Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Fil d'Ariane d'un voyageur naturaliste

jean dorst

Entretien avec Vandana Shiva: Cultiver l'espérance face aux attaques sur le vivant (essentiel. news)

10 Août 2024 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Bharat, #Eau, #Ecologisme, #Environnement, #Inde, #Vandana Shiva, #Déforestation, #Nature, #Opération Réchauffement climatique, #Sciences, #Jean Dorst, #Rachel Carlson, #Judith Shapiro, #Guillaume Sainteny

La gageure à notre époque est de séparer le bon grain de la vérité de l'ivraie de la propagande. En matière d'environnement, cela consiste à différencier l'écologie (de éco: demeure et logos: intelligence, science, esprit, discours), qui est la science des habitats et des relations des espèces entre elles et avec leur habitat, de l'écologisme et de l'idéologie capitaliste (faussement "verte"), totalitaire et malthusienne du "Changement climatique". Depuis la naissance de la Terre, la climat n'a pas cessé de varier; ses variations sont en grande partie naturelles car dues à celles de l'activité solaire et de l'axe de la Terre. La déforestation et l'érosion, conséquences des activités humaines surtout depuis la période industrielle, influent aussi beaucoup sur le climat. Il faut donc faire la part de tous ces facteurs, en sachant que ce qui guide la politique mondiale n'est pas la recherche de la vérité et du bonheur de tous mais seulement le pouvoir et le profit d'une oligarchie parasitaire.

POC

Sur ce thème, consulter notamment:

Jean Dorst: Avant que nature meure.

Jean Dorst: La force du vivant

Rachel Carlson: Silent Spring

Judith Shapiro: Mao's War Against Nature

Guillaume Sainteny: Climat: l'arbre qui cache la forêt

Akira Miyawaki: The Healing Power of Forests: The Philosophy behind Restoring Earth's Balance with Native Trees

Sur ce blog, lire aussi:

Ella Maillart et l'"unité du monde"

https://pocombelles.over-blog.com/2019/10/ella-maillart-et-l-unite-du-monde.html

Capture d'écran des nouvelles rapides de Bloomberg

Capture d'écran des nouvelles rapides de Bloomberg

Lire la suite

(Radio communautaire de Tête-à-la-Baleine (Québec): Pierre-Olivier Combelles évoque l'Île du Petit-Mécatina, sur la Côte-Nord du Québec

6 Août 2024 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Canada, #John James Audubon, #Québec, #Labrador, #Pierre-Olivier Combelles, #Sciences, #Exploration, #Jean Dorst

(Radio communautaire de Tête-à-la-Baleine (Québec): Pierre-Olivier Combelles évoque l'Île du Petit-Mécatina, sur la Côte-Nord du Québec
(Radio communautaire de Tête-à-la-Baleine (Québec): Pierre-Olivier Combelles évoque l'Île du Petit-Mécatina, sur la Côte-Nord du Québec
A bord du voilier Chantauvent de mon expédition, je revisite en 1989  l'Île du Petit-Mécatina où le peintre d'oiseaux John James Audubon avait abordé en 1833.

A bord du voilier Chantauvent de mon expédition, je revisite en 1989 l'Île du Petit-Mécatina où le peintre d'oiseaux John James Audubon avait abordé en 1833.

De retour en 1990 au Havre du Petit-Mécatina. On aperçoit en bas à droite mon Zodiac Mark IV Grand Raid et ma tente rose.

De retour en 1990 au Havre du Petit-Mécatina. On aperçoit en bas à droite mon Zodiac Mark IV Grand Raid et ma tente rose.

Mon camp sur l'Île du Petit-Mécatina, au-dessus du Havre du Petit-Mécatina, en 1990.

Mon camp sur l'Île du Petit-Mécatina, au-dessus du Havre du Petit-Mécatina, en 1990.

Aster nemoralis sur l'île du Petit-Mécatina. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

Aster nemoralis sur l'île du Petit-Mécatina. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

Lire la suite

Jean Dorst: Les Oiseaux

26 Juillet 2024 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Ornithologie, #Jean Dorst, #France, #Sciences, #Muséum national d'histoire naturelle, #Nature

Jean Dorst: Les Oiseaux
Jean Dorst: Les Oiseaux
Jean Dorst: Les Oiseaux
Jean Dorst: Les Oiseaux

Ce livre de ma bibliothèque m'a été offert par mes parents lorsque j'avais 11 ou 12 ans, donc vers 1966 ou 1967. C'est mon premier guide d'ornithologie. J'y ai retrouvé mes annotations de cette époque, lorsque j'observais les mésanges huppées sur l'if de notre jardin à Versailles ou les huppes à l'île d'Oleron, pendant l'été 1968. A l'époque, comment me serais-je douté que des années plus tard, Jean Dorst (ornithologue, deux fois directeur du Muséum national d'Histoire naturelle, auteur du fameux ouvrage "Avant que Nature meure"), serait un jour mon président de thèse* au Muséum ?

P.O.C.

* Le voyage de John James Audubon au Labrador (1833) et sa contribution à l’Histoire naturelle de la Côte-Nord du Québec. Thèse de Diplôme d’Études Doctorales, Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, 1997, 225 p.

