieu que les ossements, le corps, la poussière et les cendres des justes puissent reposer en paix dans leurs tombes; d'autre part, dans tous les pays, les grands criminels, une fois morts, sont exposés aux vers et aux loups; les corbeaux leur crèvent les yeux à coups de bec; les corps des impies, Dieu les fait jeter en pâture aux chiens et aux bêtes sauvages...

La Nature veut que, lorsque les animaux meurent, ils soient transformés en humus et l'humus en plantes. Celles-ci sont mangées par les animaux, formant ainsi leurs membres, en sorte que la terre, transformée en semence, pénètre dans le corps humain, est changée en chair, os, nerfs,, etc.; et lorsque, après la mort, le corps se décompose, les forces naturelles le muent en pourriture, et l'homme redevient cette terre dont il est issu.

Ainsi, lorsque par hasard des plantes viennent à germer dans cet humus, elles poussent avec luxuriance, transformant la terre humaine à leur image, en sorte que les jolies joues de jeune fille peuvent devenir une vilaine jusquiame, et les bras de l'Hercule le plus vigoureux un frêle Potamot. Celui-ci est mangé par un cimex puant [une punaise des lits] et devient animal. Ce cimex est alors mangé par les oiseaux, il devient oiseau; l'oiseau est mangé par l'homme dont il devient ainsi une partie..."

 

Carl von Linné, Wåstgöte-Resa, Västergötland (1746). In: Wilfrid Blunt, Linné, le prince des botanistes, Belin, (1971) 1986.

 

 

Bien sûr, nous sommes à l'opposé de Bossuet s'écriant, dans son célèbre sermon sur la mort devant la brillante assemblée de la chapelle du Roi à Versailles: "Me sera-t-il permis aujourd'hui d'ouvrir un tombeau devant la cour, et des yeux si délicats ne seront-ils point offensés par un objet si funèbre?". Linné, malgré la relative ironie de ses comparaisons, est sans doute plus proche du Saint François d'Assise du "Cantique du Soleil".  Et comme lui, de la vérité et de la vie. Car la vie et la mort, l'homme, la nature et le cosmos ne font qu'un.

 

 

 

 

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Orion et la poursuite de Sárvas

13 Octobre 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

 

 

Avec l'automne, la constellation d'Orion a fait son apparition dans le ciel nocturne, où on peut l'admirer dans la nuit au sud-est et à l'aube, vers 7H30, au sud-sud-ouest. Elle fait partie de cet alignement que les marins (C.V. Pierre Sizaire: Guide des étoiles, Editions Maritimes et d'Outre-Mer) nomment PAMS: Pléïades, Aldébaran, Mages (les trois étoiles à la file d'Orion s'appellent aussi les Rois Mages), Sirius.

 

Les Lapons racontent  que cette constellation représente des chasseurs qui poursuivent leur plus belle proie, Sárvas, un grand renne. 

 

L'un des chasseurs est  Fávdna et son arc, Fávnnadávgi, est celui qui est connu dans la tradition nordique comme “Karlsvogna”. Personne n'a jamais réussi à capturer Sárvas. Si cela arrivait, cela signifierait la fin du monde.

 

Sources:


Sara Gaup Vars. ” Ikke en stjerne tapt - Den samiske stjernehimmel”, Astronomi nr 4/2001.
Jelena Sergejeva. Noen samiske stjernebilder

 

 

La mythologie d'Orion et des Pleïades est d'une richesse extrême. Philippe Descola a raconté quelque part  leur magnifique histoire chez les Jivaros (des frères partis à la chasse sur leurs pirogues).

Dans les Andes du Pérou, les Pléïades, dont l'apparition et la disparition dans le ciel marque la saison des pluies, et donc des semailles, sont appelées Qollka en quechua, ce qui signifie: le silo à grains.

 

 

pleiades 

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Jean Giono/Frédéric Back: L'homme qui plantait des arbres. Reforesting Scotland

11 Octobre 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

Frédérick Back est un réalisateur de dessins animés québécois. C'est plus de la peinture mise en images que du dessin animé comme on en a l'habitude. Dans les années 1980, il a mis en images, avec la voix de Philippe Noiret, le très beau conte de Jean Giono: L'homme qui plantait des arbres. Je l'ai rencontré en juin 1989 dans l'archipel de Mingan, sur la Côte-Nord du Québec, dans le golfe du saint Laurent: homme simple, discret mais un grand artiste. J'ai retrouvé son film sur internet: chef-d'oeuvre sur un chef-d'oeuvre littéraire.

