De la distinction attachée aux emplois, par Joseph de Maistre
3 Avril 2009 , Rédigé par Pierre-Olivier Combelles
"On peut voir dans les provinces qui obéissent à des républiques, que les emplois (si l'on excepte ceux qui sont réservés aux membres du souverain) élèvent très-peu
les hommes aux yeux de leurs semblables, et ne signifient presque rien dans l'opinion; car la république, par sa nature, est le gouvernement qui donne le plus de droits au plus petit nombre
d'hommes qu'on appelle le souverain, et qui en ôte le plus à tous les autres qu'on appelle les sujets.
Plus la république approchera de la démocratie pure, et plus l'observation sera frappante.
Qu'on se rappelle cette foule innombrable d'emplois (en faisant même abstraction de toutes les places abusives) que l'ancien gouvernement de France présentait à l'ambition universelle. Le clergé
séculier et régulier, l'épée, la robe, les finances, l'administration, etc., que de portes ouvertes à tous les talents et à tous les genres d'ambition! Quelles gradations incalculables de
distinctions personnelles! De ce nombre infini de places, aucune n'était mise par le droit au-dessus des prétentions du simple citoyen (1) : il y en avait même une quantité énorme qui étaient des
propriétés précieuses, qui faisaient réellement du propriétaire un notable, et qui n'appartenaient exclusivement qu'au tiers-état.
Que les premières places fussent de plus difficile abord au simple citoyen, c'était une chose très-raisonnable. Il y a trop de mouvement dans l'état, et pas assez de subordination, lorsque
tous peuvent prétendre à tout. L'ordre exige qu'en général les emplois soient gradués comme l'état des citoyens, et que les talents, et quelquefois même la simple protection,
abaissent les barrières qui séparent les différentes classes. De cette manière, il y a émulation sans humiliation, et un mouvement sans destruction; la distinction attachée à un emploi n'est même
produite, comme le mot dit, que par la difficulté plus ou moins grande d'y parvenir.
Si l'on objecte que ces distinctions sont mauvaises, on change l'état de la question; mais je dis: Si vos emplois n'élèvent point ceux qui les possèdent, ne vous vantez pas de les donner à tout
le monde; car vous ne donnerez rien. Si, au contraire, les emplois sont et doivent être des distinctions, je répète ce qu'aucun homme de bonne foi ne pourra me nier, que la monarchie est le
gouvernement qui, par les seules charges, et indépendamment de la noblesse, distingue un plus grand nombre d'hommes du reste de leurs concitoyens.
Il ne faut pas être la dupe, d'ailleurs, de cette égalité idéale qui n'est que dans les mots. Le soldat qui a le privilège de parler à son officier avec un ton grossièrement familier, n'est pas
pour cela son égal. L'aristocratie des places, qu'on ne pouvait apercevoir d'abord dans le bouleversement général, commence à se former; la noblesse elle-même reprend son indestructible
influence. Les troupes de terre et de mer sont déjà commandées en partie par des gentilshommes, ou par des élèves que l'ancien régime avaient ennoblis en les agrégeant à une profession noble. La
république a même obtenu par eux ses plus grands succès. Si la délicatesse, peut-être malheureuse, de la noblesse française ne l'avait pas écartée de la France, elle commanderait déjà partout, et
c'est une chose assez commune d'y entendre dire: Que si la noblesse avait voulu, on lui aurait donné tous les emplois. Certes, au moment où j'écris (4 janvier 1797) la république voudrait
bien avoir sur ses vaisseaux les nobles qu'elle a fait massacrer à Quiberon.
Le peuple, ou la masse des citoyens, n'a donc rien à perdre; et, au contraire, il a tout à gagner au rétablissement de la monarchie, qui ramènera une foule de distinctions réelles, lucratives et
même héréditaires, à la place des emplois passagers et sans dignité que donne la république.
Je n'ai point insisté sur les émoluments attachés aux places, puisqu'il est notoire que la république ne paye point ou paye mal. Elle n'a produit que des fortunes
scandaleuses: le vice seul s'est enrichi à son service."
(1) La fameuse loi qui excluait le tiers-état du service militaire, ne pouvait être exécutée; c'était simplement une gaucherie ministérielle, dont la passion a parlé comme d'une loi
fondamentale.
Joseph de Maistre, Considérations sur la France
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