Le Profeseur Jean Dorst, ancien directeur du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, consultant le livre de J.J. Audubon "The Birds of America" à la Bibliothèque centrale du Muséum national d'Histoire naturelle.. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

Le Profeseur Jean Dorst, ancien directeur du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, consultant le livre de J.J. Audubon "The Birds of America" à la Bibliothèque centrale du Muséum national d'Histoire naturelle.. Photo: Pierre-Olivier Combelles.

(capture d'écran)

(capture d'écran)

Dans le Lubéron, un chemin forestier vient d'être goudronné pour faciliter l'accès des touristes. Jean Dorst explique l'impact écologique de l'ouverture de certaines zones naturelles au tourisme, "une perturbation biologique grave"...

Visionnez ici son interview dans les années 1960 (Archives INA):

https://www.facebook.com/Ina.fr/videos/jean-dorst-sur-les-perturbations-caus%C3%A9es-par-le-tourisme-1970/886121129416624/

Lire la suite

Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle

2 Juin 2024 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Botanique, #Forêt, #France, #Environnement, #Nature, #Roger Heim, #Muséum national d'histoire naturelle, #Jean Dorst, #Phormium tenax, #Lin de Nouvelle-Zélande, #Sciences, #Ecologisme, #Mexique, #Gordon Wasson

 

En déballant un carton de livres pour les ranger dans ma bibliothèque, j'ai retrouvé mon cher Un naturaliste autour du monde, de Roger Heim, auquel était attachée une copie de sa notice nécrologique par Jean Dorst (mon président de thèse au Muséum) avec un lien de Phormium tenax (harakeke en māori et iskhara en aymara), une plante à fibres du Pacifique que j'ai retrouvée en Bolivie.

Pierre-Olivier Combelles

Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle
(Acédémie des Sciences)

(Acédémie des Sciences)

Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle
Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle
Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle
Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle
Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle

Biographie de Roger Heim par la Société des Amis du Muséum:

https://amis-museum.fr/wp-content/uploads/2019/04/BIO-ROGER-HEIM.pdf

Notice nécrologique sur Roger Heim par Jean Dorst:

https://www.academie-sciences.fr/pdf/eloges/heim_cr1980.pdf

Hommage à Roger Heim par P. Martens

https://www.persee.fr/doc/barb_0001-4141_1980_num_66_1_63369

Les Champignons, un documentaire filmé avec Roger Heim, alors directeur du Muséum national d'Histoire naturelle (Archives INA)

https://www.dailymotion.com/video/x25b5ey

Entre écologie et écologisme : la protection de la nature au Muséum dans les années 1950

"Un même terme pour désigner indifféremment une science naturaliste ou un engagement social, c’est l’aboutissement d’une évolution politique et sociale à laquelle le Muséum aura largement contribué dès les années 50. C’est, en effet, au sortir de la Seconde Guerre mondiale que le mouvement s’amorce, l’imaginaire de l’exploration coloniale cédant la place à celui de protection de la nature, nouvelle « mission de l’Homme blanc ». La création au Muséum d’une chaire « d’écologie générale et de protection de la nature » témoigne de cette évolution, du souci de faire de la protection de la nature le support et le moteur d’un nouveau domaine scientifique. Généalogie d’un « écologisme » dénué « d’écologie » qui s’impose en 1970 mais dont le lignage est largement plus ancien et plus commun."
par Florian CHARVOLIN, Christophe BONNEUIL, Chargés de recherche au CNRS

https://www.annales.org/re/2007/re46/charvolin-bonneuil.pdf

"Seeking the magic mushrooms", par Gordon Wasson (LIFE MAGAZINE)

https://idoc.pub/documents/seeking-the-magic-mushroom-life-magazine-1957-dvlrg66xyj4z

Roger Heim et Gordon Wasson au Mexique. "Les archives Gordon Wasson, conservées précieusement à Harvard, répertorient, entre 1949 et 1979, 844 lettres de Roger Heim. La preuve, s’il en est, de leur longue amitié et de leur collaboration pendant trois décennies. Après le Mexique, ils voyagèrent ensemble en Nouvelle-Guinée et en Inde. En 1970, ils rédigèrent ensemble, Les Putka des Santals: champignons doués d’une âme. (Il s’agit entre autres de l’espèce Scleroderma bulla Heim)". (CF Dominique Guillet/Xochipelli)

Roger Heim et Gordon Wasson au Mexique. "Les archives Gordon Wasson, conservées précieusement à Harvard, répertorient, entre 1949 et 1979, 844 lettres de Roger Heim. La preuve, s’il en est, de leur longue amitié et de leur collaboration pendant trois décennies. Après le Mexique, ils voyagèrent ensemble en Nouvelle-Guinée et en Inde. En 1970, ils rédigèrent ensemble, Les Putka des Santals: champignons doués d’une âme. (Il s’agit entre autres de l’espèce Scleroderma bulla Heim)". (CF Dominique Guillet/Xochipelli)