 

L'Homme qui plantait des arbres

 

Première partie: link

Deuxième partie: link

 

 

Reforesting Scotland

 

Dans cet esprit, un grand projet est né : reboiser l'Ecosse. Cette terre de landes de bruyères, de fougères et de rochers couverts de lichens balayées par le vent  était autrefois boisée. Un programme national, Reforesting Scotland,  s'attelle à la repeupler d'essences indigènes: link

 

 

Myrica gale

 

 

Parmi ces espèces, il faut remarquer Myrica gale, le Myrique des marais ou Piment royal (ses rameaux entraient, paraït-il, dans la composition des bouquets de mariage royaux), nommé en Ecosse Scotland's bog myrtle, un arbuste aromatique qui pousse dans tout  le Subarctique sur les terrains humides et acides. Il intéresse l'industrie pour ses propriétés insectifuges et comme traitement de l'acné, notamment.

Article de The Independant sur ce sujet: link

 

 

 planche botanique de 1885

 

 

 

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Linné, les Lapons et les gens d'église

4 Octobre 2011 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles

Linné en costume lapon

En 1732, Carl Linné entreprend un voyage en Laponie pour explorer cette contrée encore très mystérieuse. Il s'intéresse à tout: aux plantes, aux animaux, aux gens et à leurs façons de vivre et rencontre les Lapons, peuple nomade éleveur de rennes. Il rapporte un journal, Iter Laponicum, un herbier et des collections, matériaux d'un ouvrage qu'il publiera plus tard: Flora lapponica.

Le naturaliste épris d'espace et de liberté, amoureux de la nature, ne pouvait que ressentir de la sympathie pour le peuple lapon libre comme les oiseaux du ciel.

Saami Family 1900.jpg

Lapons devant leur tentes. Photographie (XIXe siècle). Source: Wikipedia

Dans sa préface à sa Flora Lapponica, il écrit: "Les nombreuses maladies qui sévissent ailleurs, surtout dans les Cours, ne frappent ici que ceux que l'âge a déjà marqués. La jalousie ne jette pas ici ses regards obliques. La domination sur le prochain ne s'exerce pas, le noble ne règne sur aucun domaine. Les rois eux-mêmes ne troublent pas la paix du peuple par des affiches et des décrets, car ici le vice ne se manifeste pas encore. Le dur labeur qui fait les esclaves des grands et des petits est chose inconnue."*

Linné aura maille a partir avec les clercs et les gens d'église**, bornés, intolérants et tyranniques. Il racontera aussi comment ceux-ci persécutent les Lapons*** pour les obliger à se convertir et à assister à leurs cérémonies, et détruisent leurs tambours magiques.

Dans son livre "Les Lapons, peuple du renne", Arthur Spencer consacre un article fort intéressant à la diffusion du christianisme en Laponie et rappelle qu'en 1609, le roi Christian IV de Norvège y  imposa la peine de mort  pour "pratiques de sorcellerie".

Extraits du journal de voyage de Linné en Laponie:

Laponia lykselensis - Le 4 juin. Les pauvres Lapons se plaignent du jour de pénitence du printemps. Ils étaient souvent obligés de traverser quand la rivière est à mi-gelée avec le plus grand danger de mort, oui, marcher dans l'eau jusqu'aux bras, souvent à moitié morts, autrement payer une amende de 10 dalers d'argent et faire pénitence 3 dimanches, quod nimis durum est. (...)

Jokkmokk - Le 30. Les pasteurs, M. Malming le maître d'école, et Högling le chapelain, m'accomodaient avec leurs préjugés cléricaux bornés. J'admirais que tant d'orgueil et de prétention, tant de bêtise et de vulgarité, tant d'obstination et un discours si imbécile, puissent se rencontrer chez un prêtre, qui généralement doit être un homme instruit et non quelqu'un qui, ayant étudié plus de 12 ans, n'a pas mieux lu ses livres. Je comprenais bien ainsi pourquoi ces goujats étaient jetés à l'écart des gens.

