Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Rouge et Blanc, ou le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

bharat

Extrait du Ramcharitamanas de Tulsidas

11 Avril 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharat, #Inde, #Gandhi, #Hindouisme, #Religion, #Spiritualité, #Tulsidas

C'est cela et cela seulement
est la vraie religion,
Servir ses frères.
C'est le péché par excellence,
Faire du mal à ses frères.
Dans une telle foi se trouve le bonheur,
Sans elle, c'est la misère et la douleur.
Heureux celui qui ne s'écarte pas
De ce droit chemin.
Heureux celui qui vit
En servant Dieu sans relâche,
en portant les fardeaux des autres,
Et ainsi seulement,
La vie, la vraie vie, est accessible.
Rien n'est difficile pour celui qui, se débarrassant de lui-même,
ne pense qu'à ceci:
Comment puis-je servir mes semblables ?

 

https://www.mkgandhi.org/g_hymns/hymn3.htm

Un prince moghol rend visite à Tulsidas. Peinture de la dynastie des Sisodia du début du 18e siècle provenant d'Udaipur, Mewar.

Un prince moghol rend visite à Tulsidas. Peinture de la dynastie des Sisodia du début du 18e siècle provenant d'Udaipur, Mewar.

Rambola Dubey ; 11 août 1511 - 30 juillet 1623), connu sous le nom de Tulsidas], était un saint et poète hindou Vaishnava (Ramanandi), réputé pour sa dévotion à la divinité Rama. Il a écrit plusieurs œuvres populaires en sanskrit, en awadhi et en braj bhasha, mais il est surtout connu comme l'auteur de la Hanuman Chalisa et de l'épopée Ramcharitmanas, une relecture du Ramayana sanskrit, basée sur la vie de Rama, dans la langue vernaculaire awadhi.

Lire la suite

Le Mahatma Gandhi et l'Ahimsâ

11 Avril 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Asie, #Bharat, #Gandhi, #Hindouisme, #Inde, #Jaïnisme, #Religion, #Spiritualité, #Ahimsâ

Le Mahatma Gandhi et l'Ahimsâ

"Ses parents appartenaient à l'école Jaïn de l'Hindouisme, dont un des grands principes est l'Ahimsâ*, qu'il devait victorieusement affirmer dans le monde. "

* Ahimsâ: A privatif, Himsa, faire du mal. Non-injure à toute vie, Non-violence. Un des plus anciens principes de la religion hindoue, particulièrement affirmé par Mahâvira, fondateur du Jaïnisme, par Buddha, ainsi que par les champions du culte de Vishnou, qui eut beaucoup d'influence sur Gandhi.

" Pour les Jaïnistes, l'amour plus que l'intelligence est la voie qui mène à Dieu. Le père du Mahâtma n'attachait aucun prix à l'argent, et en laissa peu aux siens, ayant presque tout dépensé en charité."

Romain Rolland, Vie du Mahatma Gandhi.

    1.    Home
    2.    The Selected Works of Mahatma Gandhi (Vol. V)
    3.    The Voice of Truth (Complete Book Online)
    4.    Part II - Section I: Truth, World and Man
    5.    Truth and God

https://www.mkgandhi.org/voiceoftruth/truthandgod.htm

https://www.mkgandhi.org/ebks/the-voice-of-truth.pdf

Extrait du Ramcharitamanas de Tulsidas

 

C'est cela et cela seulement
est la vraie religion-
Servir ses frères :
C'est le péché par excellence,
Faire du mal à ses frères :
Dans une telle foi se trouve le bonheur,
Sans elle, c'est la misère et la douleur :
Heureux celui qui ne s'écarte pas
De ce droit chemin :
Heureux celui qui vit
En servant Dieu sans relâche :
en portant les fardeaux des autres,
Et ainsi seulement,
La vie, la vraie vie, est accessible :
Rien n'est difficile pour celui qui, se débarrassant de lui-même,
ne pense qu'à ceci-
Comment puis-je servir mes semblables ?

 

https://www.mkgandhi.org/g_hymns/hymn3.htm

Le Mahatma Gandhi et l'Ahimsâ
Lire la suite

La Sainte Mère - Sri Sarada Devi

8 Avril 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Hindouisme, #Inde, #Bharat, #Religion, #Râmakrishna, #Spiritualité, #Sri Sarada Devi

La Sainte Mère - Sri Sarada Devi

La Sainte Mère - Sri Sarada Devi

Surnommée la "Sainte Mère", Sri Sarada Devi, l'épouse spirituelle de Sri Ramakrishna, est née le 22 décembre 1853 dans une famille brahmane pauvre de Jayrambati, un village voisin de Kamarpukur, au Bengale occidental. Son père, Ramachandra Mukhopadhyay, était un homme pieux et au grand cœur, et sa mère, Shyama Sundari Devi, une femme aimante et laborieuse.

Quelques paroles de la Sainte Mère

Dieu est le propre de chacun. C'est une relation éternelle.

L'amour humain ordinaire aboutit à la misère. L'amour pour Dieu apporte la bénédiction.

Celui qui prend l'habitude de prier surmontera facilement toutes les difficultés.

Comme le vent enlève les nuages, le nom de Dieu détruit les nuages de la mondanité.

Mon enfant, tu as eu beaucoup de chance de recevoir cette naissance humaine. Aie une dévotion intense envers Dieu. Il faut travailler dur. Peut-on accomplir quelque chose sans effort ? Tu dois consacrer du temps à la prière, même au milieu des heures les plus chargées de la journée.

Faites le labeur du Maître et pratiquez en même temps les disciplines spirituelles. Le labeur permet d'éviter les pensées oisives. Si l'on n'a pas de labeur, de telles pensées surgissent dans l'esprit.

Il faut travailler. Ce n'est que par le labeur que l'on se libère de l'esclavage du travail et que l'on acquiert un esprit de non-attachement.

Il faut toujours faire preuve de discernement et s'efforcer de réaliser Dieu.

Même l'eau, qui a une tendance naturelle à s'écouler vers le bas, est attirée vers le ciel par les rayons du soleil. De la même manière, la grâce de Dieu élève l'esprit qui a tendance à courir après les objets des sens.

Grâce aux disciplines spirituelles, les liens du karma passé sont coupés. Mais la réalisation de Dieu ne peut se faire sans un amour extatique pour lui.

Il est vain de s'attendre à ce que les dangers et les difficultés ne surviennent pas. Ils sont inévitables. Mais pour un dévot, ils disparaîtront sous ses pieds comme de l'eau.

Peut-on qualifier d'être humain une personne dépourvue de compassion ? C'est une véritable bête.

Je vous dis une chose : si vous voulez la paix, ne cherchez pas à critiquer les autres. Voyez plutôt vos propres défauts. Apprenez à vous approprier le monde entier. Personne n'est un étranger, mon enfant, le monde entier t'appartient.

Lorsqu'un homme voit des défauts chez les autres, c'est d'abord son propre esprit qui est pollué. Que gagne-t-il à trouver des défauts chez les autres ? Il ne fait que se faire du mal.

Tous les enseignants ne font qu'un. Le même pouvoir de Dieu agit à travers eux.

Je suis votre vraie mère, une mère non pas en vertu du fait qu'elle est la femme de votre gourou, ni par le biais d'un discours creux, mais véritablement la mère.

Je suis la mère des vertueux comme des méchants.

Si mon fils se vautre dans la poussière ou la boue, c'est moi qui dois essuyer toute la saleté et le prendre sur mes genoux.

Mon fils, si une épine te pique le pied, elle me blesse comme une lance qui pénètre dans mon cœur. N'aie jamais peur, et chaque fois que tu es dans la détresse, dis-toi simplement : "J'ai une mère"

Traduit de l'anglais par Rouge et Blanc avec DeepL.

Source: https://belurmath.org/sri-sarada-devi/

La Sainte Mère - Sri Sarada Devi
Lire la suite

Ce que Râmakrishna disait du pardon

3 Avril 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharat, #Hindouisme, #Religion, #Râmakrishna, #Spiritualité

"The Master never condemned any man. He was ready to excuse everything. He used to tell us that the difference between man and God was this: 'If a man failed to serve God ninety-nine times, but the hundredth time served him with even a little love, God forgot the ninety-nine times he had failed and would say: "Oh! my devotee served me well today." But if a man served another man  well and the hundredth time failed in his service, the man would forget the ninety-nine good services and say: that rascal failed to serve me one day." If, there was the last spark of God in anyone, Sri Ramakrishna saw only that and overlooked all the rest.