Illustration de l'article de Gordon Wasson

Illustration de l'article de Gordon Wasson

Roger Heim ( † 1979)
Président de la Fondation Singer-Polignac de 1958 À 1976

"Le professeur Roger Heim nous a quittés le 17 septembre 1979. C’est avec beaucoup d’émotion que nous évoquons aujourd’hui sa haute figure de savant, d’érudit, d’administrateur. Roger Heim est né à Paris le 12 février 1900. Après des études secondaires au collège Chaptal, il se destinait à une carrière d’ingénieur. Il entra à l’École centrale des arts et manufactures en 1920, et fut reçu ingénieur en 1923. C’est à ce moment qu’une vocation irrésistible vint changer sa destinée. Il se tourna vers les sciences de la nature. Dès 1924, il était licencié ès sciences. En 1925, il devint l’assistant du professeur Louis Mangin au Muséum d’histoire naturelle où il prépara sa thèse de doctorat ès sciences, qu’il passa en 1931. Il est nommé sous-directeur du laboratoire de cryptogamie du Muséum en 1932, directeur de laboratoire à l’École des hautes études en 1940. Pendant la guerre de 1940-1945, Roger Heim s’engagea un des premiers dans la résistance active. Il fut arrêté en 1943 et déporté à Buchenwald puis à Mauthausen (Gusen) par les Allemands. Il connut pendant deux ans l’immense souffrance, la détresse insondable des déportés des camps de la mort.
Il publia des souvenirs de ce monde inhumain, insoutenable, où se commettaient quotidiennement des crimes inexpiables, perpétrés par des êtres revenus à l’état de bêtes sauvages. Dans la Sombre Route il insistait sur la responsabilité d’un peuple fanatisé ou terrorisé, qui n’eut pas un seul sursaut, un seul mouvement de pitié, d’humanité. Sans doute ces impressions d’une sensibilité à vif paraissent-elles dures aujourd’hui à l’égard d’un peuple qui a laissé commettre de telles abominations. Roger Heim ne faisait qu’exprimer la réprobation et l’horreur du monde civilisé, il mettait en garde nos contemporains, les survivants, les descendants du génocide, contre le retour de telles exactions. Roger Heim fut une victime, en même temps qu’un témoin des atrocités nazies. Il nous crie encore: « Pardonnez, si vous le pouvez, mais n’oubliez pas. »
Sauvé presque miraculeusement des camps de la mort grâce à sa résistance physique et morale, le professeur Roger Heim reprend, après la guerre, son activité scientifique. Elle sera de haute tenue ; des découvertes retentissantes ne tarderont pas à couronner son effort. Elles ont trait, pour la plupart, à la mycologie (anatomie, biologie, reproduction, classification et phylogénie des champignons, maladies des plantes). Sa connaissance approfondie de ces sujets l’oriente dans une direction qu’il n’abandonnera plus et où il ira de découverte en découverte: ce sont les champignons hallucinogènes. Il a étudié leurs caractères anatomiques, systématiques (ce sont principalement des agaricinées), leur structure chimique, leurs propriétés physiologiques. Il a étudié sur lui-même, avec la plus grande pénétration et un véritable courage, les effets psychiques et physiques de ces champignons. Il a montré ce qu’on pouvait en attendre en bien comme en mal, c’est-à-dire les effets nuisibles sur le système nerveux et le psychisme, mais aussi les effets bienfaisants (hypnotiques, antalgiques) qu’ils peuvent entraîner, s’ils sont administrés avec modération et précision.
Le professeur Heim, l’un des premiers, a donné l’alerte à la pollution, à l’épuisement du monde vivant, au massacre des animaux en voie de disparition, des animaux en général, à l’exploitation abusive des végétaux actuels ou fossiles. Il a publié sur ces sujets des livres de prémonition, qui étaient alors en avance sur leur temps, que l’actualité a largement rejoints et dépassés. La protection de la nature, l’environnement ont été son souci constant; il l’a exprimé dans de nombreux écrits, tels l’Angoisse de l’an 2000, dans de nombreux discours, rapports ou conférences et dans un film intitulé Nature morte. Ces œuvres, qui paraissaient pessimistes et quelque peu excessives au moment où elles ont paru, se sont révélées - malheureusement - l’exact reflet de la réalité actuelle. Un autre film, ayant pour sujet les champignons hallucinogènes, a été tourné par lui.
Notre président honoraire n’était pas seulement un homme de cabinet, il était l’homme des récoltes sur le terrain, et l’homme des grands voyages (Pacifique Sud, Indochine, Inde, Madagascar, Afrique noire). Il exerça de hautes fonctions et reçut de nombreux honneurs: directeur du Muséum d’histoire naturelle de 1951 à 1965, il fut membre de l’Académie des sciences depuis 1946, de l’Académie d’agriculture, de l’Académie des sciences coloniales et de l’Académie des sciences d’outre-mer; il fut président de ces Académies. Il était grand officier de la Légion d’honneur, titulaire de la croix de guerre (1939-1945), de la médaille de la Résistance, de la médaille des Déportés, et de nombreuses autres décorations et dignités françaises et étrangères.
Il défendait, en toutes circonstances, le maintien du français dans le langage scientifique; il faisait campagne pour la sauvegarde de notre langue; il prêchait l’exemple dans ses écrits et ses discours*. Ses allocutions aux soirées de la fondation Singer-Polignac étaient des modèles de style et de goût artistique. Le professeur Roger Heim a été président de notre Fondation après la mort d’Edmond Faral, de 1958 à 1976. C’est pendant cette période qu’il fit édifier et inaugura, à Tahiti, le musée Gauguin qui s’élève au milieu d’une éclatante végétation tropicale, cadre bien digne de célébrer la mémoire du grand peintre français, et qui attire chaque année des dizaines de milliers de visiteurs."


