poesie
François de Montcorbier dit Villon: Ballade des dames du temps jadis
Dictes moy ou, n'en quel pays Ou est la très sage Hellois La royne Blanche comme lis |
Frédéric II de Hohenstaufen: Les fondements de toute dignité humaine
"Car pour lui l'amour de la poésie et l'esprit de chevalerie étaient "les fondements de toute dignité humaine."*
* "Dignitatis cuiuslibet Fundamentum" (Frédéric II, "Les Institutions de chevalerie").
In: Jacques Benoist-Méchin: Frédéric de Hohenstaufen ou le rêve excommunié (1194-1250)
André Velter: Poèmes pour l'alpiniste Chantal Mauduit
La poésie n’a pas de place dans le monde. C’est un flamboiement qui s’infiltre par ses failles.
Nicolás Gómez Dávila
Captures d'écran de la vidéo de/sur Chantal Mauduit:
Litanie de toi
Toi, et ton cri de joie au téléphone avant même de parler
Toi, transfigurée à l'écoute d'un poème, essoufflée comme si tu venais de courir sur un tapis d’étoiles
Toi, répétant l'oracle "c'est beau ! c'est beau ! c'est beau !" avec cette voix d'enfance qui n'est pas une voix d’enfant
Toi, la tête souvent à la renverse
Toi, riant
Toi, riant par-dessus toute rumeur
Toi, riant d'un rire de source, d'un rire espiègle, d'un rire de bienheureuse espiègle, d'un rire de surprise et d'éveil
Toi, que j'embrasse pour la première fois rue de Sommerard, puis dans la cour du musée de Cluny
Toi, te conduisant très mal sur un banc du jardin du Luxembourg
Toi, seule spectatrice, immobile dans l'ombre du théâtre Molière pendant trois heures de répétition
Toi, lovée, le regard mauve
Toi, riant du chahut d'une horde d'Anglais dans la chambre d'à côté
Toi, riant de mes vanités d'homme trop occupé
Toi, riant en prenant l'ascenseur
Toi, te conduisant très mal sur la moleskine du Café Français
Toi, seule spectatrice, immobile dans l'ombre du théâtre du Rond-Point pendant trois heures de répétition
Toi, têtue, dents serrées, secouant tes cheveux
Toi, virevoltant, mimant une jonglerie avec les feuilles d'automne et le vent
Toi, dansant au bas des vignes de Montmartre, rue Saint-Vincent
Toi, te conduisant très mal à l'arrière du scooter et m'empêchant de conduire
Toi, bouche et ongles
Toi, paroles fauves
Toi, perdue dans la foule du théâtre des Cultures du Monde et t'enfuyant pour ne pas rompre la magie
Toi, avec la grâce d'une gravité très douce évoquant le danger
Toi, chuchotant le nom de tes amis morts
Toi, caressant le caillou bleu semé d'une poussière d'or que je viens de t'offrir
Toi, les yeux pleins de larmes à ton retour de Dharamsala
Toi, en équilibre sur la rambarde de fer me repérant de loin en bondissant
Toi, abandonnant tout et tous au milieu d'un repas quand j'appelle à l’improviste
Toi, l'émerveillée qui émerveille
Toi, l'impulsive à l'infinie tendresse
Toi, l'irradiante qui s'offre paumes ouvertes au soleil
Toi, t'étirant dix minutes au téléphone si je te réveille à midi
Toi, et ce qui n'appartient qu'à nous
Toi, riant à mon épaule
Toi, riant de trois nuits sans sommeil
Toi, riant dans un matin de pluie légère à Lisieux, et me disant : tu m'en fais voir du pays !
Toi, te conduisant très mal sur une banquette de train, à l'aller comme au retour
Toi, la plus pudique des impudiques, la plus conquérante des dépossédées
Toi, passionnément démunie et distribuant partout le trésor des songes
Toi, pleurant du fond de l'âme sur une épouvante qui me concerne seul
Toi, pas à pas avec moi dans cette géhenne intime
Toi, soignant les pires douleurs avec un peu d'azur récolté chez les dieux
Toi, glissant une rose sous ton blouson, contre ta peau
Toi, entrant à reculons sous le porche du faubourg Saint-Antoine en me jetant des brassées de baisers
Toi, et l'écho de ton rire sous la voûte
Toi, téléphonant des pentes du Dhaulagiri, la voix voilée par l'altitude
Toi, m'envoyant encore des lettres des quatre coins du monde huit jours après ta mort
Toi, léguant aux migrations de l'univers le chant de notre amour
André Velter, Le septième sommet - Poèmes pour Chantal Mauduit, Gallimard, octobre 1998
Site internet d'André Velter:
Chaîne Youtube consacrée à Chantal Mauduit
https://www.youtube.com/@chantalmauduit
Namasté Chantal Mauduit
Xi Kang (嵇康): "Regarder au loin..."
- Le monde vulgaire s'éveille difficilement;
- Il ne s'arrête jamais dans sa poursuite des choses matérielles.
- Mais l'homme parfait regarde au loin;
- Il retourne à la nature.
- Xi Kang ou Ji Kang(嵇康) (223-262), poète, musicien et penseur de l'époque des Trois Royaumes (Chine) et l'un des Sept Sages de la Forêt de Bambous (竹林七賢)
- Fragment d'un poème in: Danielle et Vadime Elisseeff, La civilisation de la Chine classique, Arthaud 1981 (première édition 1979). Page 218.