Ramakrishna As We Saw Him.

https://ia903409.us.archive.org/4/items/ramakrishna-as-we-saw-him-swami-chetanananda/Ramakrishna%20As%20We%20Saw%20Him%20_%20Swami%20Chetananda.pdf

Traduction

Le Maître n'a jamais condamné aucun homme. Il était prêt à tout excuser. Il avait l'habitude de nous dire que la différence entre l'homme et Dieu était la suivante : Si un homme n'a pas réussi à servir Dieu quatre-vingt-dix-neuf fois, mais que la centième fois il l'a servi avec ne serait-ce qu'un peu d'amour, Dieu oublie les quatre-vingt-dix-neuf fois où il a échoué et dit : "Oh, mon dévot m'a bien servi aujourd'hui. Mais si un homme servait bien un autre homme et que, pour la centième fois, il échouait dans son service, l'homme oublierait les quatre-vingt-dix-neuf bons services et dirait : "Ce vaurien n'a pas réussi à me servir un jour". S'il y avait la dernière étincelle de Dieu en quelqu'un, Sri Ramakrishna ne voyait que cela et négligeait tout le reste.

Ce que Râmakrishna disait du pardon
Ce que Râmakrishna disait du pardon
Lire la suite

Râmakrishna: Purusha, Prakriti

28 Mars 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharat, #Hindouisme, #Inde, #Religion, #Râmakrishna, #Shiva, #Kali, #Spiritualité, #Gandhi, #Tantrisme

+ Purusha: c'est le principe mâle, tandis que Prakriti est le principe femelle. Ce dernier est la Nature toujours en activité, tandis que Purusha est immobile et en contemplation. Voir la statue de Kali dansant sur le corps de Shiva. +

Râmakrishna

In: Les Entretiens de Ramakrishna recueillis par son disciple M. (Mahendranath Gupta), traduits sur l'original bengali par Charles Maix, Les Éditions du Cerf, 1996, p. 177.

Râmakrishna: Purusha, Prakriti

Sa vie [de Râmakrishna] nous permet de voir Dieu face à face.

Gandhi

La tendance de la civilisation indienne est d'élever l'être moral, celle de la civilisation occidentale est de propager l'immoralité. Cette dernière est sans Dieu, la première est fondée sur la croyance en Dieu. En comprenant et en croyant ainsi, il incombe à tout amoureux de l'Inde de s'accrocher à la vieille civilisation indienne, comme un enfant s'accroche au sein de sa mère.

Gandhi

Un excellent résumé de la mission et de la spiritualité de Râmakrishna:

https://www.universalis.fr/encyclopedie/ramakrishna/2-la-spiritualite-et-la-mission/

Lire la suite

Chanson populaire de Shankar Mahadevan "Gananayakaya" - Sridevi Nrithyalaya - Danse Bharathanatyam

24 Mars 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharathanatyam, #Bharat, #Inde, #Danse, #Ganesha, #Hindouisme

Capture d'écran

Capture d'écran

Visionnez ici: https://www.youtube.com/watch?v=El105nYqmjo

 

Chorégraphie - Dr. Sheela Unnikrishnan
Danseuses :
Harinie Jeevitha
Kameshweri Ganesan
Sanjena Ramesh

Il s'agit d'un hymne consacré au Seigneur Ganesha, qui élimine les obstacles. Les danseuses célèbrent la gloire du Seigneur et lui offrent leurs salutations.

Oh chef des Ganas,
Oh Seigneur du peuple,
Salutations à toi !

Oh incarnation des vertus,
Celui qui est orné de mérites,
Le maître des valeurs morales,
Salutations à Toi !

Au Seigneur à une défense,
A celui qui a un tronc,
Au fils de la déesse Gowri,
Mes prosternations !

Au chef des éléphants,
A celui qui orne un croissant de lune,
A Sri Ganesha,
Mes prosternations !

Le Seigneur qui est la vie et l'âme de la musique,
Le Seigneur qui s'enivre de musique,
Le Seigneur qui est le chef de tous les enseignants,
Le Seigneur qui est vénéré par tous les précepteurs,
Nous t'adorons !

Oh, celui qui est la quintessence de la Gita,
Le Seigneur aux chevilles rondes,
Celui qui a le parfum du bois de santal,
Le donneur de tous les bienfaits,
Nous te vénérons !

Ganesha

Ganesha

Chanson populaire de Shankar Mahadevan "Gananayakaya" - Sridevi Nrithyalaya - Danse Bharathanatyam
Chanson populaire de Shankar Mahadevan "Gananayakaya" - Sridevi Nrithyalaya - Danse Bharathanatyam
Lire la suite

M. K. Gandhi: HIND SWARAJ OU L’AUTONOMIE DE L’INDE (1833)

7 Mars 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharat, #Inde, #Gandhi, #Hindouisme, #Politique, #Religion, #Spiritualité, #Occident, #Opération Coronavirus

La tendance de la civilisation indienne est d'élever l'être moral, celle de la civilisation occidentale est de propager l'immoralité. Cette dernière est sans Dieu, la première est fondée sur la croyance en Dieu. En comprenant et en croyant ainsi, il incombe à tout amoureux de l'Inde de s'accrocher à la vieille civilisation indienne, comme un enfant s'accroche au sein de sa mère.

Gandhi

M. K. Gandhi: HIND SWARAJ OU L’AUTONOMIE DE L’INDE (1833)

HIND SWARAJ* OU L’AUTONOMIE DE L’INDE

Par : M. K. Gandhi

1833

 

(...)


13. QU'EST-CE QUE LA VRAIE CIVILISATION ?

Lecteur : Vous avez dénoncé les chemins de fer, les avocats et les médecins. Je vois que vous allez rejeter toutes les machines. Qu'est-ce donc que la civilisation ?