Étienne Wolff (†), de l’Académie française


*Voir à ce sujet « La langue française et la science » dans la plaquette Cinq Propos sur la langue française, consacrée à des conférences prononcées par cinq auteurs différents, sous les auspices de la fondation Singer-Polignac.

Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle

"Le professeur Heim (1900-1979), l’un des premiers, a donné l’alerte à la pollution, à l’épuisement du monde vivant, au massacre des animaux en voie de disparition, des animaux en général, à l’exploitation abusive des végétaux actuels ou fossiles. Il a publié sur ces sujets des livres de prémonition, qui étaient alors en avance sur leur temps, que l’actualité a largement rejoints et dépassés. La protection de la nature, l’environnement ont été son souci constant; il l’a exprimé dans de nombreux écrits, tels “l’Angoisse de l’an 2000”, dans de nombreux discours, rapports ou conférences et dans un film intitulé “Nature morte”. Ces œuvres, qui paraissaient pessimistes et quelque peu excessives au moment où elles ont paru, se sont révélées – malheureusement – l’exact reflet de la réalité actuelle. Un autre film, ayant pour sujet les champignons hallucinogènes, a été tourné par lui..." (Etienne Wolff, de l’Académie française) — Entré dans la Résistance en 1942, Roger Heim (1900-1979) fut dénoncé et déporté. Ayant survécu, libéré en 1945, il fut nommé professeur, puis entra à l'académie des Sciences en 1946. Plus tard, il présida l'amicale de Mauthausen. En 1948, il est nommé président de la Société Botanique de France. Il dirige durant de nombreuses années la collection "les grands naturalistes français". Roger Heim est l'un des fondateurs, en 1948, de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources), dont il fut le président de 1954 à 1958. Son livre de 1973, "L'angoisse de l'an 2000", témoigne de son engagement. C'est Roger Heim qui rédigea l'introduction de la traduction française du célèbre ouvrage de Rachel Carson "Silent Spring" paru en 1962, "le Printemps Silencieux" (non réédité depuis 1972)*, le premier ouvrage à dénoncer l'emprise de la mafia de la chimie agricole et des pesticides. Il y écrivit: « On arrête les “gangsters”, on tire sur les auteurs des “hold-up”, on guillotine les assassins, on fusille les despotes – ou prétendus tels – mais qui mettra en prison les empoisonneurs publics instillant chaque jour les produits que la chimie de synthèse livre à leurs profits et à leurs imprudences ? »... C'était un mycologue éminent qui publia de très nombreux ouvrages et entre autres: “Les champignons toxiques et hallucinogènes du Mexique”, “Termites et Champignons”, “Les Champignons d'Europe”, “Les champignons toxiques et hallucinogènes” et “L'Angoisse de l'an 2000”. ‎

* NDLR: https://docplayer.fr/3812937-Printemps-silencieux-rachel-carson.html

Silent Spring en anglais PDF: https://ia902801.us.archive.org/13/items/fp_Silent_Spring-Rachel_Carson-1962/Silent_Spring-Rachel_Carson-1962.pdf

Rachel Carlson a dédié son ouvrage à Albert Schweitzer: "A Albert Schweitzer qui a dit "L'homme a perdu la capacité de prévoir et de prévenir. Il finira en détruisant la terre."

Roger Heim (1900-1979): Naturaliste, humaniste, résistant, directeur du Muséum national d'Histoire naturelle

"Ce livre est un manifeste, l’un des premiers, pour défendre et protéger la nature. En 1952, Roger Heim (1900-1979), directeur du Muséum national d’Histoire naturelle, cherche à sensibiliser le public à la fragilité de la vie, à la dégradation des milieux, et au désordre des relations entre les hommes et la planète.
En dix-neuf chapitres, le naturaliste traite aussi bien de la disparition de la grue criarde, des effets des pulvérisations de DDT, que de l’action des lobbies agricoles en Camargue. Fort de ses compétences en chimie, il explique les ravages en cours, notamment sur les insectes pollinisateurs. Et dénonce une « fausse » science inféodée aux intérêts économiques.
Si l’on mesure, à sa lecture, combien des débats déjà brûlants dans la France des années 1950 restent d’actualité, cette œuvre offre surtout une formidable initiation à ce qu’est le monde vivant et à ses subtils équilibres."

https://www.cnrseditions.fr/catalogue/ecologie-environnement-sciences-de-la-terre/destruction-et-protection-de-la-nature/

Roger Heim au Mexique

Roger Heim au Mexique

Roger Heim et la forêt

(...)