Monsieur le chapelain commençait à discourir sur les nuages en Laponie, comment ils rasent les montagnes et enlèvent les pierres, les arbres et les bêtes. J'attribuais cela, ce qui pouvait être vraisemblable, au grand vent, parce que autrement, les nuages ne soulèvent rien. Il souriait en disant que je n'avais jamais vu un nuage (ni été sur les Alpibus); oui, répondis-je, quand il y a du brouillard je marche dans les nuages et quand le brouillard descend, il pleut au-dessous de moi. D'une telle guirlande de perles il souriait avec un risu sardonico. Mon discours sur de bullis aquosis in aerem elevatis, etc., lui plaisait beaucoup moins, et il me disait que les nues étaient solides: comme je le niais, il se confortait avec un dictum scripturae, et souriait de ma stupidité, disait pourtant qu'il allait m'apprendre qu'une mucosité se trouvait continuellement sur la montagneaprès la pluie où le nuage était passé. Quand je disais que cela s'appelle Nostoc et que c'est vegetabile, j'étais déclaré, avec Paulo, complètement fou. Il se moquait aussi des philosophis naturalibus, qui avec toute leur intelligence veulent comprendre, tel Sturmius, comment voler avec des globis excavatis. Il me conseillait pourtant de croire les gens qui ont la connaissance, et de ne pas, sitôt rentré à la maison, écrire une thèse avec des choses si folles.

L'autre (Paedagogus) reprochait qu'on s'occupe tant de ces futilités terrestres, qu'en conséquence, malheureusement, on néglige le spirituel et que beaucoup, par leur obstination à l'étude, se détruisent.

Les deux s'étonnaient que la Société Royale ait fait appel à un étudiant pour cela, et n'ait pas pensé pouvoir trouver ici, là-haut, un homme capable d'éxécuter de telles choses, chacun d'eux aurait voulu assumer la même charge. Mais meo judice asini certe ad lyras, si umquam proverbium quadrat.(...)

Norvegia. - Le 15. En Norvège j'entendais parler d'une ruse curieuse, comment un individu faisait pour prendre aux Lapons leurs tambours et quelques objets. Quand il s'apercevait qu'il y avait quelque chose à prendre il demandait au Lapon de donner le tambour; le Lapon refuse. Lorsqu'il a demandé longtemps en vain, il lui prend le bras, repousse la manche, et avant que le Lapon s'en aperçoive il ouvre la veine; le Lapon se trouve mal et demande pour sa vie, et veut bien donner le tambour; alors il le panse tout de suite, ainsi il procéda avec plusieurs.(...) 

* Carl von Linné, Voyage en Laponie. Le Sphinx/Editions de la Différence, 1983.

** Je reprends l'expression de Jeanne d'Arc dans son Procès ("Vous, gens d'église")

*** Lapon vient d'un mot qui signifie "rapiécé" parce que les Lapons portaient souvent des vêtements en peaux de rennes rapiécés. Le nom véritable du peuple lapon est Sami (au singulier: Same).

Bibliographie

Wilfrid Blunt, Linné, le prince des botanistes. Belin, Paris (1971) 1986.

Arthur Spencer, Les Lapons, peuple du renne. Armand Colin, Paris (1978) 1985.

Liens

Type, origin and location of all surviving Sámi drums: link

Francis Joy: The history of Lapland and the case of the sami noaidi drum figures reversed : link

  Famille lapone (XIXe siècle)

Groupe de Lapons semi-nomades (nord de la Suède ou de la Norvège)

Lapons avec leurs rennes de transport, vers 1940

  Un éleveur de rennes de  Folda, en Norvège

Lapon de la côte, commerçant de fourrures. Norvège, vers 1930

Lapon Salomon Henriksson Pilto (Suède) avec son lasso à rennes en bandoulière et son leuku (grand couteau traditionnel)

Noaidi ("shaman" lapon) devant son grand tambour

Illustration de Knud Leem, un prêtre chrétien vers 1700

 

Dessin de tambour lapon. Tous les tambours lapons étaient ornés de dessins tracés en rouge avec de la teinture d'aulne. La cosmologie lapone y était représentée sous forme de symboles. Au centre, la croix solaire représentée par un losange d'où partent quatre bras dans les quatre points cardinaux, ornés de différents symboles (la chance, le vent, la chasse, etc.) link

 

Documentaire vidéo sur un village de Lapons en 1938: link

 Les illustrations de Lapons ci-dessus sont extraites du site:

 saamiblog.blogspot.com: link 

File:View from Bárrás.jpg

Paysage de Laponie dans le Kvalsund, près de Hammerfest (source: Wikipedia)

 

Armoiries de Linné, surmontées de la plante nordique Linnea borealis, qu'on retrouve sur le portrait de Linné en costume lapon ci-dessus.

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