Le rédacteur : La réponse à cette question n'est pas difficile. Je crois que la civilisation que l'Inde a développée n’a pas son pareil dans le monde. Rien ne peut égaler les graines semées par nos ancêtres. Rome a disparu, la Grèce a partagé le même sort ; la puissance des pharaons a été brisée ; le Japon s'est occidentalisé ; on ne peut rien dire de la Chine ; mais l'Inde est toujours, d'une manière ou d'une autre, solide à la base. Les peuples d'Europe tirent leurs leçons des écrits des hommes de la Grèce ou de Rome, qui n'existent plus dans leur gloire passée. En essayant d'apprendre d'eux, les Européens s'imaginent qu'ils éviteront les erreurs de la Grèce et de Rome. Telle est leur condition pitoyable**. Au milieu de tout cela, l'Inde reste inébranlable et c'est sa gloire. C'est une accusation contre l'Inde que son peuple soit si peu civilisé, ignorant et impassible, qu'il n'est pas possible de l'inciter à adopter un quelconque changement. C'est une accusation qui va à l'encontre de nos mérites. Ce que nous avons testé et trouvé vrai sur l'enclume de l'expérience, nous n'osons pas le changer. Beaucoup de gens donnent leurs conseils à l'Inde, et elle reste stable. C'est sa beauté : c'est l'ancre de notre espoir.
La civilisation est ce mode de conduite qui indique à l'homme le chemin du devoir. L'accomplissement du devoir et l'observation de la moralité sont des termes convertibles. Observer la moralité, c'est atteindre la maîtrise de notre esprit et de nos passions. Ce faisant, nous nous connaissons nous-mêmes. L'équivalent gujarati de civilisation signifie "bonne conduite".
Si cette définition est correcte, alors l'Inde, comme l'ont montré tant d'écrivains, n'a rien à apprendre des autres, et c'est bien ainsi. Nous remarquons que l'esprit est un oiseau agité ; plus il obtient, plus il veut, et reste toujours insatisfait. Plus nous cédons à nos passions, plus elles deviennent débridées. Nos ancêtres ont donc fixé une limite à nos indulgences. Ils ont vu que le bonheur était en grande partie une condition mentale. Un homme n'est pas nécessairement heureux parce qu'il est riche, ou malheureux parce qu'il est pauvre. Les riches sont souvent perçus comme malheureux, les pauvres comme malheureux.
Des millions de personnes resteront toujours pauvres. Constatant tout cela, nos ancêtres nous ont dissuadés du luxe et des plaisirs. Nous nous sommes débrouillés avec le même type de charrue qu'il y a des milliers d'années. Nous avons conservé le même type de maisons qu'autrefois et notre éducation indigène reste la même qu'auparavant. Nous n'avons pas eu de système de compétition qui corrode la vie. Chacun suivait sa propre occupation ou son propre métier et demandait un salaire réglementaire. Ce n'est pas que nous ne savions pas comment inventer des machines, mais nos ancêtres savaient que si nous nous attachions à de telles choses, nous deviendrions des esclaves et perdrions notre fibre morale. Ils ont donc décidé, après mûre réflexion, que nous ne devions faire que ce que nous pouvions faire avec nos mains et nos pieds. Ils ont vu que notre bonheur et notre santé réels consistaient en un usage approprié de nos mains et de nos pieds. Ils ont en outre estimé que les grandes villes étaient un piège et un encombrement inutile et que les gens n'y seraient pas heureux, qu'il y aurait des bandes de voleurs et de brigands, que la prostitution et le vice y fleuriraient et que les hommes pauvres seraient volés par les hommes riches. Ils se sont donc contentés de petits villages. Ils voyaient que les rois et leurs épées étaient inférieurs à l'épée de l'éthique, et ils tenaient donc les souverains de la terre pour inférieurs aux Rishis et aux Fakirs. Une nation avec une telle constitution est plus apte à enseigner aux autres qu'à apprendre des autres. Cette nation avait des tribunaux, des avocats et des médecins, mais ils étaient tous dans les limites. Tout le monde savait que ces professions n'étaient pas particulièrement supérieures ; de plus, ces vakils et vaids ne volaient pas les gens ; ils étaient considérés comme les dépendants des gens, pas comme leurs maîtres. La justice était relativement équitable. La règle ordinaire était d'éviter les tribunaux. Il n'y avait pas de rabatteurs pour attirer les gens dans les tribunaux. Ce mal, lui aussi, n'était perceptible que dans et autour des capitales. Les gens du peuple vivaient indépendamment et suivaient leur occupation agricole. Ils jouissaient d'une véritable indépendance.
Et là où cette maudite civilisation moderne n'a pas atteint, l'Inde reste comme elle était avant. Les habitants de cette partie de l'Inde se moqueront très justement de vos notions nouvelles. Les Anglais ne règnent pas sur eux, et vous ne régnerez jamais sur eux. Ceux au nom desquels nous parlons, nous ne les connaissons pas, et ils ne nous connaissent pas non plus…
Je vous conseillerais certainement, ainsi qu'à ceux qui, comme vous, aiment la patrie, de vous rendre dans l'intérieur des terres qui n'a pas encore été pollué par les chemins de fer et d'y vivre pendant six mois ; vous pourriez alors être patriotes et parler d’indépendance.
Vous voyez maintenant ce que je considère comme la vraie civilisation. Ceux qui veulent changer les conditions telles que je les ai décrites sont des ennemis du pays et des pécheurs.

Lecteur : Ce serait bien si l'Inde était exactement comme vous l'avez décrite, mais c'est aussi l'Inde où il y a des centaines d'enfants orphelins, où des bébés de deux ans sont mariés, où des filles de douze ans sont mères et femmes au foyer, où les femmes pratiquent la polyandrie, où la pratique du Niyoga existe, où, au nom de la religion, les filles se consacrent à la prostitution, et au nom de la religion, on tue des moutons et des chèvres. Considérez-vous que ce sont également des symboles de la civilisation que vous avez décrite ?

Le rédacteur : Vous faites une erreur. Les défauts que vous avez montrés sont des défauts. Personne ne les confond avec une civilisation ancienne. Ils subsistent en dépit de celle-ci. Des tentatives ont toujours été faites et seront faites pour les éliminer. Nous pouvons utiliser le nouvel esprit qui est né en nous pour nous purger de ces maux. Mais ce que je vous ai décrit comme les emblèmes de la civilisation moderne est accepté comme tel par ses adeptes. La civilisation indienne, telle que je l'ai décrite, a été décrite ainsi par ses adeptes. Dans aucune partie du monde, et sous aucune civilisation, tous les hommes n'ont atteint la perfection. La tendance de la civilisation indienne est d'élever l'être moral, celle de la civilisation occidentale est de propager l'immoralité. Cette dernière est sans Dieu, la première est fondée sur la croyance en Dieu. En comprenant et en croyant ainsi, il incombe à tout amoureux de l'Inde de s'accrocher à la vieille civilisation indienne, comme un enfant s'accroche au sein de sa mère.

* NDLR: Hind Swaraj: L'indépendance de l'Inde.

** NDLR: Dans Yaksha Prashna (Māhabharata), il est dit:

Yaksha - Quand un homme est-il mort ? Quand un royaume est-il mort ? Quand une cérémonie funéraire est-elle morte ? Quand le sacrifice est-il mort ?
Yudhisthira - Un homme pauvre est mort. Un royaume sans roi est mort. Une cérémonie funéraire célébrée sans brahmane érudit est morte. Un sacrifice sans dakshina est mort.

https://pocombelles.over-blog.com/2024/01/yaksha-prashna.html

C'est pour cela que la sentence de Rivarol: "En coupant la tête au roi [Louis XVI], on a fait de la France un cadavre" est la première des vérités en France depuis 1793.  Un cadavre qui n'en finit plus de pourrir et d'empester, la proie des mouches. Voyez l'avortement inscrit dans la Constitution le 4 mars dernier. Mais si le corps est mortel, l'âme est immortelle. La France (son âme), comme l'a dit très justement S.A.R. Mgr Sixte-Henri de Bourbon-Parme, est devenue souterraine, j'ajouterai: comme ces rivières d'eau pure qui circulent sous la terre, de grottes en siphons et rejaillissant en fontaines cristallines dans des lieux écartés et sauvages, dans les régions calcaires du sud de la France. L'eau, c'est la grâce.

La véritable musique nationale de la France.

Lire la suite

Le Dieu infini prend une forme humaine finie

7 Mars 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharat, #Christianisme, #Bouddhisme, #Hindouisme, #Inde, #Râmakrishna, #Religion, #Spiritualité

(...) "Une fois, une femme catholique m'a dit qu'elle assistait régulièrement à la messe depuis vingt-cinq ans mais qu'elle n'en éprouvait aucune joie. Elle a exprimé le désir d'apprendre la technique de la méditation védantique sans changer sa foi religieuse. Observant sa sincérité, je lui ai dit : "S'il vous plaît, pratiquez la méditation deux fois par jour. Il existe différentes sortes de méditation, comme la méditation sur la forme de Dieu, sur ses qualités divines, sur son message ou sur son jeu divin. Le Dieu infini prend une forme humaine finie et joue dans ce monde comme l'un d'entre nous afin que nous puissions sentir sa présence et avoir un aperçu de sa nature infinie. Ce n'est pas un mythe. C'est un fait. Les vies de Bouddha, du Christ et de Râmakrishna le prouvent. Les êtres humains voient ces hommes-dieux ou avatars avec leurs yeux, entendent leurs voix avec leurs oreilles, touchent leurs formes physiques avec leurs mains." (...)

Swami Chetanananda (Préface)

Traduit de l'anglais par Rouge et Blanc avec DeepL.com

Ramakrishna As We Saw Him, édité, traduit et avec une introduction biographique par Swami Chetanananda. Vedanta Society of St. Louis, 1990.

https://ia803409.us.archive.org/4/items/ramakrishna-as-we-saw-him-swami-chetanananda/Ramakrishna%20As%20We%20Saw%20Him%20_%20Swami%20Chetananda.pdf

Le Christ et saint Pierre marchant sur les eaux, symbole de la foi. Une reproduction de cette peinture italienne ornait la chambre se Sri Ramakrishna Paramahamsa à Dakshineshwar.