«Les agents naturels de destruction ne suffisent plus à digérer les résidus de la civilisation technique. Inexorablement, les déchets distillent leurs poisons, stérilisent les terres, les airs, les mers et les fleuves. Déforestation, érosion, désertification, pollution et logiquement désertion10

«… Les Etats-Unis nous en livrent un exemple. Après les exterminations massives et en grande partie irréversibles qui ont saccagé ce pays au XIXe siècle – l’anéantissement des Indiens et de leurs civilisations, celui de nombreuses espèces animales, des bisons entre autres, la ruine des terres – après et avant le chancre de l’érosion et la pollution grandissante….»29

« Vous avez été saisi par la mystique de la forêt comme d’autres le sont de l’océan ou de la montagne ou même du désert. Chaque homme découvre le biotope de ses préférences, son asile en quelque sorte. Et la forêt, c’est l’arbre. Pour les Arabes, il est l’ennemi;31 et pour le Nordique, le décor… Ces forêts anciennes, notamment Africaines, vous aurez été en effet l’un des derniers sans doute à les avoir connues dans le détail. Nous savons qu’un jour viendra, peut-être peu éloigné, où il ne restera rien de tout cela. J’entends que dans peu, très peu de décennies, il n’y aura plus de grandes forêts en Afrique. Les Noirs et les puissantes compagnies européennes et américaines s’affairent actuellement à dévaster selon des coupes à blanc ce qu’il en reste. L’Afrique est mal partie, et vous le savez bien, pour cette raison avant toute autre. Ce qui demeure aussi inquiétant à nos yeux, ici même, c’est que le devenir des sciences de la Nature va de pair avec l’avenir de la Nature elle-même. Les pouvoirs publics en porteront la responsabilité essentielle; ils suivent le flot au lieu de le remonter. Une bonne partie des hommes s’habitue aux déserts et s’entend d’ailleurs fort bien pour les édifier.»30

Roger Heim annonce ainsi la disparition totale des grandes forêts et leur évocation future par des maquettes en plastique!

«En ce temps qui viendra, où tout sera calculé selon les normes des ordinateurs, ces rescapés de votre domaine et de vos enseignements écrits sauront donner aux archivistes de l’ère martienne les indications qui permettront de refaire aussi exactement que possible, selon des procédés rapides et à échelle réduite, les forêts de l’antique Amazone, de l’ancien Oubangui, du lointain Cambodge telles que André Aubreville les avait parcourues et décrites. Mais, cette fois, ce sera en matière plastique, bien entendu.»30

(...)

Roger Heim: L'angoisse de l'an 2000 (1973)

https://xochipelli.fr/2015/11/hommage-a-roger-heim-lecologiste-le-mycologue-le-psychonaute/

Lire la suite

Exceptionnel entretien avec Jean Dorst (1965) lors de la parution de son livre "Avant que nature meure" (Pierre Ichac/INA)

2 Février 2020 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #Jean Dorst, #France, #Muséum national d'histoire naturelle, #Nature, #Philosophie, #Sciences

Jean Dorst consultant "Les Oiseaux d'Amérique" de John James Audubon à la Bibliothèque centrale du Muséum, à Paris. L'oiseau représenté est le Gerfaut en phase sombre, nommé "Faucon du Labrador" par Audubon lors de son voyage en 1833. Photo: Pierre-Olivier Combelles (1989).

Jean Dorst consultant "Les Oiseaux d'Amérique" de John James Audubon à la Bibliothèque centrale du Muséum, à Paris. L'oiseau représenté est le Gerfaut en phase sombre, nommé "Faucon du Labrador" par Audubon lors de son voyage en 1833. Photo: Pierre-Olivier Combelles (1989).

Dans cet entretien (1965) d'une dizaine de minutes avec Pierre Ichac et après des paroles de Roger Heim, l'éminent ornithologue et naturaliste français Jean Dorst résume son célèbre ouvrage "Avant que nature meure". Tout ce qu'il dit ici avec une rigueur et une clarté parfaites est prophétique.

J'ai eu le grand honneur de rencontrer Jean Dorst (1924-2001) en 1989 lorsqu'il dirigeait le laboratoire Mammifères-Oiseaux du Muséum national d'Histoire naturelle, Muséum dont il avait été deux fois le directeur. Il fut ensuite le Président de ma thèse au Muséum sur "Le Voyage de John James Audubon au Labrador (1833) et sa contribution à l'histoire naturelle de la Côte-Nord du Québec" (1997) et devint ensuite un ami. Il me considérait comme son "fils spirituel". Jean Dorst a été non seulement un grand savant naturaliste, mais aussi un grand humaniste.

P.-O.C.

Ecoutez l'entretien ici dans les archives de l.N.A.:

https://www.ina.fr/audio/PHD94029036

"Magazine de Pierre ICHAC. Aujourd'hui, les conséquences nocives du progrès sur la Nature à l'occasion de la sortie du livre de Jean DORST "Avant que nature meure ". Avec Jean DORST, auteur de l'ouvrage, vice-président de L'Union Internationale de Conservation de la Nature, et professeur de Zoologie au muséum d'Histoire Naturelle et le Professeur Roger HEIM, directeur du Muséum National d'Histoire Naturelle, auteur de la préface. - A 1'47 : Roger HEIM présente ce livre qu'il qualifie de "grand livre". Pour lui nous sommes à l'aube de cette prédiction dramatique. Il espère que ce livre permettra de stopper ce "naufrage de la nature". Enumère les problèmes posés par ce livre : surpopulation, destruction de la biodiversité, abus des produits chimiques, conservation des sols. - A 3'12 : Jean DORST explique ce qui l'a amené à écrire cet ouvrage. Tout d'abord la constatation de la dévastation de la nature à travers son expérience personnelle : la régression des espèces animales ou végétales. Le problème des habitats inadaptés aux besoins, de la surpopulation, de la pénurie alimentaire. Globalement c'est le problème de la conservation des ressources naturelles et de leur exploitation rationnelle. La nécessité de préserver l'équilibre naturel. Evoque le déséquilibre profond du psychisme humain comme responsable du non respect des lois naturelles. - A 4'52 : Jean DORST donne des exemples concrets de problèmes : usure des sols, de l'abus des produits chimiques contre les insectes, danger de leur accumulation dans les sols, pollutions diverses et traitement des déchets (risques de cancers). - A 9'20 : Conclusion de Pierre ICHAC (citation d'une phrase de Jean DORST) dépendance de l'homme à son milieu. Homme et création forment un tout." (Source du texte: I.N.A.).