Estampage d'un relief mural recomposé d'après une peinture de Lu Tanwei (?)N 1. De gauche à droite : Xi Kang, Ruan Ji, Shan Tao et Wang Rong. Tombe princière de la période des Song du Sud (sec. moitié du Ve). L'ensemble, sur deux murs, représente les Sept Sages de la forêt de bambous (des Trois Royaumes) et Rong Qiqi (penseur des Printemps et Automnes), buvant, fumant et célébrant les trois arts : poésie, calligraphie et musique1. 80 x 240 cm.
Un cerf sauvage se pliera à ce qu’on lui a inculqué pourvu qu’on l’ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu’on lui passe la bride une fois adulte, et il se débattra comme un dément pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante. Et vous aurez beau le parer d’un harnais en or ou lui présenter les nourritures les plus exquises, rien n’y fera, il ne cessera de languir de sa forêt natale, tendu de tout son cœur vers ses riches herbages.
Veṇuvana. (T. 'od ma'i tshal འོད་མའི་ཚལ་). La célèbre bambouseraie près de Rājagṛha où le Bouddha séjournait régulièrement et donnait des enseignements. Elle était située sur un terrain offert par le roi Bimbisāra de Magadha et, à ce titre, fut la première des nombreuses terres offertes à la communauté bouddhiste à l'époque du Bouddha.
Djalâl ad-Dîn Rûmî: L'eau, le bateau, la jarre et l'air de la pauvreté
"L'eau dans un bateau est la ruine du bateau, mais l'eau sous le bateau est un appui.
[...] La jarre fermée, bien que dans les eaux agitées, flotte sur l'eau à cause de son cœur rempli d'air. [De même], quand l'air de la pauvreté est à l'intérieur de quelqu'un, il se repose en paix sur les eaux du monde."
Djalâl ad-Dîn Rûmî, cité par Majid Rahnema: Quand la misère chasse la pauvreté (2003).
Celer ne le puis
L'un des cinquante blasons qui ornent l'édition originale de la Délie (1544) de Maurice Scève, "le Prince des poètes lyonnais." Il pourrait être l'emblème de mon blog.
Source de cette illustration: le remarquable site consacré à Maurice Scève par Michel Locatelli, que je viens de découvrir avec bonheur sur internet, presque cinquante ans après avoir lu, avec délices, la Délie. Remarquable par sa présentation, sa richesse et sa sobriété, aussi bien que par la singularité et l'importance de ce poète de la Renaissance.
Bénie soit l'heure où nous rencontrons le poète
(...) Pouchkine et son chapeau rond font grande impression sur un pacha qui se trouve là, à palabrer avec l'état-major.
- Qui est-ce ? demande-t-il.
- Un poète, lui répond-on.
À ces mots, le dignitaire de l'Islam regarde Pouchkine de tous ses yeux, s'incline profondément, et rend au derviche de l'ennemi cet hommage tout oriental:
- Bénie soit l'heure où nous rencontrons le poète. Le poète est frère du derviche. Il n'a ni patrie ni biens terrestres; et tandis que nous autres infortunés nous nous soucions de gloire, de pouvoir et de trésors, il est l'égal des grands de ce monde et ils s'inclinent devant lui."
In: Henri Gourdin, Alexandre SergueÏevitch Pouchkine. Biographie. Les Éditions de Paris Max Chaleil, p. 179.
Remerciements à Balduino.
Conon de Béthune: Ahi ! Amors, com dure departie
Conon de Béthune (vers 1150 dans l'ancienne région de l'Artois, aujourd'hui Pas-de-Calais - 17 décembre 1219 ou 1220, à ou près de Constantinople ou peut-être Adrianople) était un croisé et un poète trouvère.
Né en 1150, il est le dixième fils de Robert V, seigneur de Béthune et avoué de l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras (dans l'actuel Pas-de-Calais), mort au siège d'Acre en 1191. Par sa grand-mère, Conon de Béthune était apparenté à la famille régnante du Hainaut en Flandre. Il est probable (d'après les commentaires faits dans l'un de ses poèmes) que Conon se soit présenté à la cour de France à l'occasion du mariage du roi Philippe Auguste avec Isabelle de Hainaut en 1180 et qu'il ait chanté ses chansons devant Marie de Champagne (connue pour ses liens avec Chrétien de Troyes).
Après avoir participé à la troisième croisade, Conon de Béthune partit (avec son frère Guillaume) pour la quatrième croisade en 1200, accompagnant les chevaliers de Baudoin, comte de Flandre, et servant d'orateur officiel. Son éloquence, sa sagesse et sa chevalerie sont louées par Geoffroi de Villehardouin (qui dit de Conon : "Bon chevalier et sage estoit et bien eloquens"). Après la conquête de Constantinople (1204), Conon de Béthune occupe plusieurs postes importants dans le gouvernement de Baudoin (et plus tard d'Henri de Flandre et de Pierre de Courtenay) et joue un rôle clé dans la réconciliation de Baudoin avec Boniface de Montferrat et dans la bataille d'Adrianople. Après la mort de l'impératrice Yolanda de Flandre en 1219, il est choisi par les barons comme régent de l'Empire, mais meurt peu après en 1219 ou 1220 dans la ville d'Adrianople (aujourd'hui Edirne, en Turquie européenne).