Le Christ et saint Pierre marchant sur les eaux, symbole de la foi. Une reproduction de cette peinture italienne ornait la chambre se Sri Ramakrishna Paramahamsa à Dakshineshwar.

"Le Dieu infini prend une forme humaine finie et joue dans ce monde comme l'un d'entre nous afin que nous puissions sentir sa présence et avoir un aperçu de sa nature infinie. Ce n'est pas un mythe. C'est un fait. Les vies de Bouddha, du Christ et de Râmakrishna le prouvent. Les êtres humains voient ces hommes-dieux ou avatars avec leurs yeux, entendent leurs voix avec leurs oreilles, touchent leurs formes physiques avec leurs mains."

Lire la suite

Sri Râmakrishna Paramahamsa (1836-1886)

1 Mars 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Bharat, #Gandhi, #Hindouisme, #Râmakrishna, #Sri Aurobindo, #Religion, #Spiritualité

Sri Râmakrishna Paramahamsa (1836-1886)

« Ce n’est pas avant cinq siècles au moins que le monde sera prêt à recevoir un autre Râmakrishna Paramahamsa*. Il faut nous hâter de transformer en expérience la masse de pensées qu’il nous a léguées et de convertir en réalisation l’énergie spirituelle qu’il a lancée. Tant que nous ne l’aurons pas fait, de quel droit demanderions-nous davantage ? »

Sri Aurobindo


« Sa vie nous permet de voir Dieu face à face. »

Mahatma Gandhi

 

NDLR: Paramahamsa (sanskrit : परमहंस), également orthographié paramahansa ou paramhansa, est un titre d'honneur religio-théologique sanskrit appliqué aux maîtres spirituels hindous qui sont devenus éclairés. Le titre signifie littéralement "cygne suprême". Le cygne est aussi à l'aise sur terre que sur l'eau ; de même, le vrai sage est aussi à l'aise dans les royaumes de la matière et de l'esprit. Le "cygne royal" de l'âme flotte dans l'océan cosmique, considérant son corps et l'océan comme des manifestations du même Esprit. Le mot "Paramahamsa" désigne celui qui est éveillé dans tous les domaines. Paramahamsa est le niveau le plus élevé de développement spirituel dans lequel un sannyasi a atteint l'union avec la réalité ultime.

Le hamsa (cygne) est le vahana, la monture ou le véhicule du dieu Brahma. Dans les Védas et les Purânas, il est le symbole de l'âme. On dit que le hamsa est la seule créature capable de séparer le lait de l'eau une fois qu'ils ont été mélangés ; symboliquement, c'est la démonstration d'un grand discernement spirituel. Il symbolise un être spirituellement avancé, capable de contrôler l'énergie respiratoire de manière à n'absorber que des vibrations pures de toutes les différentes énergies que contient le monde. Pour le Paramahamsa (le cygne céleste suprême), en revanche, toute la création est Dieu lui-même, il n'y a rien d'autre que Dieu seul. Cette personne est une âme pleinement réalisée, complètement libérée de tout lien avec le monde, qui ne connaît ni obligations, ni goûts, ni dégoûts. Elle n'a aucun besoin parce qu'elle est complètement immergée en Dieu.

https://en.wikipedia.org/wiki/Paramahamsa

Saraswati assise sur un cygne

Saraswati assise sur un cygne

Lire la suite

Bruno Sourdin: Entretien avec Jean Herbert (Rennes, 1979)

19 Février 2024 , Rédigé par Sudarshan Publié dans #Jean Herbert, #Inde, #Hindouisme, #Bharat, #Religion, #Bhagavad-Gita, #Karma-yoga, #Râmakrishna

Jean Herbert (1897-1980)

Jean Herbert (1897-1980)


Entretien avec Jean Herbert

(Entretien réalisé par Bruno Sourdin à Rennes en novembre 1979)

 

Shrî Aurobindo l’appelait Vishvabandhu, « l’ami de tous ». Aucun autre nom ne pouvait mieux lui convenir. Jean Herbert a été l’un des grands érudits du XXe siècle. C’est lui qui, un des premiers, nous a ouvert les portes de la sagesse orientale. Il a traduit Aurobindo, Ramana Maharshi, Ramdas, Sivananda, Mâ Anandamayi, Suzuki et bien d’autres. Son œuvre d’orientaliste est gigantesque, incontournable.
Ce que l’on sait peut-être moins, c’est que cet éminent savant a aussi été un grand témoin de son époque. Jean Herbert naquit à Paris en 1897 dans une famille d’universitaires. Après la Première Guerre mondiale, laquelle le voit mobilisé comme officier d’artillerie, il assiste en qualité d’interprète aux commissions d’armistice entre les Alliés et les Allemands. Il n’a que 21 ans. Pendant la Conférence de la Paix de Paris, il participe à la préparation de la Société des Nations, côtoyant Clemenceau, Wilson, Lloyd George et Benes. Il travaille ensuite à la SDN en qualité d’interprète jusqu’en 1939 et il rencontre alors Poincaré, Briand, Stresemann, Barthou, Mussolini et Churchill. En 1945, on lui demande de suivre la Commission préparatoire des Nations Unies et de l’Unesco. Jean Herbert va alors créer de toutes pièces le corps d’interprètes de l’ONU. Son Manuel de l’interprétation est diffusé dans huit langues.
Ses travaux d’interprète et de linguiste ne l’ont pas empêché de mener de front son œuvre de traducteur. C’est en 1934 à Pondichéry qu’il rencontre Shrî  Aurobindo, qui l’accepte comme disciple et lui demande de traduire ses ouvrages en français et de les faire traduire dans d’autres langues. Parallèlement, Romain Rolland, qui venait de révéler Ramakrishna à l’Occident, lui demande de poursuivre son œuvre et de traduire Vivekananda. Pour Jean Herbert, c’est un travail considérable qui commence. Un travail considérable mais aussi un travail ingrat car, dans les années 30, personne ne s’intéresse à ses manuscrits et il est obligé de publier ses premières traductions à compte d’auteur et de faire du porte à porte chez les libraires pour déposer des exemplaires de ses ouvrages.
Au total, soit comme auteur, soit comme traducteur, soit comme préfacier ou directeur de collection, Jean Herbert a fait publier quelque 250 volumes. Mais son approche de l’Inde n’était pas seulement livresque. Bien au contraire, Jean Herbert était un homme d’expérience et il aimait, avec une rare pédagogie, faire partager son intérêt pour le yoga qu’il pratiquait, le Karma-Yoga, qu’il résumait ainsi : « Fais ce que dois, advienne que pourra. »
Il nous a quittés le 21 août 1980, à l’âge de 83 ans. C’était un homme d’une grande chaleur et d’une grande simplicité, qui aimait passionnément la vie, qui s’est toujours efforcé d’aider les hommes à se comprendre mutuellement, et qui a été, pour tous ceux qui ont eu le bonheur de le rencontrer, « l’ami de tous ».


Bruno Sourdin: Qu’entend-on par yoga dans l’Inde ?

Jean Herbert: Le yoga qui vient de l’Inde a, dans ce pays, une signification tout à fait différente de celle que nous avons ici. Dans l’Inde, on appelle yoga n’importe quelle discipline intérieure, ou matérielle aussi d’ailleurs, à laquelle on se soumet pour provoquer ou faciliter une certaine évolution intérieure, quelle qu’elle soit : ce peut être ce qu’on appelle maintenant le yoga en Occident et que dans l’Inde on appelle le Hatha-Yoga ; ce peut être aussi une des autres formes classiques de yogas qui s’adressent, les unes à l’homme intellectuel, les autres à l’homme émotif, les autres encore à l’homme soucieux de ses relations avec la société ou envers le prochain. Et puis il existe enfin des quantités d’autres yogas : la musique, par exemple, peut être un yoga, la poésie aussi, la médecine, la recherche scientifique, le journalisme également… à la seule condition que l’on ait dans cette recherche pour but essentiel, et éventuellement pour but unique, une évolution intérieure.

Quel est le but de cette évolution intérieure ?