Sur le même sujet et sur le même blog:

http://pocombelles.over-blog.com/2013/10/jean-dorst-avant-que-nature-ne-meure-1965.html

http://pocombelles.over-blog.com/2014/02/jean-dorst-avant-que-nature-meure.html

Biographie de Jean Dorst sur Wikipedia:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Dorst

Exceptionnel entretien avec Jean Dorst (1965) lors de la parution de son livre "Avant que nature meure" (Pierre Ichac/INA)
Exceptionnel entretien avec Jean Dorst (1965) lors de la parution de son livre "Avant que nature meure" (Pierre Ichac/INA)
Un exemple de l'humanisme et de la grande ouverture d'intelligence et de culture de Jean Dorst: sa présentation, entre un texte d'André Malraux et un autre de Pierre Guerre (Directeur de la Fondation Saint-john Perse), pour le catalogue de l'exposition "Les oiseaux et l'oeuvre de Saint-John Perse"  (Aix-en-Provence 1976 - Paris 1977). Collection Pierre-Olivier Combelles.

Un exemple de l'humanisme et de la grande ouverture d'intelligence et de culture de Jean Dorst: sa présentation, entre un texte d'André Malraux et un autre de Pierre Guerre (Directeur de la Fondation Saint-john Perse), pour le catalogue de l'exposition "Les oiseaux et l'oeuvre de Saint-John Perse" (Aix-en-Provence 1976 - Paris 1977). Collection Pierre-Olivier Combelles.

Lire la suite

Jean Dorst: Avant que nature meure

13 Février 2014 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #Jean Dorst, #Muséum national d'histoire naturelle, #Nature, #Philosophie, #Sciences

Jean Dorst consultant l'ouvrage de John James Audubon, "The Birds of America" à la Bibliothèque centrale du Muséum national d'Histoire naturelle, à Paris (1989)

Photo: Pierre-Olivier Combelles

Magazine de Pierre ichac (22 mai 1965). Document audio de l'INA:

http://www.ina.fr/audio/PHD94029036

"Magazine de Pierre ICHAC. Aujourd'hui, les conséquences nocives du progrès sur la Nature à l'occasion de la sortie du livre de Jean DORST "Avant que nature meure". Avec Jean DORST, auteur de l'ouvrage, vice-président de l'Union Internationale de Conservation de la Nature, et professeur de Zoologie au muséum d'Histoire Naturelle et le Professeur Roger HEIM, directeur du Muséum National d'Histoire Naturelle, auteur de la préface. - A 1'47 : Roger HEIM présente ce livre qu'il qualifie de "grand livre". Pour lui nous sommes à l'aube de cette prédiction dramatique. Il espère que ce livre permettra de stopper ce "naufrage de la nature". Enumère les problèmes posés par ce livre : surpopulation, destruction de la biodiversité, abus des produits chimiques, conservation des sols. - A 3'12 : Jean DORST explique ce qui l'a amené à écrire cet ouvrage. Tout d'abord la constatation de la dévastation de la nature à travers son expérience personnelle : la régression des espèces animales ou végétales. Le problème des habitats inadaptés aux besoins, de la surpopulation, de la pénurie alimentaire. Globalement c'est le problème de la conservation des ressources naturelles et de leur exploitation rationnelle. La nécessité de préserver l'équilibre naturel. Evoque le déséquilibre profond du psychisme humain comme responsable du non respect des lois naturelles. - A 4'52 : Jean DORST donne des exemples concrets de problèmes : usure des sols, de l'abus des produits chimiques contre les insectes, danger de leur accumulation dans les sols, pollutions diverses et traitement des déchets (risques de cancers). - A 9'20 : Conclusion de Pierre ICHAC (citation d'une phrase de Jean DORST) dépendance de l'homme à son milieu. Homme et création forment un tout."

La philosophie de Jean Dorst, par Serge Clavero: http://dtwin.org/WordDD/2012/07/24/la-philosophie-de-jean-dorts/

Remarquable article qui contient un long extrait en PDF du livre La force du vivant (1979) de Jean Dorst.