Il est évidemment extrêmement difficile à définir. Nous avons tous conscience d’évoluer dans un certain sens que nous jugeons positif : non seulement par la taille quand nous passons de l’enfance à l’âge adulte, non seulement par l’intellect quand nous apprenons des choses à l’école, à l’université ou dans la vie, mais également par l’évolution des sentiments, de l’idéal, par l’intensification de l’effort que l’on consacre à se rapprocher de cet idéal.

Comme vous le dites, nous évoluons constamment, mais pourtant nous avons la certitude de rester le même. Comment les Hindous résolvent-ils le problème ?
Les Hindous font une distinction entre ce qui est permanent en nous et ce qui évolue. Normalement, nous nous identifions tantôt à notre corps, tantôt à nos désirs, tantôt à nos pensées. Or, non seulement nos pensées, nos désirs changent continuellement, mais même notre corps, puisqu’on m’enseignait autrefois qu’il n’y a pas une cellule dans le corps qui ne se renouvelle pas tous les sept ans. Et néanmoins nous avons la certitude absolue (c’est peut-être la plus grande certitude que nous ayons) d’être resté la même personne depuis notre naissance. Alors les Hindous en concluent qu’il doit y avoir quelque chose de permanent en nous. Mais cette entité permanente, qui est notre vérité la plus profonde, se manifeste par un désir d’évoluer. Dans la théorie des vies successives, on estime que cette évolution commence à l’état végétal, passe ensuite dans le règne animal, finit par le règne humain. C’est cette entité qui évolue que l’on peut appeler l’âme, en termes très approximatifs.

Quelles sont les différentes méthodes employées par les quatre grands yogas de l’Inde ?
Dans le Jnana-Yoga, on travaille par l’intellect, par la raison, par la logique, pour essayer de découvrir, derrière les apparences, la vérité la plus profonde, la vérité la plus profonde de l’être humain ou la vérité la plus profonde de l’Univers.
Dans le Bakti-Yoga, qui est le yoga de l’adoration, on utilise ses facultés émotives, en priorité, pour essayer de les orienter vers un idéal de plus en plus élevé, c’est-à-dire non pas seulement des rapports avec le prochain, mais quelque chose de plus vaste que l’on peut appeler Dieu.
Dans le Karma-Yoga, que j’appelle le yoga de la vie quotidienne, on cherche à comprendre les rapports entre l’être humain et son entourage, pour essayer de pousser ces rapports jusqu’à la plus haute perfection possible. Ce qui veut dire que l’on doit envisager chacune des actions que nous faisons tout au long de notre vie sous un certain angle, pour les adapter à cette fin.
Le quatrième grand yoga, le Raja-Yoga, est essentiellement une recherche par la méditation, par l’intériorisation. Dans le Hatha-Yoga, qui n’est en fait qu’une variante du Raja-Yoga, on attache une grande importance au corps physique, que l’on essaye d’améliorer, de développer, à la fois par des postures et des exercices de respiration.

Le yoga peut-il présenter certains dangers ?

Le yoga est un moyen puissant d’évoluer. En ce qui concerne le Hatha-Yoya, comme tout ce qui est puissant, il présente des dangers. Ce qui peut faire beaucoup de bien peut aussi faire beaucoup de mal, forcément. Si vous avez un couteau émoussé, il ne peut pas vous servir à grand-chose ; mais s’il est bien aiguisé, ce n’est pas la même chose. Le Hatha-Yoga fait certainement beaucoup de bien à beaucoup de gens, c’est un fait que je peux constater ; mais s’il est mal utilisé, comme n’importe quelle arme puissante, il peut aussi faire beaucoup de mal, et j’ai connu un certain nombre de personnes qui ont été complètement détraquées soit mentalement, soit physiquement. C’est relativement rare mais c’est possible.
Le Karma-Yoga, lui, ne présente jamais aucun danger.

Pouvez-vous nous parler de ce Karma-Yoga que vous pratiquez vous-même. Comment l’avez-vous découvert ?

Je l’ai découvert lorsque j’ai découvert celui qui est maintenant mon maître, Shrî  Aurobindo, chez qui je suis arrivé, conduit par le hasard, il y a 45 ans. J’ai été immédiatement séduit par le fait qu’il combinait une logique cartésienne absolument rigoureuse avec une aspiration mystique extrêmement intense. C’était la première fois que je trouvais les deux réunies chez une même personne.
Le yoga de Shrî  Aurobindo est un yoga très vaste qui, comme celui de la Bhagavad-Gîta, le grand texte sacré hindou, embrasse tous les yogas classiques : la recherche intellectuelle, l’orientation vers le Divin, l’action quotidienne et la méditation. Mais Sri Aurobindo, comme tous les très grands sages de l’Inde, individualisait considérablement son enseignement. Nous sommes tous différents les uns des autres et, par conséquent, ce qui convient à l’un ne convient pas à l’autre. Nous n’attendons pas d’un médecin qu’il ait une ordonnance tout imprimée qu’il distribue à tous ses patients ; nous nous attendons au contraire à ce qu’il examine chaque patient pour décider ce qui est bon pour lui, et même qu’à quelques années de distance il ordonne le contraire de ce qu’il avait indiqué auparavant. Il en va exactement de même pour l’individualisation du yoga. Shrî Aurobindo traitait chacun de ses disciples d’une façon différente, pour utiliser au mieux ses possibilités individuelles.
Il m’a orienté essentiellement vers le Karma-Yoga, mais pas exclusivement. Le yoga qu’il a donné était un yoga portant surtout sur l’action matérielle, mais naturellement assaisonné d’une certaine recherche intellectuelle, d’une certaine orientation vers un idéal que l’on peut appeler religieux et d’un peu de méditation aussi.

Quels sont les grands principes du Karma-Yoga ?

On les trouve en particulier dans la Bhagavad-Gîta, d’où ils ont été puisés. Le premier principe c’est que l’homme ne reste jamais un seul instant sans agir. S’il n’agit pas physiquement, il agit mentalement. Et même s’il arrive à arrêter complètement les mouvements de son corps et le travail de son mental, il y a encore des choses qui se passent en lui : sa circulation continue, de même que sa digestion. Et puis il continue à exercer une influence sur les gens autour de lui : d’abord parce qu’en n’agissant pas, il provoque des conséquences autres que celles qu’il provoquerait s’il agissait. Et puis les gens qui le regardent sont soit agacés, soit inquiets ou bien ont envie de l’imiter. C’est donc aussi une action qu’il exerce sur les autres.
Si l’homme ne peut rester un instant sans agir, il ne faut pas se proposer l’inaction comme but. C’est le deuxième grand principe.
Troisième principe : il faut faire ce que les textes sacrés appellent « les actions prescrites », c’est-à-dire ce que nous pouvons appeler notre devoir, nos obligations. Ce devoir peut résulter soit de ce que nous croyons _ morale laïque ou morale religieuse _, soit de ce que la « petite voix de la conscience » nous indique. Il faut nous comporter de la façon que nous estimons nous être prescrite par l’une ou l’autre de ces sources. Ce que je traduis de façon plus globale par « l’idéal du moment ». Chacun de nous, à n’importe quel moment, a un certain idéal. Nous devons nous y conformer, essayer de la suivre, dans toute la mesure où nous en sommes capables.
L’originalité du Karma-Yoga réside dans son principe suivant : l’homme n’a pas le droit aux conséquences de son action, ni bonnes ni mauvaises.

Ce quatrième principe mérite une explication.

Nous agissons toujours, évidemment, pour obtenir un certain résultat. Si je parle en ce moment, c’est pour que vous m’entendiez. Mais _ c’est le principe du Karma-Yoga _, les conséquences de ce que je fais ne dépendent pas de moi. En effet, il ne dépend pas de moi que vous m’écoutiez ou que vous pensiez à autre chose lorsque je vous parle ; il ne dépend pas de moi qu’en me quittant vous pensiez que je vous ai raconté des idioties ou au contraire des choses géniales et que cela va vous orienter un petit peu dans votre action personnelle ou au contraire que cela ne va pas vous orienter du tout.
Et à plus long terme, c’est encore plus clair. Voici un exemple que je donne généralement : si je donne un livre à quelqu’un, c’est en espérant qu’il le lira, que cela le fera réfléchir, peut-être même que cela le fera changer d’avis. Mais il y a beaucoup de chance pour que cela ne lui fasse pas changer d’avis, beaucoup de chance aussi pour qu’il ne réfléchisse pas, et même beaucoup de chance pour qu’il ne le lise pas.
Les Hindous en concluent, dans le cas du Karma-Yoga, que ces conséquences ne dépendent pas de nous, que nous n’en sommes pas maîtres, et que par conséquent nous n’en sommes pas responsable. Ceci a pour effet de libérer énormément de la crainte des conséquences de ce que nous faisons. Pour prendre un autre exemple, nous savons ce que c’est que le trac lors d’un examen ; il nous paralyse, il nous enlève une partie de nos moyens. C’est pour cela qu’un des effets du Karma-Yoga est de donner une plus grande liberté, une plus claire vision de ce que nous allons faire et une plus grande efficacité dans notre action. L’un des autres principes du Karma-Yoga est, comme le disent les Hindous, « l’habileté dans l’action ».

Si les conséquences ne nous appartiennent pas, à qui appartiennent-elles ?

Si on a l’esprit religieux, comme c’était le cas de Gandhi, qui était le plus grand représentant du Karma-Yoga à notre époque, on peut reprendre sa formule : vouloir décider des conséquences, c’est usurper une fonction qui n’appartient qu’à Dieu. Au contraire, si on n’a pas l’esprit religieux, ce sont les circonstances, le sort, la fatalité ou les lois de la nature qui peuvent déterminer ce que seront les conséquences de son action.
La conception de « l’idéal du moment » est assez étrangère aux Occidentaux puisqu’on nous a enseigné qu’il existe un idéal qui doit être le même pour tous. Mais en réalité ce n’est pas vrai : cet idéal que l’on nous propose ne peut être qu’un idéal lointain et c’est sur l’idéal immédiat que nous nous guidons. Un moine hindou que j’avais invité autrefois à Genève me disait, d’un endroit où l’on voyait le Mont Blanc : votre idéal lointain peut être d’arriver au sommet du Mont Blanc, mais votre idéal immédiat c’est d’aller en direction de la première borne kilométrique, même si cette route vous conduit dans une direction totalement opposée et vous fait tourner le dos au Mont Blanc. Par conséquent, si l’on conserve à l’esprit un idéal lointain, on se conforme inévitablement à l’idéal immédiat.
Or, cet idéal immédiat change constamment en nous dans notre évolution générale. En ce qui me concerne personnellement, il est bien évident que je ne peux pas juger ce que je fais aujourd’hui d’après l’idéal que j’aurai dans 20 ans ; et il est tout aussi grotesque de vouloir juger ce que j’ai fait dans le passé d’après l’idéal que j’ai aujourd’hui. C’est une chose à laquelle on ne pense pas parce que constamment nous disons : « J’aurais dû faire ceci », « Si j’avais su », « Si j’avais compris », etc. Et le fait de distinguer cet idéal ancien de cet idéal actuel écarte également toute possibilité de remords ou de regret, ce qui est également un très grand allégement. C’est fantastique la quantité d’énergie que nous gaspillons à craindre l’avenir ou à regretter le passé !

Cela accroît en même temps notre responsabilité ?

Naturellement, on reste responsable de ce qu’on a fait dans le passé, mais cela ne sert absolument à rien d’y revenir. L’exemple que je donne habituellement est personnel : pendant la Première Guerre mondiale, j’étais officier d’artillerie et je commandais une batterie de canons à longue portée et, lorsque de mon observatoire j’apercevais une concentration de troupes ennemies, évidemment je tirais dessus pour massacrer le plus de gens possible. C’était mon idéal du moment : la patrie, le drapeau, un idéal que tout le monde d’ailleurs partageait à l’époque, à peu d’exceptions près. Et si maintenant, mais c’est peu vraisemblable, je me trouvais devant la même situation, il est très probable que j’agirais différemment, parce que mon idéal s’est complètement transformé.
Et puis cette conception a également des conséquences extrêmement importantes dans les rapports avec le voisin. Nous jugeons les autres, individus ou nations, la plupart du temps pour dire qu’ils font du mal. Mais alors il faut se demander selon quels critères je les juge. Et si je prends conscience du fait que je les juge d’après un idéal provisoire, cela évite de critiquer. Je ne peux pas critiquer, par exemple, des parachutistes qui vont massacrer des gens en Afrique, même si ce n’est pas mon idéal du moment. Mais en revanche je peux agir moi-même : je peux écrire des lettres dans les journaux, aller faire un sit-in à l’aéroport d’où ils s’envolent, ou aller les trouver sur place pour essayer de les convaincre qu’il vaudrait mieux faire autre chose. Je suis responsable de mon action, mais cela n’implique pas du tout que je les critique. À mon avis, c’est l’essence même du Karma-Yoga.

Vous pensez naturellement que c’est le yoga le plus accessible à un Occidental ?

Je dirais que c’est le yoga le plus commode pour un Occidental, car nous sommes avant tout des gens d’action. Si nous voyons par exemple un enfant assis dans une pièce à ne rien faire, nous ne trouvons pas cela normal. Et si nous-mêmes restons sans rien faire pendant un certain temps, nous nous culpabilisons. Nous avons besoin d’action. Et, comme je vous le disais, ce Karma-Yoga s’applique à l’action.

Et les grands maîtres de l’Inde disent que le résultat du Karma-Yoga est le même que celui des autres yogas ?

Exactement le même. Et puis il y a pour nous cet autre avantage que nous n’avons pas besoin de renoncer à aucune de nos convictions. Que l’on soit athée ou que l’on soit religieux, que l’on soit communiste ou que l’on soit conservateur, on peut appliquer le Karma-Yoga. Il laisse une totale liberté d’agir selon la voie qu’individuellement on s’est tracée.

Les Hindous se préoccupent beaucoup de morale, mais leur conception est différente de la nôtre puisqu’ils insistent sur la notion de morale individuelle. Pouvez-vous préciser cela ?

C’est un concept très important. Les Hindous sont peut-être parmi les âtres les plus obsédés de morale. Mais leur morale est individualisée. Nous procédons, en ce qui nous concerne, par principes généraux d’application universelle et absolue : « Tu ne tueras pas », « Tu ne voleras pas », « Tu ne mentiras pas ». Mais cela nous amène immédiatement à faire un tas d’exceptions. Tu ne tueras pas, mais si tu es soldat, en temps de guerre, pendant la bataille, tu n’as pas le droit de te désolidariser de tes camarades et tu dois tuer les gens qui sont en face. Et sur cette objection, se branche immédiatement une autre objection : si l’ennemi est désarmé, s’il est prisonnier, tu n’as pas le droit de le tuer. Et sur cette objection à l’objection, il s’en branche alors une autre : si cet ennemi prisonnier essaye tout à coup de tuer un de tes camarades, tu as à nouveau l’obligation de le tuer. Cette cascade d’exceptions résulte de ce que nous principes sont très généraux.
Au contraire, dans l’Inde, la morale de l’individu dépend de beaucoup d’éléments différents, de son âge, de son sexe, de sa situation familiale, du groupe humain auquel il appartient. Par exemple, un brahmane n’a pas le droit de gagner sa vie par le travail, il doit vivre de l’aumône. Celui qui appartient à la caste des commerçants a au contraire l’obligation de gagner de l’argent. Sur le plan de la sexualité, à certaines périodes de la vie, la continence absolue est considérée comme une règle d’ordre pratique. Mais à un autre stade de la vie, c’est une obligation d’avoir des enfants. Vous avez ici deux injonctions absolument contradictoires et je pourrais en citer bien d’autres. Dans la caste des brahmanes, on n’a pas le droit de tuer, pas même un moustique ; mais dans la caste des guerriers, on a l’obligation de tuer, si c’est nécessaire, pour défendre le droit, pour défendre la veuve et l’orphelin.

Vous avez parlé de Shrî  Aurobindo qui était votre maître. Quel est le rôle d’un maître dans l’Inde ?