Jean Dorst: Avant que nature meure
Lire la suite

Jean Dorst: Avant que Nature meure (1965)

15 Octobre 2013 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles Publié dans #France, #Nature, #Jean Dorst, #Philosophie, #Sciences

Jean Dorst: Avant que Nature meure (1965)

Extraits:

1/4) Le déséquilibre du monde moderne (Avant-propos, le 23 mars 1964)

Si l’on envisage l’histoire du globe, l’apparition de l’homme prend aux yeux des biologistes la même signification que les grands cataclysmes à l’échelle du temps géologique. A l’époque contemporaine la situation atteint un niveau de gravité inégalé. Tous les phénomènes auxquels l’homme est mêlé se déroulent à une vitesse accélérée et à un rythme qui les rend presque incontrôlables. L’homme dilapide d’un cœur léger les ressources non renouvelables, ce qui risque de provoquer la ruine de la civilisation actuelle. Les ressources renouvelables, celles que nous tirons du monde vivant, sont gaspillées avec une prodigalité déconcertante, ce qui est encore plus grave : l’homme peut se passer de tout, sauf de manger. Il manifeste un véritable culte à l’égard de la technique que nous croyons dorénavant capable de résoudre tous nos problèmes sans le secours du milieu dans lequel ont vécu des générations nombreuses. Beaucoup de nos contemporains estiment de ce fait qu’ils sont en droit de couper les ponts avec le passé. Le vieux pacte qui unissait l’homme à la nature a été brisé. Nous sommes néanmoins en droit de nous interroger sur la valeur universelle d’une civilisation technique appliquant aux esprits et à la matière des lois dont le bien-fondé n’a été vérifié que dans des cas particuliers.

Il est d’ailleurs symptomatique de constater que l’homme dépense de plus en plus de son énergie et de ses ressources pour se protéger contre ses propres activités et contre leurs effets pernicieux, à se protéger contre lui-même au fond ; l’Homo sapiens a besoin d’être protégé contre l’Homo faber. L’homme doit respecter un certain équilibre et se soumettre à certaines lois écologiques qui font véritablement partie de la constitution de la matière vivante elle-même.

2/4) L’homme contre la nature

Une large partie du globe demeurait pratiquement intacte à l’époque des grandes découvertes. L’équilibre primitif se trouve compromis dès que l’homme dispose de moyens techniques quelques peu perfectionnée et dès que la densité de ses populations dépasse un certain seuil. Au cours de l’expansion accélérée des peuples européens à travers le globe, des vagues d’hommes se succédèrent à la conquête des richesses mondiales, exploitant à outrance les terres demeurées vierges ou presque. Si la destruction quasi totale du bison est sans nul doute l’épisode le plus tragique de toute l’histoire des rapports de l’homme avec la faune dans le Nouveau Monde, elle ne fut hélas pas la seule.

La survie et la prospérité de l’ensemble des communautés biotiques terrestres dépendent en définitive de la mince strate qui forme la couche la plus superficielle des terres. Il existe une érosion accélérée consécutive à une mauvaise gestion du sol dont l’homme est l’unique responsable. La morphogenèse anthropique affecte gravement la fertilité par perte de substances et par transformation de la structure physique, chimique et biologique des sols. L’homme a même empiété sur des terres marginales, sans vocation agricole, et dont l’équilibre ne peut être assuré que par le maintien des biocénoses naturelles. Il y a eu déboisement, perturbations dans le régime des fleuves, destruction des habitats aquatiques, abus des insecticides, déchets de la civilisation technique à l’assaut de la planète, pollution des mers et de l’atmosphère, pollution radioactive, pillage des ressources des mers…

Même si l’homme décide de suivre aveuglément les bergers modernes, il a le devoir de prendre une assurance et de ne pas rompre tous les liens avec le milieu dans lequel il est né. Il faut chasser de notre  esprit les concepts selon lesquels la seule manière de tirer profit de la surface du globe est une transformation complète des habitats et le remplacement des espèces sauvages par quelques végétaux et animaux domestiques. La conservation de la nature sauvage doit être défendue par d’autres arguments que la raison et notre intérêt immédiat. Un homme indigne de la condition humaine n’a pas à envisager uniquement le côté utilitariste des choses.

3/4) L’explosion démographique du XXe siècle

Le Seigneur a dit : « croissez et multipliez… » - Oui, mais il n’a pas dit par combien ! L’humanité a réussi à se débarrasser de la plupart des freins à sa prolifération. La poussée démographique, tempête qui modifie entièrement l’équilibre des forces et qui menace nos moyens même de subsistance, dépasse tous les autres problèmes qui paraissent de ce fait mineurs. Comme le souligne un rapport des Nations unies (1958), si le rythme actuel d’accroissement se poursuivait encore pendant 600 ans « le nombre des êtres humains serait tel que chacun d’aurait plus qu’un mètre carré à sa disposition. » Il faut reconnaître qu’en dépit de quelques erreurs, provenant notamment du développement du machinisme qu’il n’avait pas prévu, Malthus (Essay on the Principle of Population, 1798) avait raison. Pour le naturaliste, l’accroissement actuel des populations humaines a les caractères d’une véritable pullulation. Etres humains doués de raison, proportionnant leur expansion aux moyens de subsistance, ou créatures proliférantes, dégradant leur propre habitat, il nous appartient de choisir ce que nous voulons être.

Nous sommes parfaitement conscients du fait que les rendements agricoles ont été considérablement augmentés depuis les premières ères de l’humanité. Mais il faut tenir compte du fait que les difficultés de répartition des denrées entre les différentes fractions de population ne disparaîtront pas facilement, sans doute même jamais. S’il n’y a qu’un monde à beaucoup de points de vue, notamment celui du biologiste, il y en a plusieurs sur le plan économique. Aussi est-il sage que chacune des fractions de l’humanité proportionne son expansion démographique à ses ressources propres.