La tradition considère qu’il n’existe qu’un seul maître, un seul gourou qui est Dieu. Le maître spirituel humain n’est en réalité qu’un canal par lequel arrive l’influence du gourou unique. Alors, du moment que c’est un canal, il peut y en avoir de bons et de mauvais et même des canaux qui ne laissent rien passer du tout. C’est pour cela que, parmi ceux qui se présentent comme maître spirituel, il y en a à qui l’on peut se confier et d’autres dont il faut se méfier. Une grande discrimination est nécessaire. Comme dans tous les domaines d’ailleurs, il faut choisir celui en qui on a confiance. Si je veux faire du piano, je ne choisirai pas quelqu’un qui ferait des fausses notes. C’est aussi simple que cela.
Dans la mesure où l’on a accepté un maître, et dans la mesure où ce maître vous a accepté également, il faut naturellement se conformer à ce qu’il vous dit, jusqu’au moment où l’on décide de s’en séparer, d’en choisir un autre. Tant que l’on reste sous la domination de son gourou, il faut une obéissance absolue. Si l’on veut se laisser guider sur le plan spirituel par quelqu’un, il faut se laisser guider. C’est tout simple. C’est la même chose lorsque vous voulez étudier le piano ou les mathématiques.

En quoi consiste l’initiation ?

C’est un terme que l’on emploie à trot et à travers et qui peut se situer à des niveaux différents. Je peux dire que je vous initie au Karma-Yoga en ce moment en vous expliquant ce que c’est. On initie un enfant à l’écriture en lui apprenant à faire des lettres et des bâtons. Sur le plan supérieur, si l’on pense à l’initiation par un très grand gourou, c’est une chose extrêmement grave. Dans une véritable initiation, comme celle que j’ai eu le privilège de recevoir, le gourou donne à son disciple trois choses simultanément : il vous indique avec une précision invraisemblable _ précisions dont on ne se rend pas compte sur le moment _ la vie que vous allez suivre. Il vous donne aussi un désir irrésistible de suivre cette voie, et la force de le faire.
Sur le plan pratique, je connais deux façons de donner cette initiation. La première c’est la transmission d’un mot, d’un nom, d’un mantra, qui devient votre mantra, c’est-à-dire la formule sacrée à laquelle vous pouvez revenir continuellement et dont vous découvrez la signification très progressivement. J’ai reçu mon initiation de Shrî  Aurobindo il y a plus de 45 ans et je n’ai pas fini de découvrir ce que signifiait le nom, le mantra qu’il m’a donné. La seconde façon c’est un contact physique. Par exemple, il vous pose la main sur la tête.

Pour les Hindous, la vie n’est pas un phénomène unique. Ils parlent de vies successives.
Leur conception c’est que cet élément permanent que nous avons en nous _ soit envisagé sous sa forme statique, soit sous sa forme dynamique _ ne peut pas, dans son évolution, se contenter d’une seule vie. Une vie c’est trop court, on n’a pas le temps, entre une naissance et la mort qui suit, de faire grand-chose. C’est pourquoi ils estiment que, pour évoluer, il faut beaucoup de vies différentes.
Voici comment les choses peuvent s’expliquer. Périodiquement, cet élément permanent qui est en nous puise dans la matière cosmique de quoi fabriquer un corps matériel, puise dans la vie cosmique l’élément nécessaire pour rendre ce corps vivant, et puise enfin dans le mental cosmique de quoi « mentaliser » ce corps vivant. Cet élément permanent utilise ainsi ce corps pour un certain stade de son évolution et, une fois qu’il a fini de s’en servir, il le rejette comme un vêtement usé, en attendant d’en fabriquer un autre.

Quel est le point de vue des Hindous sur la mort ? Pour eux, c’est un passage à une autre étape ?

Pour l’Hindou, la mort est exactement comme pour nous de nous endormir le soir. Nous nous endormons à peu près certains que nous nous réveillerons le lendemain matin. Quand les Hindous meurent, ils savent que c’est en attendant de renaître. La mort n’est donc pas effrayante pour eux, pas plus que pour nous le sentiment de nous endormir.

Dans l’hindouisme, les dieux sont innombrables et pourtant, dans vos livres, vous parlez de monothéisme. Pouvez-vous expliquer cela ?

Fondamentalement, à sa base, la religion hindoue est monothéiste. Elle admet qu’il existe un seul Dieu susceptible d’avoir des rapports avec les hommes. Mais pour les Hindous, ce Dieu est beaucoup trop grand, beaucoup trop vaste et trop lointain pour que le mental humain puisse le concevoir et pour que le corps humain puisse l’adorer. Alors, ils préfèrent l’envisager sous l’un ou l’autre de ses aspects.
Il y a trois éléments qui sont considérés comme fondamentaux et qui résultent de ce que les Hindous considèrent que toute action humaine nécessite forcément la combinaison de trois éléments : destruction, conservation et création. Si je veux construire une table en bois, je commence par détruire l’arbre, je conserve le bois et je fabrique la table.
Alors, pour eux, l’action divine doit nécessairement se plier à cette même règle. Dieu ne peut rien créer sans en même temps détruire ce qui précédait et sans conserver ce qu’il y a de commun entre les deux. À chacun de ces aspects, qu’ils appellent les trois visages du Dieu unique, ils donnent un nom. Dieu sous son aspect de créateur, ils l’appellent Brahma. Dieu sous son aspect de protecteur, ils l’appellent Vishnou. Dieu sous son aspect de destructeur, ils l’appellent Shiva. Et ils l’adorent tantôt sous l’un de ses aspects, tantôt sous l’autre, chacun selon son goût, chacun selon ses dispositions.
Et puis il existe d’innombrables autres aspects, entre lesquels il peut choisir. L’Hindou dispose de ce qu’on appelle sa divinité d’élection. Entre tous ses aspects, il choisit celui qui lui convient, vers lequel il préfère se tourner. Ce qui ne l’oblige pas du tout et l’empêche même de rejeter tous les autres aspects. Quand un Hindou adore sa divinité d’élection, disons par exemple Shiva, il commence par dire : Tu es Shiva, mais Tu es aussi Vishnou, Tu es aussi Brahma, et Tu es le Dieu unique.

Pratiquement, il se concentre sur un seul aspect de Dieu et il semble se désintéresser des autres. C’est pour cela que vous parlez de monothéisme ?

Non, le monothéisme résulte de ce qu’il sait que l’aspect de Dieu qu’il adore est un aspect du Dieu unique. Mais rien ne l’empêche de s’adresser, selon les cas ou les circonstances, à n’importe quel autre aspect. Par exemple, il est inconcevable qu’un Hindou écrive une œuvre littéraire ou même une lettre personnelle sans invoquer le nom de Ganesha. Et de la même façon, lorsqu’il veut entreprendre un voyage, il se tourne vers Garuda.

Dans vos livres, vous insistez aussi beaucoup sur la mythologie, c’est-à-dire l’histoire des dieux. Vous expliquez que la mythologie hindoue revêt une importance pratique considérable. Pouvez-vous développer cette idée ?

La mythologie, telle que j’essaie de la présenter, est un concept qui est étranger aux Hindous et dans l’Inde on me dit souvent : pourquoi perdez-vous votre temps à vous occuper de constructions mythologiques, des rapports entre les différents dieux ? Consacrez-vous à votre dieu et ne vous occupez pas du reste. Et en effet les Hindous se consacrent uniquement à la mythologie de leur dieu d’élection, et même souvent à une partie de cette mythologie, à tel ou tel mythe qui est pour eux leur principale source d’inspiration, qu’ils vivent, qu’ils étudient, qu’ils appliquent ou qu’ils interprètent tout au long de leur vie.
Le mythe hindou a toute une échelle de significations dans beaucoup de domaines. Il peut servir de guide à celui qui s’y intéresse, aussi bien dans la recherche intellectuelle que dans l’attitude religieuse ou dans la vie pratique. Je crois que le mythe, tel qu’il est conçu dans l’Inde, est infiniment plus riche que n’importe quelle conception intellectuelle ou scientifique. Il embrasse tous les domaines à la fois, y compris la morale.

Quel peut être l’intérêt de cette mythologie hindoue pour un Occidental ?

Pour nous, elle a un intérêt intellectuel mais aussi pratique. Elle nous montre que la vérité peut avoir quantité d’aspects différents, qui sont aussi valables les uns que les autres. Il n’y a aucune raison de supposer que l’adorateur de Ganesha a tort et que l’adorateur de Dourga a raison. Dans la mesure où nous nous en inspirons, cette multiplicité d’attitudes crée chez nous, non pas un sentiment de tolérance _ les Hindous n’aiment pas ce mot car ils estiment qu’il implique toujours un complexe de supériorité _, mais un respect des opinions d’autrui. Un adorateur de Shiva respecte l’adorateur de Vishnou, car il voit dans ces différentes techniques autant de moyens aussi efficaces les uns que les autres. Dans le domaine religieux, cette conception amène à comprendre qu’il y a beaucoup de façons de chercher à évoluer. Par conséquent, il n’y a pas lieu, non seulement de critiquer les autres, mais de penser que la voie que l’on a choisie est meilleure que les autres. Tout ceci peut donc avoir une très grande influence sur notre comportement.

Vous avez longuement étudié la Bhagavad-Gîta, le texte le plus sacré de l’Inde. Vous montrez notamment qu’il ne s’agit pas du tout, comme on le dit généralement, d’un dialogue entre un homme, Arjuna, et un dieu, Krishna, mais plutôt d’un dialogue qui se passe à l’intérieur de nous. Je crois que ceci mérite une explication.

Je ne dirais pas que la Bhagavad-Gîta est le texte le plus sacré de l’Inde, mais le texte dont les Hindous se servent le plus souvent, celui que l’on cite le plus fréquemment et qui est utilisé dans toutes les écoles philosophiques. En effet, contrairement à cette conception généralement admise que c’est un dialogue entre un dieu et un homme, pour moi il s’agit d’un dialogue qui se déroule entre nos exigences mentales et nos aspirations qui dépassent le mental.

Des aspirations d’ordre spirituel ?

Je n’aime pas beaucoup le mot spirituel parce qu’on lui attache des idées trop précises, qui ne sont pas les mêmes chez tout le monde. Je dirais : ce qui dépasse le mental, l’évolution intérieure.
Nous avons tous certaines exigences mentales. On dit : je ne peux pas faire telle chose car c’est contraire à ma raison, à ma logique. Et puis néanmoins je sens en moi que je devrais le faire.
Prenons un exemple : je sens qu’il est complètement idiot d’aller prier dans une église, car logiquement cela ne répond à rien. Mais tout de même je sens en moi le désir de le faire. Autre exemple, sur un plan plus pratique : il est peut-être idiot que j’envoie de l’argent à telle œuvre parce que je ne sais pas au juste ce qu’on en fera (raison mentale). Mais tout de même je sens en moi une impulsion à le faire. La Bhagavad-Gîta c’est ce dialogue entre les exigences mentales et les aspirations intérieures, qui se présentent d’ailleurs sous forme de deux idéaux également valables. La Bhagavad-Gîta, qui part d’un dilemme semblable, et qui donne la solution de ce dilemme en s’appuyant sur des considérations métaphysiques et autres, c’est précisément ce dialogue qui se déroule en nous-mêmes.

Certaines écoles hindoues développent l’idée que le monde est un jeu, une pièce de théâtre que se fait représenter le Divin. Est-ce que cette conception est couramment admise dans l’Inde ?

Elle est admise d’une façon absolue chez les Vishnnouistes (ceux qui se tournent vers Vishnou, vers Krishna ou vers Rama). Elle est admise implicitement par tous les autres.
On admet que le monde a été créé par Dieu, ou par une puissance que nous ne connaissons pas, qui évidemment a combiné le monde, lors de sa création et de son évolution intérieure, selon sa volonté. J’ai découvert récemment une formule de Shrî  Aurobindo qui est excellente : « Seul Dieu a créé le monde et il l’a créé tel qu’il est. » Ce n’est pas l’homme qui l’a déformé, ou si l’homme l’a déformé c’est que Dieu voulait qu’il le déforme. Selon cette conception, le créateur a mis chaque élément de sa création, et en particulier l’être humain, à sa place. Chacun a la tâche qui lui a été confiée et l’intelligence qui lui a été donnée pour s’acquitter de cette tâche. C’est la conception du jeu divin.
Et en conséquence, on y revient toujours lorsqu’on aborde l’Hindouisme, il n’y a aucune raison de critiquer quelqu’un qui agit différemment, puisque c’est le rôle qui lui a été confié. Vous devez le respecter autant que vous vous attendez à ce qu’il vous respecte.

Comment expliquez-vous, depuis quelques années, la vogue de l’hindouisme. Lorsque vous l’avez découvert il y a 45 ans, est-ce que vous pouviez imaginer ce qui se passe aujourd’hui ?

Absolument pas. J’ai été le premier surpris de voir l’intérêt que l’hindouisme a suscité dans beaucoup de milieux. C’est Romain Rolland qui a été le premier à présenter l’hindouisme avec ses livres sur Ramakrishna et Vivekananda, des livres remarquables, mais qui sont arrivés trop tôt et qui n’ont éveillé aucun intérêt nulle part. C’est Romain Rolland qui m’a montré qu’il y avait quelque chose de passionnant pour l’Occident dans les enseignements des grands sages de l’Inde et qui m’a demandé de prendre la suite. Mais je peux vous dire qu’au moment où j’ai commencé à écrire sur le sujet, je me suis heurté à une incompréhension totale : aucun éditeur n’a voulu prendre mon livre. Le cercle de ceux qui s’y intéressaient ne s’est élargi que très progressivement.
À mon avis, la raison pour laquelle beaucoup de gens s’intéressent à l’hindouisme actuellement, c’est que l’on est déçu de la conception du monde dans lequel nous vivons. En Occident, nous nous sommes appuyés sur deux piliers fondamentaux, la religion et la science. Pour toutes sortes de raisons, le nombre de gens qui fréquentent les églises ou les temples diminue continuellement, et ceux qui sont profondément religieux sont de moins en moins nombreux. Quant à la science, en laquelle nous avions mis toute notre confiance _ on pensait qu’elle allait nous assurer le bonheur et la paix _, on s’aperçoit qu’elle nous a apporté la bombe atomique et qu’elle est en train de nous apporter l’informatique.
En ce moment, la science et la religion ont perdu beaucoup de leur crédibilité aux yeux des gens. Alors on cherche autre chose, et particulièrement les jeunes. Ce peut être la drogue, l’hindouisme, le bouddhisme, le zen, les arts martiaux japonais, le communisme, etc. Et pour moi, la motivation des gens qui vont vers la drogue est exactement la même que celle des gens qui vont vers l’hindouisme. C’est un refus des valeurs que nous leur avons transmises.
Alors, ceux qui vont vers la drogue se cassent la figure assez vite, même si cela leur donne de grandes joies pendant un certain temps. L’hindouisme, y compris le Hatha-Yoga, donne moins de satisfaction pour commencer, mais progressivement les gens s’aperçoivent que cela leur donne quelque chose qui leur convient. Et puis naturellement il y a le goût de l’exotisme qui intervient et qui joue un rôle chez beaucoup de gens.

C’est peut-être pour cela qu’on ne parle pas beaucoup du Karma-Yoga, parce qu’il n’y a pas beaucoup d’exotisme là-dedans ?

Oui. Il n’y a pas de gens qui se mettent à propager le Karma-Yoga, à l’inverse du Hatha-Yoga par exemple. Mais je dois dire que, dans les conférences que je donne, ce Karma-Yoga passionne les gens, il provoque dans l’auditoire de nombreuses réactions, pour ou contre. Je fais suivre mes causeries de débats qui sont toujours extrêmement animés, et je sais que les gens continuent à en discuter ensuite entre eux ou à y réfléchir individuellement. Cela a un très gros impact, évidemment sur des petits groupes pour commencer. Mais je n’ai pas du tout l’intention de faire de la propagande ou de la publicité. Ce n’est pas mon genre.

Source: https://brunosourdin.blogspot.com/2014/12/fais-ce-que-dois-advienne-que-pourra.html

Découvrez le site internet de Bruno Sourdin, alliance esthétiquement parfaite de la forme et du fond:

https://brunosourdin.blogspot.com/

Voyez également:

Sri Aurobindo, poète unique de l'Inde profonde

https://brunosourdin.blogspot.com/2022/

Bruno Sourdin

Bruno Sourdin

Lire la suite
1 2 3 4 > >>