L’extension des villes se fait souvent au détriment d’excellentes terres agricoles. Aucune des grandes agglomérations ne peut, et ne pourra jamais plus constituer une communauté humaine. La vie des citadins est devenue une vie en commun, puis une existence concentrationnaire. Les hommes ont dorénavant à choisir entre un encasernement dans des « boîtes à loger » ou l’hébergement dans de petites maisons individuelles implantées de plus en plus loin de leur lieu de travail. L’énergie dilapidée en pure perte dépasse toute évaluation. Même si l’homme arrive à se sustenter, les problèmes psychologiques posés par son grouillement demeureront entiers. Le bien-être matériel de l’humanité, mais aussi sa dignité et sa culture, sont compromis dans leurs fondements.

Un premier moyen de régulation est l’émigration. Or cela n’est plus guère possible à l’heure actuelle car toute la planète est strictement compartimentée et coupée de barrière. Un deuxième procédé est l’augmentation du taux de mortalité. Certaines sociétés primitives éliminent les vieillards, tandis que d’autres préconisent l’infanticide. C’est impossible à envisager dans le cas de l’humanité évoluée. Le troisième procédé consiste à une diminution du taux de natalité. Aucune religion, aucune morale et aucun préjugé ne doivent nous en empêcher. Le jour où les peuples se jetteront les uns contre les autres, poussés par des motifs en définitive écologiques, cela serait-il plus hautement moral que d’avoir maintenu les populations humaines en harmonie avec leur milieu ?

4/4) Vers une réconciliation de l’homme et de la planète

Une confiance aveugle en notre technicité nous a poussés à détruire volontairement tout ce qui est encore sauvage dans le monde, et à convertir tous les hommes au même culte de la mécanique. Notre ambition est de faire des Pygmées et des Papous des adeptes de notre civilisation « occidentale », convaincus que la seule manière de concevoir la vie est celle des habitants de Chicago, de Moscou ou de Paris. Les historiens du futur décriront peut-être la civilisation technique du XXe siècle comme un cancer monstrueux qui a failli entraîner l’humanité à sa perte totale. L’homme est apparu comme un ver dans un fruit, comme une mite dans une balle de laine, il a rongé son habitat en sécrétant des théories pour justifier son action.

Certains philosophes ne craignent pas d’affirmer que l’humanité fait fausse route. S’il ne nous appartient pas de les suivre, nous pouvons néanmoins affirmer avec tous les biologistes que l’homme a fait une erreur capitale en croyant pouvoir s’isoler de la nature et ne plus respecter certaines lois de portée générale. Il y a depuis longtemps divorce entre l’homme et son milieu. Il convient, même si cela coûte à notre orgueil, de signer un nouveau pacte avec la nature nous permettant de vivre en harmonie avec elle. Quelle que soit la position métaphysique adoptée et la place accordée à l’espèce humaine, l’homme n’a pas le droit de détruire les autres espèces.

Il faut avant tout que l’homme se persuade qu’il n’a pas le droit moral de mener une espèce animale ou végétale à son extinction, sous prétexte qu’elle ne sert à rien. Nous n’avons pas le droit d’exterminer ce que nous n’avons pas créé. Un humble végétal, un insecte minuscule, contiennent plus de splendeurs et de mystères que la plus merveilleuse de nos constructions. Le Parthénon ne sert à rien, Notre-Dame de Paris est complément inutile, en tout cas mal placé. On demeure confondu devant la négligence des technocrates qui laissent subsister des monuments aussi désuets et anachroniques alors qu’on pourrait faciliter la circulation et aménager des parkings. L’homme pourrait refaire dix fois le Parthénon, mais il ne pourra jamais recréer un seul canyon, façonné par des millénaires d’érosion patiente, ou reconstituer les innombrables animaux des savanes africaines, issues d’une évolution qui a déroulé ses méandres sinueux au cours de millions d’années, avant que l’homme ne commence à poindre dans un obscur phylum de Primates minuscules.

La nature ne sera en définitive sauvée que par notre cœur.

 

Jean Dorst

Avant que Nature meure, Pour que Nature vive. Réédition par Robert Barbault. Hommage d'Yves Coppens (Delachaux et Niestlé/Muséum national d'Histoire naturelle)

 

Jean Dorst (1924-2001), ornithologue, naturaliste et écologue, ancien Directeur du Muséum national d'Histoire naturelle puis du Laboratoire Mammifères-Oiseaux du Muséum, membre de l'Institut, devant le fameux ouvrage "The Birds of America" de John James Audubon, à la Bibliothèque centrale du Muséum. Capture d'écran du film "Grandeur Nature" de l'expédition en voilier de Pierre-Olivier Combelles dans le sillage de J.J. Audubon sur la Côte-Nord du Québec en 1989. Jean Dorst présida la soutenance du Diplôme d'Etudes Doctorales de Pierre-Olivier Combelles sur "Le Voyage de John James Audubon au Labrador en 1833 et sa contribution à l'histoire naturelle de la Côte-Nord du Québec" en 1997, au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris.

Lire la suite